30.11.04

Sanglants délires

Tandis qu’un voile froid de grisaille s’étire
Sur la ville endormie dans son berceau de fer,
Aux portes barbelées d’un effroyable hiver,
Les puissances du mal étendent leur empire.

Un démon flamboyant dont la haine transpire
Lance sur la cité les dragons de l’enfer,
Qui calcinent les rues sous un faisceau d’éclairs,
Avant de s’évanouir dans un éclat de rire.

Sitôt qu’il aperçoit les vestiges amers
De mortels consumés tournoyant dans les airs,
L’ange de l’avenir envoie ses vaillants sbires.

Dans un déferlement de hurlements diserts,
Les forces de l’espoir parviennent à occire
Les monstres enragés, nés de sanglants délires.

Mort d’un bavard

J’assassinerai le bavard
Dont les effroyables sottises
Devant les jurés des assises
M’ont valu quinze ans de placard.

Je lacérerai au poignard
Sa trombine qui me défrise,
Avant que ce con ne s’avise
D’alerter les autres taulards.

Puis je me ferai la valise
Loin des flics à la mine grise,
Armés de venimeux pétards.

Mue par une euphorie exquise,
Je m’élancerai au hasard
Dans un monde exempt de mitards.

29.11.04

Musicien des rues

Au mépris de la neige étouffant la cité
Sous un voile poisseux de chagrin monotone,
Où meurt le souvenir des derniers jours d’automne,
Le musicien des rues continue à chanter.

Sur le trottoir bondé de cadres cravatés,
Il gomme la grisaille au son d’un saxophone
Dont les accords radieux, jusqu’au ciel, tourbillonnent
En concerto d’espoir au parfum de l’été.

Il entonne des airs dont les échos résonnent
Dans le cœur insouciant de jeunes amazones
Au regard prometteur d’ardentes voluptés.

Il égaie les clochards, que l’hiver emprisonne
Dans un ennui glacé, lourd d’inhumanité,
Par la vibrante ardeur de ses chants indomptés.

Poésie solitaire

Puisque l’amitié m’indiffère
Et que la passion tourne en pleurs,
Je voue les élans de mon cœur
À ma poésie solitaire.

Au fond de mon âme polaire,
Germent des quatrains ravageurs
Que je dilue avec bonheur
Dans un vin aux bulles légères.

Rivée à l’écran en couleur
De mon fidèle ordinateur,
Je noie le monde dans mon verre.

J’orne le silence enchanteur
Des poèmes que me suggère
La joie d’une ivresse légère.

28.11.04

Poésie manuscrite

Plutôt que d’épancher les passions de son âme
Sur des cahiers drapés d’une blanche froideur,
Le poète confie à son ordinateur
Les sonnets inspirés par la fée qui l’enflamme.

Pendant qu’il applaudit le merveilleux programme
Qui l’aide à peaufiner ses quatrains enchanteurs,
La machine subit les assauts ravageurs
D’un perfide virus à la violence infâme.

Quand un rondeau dédié à sa dame de cœur
Se transforme à l’écran en écheveau d’erreurs,
L’écrivain subodore un effroyable drame.

Il débranche aussitôt, d’un mouvement rageur,
Le clavier insolent où son malheur se trame,
Pour écrire au stylo l’éloge de sa femme.

Poète musicien

Ce soir, un poète doté
D’une plume aux élans magiques
A délaissé pour la musique
Ses alexandrins exaltés.

Sitôt qu’il s’est précipité
Chez une dame magnifique
Pour lui adresser sa supplique,
Sa voix s’est mise à chevroter.

Lassée du barde pathétique,
Empêtré dans ses vers lyriques,
La fée l’a prié de chanter.

Oubliant la sage métrique,
Il s’est empressé d’inventer
Un refrain apte à l’envoûter.

27.11.04

Évasion matinale

Au lieu de supporter tes vilaines grimaces
De poison décidée à me briser le cœur,
Je m’évade en solo aux premières lueurs
D’un soleil insoucieux de ta rage tenace.

Rebelle à ton regard lourd de sombres menaces,
Je te lance en vitesse un sourire moqueur,
Avant d’aller cueillir un insolent bonheur
Loin de notre logis dont la laideur m’agace.

Pendant que tu dilues nos souvenirs rieurs
Dans un marais poisseux de jurons ravageurs,
Je me laisse emporter par une exquise audace.

À jamais délivrée de ta mauvaise humeur,
J’aborde au doux rivage où mon chagrin s’efface
Sous les baisers soyeux de la fée qui m’enlace.

Concerto du bonheur

Je mélangerai ta noirceur
À ma sombre désespérance,
Pour que l’union de nos souffrances
S’épanche en gerbe de douceur.

Je viendrai semer dans ton cœur
Les souvenirs de mon enfance,
Afin que notre amour s’élance
Loin de tes obscures douleurs.

J’immergerai tes défaillances
Dans un puits de tendresse immense
Gorgé de rires enchanteurs.

J’orchestrerai nos différences
En concerto dont la splendeur
Augurera notre bonheur.

26.11.04

Poésie urbaine

Dans les supermarchés où les caddies s’animent
En un ballet urbain de clients envoûtés
Par les démons sournois de la publicité,
Orfèvres de slogans aux promesses sublimes ;

Dans le métro bondé d’une foule anonyme
Qu’un accordéoniste invite à écouter
Sa chanson qui dévide en accords veloutés
L’écheveau flamboyant de ses désirs intimes ;

Dans le journal du soir où l’inhumanité
S’entremêle aux récits de sauveteurs dotés
D’un courage fiévreux où le respect s’arrime ;

La poésie fleurit les murs de la cité
Bardés de graffitis dont la violence exprime
Le mépris pour un monde où le verbe s’abîme.

Bouquet de douceur

Sur le canevas de tes peurs
Germées dans le lit du silence,
Je viens chanter mon espérance
D’un futur aux accents rieurs.

Rebelle aux démons ravageurs
Qui déchirent ton existence
En sanglants lambeaux de démence,
Je t’offre un bouquet de douceur.

Armée de ma tendresse immense,
Je bâtis notre connivence,
Augure d’un soyeux bonheur.

J’éteins l’écho de tes souffrances
Dans le puits de joie, où mon cœur
Scande notre accord enchanteur.

25.11.04

Fée lumineuse

Quand le réveil relaie de ses notes haineuses
Les spectres grimaçants de mes froids cauchemars,
Dans le matin drapé d’un persistant brouillard
Où se noie un soleil aux lumières peureuses ;

Quand la répétition de tâches ennuyeuses
Dans un bureau glacé, étroit comme un placard,
Étouffé sous un ciel aux nuages blafards,
Étire ma conscience en mare cotonneuse ;

Quand la peur m’accompagne au fil des boulevards
Où des masques hideux luisent de toute part,
À l’heure où je rejoins ma banlieue poussiéreuse ;

Je délivre mon cœur de ses chagrins épars
En puisant dans les yeux de ma fée lumineuse
La force d’oublier ma journée désastreuse.

Amour unique

Pour ravir ma fée, je m’applique
À semer les soyeuses fleurs
De notre unisson enchanteur
En une ardente mosaïque.

Au fil de nos nuits magnétiques,
Je conduis ma dame de cœur
Jusqu’au rivage du bonheur
Fleuri de frissons magnifiques.

Grisée par son regard rieur,
J’entonne les accords majeurs
De nos voluptés électriques.

Dans le berceau de sa splendeur,
Où nos corps enflammés s’imbriquent,
Je scelle notre amour unique.

24.11.04

Quotidien maussade

Sitôt que le réveil déchire le silence
En lambeaux ténébreux de rêves avortés,
J’avale un café noir, avant de me jeter
Dans le ventre puant de la cité immense.

Dans le métro bruyant où s’agite en cadence
Une foule asservie à la banalité
Du temps qui se déroule en gestes répétés,
Je vois poindre la fleur de la désespérance.

Sous le ciel nuageux, je me laisse emporter
Par un flot de piétons au regard tourmenté
D’une sourde aversion pour le jour qui commence.

Dans mon bureau glacé, je prie de se hâter
La pendule indolente, afin qu’elle s’élance
À pas accélérés jusqu’à ma délivrance.

Setter rebelle

Exaspéré par le chasseur
Qui sillonne le marécage
Pour tirer les canards sauvages,
Son setter grogne sa rancœur.

Au lieu de pister les odeurs
Des animaux du paysage,
Le chien bondit vers le village
Où se tient le marché aux fleurs.

À l’abri des affreux carnages
De l’homme que sa fuite enrage,
Il se blottit chez le coiffeur.

L’artisan orne son pelage
De frisures dont les couleurs
Augurent un radieux bonheur.

23.11.04

Poésie divine

Écœuré par l’horreur des batailles stupides,
Menées par les humains à l’esprit orgueilleux,
Jésus, découragé, retourne dans les cieux
Où son chagrin s’épanche en ouragan acide.

Au céleste conseil que le Seigneur préside,
Un séraphin conspue le Messie silencieux,
Jusqu’à ce qu’un archange au timbre délicieux
Envoûte l’insolent par un sonnet splendide.

Le Christ, enthousiasmé par ces vers merveilleux,
Surmonte son dépit pour demander à Dieu
De doter les mortels de plumes intrépides.

Sur la Terre lavée de ses charniers odieux,
Les bardes, exaltés par la foi qui les guide,
Glorifient un futur pétri de joie limpide.

Arbre tordu

Tordu par la brusque tempête
Qui ronge son tronc courageux,
L’arbre attend que le ciel cireux
S’ouvre sur un soleil de fête.

Il dresse son mince squelette
Dans le paysage pierreux
Que d’étroits chemins poussiéreux
Éraflent de rides discrètes.

Il invite les amoureux
Animés d’un désir fiévreux
À se rejoindre sous son faîte.

Il dévoile aux enfants les creux
De son écorce, afin qu’ils mettent
Leurs richesses dans ses cachettes.

22.11.04

Flamboyant éveil

Cependant qu’assommée par le nectar vermeil
Qui dilue ton poison de sournoise vipère,
Tu dors en marmonnant ta rancœur solitaire,
Je sens naître en mon cœur un espoir sans pareil.

Ta carcasse agitée, de la tête aux orteils,
De soubresauts poissards exalte ma colère,
Tandis que l’angélus achève de m’extraire
De notre amour entré dans son dernier sommeil.

Plutôt que de subir la tristesse ordinaire
D’un matin ponctué de tes piques amères,
Je bondis dans la rue à l’appel du soleil.

Dans le regard brûlant d’une belle étrangère,
Je devine une fée dans le simple appareil,
Ravie d’accompagner mon flamboyant éveil.

Poème excellent

Pour faire un poème excellent,
Troque les lois de la grammaire
Contre un tapis de primevères
Éclairé d’un soleil brûlant.

Plonge tes sonnets purulents,
Lourds d’une tristesse sévère,
Dans un flot de joie salutaire
Gorgé de mots étincelants.

Oublie le canevas austère
De la métrique pour extraire
De ton âme un texte insolent.

Dissous tes peines solitaires
Dans un déluge de vers blancs
Prompts à consacrer ton talent.

21.11.04

Habile financier

Dans la banque cossue, l’habile financier
Reçoit aimablement les bourgeois de la ville,
Qui, prenant ses conseils pour des mots d’évangile,
Lui confient leur argent sans même sourciller.

Il accorde un crédit au riche bijoutier
Dont les diamants égaient sa maîtresse futile,
Tandis qu’il éconduit d’un hochement hostile
Le chômeur endetté, interdit de chéquier.

Il oppose à l’espoir des pauvres qui défilent
Dans son bureau glacé un silence d’argile
Barbelé des secrets de ses sombres dossiers.

Il regagne le soir son douillet domicile
Où le whisky royal lui permet de noyer
Le remords menaçant son âme d’usurier.

Mon étudiante

Dans les bras de mon étudiante,
J’écris le concerto majeur
De notre unisson enchanteur,
Pétri d’une joie impatiente.

Mue par une ardeur flamboyante,
Je dessine un chemin rieur,
Constellé d’enivrantes fleurs
Aux tonalités chatoyantes.

Insensible aux jaloux moqueurs,
Je tisse le fil du bonheur
Orné de promesses brillantes.

Aiguillonnée par la splendeur
De ma princesse sémillante,
Je conduis nos nuits rayonnantes.

20.11.04

Amazone sensuelle

Amazone rebelle aux trahisons sordides,
Tu esquisses gaiement un gracieux mouvement,
Tandis que le soleil enflamme les diamants
De ton regard pétri d’espérance limpide.

Tu caches le jardin de tes rêves candides
Sous un sourire empreint de présages charmants,
Zélés à exalter l’appétit de l’amant
Qui conduit le ballet de tes frissons splendides.

Ta bouche ourlée l’invite à cueillir prestement
Des baisers prometteurs d’ardents enlacements
Dans le berceau soyeux de vos nuits intrépides.

Sur ton front éclairé par un désir gourmand,
Se dessine une joie sourde au spectre morbide
De la griffe du temps prompte à creuser tes rides.

Sonnet réussi

Pour faire un sonnet réussi,
Troque les démons qui t’oppressent
Contre une joie enchanteresse,
Zélée à chasser les soucis.

Célèbre un futur éclairci
Par de flamboyantes princesses
Armées de bouquets de caresses
Prompts à charmer les endurcis.

Au lieu d’épancher ta tristesse,
Orne tes vers d’une tendresse
Apte à enflammer ton récit.

Assemble avec délicatesse
Les mots de ton cœur adouci
Par le poème que voici.

19.11.04

Chatte brune

L’agile chatte brune, offerte aux rais cléments
D’une lune attentive à lustrer son pelage,
S’avance vers la main dont la douceur présage
Une nuit constellée d’exquis attouchements.

Dans son regard flamboient de limpides diamants,
Prophètes silencieux de voluptés sauvages,
Tandis que l’animal effleure le visage
Égayé par l’ardeur de son ronronnement.

Dès que le doigt léger part en vagabondage
Sur son corps fuselé, le fauve l’encourage
En ponctuant sa joie de tendres miaulements.

Un bouquet de frissons achève le voyage
De la belle féline au royaume charmant
Du plaisir où, comblée, elle meurt en dormant.

Vers voluptueux

Au pays de la liberté,
Naissent des textes magnifiques
Que d’impitoyables critiques
Souillent de leur stupidité.

Loin des pédants assermentés
Dont le cerveau brumeux s’applique
À conspuer l’art poétique,
Jaillissent des mots exaltés.

Insensible aux sournoises piques
De philistins antipathiques,
S’épanouit le verbe indompté.

Au mépris des censeurs cyniques,
La plume persiste à sculpter
Des vers gorgés de volupté.

18.11.04

Années de poussière

Dans la monotonie des années de poussière
Zélées à enterrer les souvenirs sanglants
Des décennies passées sous d’affreux faux-semblants,
La lâcheté combat les âmes singulières.

Tandis que son remords pourrit au cimetière,
L’homme vain, assoiffé de silence indolent,
Prend le libre-penseur bardé d’espoir brûlant
Dans les filets sournois de ses rancœurs guerrières.

Au lieu d’encourager l’écrivain de talent,
La société dilue ses textes virulents
Dans un marais poisseux de craintes routinières.

Aux portes d’un futur lourd d’ennui accablant,
L’humanité férue d’ignorance grossière
Plonge dans l’amnésie les anges de lumière.

Pimbêche assassinée

J’ai assassiné la pimbêche
Dont les effroyables soupirs
Ponctuaient mes nuits sans dormir
De leurs sonorités revêches.

Au rythme de mes coups de bêche
Dans le caveau de nos plaisirs,
J’ensevelis mon avenir
Sous un amas de terre fraîche.

Quand le ciel commence à blêmir,
J’éteins mon envie de mourir
Au son d’une guitare sèche.

Le soleil s’active à fleurir
Mes vers de ses radieuses flèches,
Plutôt que de vendre la mèche.

17.11.04

Harmonie sensuelle

Quand ton regard brûlant m’invite à déposer
Sur ton corps velouté de lascive princesse
Un faisceau enivrant de fougueuses caresses,
J’oublie les trahisons de mon corps épuisé.

Dans la nuit silencieuse où les feux irisés
D’une lune complice exaltent la noblesse
De ton visage offert à ma chaude tendresse,
Je cueille sur ta bouche un bouquet de baisers.

Ton sourire limpide immerge ma tristesse
Dans un torrent de joie, où fleurit la promesse
D’une harmonie nourrie de désirs attisés.

Dans le berceau soyeux de notre exquise ivresse,
Je t’enlace aujourd’hui, afin de composer
L’amoureux concerto de nos sens embrasés.

Salle des pas perdus

Dans la salle des pas perdus
Ornée d’une horloge sévère
Qui ponctue mon chagrin polaire,
Je songe à nos malentendus.

Les sursauts du pont suspendu
Entonnent l’oraison amère
De notre passion qui s’enferre
Au fond de mon cœur éperdu.

Au bar où j’enchaîne les verres,
J’affronte les rires vulgaires
De venimeux individus.

Quand une exquise passagère
Me lance un regard entendu,
J’oublie mes cauchemars tordus.

16.11.04

Fée guitariste

Pendant que tu souris aux lumières bizarres
D’une lune exaltant la tristesse du soir,
Dans la chambre assombrie par tes papillons noirs,
Je m’apprête en solo à larguer les amarres.

Lassée de tes sermons imprégnés de curare,
Insolents fossoyeurs de mes tendres espoirs,
Je m’éloigne de toi pour ne plus recevoir
Les piques acérées de tes rages barbares.

Rebelle aux souvenirs enfouis dans nos tiroirs,
Je m’échappe ardemment des rets de ton pouvoir,
Aux portes d’un matin, où nos vies se séparent.

Loin de ton amertume inapte à m’émouvoir,
Je m’avance à présent sur le quai de la gare,
Où m’accueille une fée au son de sa guitare.

Nuit démoniaque

Pour les yeux d’une dame brune,
Lassée par le rire indécent
De son mari au corps blessant,
Le soleil enlace la lune.

Mue par une ardeur peu commune,
Germée dans son cœur innocent,
La belle plonge dans le sang
L’époux grossier qui l’importune.

Sous les diamants éblouissants
D’une nuit aux démons puissants,
La veuve rit de sa fortune.

Au lieu d’élire un remplaçant
À la tendresse inopportune,
Elle se noie dans la lagune.

15.11.04

Gare de la joie

Après avoir chassé mes démons rancuniers,
Zélés à ressasser nos sanglantes bagarres,
Je me laisse envoûter par un air de guitare,
Qui réveille en mon cœur des souvenirs princiers.

Portée par la musique aux accords printaniers,
Je quitte le logis dont la froideur m’effare,
Afin de me plonger dans la foule barbare
Dont la rumeur dilue mon chagrin singulier.

Dans le lacis ombreux des rues, où je m’égare
Parmi des inconnus à l’allure bizarre,
J’aperçois brusquement un décor familier.

Exaltée, je t’attends sur le quai de la gare,
Dans la brume glacée d’un matin de janvier,
Que nos baisers futurs promettent d’égayer.

Éveil solitaire

Pendant que tu dors, je m’envole
Dans le calme matin fleuri
De l’espérance où mon esprit
Enterre tes vaines paroles.

Dans la vibrante métropole
Sourde à notre unisson flétri,
Je regarde un nuage gris
Noyer nos querelles frivoles.

Devant ma tasse, je souris,
Avant de réduire en débris
Un pain doré à la mie molle.

Loin de ton visage assombri
Dont la dureté me désole,
Je plonge dans une joie folle.

14.11.04

Hôtel accueillant

Dressé depuis trente ans au coin du boulevard,
J’accueille dans mes flancs d’exquises demoiselles,
Princesses délurées qui jouent de la prunelle
Pour charmer les clients agglutinés au bar.

J’abrite patiemment des groupes de fêtards
Émaillés de poupées à la voix de crécelle,
Zélées à enflammer la mâle clientèle
Par les diamants soyeux de leurs troublants regards.

J’assiste quelquefois aux bruyantes querelles
De couples moribonds dont l’ironie cruelle
Déchire la tendresse en souvenirs épars.

J’héberge un écrivain dont les poches recèlent
Des carnets constellés de sombres cauchemars
Qu’il s’échine à noyer dans un fougueux nectar.

Hôtel interlope

Dressé sur le vieux boulevard
Fleuri d’aguichantes gazelles
Chargées d’une poudre mortelle,
J’abrite des ébats poissards.

Rebelle aux venimeux zonards
Qui jaillissent d’une ruelle
Pour dépouiller ma clientèle,
J’offre la chaleur de mon bar.

J’héberge des amants fidèles
Dont la connivence étincelle
Malgré les pièges du hasard.

Dans mes entrailles, je recèle
Un essaim de bourgeois ringards,
Imbibés de soyeux nectar.

13.11.04

Splendide princesse

Cependant qu’à ses pieds affluent des séducteurs
Zélés à couronner leurs brûlantes promesses
De fabuleux présents, la splendide princesse
Rêve secrètement de l’élue de son cœur.

Insensible au torrent de serments enjôleurs
De nobles prétendants dont le désir l’oppresse,
La belle s’épanouit dans la chaude tendresse
D’une accorte fermière au regard enchanteur.

Aussitôt que le flot des importuns délaisse
Le palais encombré d’insolentes richesses,
La jeune altesse court au nid de son bonheur.

Au matin, apaisée par d’exquises caresses,
Elle quitte à regret son havre de douceur
Pour rejoindre un essaim d’opiniâtres raseurs.

Puits de ma bienveillance

Mes mains découpent le silence
En lambeaux de chagrins passés,
Où fleurit l’espoir insensé
D’un amour exempt de souffrance.

Pour sceller notre connivence,
Je sème dans ton cœur blessé
Mes désirs prompts à effacer
L’aigre écheveau de tes démences.

Ma tendresse vient fracasser
L’écran de tes nuits tapissé
De tes amères défaillances.

Je noie tes cauchemars glacés,
Bardés de muette violence,
Dans le puits de ma bienveillance.

12.11.04

Reine du bitume

Dans le salon drapé d’une laiteuse brume,
Où son esprit s’épanche en vagues de chagrin,
Que ponctuent les échos d’une cloche d’airain,
La princesse combat l’ennui qui la consume.

Le café frais répand sa puissante amertume
Dans le matin grisâtre où l’insolent refrain
D’une vieille chanson distille un tel entrain
Que le regard soucieux de la belle s’allume.

Le soleil malicieux qui caresse ses reins
Calcine l’écheveau de ses doutes empreints
De souvenirs glacés que son espoir inhume.

Éclairée d’un bouquet de rires souverains,
Elle endosse gaiement le flamboyant costume
Qui magnifie son corps de reine du bitume.

Union subtile

Mes mains, ailes de joie dociles,
Cisèlent ce soir sur ton corps
Le concerto de notre accord
Gorgé de promesses fertiles.

Mes doigts magiciens se faufilent
Dans le silence où tu t’endors,
Pour y répandre le trésor
De ma tendresse indélébile.

Je fracture le coffre-fort
De ton cœur aux démons retors,
À coups de rires volubiles.

Je mène nos désirs au port
Des voluptés, où se profile
Le nid de notre union subtile.

11.11.04

Amnésie apaisante

Aux portes du matin, dès que le réveil tinte
Un refrain monotone aux accents de métal,
Je m’avance en solo dans le gouffre hivernal
D’un avenir hideux, exempt de nos étreintes.

Sous le linceul amer de l’espérance éteinte,
Où le spectre glacé du silence abyssal
Transforme ma mémoire en puits d’effroi létal,
Je noie mes souvenirs dans un fleuve d’absinthe.

J’efface de mon cœur ton rire de cristal,
Nos deux corps enlacés sur la piste de bal,
Tes cheveux constellés d’odorantes jacinthes.

Dans mon âme envahie d’un ennui colossal,
Un bataillon grouillant de monstrueux helminthes
Achève de ronger tes brûlantes empreintes.

Chapelier défunt

Dans l’échoppe exiguë de l’ancien chapelier,
Défilaient fièrement de joyeuses nymphettes
Empressées d’acquérir pour les soirées de fête
Des coiffes saugrenues aux coloris variés.

Passant rapidement d’une fille à marier
À un veuf taciturne, amateur de casquettes,
L’artisan inventif posait sur chaque tête
Un exquis couvre-chef impossible à copier.

Au lieu d’encourager la renommée surfaite
Des fausses nouveautés défrayant les gazettes,
Le vieil homme moulait ses rêves singuliers.

Dans la vitrine sombre, une austère affichette
Annonce désormais aux curieux du quartier
Que le roi du chapeau est mort le mois dernier.

Combat fruitier

Dans le saladier en cristal,
Se joue le combat fratricide
Des fruits, où la reinette acide
Ronge le raisin automnal.

Pour chasser le poison létal
Que déversent les pesticides,
La mandarine dilapide
Son parfum dans l’air matinal.

Fière de l’écorce impavide
Qui drape sa chair translucide,
L’orange attend l’assaut final.

Les preux rescapés se dérident
Dès que le couteau en métal
Lacère l’ananas royal.

10.11.04

Religieuse voluptueuse

Dans sa cellule grise où son désir s’aiguise,
La jeune religieuse accueille impatiemment
Le démon transformé en invisible amant
Dont la tendresse éteint ses secrètes hantises.

Loin de la pruderie de ses consœurs soumises
À la sévérité des pieux enseignements,
La rebelle s’adonne à des enlacements
Où son corps oublieux du Seigneur s’électrise.

Dès que la nuit accroche au sein du firmament
Une lune complice, habillée de diamants,
La nonne se réjouit de caresses exquises.

Quand l’angélus annonce un matin assommant,
Elle prend son missel pour courir à l’église
Où le curé chagrin, prestement, la dégrise.

Joies cristallines

Je poserai sur toi bientôt
Un bouquet de baisers propices
À t’entraîner dans un délice
Vainqueur de tes chagrins létaux.

Je t’enserrerai dans l’étau
De ma tendresse zélatrice
À refermer les cicatrices
De tes doutes fondamentaux.

Je tracerai la voie complice
Conduisant au feu d’artifice
De notre amoureux concerto.

Mue par une ardeur protectrice,
Je construirai un chapiteau
Où nos joies poindront en cristaux.

9.11.04

Salade chagrine

Près du baba au rhum, la salade chagrine
Pleure sur la fadeur de l’assaisonnement
Qui dévore son cœur condamné tristement
À nourrir les fêtards imprégnés de bibine.

Au fond du saladier posé dans la cuisine,
Elle observe les plats du déjeuner gourmand,
En rêvant d’échapper à l’affreux châtiment
De mourir délaissée dans les assiettes fines.

Quand le poulet, parti depuis un long moment,
Vient mettre sous son nez ses frêles ossements,
La laitue, effrayée, vite se ratatine.

Sur la table jonchée d’un bel assortiment
De fromages goûteux, où le munster domine,
La belle disparaît en bouchées assassines.

Sein magnifique

Offert à la main du plaisir
En une promesse impudique,
Le sein se dresse, magnifique,
Gorgé des frissons à venir.

Illuminé par le désir
Qui bande sa pointe élastique,
Le magicien de la plastique
Convie la bouche à le cueillir.

Dès que la lumière électrique
Ravive sa chair, il s’applique
Joyeusement à s’affermir.

Mû par un élan érotique,
Il frémit afin d’éblouir
L’œil qui vient de le découvrir.

8.11.04

Âme dévote

De l’église au fourneau, la vie de la bigote
S’étire lentement sous les yeux protecteurs
De Jésus agacé par l’austère froideur
De sa pieuse demeure où le curé chevrote.

Les oreilles vrillées par maintes fausses notes
Fièrement entonnées par les enfants de chœur,
Les croyants du dimanche observent sans pudeur
La femme rabougrie dont la bouche tremblote.

Tandis que l’assemblée s’éloigne à pas flâneurs
Dans les rues égayées par un soleil charmeur,
La vieille, prosternée devant l’autel, sanglote.

Elle demande à Dieu d’étouffer les douleurs
Dont le torrent fougueux, sans répit, la ballotte,
En décidant l’envol de son âme dévote.

Chemin de notre ivresse

Dans ton cœur lourd d’une tristesse
Nourrie de cuisants cauchemars,
Je viens déposer le nectar
De ma silencieuse tendresse.

Rebelle au passé qui te blesse
De ses hypocrites poignards,
J’effrite ardemment le rempart
De ta douloureuse sagesse.

Ensorcelée par ton regard,
Je conduis nos joies au hasard
De mes flamboyantes caresses.

À l’abri des serments bavards,
Je te mène, exquise princesse,
Sur le chemin de notre ivresse.

7.11.04

Princesse splendide

Sur la peau dénudée de son corps virginal,
Danse gracieusement un soleil intrépide,
Empressé d’égayer ses rêveries candides
D’exquises sensations au parfum estival.

Des ombres effilées jouent un ballet royal
Sur son ventre agité d’ondulations rapides,
Orchestrées par la main du désir, qui la guide
Vers le rivage ardent d’un bonheur matinal.

L’écheveau sibyllin de ses joies se dévide
En concerto d’espoir, dont l’ardeur dilapide
Les échos ténébreux du calme pastoral.

Sitôt que la princesse au visage splendide
Me prend dans les filets de sa voix de cristal,
Je la rejoins au creux de notre accord total.

Joie poétique

Rebelle aux lecteurs du dimanche,
Avides de textes curieux,
Je compose des vers joyeux
Où mon espérance s’épanche.

Lassée par les effets de manches
D’écrivains à l’esprit spécieux,
Je bâtis un monde radieux
Où le verbe prend sa revanche.

Grisée par l’accord harmonieux
Des mots qui dansent sous mes yeux,
Je plonge dans une joie franche.

Loin des critiques orgueilleux,
Ma soif poétique s’étanche
Dans le berceau de mes nuits blanches.

6.11.04

Office insolite

Cependant que novembre étend ses ailes grises
Sur les faubourgs déserts de la vieille cité,
Le curé se démène afin de contenter
Les bigotes aigries qui hantent son église.

Devant Jésus lassé de ses brebis soumises,
Son serviteur fervent s’égosille à chanter
Des psaumes imprégnés d’une austère piété
Zélée à racheter ses piètres vocalises.

Pour chasser les soupçons que s’obstine à jeter
Le démon malicieux dans son cœur exalté,
Le prêtre tourmenté, sombrement, s’alcoolise.

Rebelle aux hurlements du Christ épouvanté,
L’abbé ivre déclame un torrent de sottises,
Avant de s’abîmer dans une brume exquise.

Enfer solitaire

Je cache en mon cœur un enfer
Plus grand que l’effrayante haine
De la foule où je me promène
Pour noyer mes chagrins amers.

Rebelle aux mensonges diserts
De l’amitié, je me démène
Parmi les cauchemars obscènes
Qui saccagent mon univers.

Dans ma conscience se déchaîne
L’ange de la mort aux mains pleines
De tisons qui rongent ma chair.

Au seuil de ma chute certaine,
Je gémis dans le lit en fer
De mon appartement désert.

5.11.04

Taureau condamné

La foule enthousiasmée trépigne dans l’arène
Où m’attend fièrement le fougueux torero,
Un enfant du pays érigé en héros
Par la ville assoiffée de boucheries obscènes.

Tandis que s’amplifie la rumeur inhumaine
Des connaisseurs qu’égaie l’ardeur de mon bourreau,
Je sens faillir mon cœur de battant sous les crocs
De l’effroi augurant ma défaite prochaine.

Expert incontesté en meurtres de taureaux,
L’arlequin belliqueux bombe les pectoraux,
Pendant qu’à mon entrée, les bravos se déchaînent.

Avant de succomber, couché sur le carreau,
J’espère transpercer l’odieux énergumène
Qui me lance à présent un regard noir de haine.

Obscurité merveilleuse

Dans la ville endormie, je creuse
Un jardin de vers enchanteurs,
Prompts à illuminer mon cœur
De leur tendresse chaleureuse.

Au sein de la nuit ténébreuse,
J’éteins mes doutes ravageurs
Dans une précieuse liqueur
Gorgée de promesses joyeuses.

J’étouffe les accords mineurs
Du concerto de la froideur
Dans une guitare enjôleuse.

J’enterre les spectres rageurs
De ma mémoire scrupuleuse
Dans l’obscurité merveilleuse.

4.11.04

Outre-tombe

Vivants, allez gémir ailleurs
Au lieu d’ânonner vos prières
Qui salissent le cimetière,
Règne du néant rédempteur.

Écartez vos affreuses fleurs
De mon royaume de poussière
Pour que ma demeure dernière
Conserve sa calme splendeur.

Essuyez vos larmes grossières
Qui souillent le berceau de pierre,
Où je m’effrite sans douleur.

Tenez loin de mon âme fière
Votre chagrin dont l’impudeur
Ébranle ma sombre froideur.

Nuits poétiques

Dans le profond creuset de mes nuits sans dormir,
Jaillissent des bouquets de radieuses images
Que mon stylo assemble en poèmes sauvages
Dont les fiévreux quatrains exaltent mes désirs.

Aussitôt que le ciel commence à s’obscurcir,
J’invite mon esprit à partir en voyage
Au pays flamboyant du bonheur sans nuages,
Où les mots baladins chantent pour m’accueillir.

À l’abri du sommeil lourd de silence sage,
Mon âme débridée aborde au doux rivage
Du verbe pourvoyeur de chatoyants plaisirs.

Je cisèle en solo les diamants du langage
Pour composer des vers empressés d’embellir
L’horizon délavé du matin à venir.

3.11.04

Évasion ultime

Loin de la ville où gronde une foule en armures,
Pressée de lacérer son visage fardé,
La princesse s’enfuit sous un ciel lézardé
De prodigieux éclairs jaillis à vive allure.

Tandis que la noirceur de la nuit se fracture
En lambeaux d’épouvante, où le diable excédé
Grave la partition du chant des suicidés,
La rebelle, vaincue, creuse sa sépulture.

Précédant le démon qui joue sa mort aux dés,
Elle éteint son futur sur le caveau bordé
D’immenses chardons noirs d’où la haine suppure.

Dés qu’une pluie glacée commence à inonder
Le marbre immaculé, la frêle créature
Plonge dans le néant exempt d’âmes impures.

Pays de la mièvrerie

Au pays de la mièvrerie
Fusent des rires de bonheur
Pétris d’une immonde candeur
Habillée de cajoleries.

Au creux des consciences nourries
De mensonges avant-coureurs
D’une inexpugnable fadeur,
Se trame la sensiblerie.

Cachée dans les bouquets de fleurs,
La bêtise enivre les cœurs
Que trompe sa coquetterie.

Dans le berceau de la lourdeur
Tapissé de minauderies,
S’échafaude la niaiserie.

2.11.04

Moustique gourmand

Las de piquer la peau cireuse
D’une foule d’humains pressés,
L’animal commence à sucer
Une amanite vénéneuse.

Rongé de brûlures affreuses,
Impossibles à effacer,
Il décide de se glisser
Dans le cerveau d’une dormeuse.

Grisé de rêves opiacés,
Le moustique essaie d’embrasser
Une libellule orgueilleuse.

L’insecte éconduit, agacé,
Éteint ses déceptions nombreuses
Dans une liqueur sirupeuse.

Réconfort stellaire

Lassée de contempler la lune au firmament,
Relayée au matin par les lueurs blafardes
D’un soleil apeuré par nos luttes bavardes,
Je te laisse, poison, aux mains de ton amant.

Venimeuse poupée dont l’odieux ronflement
Déchire mon sommeil de ses griffes poissardes,
Je préfère quitter notre froide mansarde
Avant de démolir ton visage charmant.

Au lieu de te vouer aux crocs de la camarde
Zélée à étouffer tes litanies criardes,
Je m’envole en solo vers un calme clément.

Sous le ciel silencieux, délivrée, je regarde
Une étoile inconnue qui m’offre aimablement
Le puissant réconfort de ses feux de diamant.

1.11.04

Trésors poétiques

Plutôt que d’étouffer les morts
Sous des bouquets de chrysanthèmes,
Cueille l’espoir que le vent sème,
Pour conjurer le mauvais sort.

Chasse les fantômes retors
Qui pervertissent tes poèmes,
En plongeant les mots que tu aimes
Dans une mer de boutons d’or.

Afin d’embraser l’aube blême,
Monte tes désirs en diadème
Pourvoyeur d’ardent réconfort.

Armée de ton stylo, essaime
Une kyrielle de trésors
Prompts à stimuler ton essor.

Plume chaleureuse

Les chants désespérés, jaillissant par centaines
De cerveaux torturés d’écrivains ténébreux,
Zélés à cultiver l’accablement au creux
De leurs phrases glacées, me donnent la migraine.

Lassée de partager les cauchemars obscènes
De poètes déments dont les quatrains ombreux
Résonnent aigrement dans mon esprit fiévreux,
J’immerge leurs recueils dans l’eau de la fontaine.

Ma plume solitaire aux accents chaleureux
Se répand désormais en poèmes nombreux,
Joliment imprégnés d’une joie souveraine.

Portée par le vaisseau de mes vers vigoureux,
J’aborde au doux rivage où d’exquises sirènes
Effacent les échos de mes anciennes peines.