31.10.04

Moustique voyageur

Sitôt que la clarté d’une maison m’attire,
Je vole prestement jusqu’au nid pourvoyeur
De chair tiède où frémit le nectar enchanteur
Dont le parfum ravit ma trompe de vampire.

Dans la ville agitée, je bâtis mon empire
En dévorant le corps d’appétissants flâneurs,
Avant d’aller piquer de stupides dormeurs
Qui se lèvent d’un bond, décidés à m’occire.

Sur le quai du métro, je traque avec ardeur
Une foule serrée de masques en sueur,
Dont mes taquineries effacent le sourire.

Dans les foyers cossus, je pénètre en douceur,
Afin de prélever le sang que je désire
Sur des bourgeois douillets, zélés à me maudire.

Nuit sans escale

Je m’avance dans la spirale
De mon avenir ténébreux,
Que hantent les spectres affreux
De ma solitude abyssale.

Tandis que le chant des cigales
Se change en sabbat douloureux,
Je me laisse entraîner au creux
D’une tristesse terminale.

Étouffée sous un ciel cireux,
Bardé de nuages nombreux,
J’attends que le néant m’avale.

Sitôt qu’un éclair coléreux
Carbonise mon encéphale,
J’aborde à la nuit sans escale.

30.10.04

Insomnie sournoise

Quand l’insomnie sournoise effrite mon esprit
En affreuses visions imprégnées de violence,
Qui me laissent fourbue au bord de la démence,
J’offre à l’aube glacée mon visage flétri.

Dans le silence amer de la rue qu’assombrit
Le ballet des zombis pétris de malveillance,
Se trament les filets de ma tristesse immense,
Sinistrement scellée par les immeubles gris.

Pendant que le démon mène une atroce danse
Dans mon cerveau rongé par les crocs du silence,
Je regarde trembler mon corps endolori.

Dès qu’un soleil joyeux calcine mes souffrances
En attirant ma vue sur le jardin fleuri,
Je vais cueillir dehors l’espoir qui me sourit.

Cheval mort

À l’aube, mon brave animal
S’est affaissé dans les feuillages
Qui revêtent le paysage
D’un soyeux manteau automnal.

Sourd au concerto matinal
Des rossignols du voisinage,
Il est parti dans les nuages,
Berceau de son sommeil final.

Je garde en mon esprit l’image
De nos cavalcades sauvages,
Au gré de son galop royal.

Chaque fois qu’un violent orage
Brise le calme végétal,
J’entends hennir mon fier cheval.

29.10.04

Trêve éthylique

Puisque le travail me désole
Et que la passion m’assombrit,
Je réconforte mon esprit
Dans le feu d’un rhum agricole.

Au son d’une chanson créole,
Je lave mes rêves flétris
Dans un flot d’alcool hors de prix,
Afin que ma douleur s’envole.

Je dilue les fantômes gris
Qui jaillissent de mes écrits
Dans les bars de la métropole.

Au bord de l’ivresse, je ris
Pendant que mon cœur caracole
En une symphonie frivole.

Cigarette oubliée

Solitaire oubliée dans un paquet froissé
Au fond d’un sac à dos depuis belle lurette,
Condamnée à l’ennui, la frêle cigarette
Se lamente âprement sur son corps cabossé.

Survivante flétrie d’un achat détaxé,
Elle attend que le feu d’une aimable allumette
L’embrase pour qu’enfin ses volutes discrètes
Redonnent au tabac son prestige passé.

Insensible au mépris de venimeux ascètes,
Elle aspire ardemment à couvrir la planète
De ses spirales bleues à l’arôme racé.

Voyant qu’aucune main n’explore sa cachette,
L'exilée se dessèche, avant de s’enfoncer
Dans le gouffre brumeux des plaisirs délaissés.

28.10.04

Sonnet revivifié

Lecteur, je t’en supplie, caresse de tes yeux
Ce sonnet composé à l’encre solitaire
D’une poète aigrie dont les vers délétères
S’épanchent sans répit en délires pluvieux.

Entonne ce poème au chagrin insidieux,
Formé de mots tracés d’une plume sévère
Afin de distiller les flots de bile amère
D’une artiste démente au désespoir odieux.

D’une voix colorée par la gaieté, desserre
Le carcan de noirceur, où ce texte s’enferre,
Pour que, revivifié, il enflamme les cieux.

Embellis cette page aux mesures polaires
En choyant dans l’écrin de ton esprit radieux
Ces rimes tourmentées, pour qu’elles sonnent mieux.

Délivrance ultime

J’ai transpercé d’un coup de lance
Le cœur glacé de la poison
Qui m’enfermait dans la prison
De sa méchanceté immense.

Dans la nuit bardée de silence,
Je bois du whisky à foison
En composant une oraison
Pétrie de fausse bienveillance.

Le soleil darde à l’horizon
De gais rayons au diapason
De ma flamboyante espérance.

Je quitte à jamais la maison
De nos quotidiennes souffrances
Pour célébrer ma délivrance.

27.10.04

Volupté du langage

Quand l’ennui inonde ma page
De vers en habit de noirceur,
J’éteins mes quatrains querelleurs
Dans un flot de fougueux breuvage.

Armée de ma plume sauvage,
Riche de splendides couleurs,
J’étouffe mes sonnets boudeurs
Dans de flamboyantes images.

Dès que le parfum du bonheur
Chasse les doutes de mon cœur,
L’espoir embellit mon ouvrage.

J’assemble des mots enchanteurs
Afin d’aborder au rivage
De la volupté du langage.

Dîner maussade

Sous la pâle lueur de la lampe muette,
La famille épuisée se rassemble ce soir
Pour le dîner maussade où le vin de terroir
Apaise les échos des souffrances secrètes.

Le repas ponctué par le bruit des fourchettes
S’étire mollement devant le vieux chat noir
Qui, lassé de mendier, observe sans espoir
Le ballet machinal des mâchoires distraites.

L’homme frêle au visage en lame de rasoir,
Brisé par la fadeur de sa vie de devoir,
Étouffe son ennui dans maintes cigarettes.

Quand la femme, agacée, se lève pour surseoir
Au silence glacé qui lui vrille la tête,
Un rai de lune égaie sa figure défaite.

26.10.04

Avenir radieux

En reposant le téléphone
Pour ne plus t’entendre gémir,
Je déchire mes souvenirs
En lambeaux de regrets aphones.

Dès que la colère bourdonne
Dans mon corps exempt de désirs,
J’offre au brasier de l’avenir
Nos malentendus monotones.

À l’aube commence à fleurir
Un jardin d’insolents plaisirs
Dont les promesses m’aiguillonnent.

Tandis qu’achève de mourir
L’ombre de ta triste personne,
Un soleil audacieux rayonne.

Plume délivrée

À force d’exprimer en phrases monotones
Un déluge incessant de chagrins sibyllins,
Germés dans le cerveau d’un écrivain enclin
À la mélancolie, sa plume déraisonne.

Au hasard d’un quatrain, la rebelle abandonne
L’auteur dont la noirceur annonce le déclin,
Pour écrire en solo un poème câlin
Dont la beauté éteint les peurs qui l’emprisonnent.

Dans le bureau glacé, encombré de vélins,
La belle se répand en sonnets cristallins,
Sous le regard jaloux de ses consœurs bougonnes.

Le poète, irrité par ses déliés malins,
Évince de ses vers la géniale amazone,
Avant de s’abîmer dans un ennui aphone.

25.10.04

Virées nocturnes

Pour égayer ma nuit, souvent, je saigne un mec
Que le hasard vicieux me colle dans les pattes,
Avant de balancer mon poignard écarlate
Près du quidam guignard dont j’ai cloué le bec.

Mon forfait accompli, je m’arrache aussi sec
Avant qu’un poulaga en mission ne m’abatte,
Tandis que le troupeau des bourgeois en cravate
Geint de me voir tenir la flicaille en échec.

Au lieu de regagner mes maussades pénates,
J’asticote crûment les poupées qui me matent,
Si bien qu’elles m’envoient racoler chez les Grecs.

Au matin, épuisée de jouer les pirates,
Je file me pieuter, sourde aux salamalecs
De travelos camés, exhibant leur bifteck.

Sonnets froids

Sonnets en habit de froideur,
Jaillis de consciences démentes,
Vos images grandiloquentes
Distillent l’ennui dans les cœurs.

Chantres brillants de la rigueur,
Au fil de vos phrases rasantes
Germe une tristesse qui hante
Le quotidien de vos lecteurs.

Troquez vos mesures savantes
Contre une poésie qui chante
La libre éclosion du bonheur.

Mélangez vos strophes pédantes
Pour former des textes rieurs,
Prompts à éteindre la douleur.

24.10.04

Sur le carreau

Avant de te laisser morte sur le carreau,
Je me casse, poupée, en gaulant ton artiche,
Sous le regard surpris de ton puant caniche,
Témoin exaspérant de nos verres de trop.

Tandis que tu manies tes lames de tarot
En tétant mollement une affreuse cibiche,
Je fuis la destinée qui me brise les miches,
Afin d’aller pinter au comptoir d’un bistrot.

Là-bas m’attend ce soir la fille aux yeux de biche,
Qui vient de suriner le cador de la triche
Pour piquer des photos planquées dans son bureau.

Venimeuse amazone au cerveau de pois chiche,
Au lieu de sangloter, le moral à zéro,
Arrête de tirer de mauvais numéros.

Puits de nos différences

Dans le puits de nos différences
Naissent nos frissons de bonheur
Prompts à effacer la froideur
De notre ténébreux silence.

Sous les insidieuses souffrances
Que trame notre orgueil rageur,
Germent nos regards cajoleurs,
Imprégnés de notre espérance.

À l’horizon poussent les fleurs
De notre unisson enchanteur
Au parfum de nos confidences.

Dans le dédale de nos cœurs
Pointent nos rires qui s’élancent
Pour sceller notre connivence.

23.10.04

Plume rebelle

Écœurée de l’alexandrin,
La plume à sonnets se rebelle
Pour s’envoler à tire-d’aile
Loin des monotones quatrains.

À l’abri du rythme contraint
Des vers ennuyeux que cisèlent
Inlassablement ses jumelles,
Elle compose avec entrain.

Armée d’une aisance nouvelle,
La belle insoumise entremêle
Quantité de mots souverains.

De sa pointe agile, elle excelle
À changer les mètres chagrins
En prose à la force d’airain.

Chat cajoleur

J’abrite en mon esprit un animal charmant
Dont la grâce embellit mes soirées solitaires,
Lourdes de souvenirs que sa patte légère
Chasse dans les recoins de mon appartement.

Dès que le ciel revêt de nocturnes diamants
Zélés à enflammer son regard de panthère,
Ce chat vient déchirer mes cauchemars polaires
D’une voix qui s’envole en tendres miaulements.

D’une griffe acérée, prestement, il lacère
Les échos sibyllins de ma tristesse amère,
Avant de me combler de soyeux frôlements.

Sur mon cœur apaisé, cajoleur, il se serre
En berçant mon sommeil de son ronronnement,
Pendant qu’un gai soleil s’avance au firmament.

22.10.04

Alexandrin rebelle

Tristement enfermé avec treize autres vers
Dans un sonnet sérieux dont les phrases résonnent
En musique chagrine aux accents monotones,
L’alexandrin soigné s’ennuie, le cœur amer.

Afin de s’évader de la poigne d’enfer
De ce poème fier que son auteur entonne
D’une voix imprégnée de majesté bouffonne,
Le rebelle délie ses douze pieds experts.

Pour punir l’écrivain dont les mots l’emprisonnent,
L’aventurier unit voyelles et consonnes
Dans une sarabande où la raison se perd.

Ses voisins, que la joie de sa danse aiguillonne,
Brisent, à son instar, leur métrique de fer,
Avant d’entrelacer leurs délires diserts.

21.10.04

Chat mort

Dans mon esprit erre un chat mort
Dont les miaulements oblitèrent
La paix de mes nuits solitaires
Afin que je perde le nord.

Au fond de ses yeux perlés d’or
Luisent d’insondables mystères
Que ce félin au pas lunaire
Fabrique pendant que je dors.

D’une griffe avide, il lacère
Mes rêveries pour satisfaire
Sa fureur d’animal retors.

Aussitôt que ma main légère
Se risque à caresser son corps,
Ce monstre capricieux me mord.

Bar de l’ennui

Tandis que le patron lampait un café noir
Pour laver la froideur de la nuit ordinaire,
Une odieuse tablée de touristes vulgaires
Pillait honteusement ses trésors du terroir.

Aussitôt qu’elle entra, le serveur laissa choir
Son plateau sur les pieds d’un vieillard solitaire
Qui lâcha son journal en renversant son verre,
Avant d’aller crier sa colère au comptoir.

Dans le bar enflammé par la belle étrangère,
Les clients familiers, ensemble, se lancèrent
Dans une pantomime inapte à l’émouvoir.

Quand la reine des lieux, une horrible mégère,
Entreprit de jeter la fée sur le trottoir,
Un nuage d’ennui commença à pleuvoir.

20.10.04

Sonnet amoureux

Au lieu de te dire « Je t’aime »,
Je t’envoie ce sonnet rieur,
Écrit à l’encre de mon cœur
Empli d’une allégresse extrême.

Au nom des baisers que tu sèmes
Dans le jardin de mon bonheur,
Je t’offre ces vers enjôleurs,
Illuminés par ma bohème.

Sur ton corps, je cueille les fleurs
De ton insolente splendeur,
Tendre égérie de ce poème.

Les diamants de tes yeux charmeurs
Forment un éclatant diadème,
Prometteur de nos joies suprêmes.

Guérison poétique

Déchirée de chagrin, dans le froid matin blême,
Imprégné de silence au goût de trahison,
Je regarde la pluie obscurcir l’horizon
En effaçant l’écho de nos derniers « Je t’aime ».

Puisque notre tendresse, érigée en emblème
De notre amour, s’avance en sa morte saison,
Je dilue mes regrets dans l’alcool à foison,
Évidemment frappé de ton noir anathème.

Dès que l’obscurité envahit la maison,
J’oppose au désespoir menaçant ma raison
L’exquise volupté qu’exhalent mes poèmes.

Mon stylo solitaire écrit ma guérison
En insolents quatrains nourris de ma bohème,
À jamais imprimée jusqu’au fond de moi-même.

19.10.04

Arlequin androgyne

Superbe arlequin androgyne,
Tu caches tes rêves nombreux
Au fond de ton œil ténébreux
Où dansent des ombres chagrines.

Loin des jaloux qui te piétinent
À coups d’articles sulfureux,
Tu conjures tes peurs au creux
De la force qui t’illumine.

Armé de désirs vigoureux,
Tu balaies l’horizon scabreux
D’un mouvement de ta main fine.

Tu salues d’un sourire heureux
L’éclatant soleil qui dessine
La voie sereine où tu chemines.

Humanité abolie

Le soleil se dilue dans le silence humide
De la Terre endormie sur son lit de douleur,
Pendant que les dragons de l’ouragan vengeur
Plongent l’humanité dans un gouffre homicide.

Les rêveurs évadés dans leurs visions splendides,
Épargnés par la main de l’ennui fossoyeur,
S’éveillent lentement dans un matin d’horreur
Noir de corps lacérés par la griffe du vide.

L’horizon revêtu d’une grise froideur
Se déchire soudain en lambeaux précurseurs
De l’enfer assassin des consciences limpides.

Quand le ciel resplendit de narquoises lueurs,
Le monde constellé de carcasses putrides
Exhibe ses regrets que le démon lapide.

18.10.04

Sonnets nocturnes

Éveillée au cœur de la nuit,
Je cisèle mes idées noires
En écrivant la longue histoire
De mes sentiments éconduits.

Jusqu’à l’aurore, je poursuis
Les spectres de mon écritoire
Écarquillant dans ma mémoire
Des yeux d’où l’espoir s’est enfui.

Mes souvenirs contradictoires
Se mélangent sur le grimoire
De mon quotidien gris d’ennui.

Quand le soleil luit sur l’armoire
Emplie de sonnets déconstruits,
J’achève celui d’aujourd’hui.

Vers vigoureux

Enfermé jour et nuit dans son bureau ombreux,
Envahi de bouquins aux poussiéreuses pages,
L’écrivain silencieux cisèle son ouvrage
Joliment composé de poèmes nombreux.

Plutôt que de construire un foyer chaleureux,
Il écrit sans répit de sa plume sauvage
Des sonnets flamboyants qu’aussitôt il partage
Avec une poignée de poètes fiévreux.

Son stylo enchanteur orchestre son voyage
Au pays littéraire, à l’abri des nuages
Formés dans son esprit par ses doutes scabreux.

Il assemble en solo les diamants du langage,
Afin de calciner ses chagrins ténébreux
Dans le profond creuset de ses vers vigoureux.

17.10.04

Radieuses ruelles

Rendez-nous les pavés des radieuses ruelles
De l’époque bénie où la soupe aux poireaux
Diluait la vinasse avalée au bistrot
Sous l’œil encourageant de lascives gazelles.

Baladins, revenez chanter sous les tonnelles
Tendrement éclairées par les rais vespéraux
Du soleil égayant les nappes à carreaux
Étendues sur l’autel des douceurs éternelles.

Arlequins, endossez vos habits de pierrot
Pour aller fredonner aux gracieux tourtereaux
Les notes enjouées d’anciennes ritournelles.

Musiciens, entonnez d’éclatants boléros,
Afin que leurs accords, sculptés au violoncelle,
Dessinent le chemin de la gaieté nouvelle.

Chat sournois

De son pas élastique,
Mon chat sournois bondit
Dans le jardin maudit
De mes nuits narcotiques.

Son miaulement déchire
Le silence tombal
Où le maître du mal
A construit son empire.

L’immonde créature
Laisse dans mes placards
Des excréments épars
Dont l’odeur me torture.

Je tuerai ce microbe
En plongeant dans son corps
La lame de la mort,
Qui rougira sa robe.

Visage du bonheur

Sur la photo en noir et blanc,
Ton visage de porcelaine
Affiche une joie souveraine,
Imperméable aux faux-semblants.

Retranché dans l’arrière-plan
Orné d’une lune lointaine,
Le jardin planté de vieux chênes
Cèle nos souvenirs brûlants.

Les diamants de tes yeux s’égrènent
En éclats jaillis par centaines
Devant mon visage tremblant.

Ton sourire gracieux m’entraîne
Sur le chemin étincelant
De notre unisson insolent.

16.10.04

Envol radieux

En entrant dans l’appartement,
La femme découvre à la porte
Un tombereau de feuilles mortes,
Épitaphe de son amant.

Sitôt que le prince charmant
Repose en terre, elle s’exhorte
À l’oublier, mais la voix forte
Du trépassé tonne âprement.

Dès qu’elle s’est tranché l’aorte,
L’ange de l’amnésie l’emporte
Au pays des rêves cléments.

Accompagnée par une escorte
D’astres à l’éclat de diamant,
Elle s’envole au firmament.

Infirmière de nuit

Enfermée chaque nuit dans l’immense clinique
Sombrement érigée sur le grand boulevard
Où se joue sans répit le ballet des brancards,
L’infirmière maudit les débris qu’elle pique.

Afin de supporter les mourants méphitiques
Dont les râles affreux hantent ses cauchemars,
Elle avale des flots d’un vigoureux nectar,
Qui drapent sa froideur d’un masque sympathique.

Dans les chambres remplies de languides vieillards
Dont la lente agonie embrume le regard,
Elle habille leurs peurs de mensonges chimiques.

Avant de s’enfoncer dans le matin blafard,
La fille aux yeux rougis d’épuisement s’applique
À l’auto-injection d’un cocktail amnésique.

15.10.04

Visions foraines

Dans la foule agitée de la fête foraine,
Je marche en solitaire, agacée par les pleurs
D’un gamin effrayé par un géant moqueur
Au visage souillé de taches de gangrène.

Rebelle à la gaieté de la fin de semaine,
Je me laisse envahir par la sourde froideur
Du regard venimeux que me lance un tireur
Appliqué à gagner une peluche en laine.

Sur le manège en bois, des enfants batailleurs
Refont le monde au fil de galops enchanteurs,
Sous l’œil noir d’un nabot à l’énorme bedaine.

Devant l’estrade ornée de vivantes horreurs
Aux faces torturées, les rires se déchaînent
Pendant qu’épouvantée, je cours à perdre haleine.

Râle terminal

Couchée sur mon lit d’hôpital,
J’occupe mes nuits solitaires
En écoutant la pluie amère
Scander mon ennui minéral.

Quand le ronflement infernal
De mon voisin octogénaire
Lacère mes rêves polaires,
Je plonge dans l’effroi spiral.

Le souvenir de ma colère
S’éteint dès que mes somnifères
Polissent l’univers brutal.

L’infirmière au regard sévère,
Prophète de l’ange du mal,
Guette mon râle terminal.

14.10.04

Trêve estivale

Trêve estivale

Partie souffler un mois sans toi, je me régale
Au pays du soleil, où la voûte outremer
Me console aujourd’hui de tes sermons amers,
Pendant que je t’écris cette carte postale.

Donneuse patentée de leçons de morale,
Je me la coule douce en bordure de mer,
Loin de notre maison transformée en enfer
Par le fiel indécent de tes cris en rafales.

Je lave la froideur de ton masque de fer
Dans le flot de whisky, que le garçon me sert
Afin d’accompagner le concert des cigales.

Avant de retrouver tes reproches pervers,
Je profite en solo de la grâce estivale
Des fées qui me sourient dès l’aurore d’opale.

Félin immonde

J’exècre le félin immonde
Qui souille mon appartement
De ses écœurants excréments
À la senteur nauséabonde.

Mû par son humeur vagabonde
Que relaient ses yeux de diamant,
Il inspecte inlassablement
Les kilomètres à la ronde.

Les effroyables miaulements
Qu’il lance vers le firmament
Brisent mes rêveries profondes.

Pour échapper à ce dément,
J’écraserai à coups de fronde
Sa gueule dans quelques secondes.

Chambre vitrée

Chambre vitrée

Le docteur m’a cloîtrée
Dans la chambre vitrée
Dont le silence d’or
Préfigure ma mort.

Une fois par semaine,
L’infirmier me promène
Dans la petite cour
Où tremble mon corps lourd.

Mes rêves insolents,
Nés de mes cachets blancs,
Lavent mes idées noires
Dans l’oubli provisoire.

La vieille casserole
Nouée à la queue folle
Du chat que je maudis
Ponctue l’après-midi.

13.10.04

Voyage meurtrier

En passant sous le pif de la grosse bignole,
Une affreuse poison qui cogne les moutards,
La famille, pressée de prendre le départ,
Se débine fissa sur la pointe des grolles.

Prestement entassée dans la vieille bagnole,
La tribu met les bouts dans un fieffé chambard,
Si bien que le daron, qui carbure au pinard,
Balance à ses gamins des volées de torgnoles.

Sous les rayons brûlants d’un soleil rigolard,
Zélé à dévorer la tronche du chauffard,
Les citadins blafards quittent la métropole.

Pour semer des motards au klaxon furibard,
Le loustic accélère en fauchant les guiboles
D’un vieillard qui dévisse aussitôt sa boussole.

Éternelle féminité

Éternelle féminité,
Prophète d’exquises délices,
Subrepticement, tu te glisses
Dans les esprits désenchantés.

Au creux des sommeils agités,
Tu sèmes des rires complices
En guettant le soleil propice
À illuminer ta beauté.

Ton regard pétri de malice
Darde des flammes salvatrices
Sur les rêves désaffectés.

Tes tendres intentions ravissent
Les corps épris de volupté,
Que ta froideur met au supplice.

12.10.04

Caveau de l’humanité

Caveau de l’humanité

Quand le ciel se répand en averse crasseuse
Sur la ville grisâtre où les coulées d’ennui
Forment un canevas où mon esprit s’enfuit
Afin de s’évader de ma carcasse affreuse ;

Quand l’ouragan déploie son aile venimeuse
Sur la cité plongée dans l’antre de la nuit,
Si bien qu’une nuée d’épouvantables bruits
Entache mon sommeil d’obsessions ténébreuses ;

Quand le soleil d’été forme un brasier où cuit
Le paysage inapte à protéger les fruits
D’une terre choyée par des mains scrupuleuses ;

Je voue aux gémonies le démon qui détruit
Le monde débordant de richesses soyeuses
Pour briser les humains dont le caveau se creuse.

Mots querelleurs

Sur la blancheur de cette page,
J’assemble des mots querelleurs
Que refusent les éditeurs,
Amateurs de poésie sage.

Armée de ma plume sauvage,
Je compose des vers vengeurs,
Écrits à l’encre de mon cœur,
Prompt à enflammer mon langage.

J’épanche ma froide fureur
Dans mes sonnets où les lecteurs
Cueillent les fleurs de mon courage.

Dans l’écheveau de mes douleurs,
Je forme d’insolents messages
Pour que mes rêves se propagent.

11.10.04

Poème broyé

J’écris en ton honneur cette gerbe de vers
Formés dans le creuset de mes désirs immenses,
Pendant que, tristement, en solo, je m’avance
Vers l’âpre obscurité de mon funeste hiver.

Dans la calme froideur de mon esprit désert
Qu’étouffent les chardons de ma désespérance,
Je récolte des mots pour briser le silence
En quatrains imprégnés de souvenirs amers.

Tandis que, vers la mort, ma descente commence,
Je compose en mon cœur ce sonnet que je lance
Vers ton futur orné d’une voûte outremer.

Quand l’ange du néant, nourri de ma démence,
Écrase ma tendresse entre ses doigts pervers,
Mon poème se broie sur ton masque de fer.

Métro de la terreur

Dans le métro de la terreur
Germent des fleurs d’intolérance
Zélées à briser le silence
En écheveau de cris vengeurs.

Des bataillons de voyageurs
Au masque pétri de souffrance
Plongent dans la cité immense,
À l’abri des sombres laideurs.

Au fil des souterrains s’élancent
Des spectres ivres de violence,
Suppôts de l’ange du malheur.

Sur les quais noirs de déchéance,
Des voyous de toutes couleurs
Creusent l’antre de la douleur.

10.10.04

Sylphide salvatrice

D’une sombre ruelle à l’aigre puanteur,
Débouche un vagabond au visage livide,
Qui m’agrippe aussitôt de ses ongles putrides
En plongeant dans les miens des yeux pétris de peur.

J’échappe à son étreinte en hurlant de douleur,
Avant de me ruer dans la noirceur morbide
D’un bistrot misérable où le soir se dévide
En heures de chagrin, qui me brisent le cœur.

Quand un hideux vampire à la bouche fétide
Surgit d’un parc obscur, effrayée, je décide,
De quitter le faubourg où règne la terreur.

Dès que j’ouvre ma porte, une exquise sylphide
M’entraîne brusquement vers le lit enchanteur
Où sa tendresse éteint mes stériles frayeurs.

Affreuse nature

Fais silence, affreuse nature.
Envoie le soleil aux rais d’or
Illuminer le pôle Nord,
Pour qu’il succombe à sa froidure.

Rivière, suspends ton murmure,
Afin que règne sur tes bords
Un ennui augurant la mort
Embusquée dans tes eaux impures.

Ciel, lance tes éclairs retors,
Prompts à calciner les trésors
De la Terre sous leurs morsures.

Campagne, souille ton décor
De constructions qui préfigurent
La laideur de ta sépulture.

9.10.04

Prière à la pendule

Pendule venimeuse au tic tac hivernal,
Spectatrice assidue de mon chagrin polaire,
Tu ponctues sans répit mes rêves solitaires
De tes jambes glacées, habillées de métal.

Fièrement suspendue à un crochet mural,
Inlassable poison au pas atrabilaire,
Tu découpes ma vie en tranches éphémères
Dont l’affreux défilé ravit l’ange du mal.

Impassible témoin de mes journées amères,
Renonce à la froideur de ton masque de verre,
Pour danser sous mes yeux un ballet infernal.

Au lieu de ciseler mon ennui funéraire,
Immerge ma douleur dans un gouffre spiral,
Avant de prolonger mon bonheur idéal.

Cauchemar pulvérisé

Guidée par la main du hasard,
Je déambule en solitaire
Dans la froideur crépusculaire
Où je pleure sur ton départ.

Indifférente au doux regard
De poupées en robe légère,
Je désamorce ma colère
Dans l’âpre anonymat des bars.

Dans le silence délétère
De la maison, je vitupère
Contre notre avenir épars.

Brusquement, mon pouls s’accélère,
Lorsque ton rire goguenard
Pulvérise mon cauchemar.

8.10.04

Lune tendre

Accrochée dans un ciel étouffant de tristesse,
La lune silencieuse étend d’aigres lueurs
Sur la Terre souillée par les tirs fossoyeurs
Des humains insoucieux des champêtres richesses.

Lassée d’illuminer les soldats qui ne cessent
De changer l’univers en écheveau d’horreurs,
L’astre de nuit déploie ses rayons enchanteurs
Sur le corps endormi d’une exquise princesse.

Tandis que les guerriers déplorent la noirceur
De la voûte où grandit le spectre de la peur,
La belle se réjouit des lunaires caresses.

Le soleil matinal, insensible au bonheur
De la fée solitaire, odieusement s’empresse
D’incendier le berceau des nocturnes tendresses.

Envol de l’âme

Mon âme, envole-toi demain
Vers le royaume du silence,
Afin d’échapper aux souffrances
De mon désespoir inhumain.

Quitte le ténébreux chemin
Où se profile ma démence,
Pour plonger dans le ciel immense
Qu’illumine un soleil carmin.

Pendant que ma chute commence,
Va bravement tenter ta chance
Loin de ma peau de parchemin.

À l’aube de ma déchéance,
Laisse le monde des humains,
Car l’espace te tend la main.

7.10.04

Voix magnétiques

Anonymes amies de mes nuits magnétiques,
Déchirez le silence en éclats de bonheur
Par vos accents soyeux dont les chaudes couleurs
Composent en mon âme une intime musique.

Complices éthérées de la Fée Électrique,
Venez ensevelir mes stériles frayeurs
Sous l’écheveau radieux de vos timbres rieurs,
Pourfendeurs des démons que mon ennui fabrique.

Semez dans mon esprit les enivrantes fleurs
De la joie cultivées par les animateurs
Dont les paroles jouent un ballet magnifique.

Voix chargées d’émotion, illuminez mon cœur
D’exquises voluptés dont les notes s’imbriquent
En ruban débouchant sur un monde magique.

Résignation

Dans le lacis de tes mensonges,
J’étouffe mes frêles espoirs,
Car je n’ai pas su émouvoir
Ton cœur dont la froideur me ronge.

Au fond de l’angoisse, je plonge,
Pour échapper à tes yeux noirs
Dont le dur brillant d’ostensoir
Me poursuit jusque dans mes songes.

Je promène de l’aube au soir
Mon chagrin au fil des trottoirs
Où mon errance se prolonge.

Certaine de ne pas pouvoir
Plaider ma cause, je m’allonge,
Décidée à jeter l’éponge.

6.10.04

Araignée nocturne

Araignée de la nuit, tu tisses dans mon âme
Ta toile monstrueuse où mes rêves fleuris
S’étouffent lentement, tandis que tu souris,
Amante venimeuse, à l’affût de mes drames.

Vêtue d’ombres glacées dont la laideur t’affame,
Tu fouilles mon cerveau de tes crocs aguerris
Pour briser mes pensées en ténébreux débris
Aussitôt dévorés par ta mâchoire infâme.

Hideuse meurtrière au squelette flétri,
Jusqu’au matin laiteux, tu hantes mon esprit,
Avant de t’échapper dès que le ciel s’enflamme.

Délestée de la joie dont ton corps se nourrit,
J’aborde au matin froid où mon chagrin se trame
Dans les regards narquois que me lancent les femmes.

Église impénétrable

Caché dans le fond de l’église,
L’enfant de chœur boit le nectar
Du curé sous le froid regard
D’un Jésus à la grise mine.

Pendant que le prêtre baptise
Gauchement un bambin braillard,
Le bedeau dessine au poignard
Un papillon sur sa chemise.

L’évêque, lassé des sottises
De ses sbires, fait sa valise
Au lieu de punir les pendards.

Voyant que ses fils s’alcoolisent,
Le Seigneur inonde les bars
De sobres prophètes bavards.

5.10.04

Tendre message

Avant de partir en voyage,
Je viens déposer dans ton cœur
Les diamants de ma bonne humeur,
Prompts à effacer les nuages.

Douce princesse, je m’engage
À noyer l’écho de tes peurs
Dans un océan de bonheur
Pétri de flamboyants présages.

Armée de mon stylo charmeur,
Je construis le monde en couleur
De nos radieux vagabondages.

Sur ton corps, je sème les fleurs
De ma joie pour que se propage
La tendresse de mon message.

Néant rédempteur

J’ai tué mon futur à coups de lâchetés
Savamment orchestrées par mon âme fébrile,
Empêtrée dans les rets de cauchemars hostiles,
Prophètes ténébreux de l’inhumanité.

J’ai longuement souillé le jardin enchanté
De mon enfance au nom de voluptés futiles,
Inaptes à gommer les visages d’argile
De la foule bardée d’anonymes beautés.

J’ai erré en solo loin de mon domicile,
Jusqu’aux bistrots miteux des bas-fonds de la ville,
Pour tenter d’y noyer mes rêves avortés.

Aux portes du néant, aujourd’hui, je m’exile,
Afin de supplier le démon de planter
Son poignard rédempteur dans mon cœur déserté.

4.10.04

Ange de la folie

Fébrilement cachée dans la foule anonyme
D’où monte un brouhaha aux accents étrangers,
Je me laisse emporter, au mépris du danger,
Par un flot de couleurs que le soleil anime.

Pour fuir le boniment d’une poupée sublime,
Zélée à m’envoûter de ses cils allongés,
Je m’échappe d’un bond avant de me plonger
Dans un bar ténébreux où ma douleur s’arrime.

Accoudé au comptoir, un membre du clergé
Me noie dans un torrent de sermons outragés
Par les rires narquois de prophètes du crime.

L’ange de la folie m’invite à voyager
Sur l’océan fougueux de mes vers dont les rimes
Effacent les échos de mes doutes intimes.

Blanche fée

Blanche fée, dilue mes souffrances
Dans l’océan de tes plaisirs
Pour éteindre mon avenir
Infesté de ma peur immense.

Neigeuse amie, conduis mes transes
À l’abri de mes souvenirs,
Vers le néant prompt à ouvrir
Dans mon âme un puits de silence.

Venin furtif, viens m’affranchir
D’un quotidien triste à mourir,
Instigateur de ma démence.

Fiel cristallin, noie mes désirs
Dans le flot de désespérance,
Où se trame ma déchéance.

3.10.04

Bulletin sacré

Sur la route des pèlerins
Germent d’ineffables mystères
Que ponctuent les notes amères
De la vieille cloche d’airain.

Pendant que Dieu ronge son frein
En regardant pourrir la Terre,
Satan, ravi, se désaltère
Dans un océan de chagrin.

Jésus, cloué, se désespère
Dans l’église du monastère
Baigné d’un ennui souverain.

À la table du presbytère,
Une pintade au romarin
Redonne au curé son entrain.

Voyage poétique

Poète, envole-toi au bout de l’univers,
Où germent les trésors de radieux paysages,
Pour nourrir ton esprit de perfection sauvage,
Prompte à illuminer tes citadins hivers.

Abandonne un instant ton quotidien amer
Dont la monotonie assombrit ton ouvrage,
Afin de t’égayer sous des cieux sans nuages,
Qu’un soleil flamboyant habille d’outremer.

Troubadour, va cueillir sur de lointains rivages
Des gerbes enflammées de soyeuses images,
Zélées à conjurer tes cauchemars diserts.

Ta plume, retrouvée au bout de ton voyage,
Enrichie des pays que tu auras couverts,
Épanchera ta joie en myriade de vers.

2.10.04

Vieux maussade

Sous les yeux de son chat malade,
Vautré sur le journal du soir,
Le vieux mâche son désespoir
Arrosé de maintes rasades.

Il dîne d’un potage fade,
Suivi d’un âpre café noir,
En écoutant le ciel pleuvoir
Des nuées de larmes maussades.

Il enferme au fond d’un tiroir
Ses photos, afin de surseoir
À la douleur qui le taillade.

Sa vie sur le fil du rasoir
S’effrite en plaques de pelade,
Au fil de sa joie qui s’évade.

J’ai tué mon enfance

J’ai tué mon enfance à coups de « Notre Père »
Lourdement ressassés dans les dortoirs ombreux
Où se fanait la croix d’un Jésus poussiéreux,
Inapte à racheter nos mensonges polaires.

J’ai mangé le pain noir tartiné de misère
Des pensionnats bardés de surveillants affreux,
Empressés d’étouffer les rebelles au creux
De la main d’un Seigneur au visage sévère.

J’ai trompé mon ennui dans mes rêves fiévreux,
Journellement trahis par mon esprit peureux,
Brisé par des années de litanies amères.

J’éconduis désormais d’un rire vigoureux
Les prophètes bavards, afin de me soustraire
Au perfide poison de leurs fumeux mystères.

1.10.04

Passé amer

Je viens d’un vieux village où la lune prolonge
Le silence glacé du paysage empreint
D’une mélancolie où les rayons chagrins
D’un soleil moribond, sinistrement, s’épongent.

J’enterre dans mon cœur la ruelle qui longe
L’église poussiéreuse à la cloche d’airain,
Refuge improvisé de muets pèlerins
Dont la fatigue éteint les doutes qui les rongent.

Prise dans les filets de mon passé, je crains
Que mes regrets ne noient mes rires souverains
Dans l’océan amer de mes scabreux mensonges.

Quand l’aurore blanchit mon horizon restreint,
Brusquement délivrée de ma peine, je plonge
Dans l’antre du futur, où s’étouffent mes songes.

Sonnets en fête

Inspirée par ma cigarette,
Je cisèle sur mon clavier
Des alexandrins dont les pieds
Dansent un sabbat dans ma tête.

Dans la nuit glacée, j’interprète
La symphonie des mots princiers,
Jaillis de mon cœur par milliers
Pour mettre mes sonnets en fête.

J’éteins mes chagrins familiers
Dans le flot de vers coloriés,
Que je compose d’une traite.

Quand le soleil vient me délier
De mon délire de poète,
Je me fonds dans sa joie parfaite.