30.4.05

Querelle conjugale

Pendant que le loustic se pinte au whisky sec
Dans un rade bondé de poupées engageantes,
Sa bergère croupit dans le foyer que hante
L’ange du désespoir féru de ses échecs.

Quand l’aurore embrumée lui ramène son mec
Dont le regard flamboie d’une joie insolente,
La souris, animée d’une rage démente,
Lui balance illico son poing dans le bifteck.

Plutôt que d’encaisser une volée cuisante,
Le pékin, effrayé, prend fissa la tangente,
Sous les yeux du moutard qui, prudent, tient son bec.

Le pochard, égaré dans la ville qu’arpentent
Des poules qui l’ennuient de leurs salamalecs,
Les envoie vertement tapiner chez les Grecs.

Mousse bienfaitrice

Je me prélasse
À la terrasse
D’un bar bondé
D’hommes guindés.

Une infirmière
Siffle une bière
Sous le regard
D’un vicelard.

Une trappiste
Noie l’écho triste
D’un rêve éteint
Dans le matin.

Boire une mousse
De couleur rousse
Dissout l’ennui
Qui me poursuit.

Mon verre vide,
Je me décide
À me jeter
Dans la cité.

Vagabond radieux

Vêtu de dignité,
Le vagabond chemine
Au hasard des trottoirs.

Dans son regard, la lune
Darde ses rais soyeux
Dont la joie le réchauffe.

Sous la pluie familière,
Il lave les fatigues
De sa vie de bohème.

Les piques anonymes
Glissent sur sa carcasse
Endurcie par l’errance.

Bardé de souvenirs
Aux couleurs estivales,
Il sourit au futur.

Dans la ville impassible,
Il trace son chemin
Fleuri de liberté.

29.4.05

Voyous en virée

Dans une auto chourée sur un parking immense,
Les voyous avinés, drivés par un flambeur,
Sillonnent la cité dont les balcons en fleurs
Attisent leur désir de coupable violence.

Sous le ciel assombri, les crapules se lancent
À l’assaut d’un appart constellé de splendeurs
Qu’ils embarquent sous l’œil flamboyant de fureur
Du vigile surpris dans son incompétence.

Au coin d’un boulevard, la tire des casseurs
Emboutit un taxi dont surgit le chauffeur
Qui brandit un pétard en réclamant vengeance.

Quand se pointe un tandem de poulets fureteurs,
Les truands amateurs caltent de toute urgence,
Loin de l’accidenté dont les ennuis commencent.

Carrefour de l’insomnie

Au carrefour de l’insomnie
Naissent des mots complices
De désirs inventés.

Dans la nuit languide,
Le souffle d’un poème
Efface l’empreinte d’un regret.

Le miroir du passé se brise
En fragments équivoques
Dont la douleur s’émousse.

À l’angle des certitudes,
Le chemin de l’errance
Fleurit de sourires tendres.

Sous un rêve avorté
Germe une fleur d’espoir
Au parfum d’imprévu.

Dans le cœur écorché,
Une voix anonyme
Tisse un ruban de joie
Aux couleurs du futur.

28.4.05

Vagabond

La carcasse épuisée de cuisantes douleurs
Qu’attisent les regards dont la dureté scelle
Son sinistre déclin dans la ville cruelle,
Le vagabond gémit sur le temps fossoyeur.

Devant les citadins habillés de froideur,
Il agite une main dont la maigreur révèle
Sa muette avancée vers une issue mortelle
Dont le pressentiment lui déchire le cœur.

Il promène sa faim dans le fond des ruelles,
Où les déchets pourris de poisseuses poubelles
Composent ses repas aux relents de malheur.

Voûté par le chagrin, il traîne ses semelles
Au hasard des trottoirs bondés de promeneurs
Dont les piques ponctuent ses mouvements trembleurs.

Périple radieux

Sous un ciel impassible,
Le navire vogue
Vers un ailleurs limpide.

La mer clapote
Une romance éternelle
Imprégnée de promesses.

Le capitaine dilue
L’écho d’une trahison
Dans un whisky hors d’âge.

Un guitariste égrène
Des accords cristallins
Qu’un vent tiède disperse.

Une mouette crieuse
Danse un ballet d’espoir
Sous l’horizon bleuté.

Debout face à la proue,
Le mousse solitaire
Scrute l’avenir radieux.

27.4.05

Fringant lieutenant

Éveillé au matin par le chant du clairon,
Le fringant lieutenant chasse de sa cervelle
Un rêve constellé d’aguichantes gazelles,
Avant d’aller dompter de solides lurons.

Quand, parmi les recrues, se dresse un fanfaron
Fermement décidé à lui chercher querelle,
L’officier le punit de corvées à la pelle,
Afin que l’insolent regrette son affront.

Aidé du caporal qu’il tient sous sa semelle,
Il insuffle aux soldats une rage mortelle,
Pour qu’ils puissent mater l’ennemi sur le front.

Dans la nuit barbelée de menaces cruelles,
Il oppose à la peur qui rôde aux environs
L’apaisante chaleur d’un complice litron.

Froideur citadine

Ville lourde d’habitudes
Barbelée d’indifférence
Bloc de grisaille ordinaire

Décor hostile
Le corps se cogne
Aux cages d’acier

L’œil s’épuise
Devant le défilé incessant
D’inconnus sombres

Sourire furtif
D’un flâneur solitaire
Que le soir emporte

Dans l’appartement étranglé
Par l’ennui silencieux
Le temps s’épaissit

La froideur du drap
Creuse l’insomnie
Le dégoût grignote
L’aube hésitante

26.4.05

Dans l’animalerie

Dans l’animalerie, une vendeuse emballe
Un superbe bonsaï au feuillage cuivré,
Pendant que son collègue essaie de capturer
Un guppy qui remue dans un aquarium sale.

Un chat européen darde ses yeux d’opale
Sur la cage où s’agite un abyssin castré
Qui, mû par la frayeur, se met à labourer
Une main inconnue d’une patte brutale.

Un puissant labrador au pelage doré
Aboie sur l’employé en train de récurer
Un bac d’où un relent de charogne s’exhale.

Un couple de serins chante pour conjurer
La tristesse qui sourd de l’âpre capitale,
Sous l’œil indifférent de l’horloge murale.

Éclaircie matinale

Dans la nuit solitaire
Le téléphone se tait
Sous l’horloge obsédante
L’ennui s’étale

Sur le lit d’insomnie
Souillé de regrets
L’œil accroche le placard fermé
Sur la douleur des souvenirs

Une musique subtile
Effrite le silence
L’âme s’allège
D’une tristesse diffuse

L’écho d’un sourire
Apaise l’abandon
Le matin éclaire
L’espoir naissant

25.4.05

Souvenirs radieux

Je garde en ma mémoire un cahier à spirale,
Dont les pages déploient des dessins aux couleurs
De ma première enfance au pays du bonheur
Célébré par le chant de radieuses cigales.

J’oppose à la froideur de l’âpre capitale
Les échos veloutés de rires enchanteurs
Dans mon village orné de myriades de fleurs,
Au parfum enivrant de gaieté estivale.

J’enterre les démons, dont les poignards rageurs
Lacèrent mon sommeil en éclats de frayeur,
Dans le jardin secret de mes cartes postales.

J’éteins le désespoir qui me vrille le cœur
Dans le tiède océan de la nuit, d’où s’exhale
Une musique ancienne aux notes pastorales.

Avenir effrité

Dans l’ennui diffus
Une musique insolente
Témoin d’une joie inaccessible

La radio métallique
Ponctue les heures fades
L’horizon rétrécit

Dans un tiroir entrouvert
Des factures recouvrent
Les lettres d’un amour ancien

Aux portes du néant
Le corps exempt de désirs
Pactise avec la douleur

Enfilade de jours identiques
La lassitude dévore
L’écho d’un rire

La poussière grignote
Les souvenirs fragiles
L’insomnie creuse la solitude
L’avenir s’effrite

24.4.05

Bistrot agité

Excédé de subir les cris de sa bergère
Dont le boulot minable envenime l’humeur,
Le pékin déguerpit chez son pote chômeur,
Ravi de partager son pinard ordinaire.

Les deux glandeurs, qu’égaie une ivresse éphémère,
Filent dans un bistrot bondé de magouilleurs
Habiles à plumer les naïfs en douceur
Sous l’œil froid du taulier à l’allure vulgaire.

Un toxico en manque importune un frimeur
Qui l’envoie valdinguer, d’un mouvement rageur,
Contre la table où pinte un voyou solitaire.

Le camé se tortille en hurlant de douleur,
Tandis que les zonards détalent ventre à terre
Loin du bar où rugit la crapule en colère.

Mort chimique

La vie se dessèche
La souffrance grignote
Demain horrifie

Les veines charrient
Un sang noir d’abandon
Le temps pèse

La nuit éteint
Un fragment d’espoir
L’insomnie creuse la peur

Le matin brûle les paupières
Le silence laboure l’âme
L’air oppresse les poumons

Le sourire médical scelle
La promesse tacite
D’une délivrance imminente

Chimie rédemptrice
D’une déchéance solitaire
Le corps s’engloutit dans le néant

Tendre vagabondage

Je déambule en solitaire
Dans le labyrinthe de mes souvenirs
Je cueille ton sourire
Ton regard lapis-lazuli
Un froissement de draps

Dans la longue-vue de ma mémoire
Je contemple ta beauté
Flamboyante de tendresse

Devant la glace du lavabo
Je maquille les traces de mes échecs
Je fais litière de tes trahisons
À nos voluptés futures

23.4.05

Mythomane haineux

La conscience embrumée par l’âpre souvenir
Des siens assassinés dans d’horribles souffrances,
Le revanchard, drapé d’une fausse innocence,
Ressasse les exploits de son peuple martyr.

Rongé par l’insomnie, il s’épuise à gémir
Sur ses parents défunts dans sa première enfance,
Avant de s’abîmer au fond d’une démence
Barbelée de bourreaux venus de l’avenir.

Il prétend essuyer de cuisantes offenses,
Pour prendre dans les rets de son intolérance
Des ennemis fictifs qu’il jure de punir.

Quand, lassée d’endurer ses accès de violence,
Sa compagne, un matin, décide de partir,
Il implore son Dieu de l’aider à mourir.

Gare du désir

Au terme d’un jour gris
Chemin du hasard
Gare grouillante d’imprévus

Le corps se fond
Dans la foule anonyme
Aux effluves aigres

Sous l’horloge pressante
File compacte
De voyageurs cosmopolites

Regards précurseurs
De rires partagés
Connivence furtive

Composteur implacable
Quai du départ
Déchirure subtile

Le train berce
La rêverie fleurie
D’une tendresse naissante

Le temps s’étire
En boucle d’espoir
Jusqu’au retour impatient

Frôlement de mains
L’unisson des désirs
Illumine les visages
La pudeur se dissout
Dans la joie limpide

22.4.05

Chauffard en fuite

Au terme d’une année d'un turbin fastidieux
Parmi des rabat-joie à l’esprit mercantile,
Le loustic, épuisé, quitte son domicile
Pour foncer vers le sud sous un soleil radieux.

Rebelle aux vacheries de conducteurs vicieux,
Le vacancier, ravi d’échapper à la ville,
Fredonne allègrement dans son automobile
Une chanson ancienne aux accents mélodieux.

Un motard imprudent slalome entre les files,
Si bien que le gazier, d’un geste malhabile,
L’envoie dans le décor, antichambre des cieux.

Aussitôt qu’un poulet au sifflet volubile
Lance vers sa bagnole un regard suspicieux,
Le chauffard abandonne en vitesse les lieux.

Vieillesse sombre

Corps étouffé
D’ennui quotidien
Les années pèsent

Les visiteurs se confondent
En un magma bruyant
La lassitude grignote

Sur les photos jaunies
Les regards de reproche
Effacent les sourires

Agueusie sévère
Imposture honteuse
Du passé insipide

Dilution de l’horizon
Dans l’amnésie progressive
Le néant envahit

L’esprit se noie
Dans l’océan de l’indifférence
L’avenir s’abîme

21.4.05

Silencieux grenier

Discrètement perché en haut de l’escalier
Aux marches rabotées par les années qui filent
Vers une mort bardée de fantômes hostiles,
Sombre dans l’abandon le silencieux grenier.

Au milieu d’un fouillis de cahiers d’écolier
Constellés de récits aux dessins malhabiles,
S’étalent des photos, souvenirs d’une idylle,
Aux sourires gommés par l’ennui familier.

D’une armoire bourrée d’étranges ustensiles,
S’évapore un parfum dont les notes subtiles
Ravivent les échos d’un bonheur printanier.

Contre le mur lardé de fissures, s’empilent
Des mocassins usés où les chats du quartier
Exercent le tranchant de leurs griffes d’acier.

Harmonie subtile

Bruit de serrure
La poussière de l’ennui
S’efface sous ton sourire

Ton regard allège
Mon corps épuisé
De douleurs solitaires

Rituel de tendresse
Complicité quotidienne
Économe de paroles

La nuit chaude
De notre fusion
Calcine mes doutes

La rumeur matinale
Délite le berceau
De nos plaisirs

Le sifflement de la cafetière
Émaille d’amertume
Nos gestes machinaux

20.4.05

Punition sanglante

Pendant que le boucher s’échine à débiter
Aux clients du quartier sa bidoche sanglante,
Sa femme en loucedé file chez son amante
Habile à assouvir ses désirs exaltés.

Loin du costaud stupide, inapte à contenter
Son furieux appétit de caresses brûlantes,
La poupée s’abandonne à la bouche charmante
De la jeune sylphide au regard velouté.

Seul devant son dîner, le mari, que tourmente
Une aigre jalousie, peste contre l’absente,
Avant de s’abîmer dans un rêve agité.

Au retour matinal de la belle insolente
Dont le minois flamboie d’une étrange gaieté,
Il plonge dans son sein un surin affûté.

Mort implacable

Hôpital aseptisé
Sourire mensonger
De l’infirmière alerte

Océan de temps fade
Les soins dérisoires
Ponctuent la solitude

Au chevet des graphiques
Chroniques scrupuleuses
D’une mort implacable

Le plateau-repas
Aux effluves tristes
Écrase les souvenirs sensuels

Comprimés livides
Glissement progressif
Vers le néant

Néon vacillant
Corps dévoré de douleurs extrêmes
Conscience embrumée
Demain improbable

19.4.05

Vin protecteur

Élixir vermillon aux effluves fleuris,
Immerge les chagrins de mes nuits solitaires
Dans le torrent joyeux de l’ivresse légère,
Habile à éclairer l’horizon assombri.

Dilue les souvenirs de mon cœur en débris
Dans ton flot imprégné de délices solaires,
Afin que, délivrée des douleurs qui m’enserrent,
J’éparpille un bouquet d’espoirs sur mes écrits.

Jette les envoyés du néant, qui s’affairent
À souiller mes pensées d’une tristesse amère,
Dans ton puits de plaisir, où l’avenir sourit.

De ton soyeux nectar au parfum de mystère,
Lave les cauchemars qui hantent mon esprit,
Pour que ma guérison survienne en ton abri.

Réduction mortelle

Visages vides
Dans la ville amnésique
De mes voluptés

La nuit m’étouffe
Le silence sourd des murs
Mes chagrins s’emmêlent

Bruissement d’un souvenir
Souffle coupé
Par le poids des regrets

Fenêtre maculée d’ennui
Mon regard se noie
Dans le ciel béant

Dans l’équation de l’absurde
La vie se réduit
En inconnue mortelle

18.4.05

Concert agité

Dans un troquet bondé de touristes ringards
Qu’aguiche un chapelet de lascives sirènes,
Un groupe prodigieux de rock urbain enchaîne
Des morceaux inspirés par l’abus de pétards.

Le batteur, désireux de capter les regards,
Accompagne son jeu de mouvements obscènes,
Tandis que brillamment le guitariste égrène
Des accords dont la fougue illumine le bar.

Sitôt que des voyous armés de lourdes chaînes
Désertent le comptoir pour envahir la scène,
Les clients, affolés, s’enfuient de toute part.

Un doberman aux crocs aiguisés par la haine
Se rue en aboyant sur le chef des loubards,
Qu’il égorge sous l’œil du barman rigolard.

Bilan sombre

Tu comptes tes rides
Dans l’œil froid de la glace
Amnésique de tes joies

Tu transiges avec la mort
Tapie dans les angoisses
De tes nuits d’insomnie

La poussière drape tes souvenirs
D’un ennui poisseux
Tu te replies dans le silence

Les objets se figent
Dans la profondeur de ta solitude
Tu recenses tes échecs

Ta bouche desséchée
S’épuise à mâcher
Le pain amer de ta déchéance

Le temps craquelle
Ta peau grise d’abandon
L’oubli t’asphyxie

17.4.05

Partie de chasse funeste

Dans le jardin soyeux à l’entrée du village,
Qu’embellissent les rais d’un soleil enchanteur,
Un rossignol, sous l’œil d’un matou querelleur,
Gazouille des accords aux délicieux présages.

Dans un déferlement de jappements sauvages,
Un terrier vigoureux s’élance vers les fleurs,
D’où jaillit un lapin que mitraille un chasseur
Dont la joie sanguinaire éclaire le visage.

Quand le ciel se déverse en grondements rageurs,
Le chien se réfugie sous un saule pleureur
Où l’égorge aussitôt un loup du voisinage.

Pour échapper aux cris de l’animal qui meurt,
L’homme, tremblant, s’enfuit à travers le bocage,
Jusqu’à ce que la foudre achève son voyage.

Mort équivoque

Placards bourrés
De passions flétries
Balayées par l’ennui

Corps replié sur l’abandon
Au-dessus marteau rageur
Emménagements incessants

Des souvenirs hostiles
Hantent l’appartement
Ton espace se rétrécit

Le corps alourdi
De solitude quotidienne
Tu abdiques l’espoir

Le temps enterre
L’écho de tes joies
Devant la mort équivoque

Tu éteins tes rêves
Dans la pudeur du silence
Tu pactises avec le néant

L’esprit asphyxié
De douleurs indicibles
Tu lâches prise

16.4.05

Escrocs châtiés

Vautré sur le divan, le glandeur patenté
S’amuse à taquiner le stupide caniche
Qui riposte illico en lui mordant les miches,
Sous le regard moqueur du gamin effronté.

Sitôt que sa moitié commence à raconter
Ses ennuis de boulot, le loustic, qui s’en fiche,
Se tire chez son pote, un cador de la triche,
Qui roule les gogos avec habileté.

Dans un troquet bondé de candides qu’aguiche
Une souris maquée à un merlan fortiche,
Le tandem plume aux dés un poivrot argenté.

Un camé, désireux de piquer leur artiche,
Lance sur les escrocs son molosse excité,
Pendant que se gondole un flic assermenté.

Ennui paisible

Velours des voix anonymes
Dans l’écrin solitaire
De la nuit magnétique

Morsure d’une chanson
Le cœur se déchire
Au souvenir vorace

La pensée oscille
Au carrefour de l’amertume
Le corps pèse

L’aube creuse
L’ombre de l’absence
Le passé brûle

Le réveil bâillonne
L’espoir fragile
Au seuil d’un ennui paisible

15.4.05

Médecin suicidaire

Lassé de supporter la tronche de vieux schnocks
Dont les gémissements lui filent la migraine,
Le toubib, animé d’une folie soudaine,
Avale pour clamser un cocktail de médocs.

Sa bergère, éveillée dès que chante le coq,
Hurle en trouvant le corps sur le tapis de laine,
Si bien que, prestement, dans l’appart se ramène
Un voisin toxico, guitariste de rock.

Le camé, enchanté, dévalise le stock
De morphine planqué dans l’armoire du doc,
Avant de se répandre en menaces obscènes.

Attiré par le bruit, un inconnu mastoc
Lance sur la canaille un vase en porcelaine,
Pendant que la souris sanglote à perdre haleine.

Vallée de l’insomnie

Au coin du sourire
L’ombre du regret
Drape la solitude

Les jours filent
En grinçant
Sur le rail de l’habitude

Le poids de l’ennui
Étouffe la joie possible
Dans le drap de l’absence

Les gestes mécaniques
Remplissent les heures
Du soir fade

Le plateau-repas
Fige le dégoût
Dans la vallée de l’insomnie

14.4.05

Musique nocturne

Dans l’antre de la nuit, jaillit une musique
Dont le vent multiplie les accords mystérieux
Qu’il mélange aux échos de son souffle furieux,
Afin de vivifier mon âme léthargique.

Tandis qu’un envoyé des ténèbres s’applique
À semer dans mon cœur des présages odieux,
Une fée descendue du firmament pluvieux
Me réconforte au son de sa voix magnifique.

À l’aurore agitée d’un orage impérieux,
Un ange de l’espoir entame sous mes yeux
Un ballet qu’accompagne un orchestre acoustique.

Un rossignol gazouille en volant vers les cieux
Une chanson de joie, dont les notes magiques
Éclairent le matin, pour que ma peine abdique.

Médecin du bonheur

Dans ta maison ouverte au vent de l’improviste
Un adolescent rongé par un souvenir coupable
Un couple d’indigents timides
Un chien, des chats recueillis
Une tortue dans la baignoire
Une kyrielle de tableaux colorés
Une collection de chapeaux incroyables
De superbes bustes féminins
Des parties de rires improvisées

Tu soignes les corps, les âmes
Tu effaces les tristesses inavouées
Tu prescris des cocktails de tendresse et de joie
Tu panses d’amour les plaies des cœurs
Tu ressuscites les suicidés
Tu inocules des vaccins d’espoir aux vaincus
Tu dresses des ordonnances de bonheurs possibles
Tu éradiques les préjugés par des injections de tolérance

Ta demeure rayonne de rêves partagés

13.4.05

Étoiles de diamant

Illuminez la nuit, étoiles de diamant,
Pour chasser les démons dont les griffes sanglantes
Déchirent mon esprit en fragments d’épouvante,
Où résonne l’écho de leur rire dément.

Calcinez les nuées pendues au firmament
De vos lueurs pétries d’une joie flamboyante,
Afin que, délivrée des chagrins qui me hantent,
Je renaisse à l’orée d’un avenir clément.

Consumez sous vos feux les photos de l’absente,
Avant de m’éclairer de vos perles brillantes,
Assemblées en bouquet de présages charmants.

Semez jusqu’à l’entrée de l’aurore hésitante
Un chapelet d’espoirs, dont le rayonnement
Me conduira au port de mon apaisement.

Repli mental

Au seuil d’une nuit glaciale
Enfilade de portes closes
Sur l’ennui silencieux

Le sang tambourine
Dans le cœur déchiré
De trahisons inavouées

Glaise de la solitude
Empreinte de regrets
Aux couleurs funèbres

Corps épuisé de souffrances
Q’attise la perception amère
D’un futur inadmissible

La peau se craquelle
Sous le poids
D’une tristesse implacable

L’âme se replie
Dans le gouffre muet
Des souvenirs obscurs

12.4.05

Voyous nocturnes

Aussitôt que la nuit drape la capitale
D’un manteau ténébreux où s’éteint la rumeur,
Jaillit un bataillon de voyous querelleurs,
Avides d’épancher leur violence infernale.

Équipés de poignards d’où la haine s’exhale,
Ils rôdent en semant parmi les promeneurs
Attardés dans la ville une froide terreur
Qu’attisent les rictus de leur visage sale.

Portés par la furie qui leur vrille le cœur,
Ils arpentent les rues jusqu’aux pâles lueurs
De l’aurore où faiblit leur vigueur animale.

Quand le métro répand des flots de travailleurs
Sur les trottoirs qu’égaie leur course matinale,
Les crapules s’enfuient vers leur banlieue banale.

Ouverture

Dans la profondeur du désert
Une porte de sable s’ouvre
Vers un ailleurs limpide

La solitude balaie les traces
D’un passé lourd de certitudes
Au parfum amer

La nudité de l’espace
Affole le regard
Imprégné de superflu

Le corps s’allège
Des souffrances qu’effrite
La griffe du silence

La nuit tranquille
Ensevelit les spectres de poussière
Dans l’abîme des possibles

11.4.05

Jardin protecteur

Dans le jardin public aux portes de la ville,
Cheminent à pas lents des chapelets de vieux
Aux épaules courbées par le passage odieux
Des années de souffrance où la mort se profile.

Dès que le jour se lève, ils fuient leur domicile,
Pour flâner jusqu’au soir dans ce décor soyeux
Qu’égaient les rossignols dont les essaims radieux
Gazouillent des chansons aux accords volubiles.

Sitôt que des nuées assombrissent les cieux,
Les ancêtres, tremblants, abandonnent les lieux,
Afin de ménager leur carcasse fragile.

Quand la cité bardée de visages crayeux
Menace les aïeuls de sa froidure hostile,
La nature leur offre un odorant asile.

Horizon obscur

Corps noué
Sur le silence brûlant
D’une nuit infinie

Angoisse râpeuse
De l’âme asphyxiée
Sous la cendre des choses

Suppuration perfide
D’un passé maculé
De trahisons insoutenables

Obsessions sanglantes
Ancrées dans l’esprit fragile
Par l’horloge impavide

Cœur rongé de solitude
Aux portes d’un matin amer
Barbelé d’impossible

10.4.05

Ivresse ruineuse

Dès que le matin gris emporte sa bergère
Vers son taf de comptable au milieu de ringards,
Le pékin désœuvré, vautré sur son plumard,
Pinte pour adoucir son ennui solitaire.

À midi, animé d’une ivresse légère,
Il file taquiner les souris dans un bar
Où le whisky ambré remplace son pinard
Inapte à égayer son visage sévère.

Un voyou dont la came embrume le regard
Raconte à l’assemblée ses années de placard,
Avant de s’écrouler, le blase dans son verre.

Lorsque le soir descend, le paresseux repart
Vers l’appart où rugit sa moitié qu’exaspèrent
Ces honteuses virées qui bouffent son salaire.

Creuset des apparences

Porte close
Sur les déceptions
Dans la nuit épaisse

Sourire fantomatique
Au milieu d’un rêve
Qu’un cri déchire

Battement accusateur de l’horloge
Devant la glace narquoise
De l’entrée poussiéreuse

À l’aube irrésolue
Grincement d’un parquet
Sous un pas anonyme

La rumeur citadine
Calcine les incertitudes
Dans le creuset des apparences

9.4.05

Pays de la joie

J’abandonne aujourd’hui notre amour dévasté
Par l’accumulation des trahisons amères,
Ourdies par le démon empressé de m’extraire
Du berceau délicat de notre volupté.

Lassée de supporter ton animosité
Adroitement mêlée de pleurs qui m’exaspèrent,
Je m’évade ce soir vers la rive solaire
D’un avenir pétri d’une exquise gaieté.

Insensible à l’éclat de ton regard sévère,
Je trace mon chemin vers un monde où j’espère
Oublier ton visage empreint de cruauté.

Je quitte le foyer que souillent tes colères,
Pour découvrir sans toi le pays enchanté
De la joie, constellé de désirs indomptés.

Jungle urbaine

Oiseau de nuit
Enivré par la caresse furtive
D’une fleur de macadam

Souris égarée
Dans un bistrot cafardeux
Infesté de merlans

Requin de la finance
Roulé dans la farine
Par un bavard véreux

Cador du pétard
Dessoudé dans son nid
Par un poulet impétueux

Duel de vipères
Devant un corniaud
Victime d’un lapin

Pluie de papillons
Sur la caisse pourrie
D’une pintade fauchée

Plouc à face de rat
Tabassé à mort
Par un couple de cerbères

8.4.05

Bonheur printanier

Le printemps, habillé de soyeuses lumières,
Étend sur le décor son voile de douceur
Constellé de bouquets de généreuses fleurs,
Habiles à parer de gaieté les clairières.

Dès qu’un tiède soleil darde sur les chaumières
Un faisceau matinal de rayons enchanteurs,
Un désir insolent illumine les cœurs
Malmenés par l’hiver aux rigueurs coutumières.

La campagne revêt d’éclatantes couleurs
Qu’honorent de leur chant les oiseaux voyageurs
Qui forment dans le ciel des colonnes princières.

La vallée resplendit des rires incendiaires
De bataillons d’enfants qu’enivrent les senteurs
Des prés où se construit leur innocent bonheur.

Bar obscur

Dans la rue étriquée
Le bar obscur
Happe les solitudes

La radio mêle
Ses accents métalliques
Aux bavardages décousus

La nuit rapproche
Les visages fripés de regrets
Que l’alcool aiguise

L’horloge antique
Martèle de son tic tac impassible
Les têtes douloureuses

L’aube glacée emporte
Les clients désœuvrés
Vers leur lit d’insomnie

7.4.05

Musique d’automne

Sur la place carrée, une fanfare entonne
Un refrain chatoyant dont les accords radieux
Habillent de gaieté les visages soucieux
De citadins brisés par leur vie monotone.

Sous les chênes rouillés de cette fin d’automne,
Que caressent les rais d’un soleil capricieux,
Un groupe d’étrangers aux vêtements curieux
Applaudit le solo d’un vibrant saxophone.

Une gitane danse en lançant vers les cieux
Ses mains, ailes de joie, sous le regard envieux
D’une enfant qu’un excès de pudeur emprisonne.

Un chanteur improvise un couplet au milieu
D’un essaim bourdonnant d’audacieuses mignonnes
Dont les rires fleuris de bonheur l’aiguillonnent.

Marin solitaire

Marin solitaire
Étranger au long cours
Tu dérives au hasard

Tu noies tes incertitudes
Dans les bistrots anonymes
De villes brumeuses

Voyageur sans bagage
Tu largues tes fantômes
Dans des bouges enfumés

Tu troques tes souvenirs
Contre des étreintes furtives
Imprégnées d’amertume

Tu promènes tes insomnies
Sur les quais pestilents
De ports énigmatiques

6.4.05

Fée radieuse

Aussitôt que la nuit étire sur la ville
Son voile ténébreux, complice des rêveurs,
Je quitte le foyer dont l’austère froideur
Attire en mon esprit des fantômes hostiles.

Dans un quartier bondé de piétons volubiles,
Je flâne en répondant aux propos enjôleurs
De poupées tarifées par un rictus moqueur,
Avant de m’échapper vers une rue tranquille.

Quand un chant velouté ranime dans mon cœur
De lointains souvenirs au parfum du bonheur,
Je souris à la fée que la lune profile.

Émue par sa beauté, je forme en son honneur
Un bouquet insolent de vers, où s’annihilent
Les chagrins qui polluent mon âme versatile.

Sable de l’ennui

Confidences anonymes
De voix magnétiques
Dans la nuit impassible

Des rires impudiques
S’étouffent dans la solitude
De la chambre glacée

Sous les paupières rougies
Par le sable de l’ennui
L’espoir s’effrite

L’armoire grinçante enferme
Les lettres douloureuses
D’une passion déchirée

La sonnerie criarde du réveil
Déchire un souvenir fragile
En regrets ténébreux

5.4.05

Égarements solitaires

Pendant que la souris, abrutie de calmants,
Pionce pour oublier le taf qui l’empoisonne,
Son bonhomme, vautré sur le divan, ronchonne
Devant un film truffé de mièvres sentiments.

Quand la lune glacée remplace au firmament
Le fragile soleil de ce début d’automne,
Le loustic, que l’abus de pinard aiguillonne,
File une dérouillée à ses deux garnements.

Il éteint les chagrins de sa vie monotone
Dans un bistrot bruyant où d’aimables mignonnes
Lui sourient au mépris de leur prince charmant.

Dans la ville endormie, à l’aurore, il frissonne,
Avant d’aller subir le laïus assommant
De sa femme, excédée par ses égarements.

Solitudes croisées

Quai de l’errance
Des regards anonymes
Croisent leur solitude

Une étrangère fripée
Traîne une malle lourde
De rendez-vous manqués

Un chien pestilent
Gémit sa détresse
Salle des pas perdus

Un vieillard endeuillé
Quitte la ville
Où le silence l’étouffe

Un vagabond étreint
La lettre crasseuse
De son fils disparu

Un train de nuit emporte
Des voyageurs fourbus
Vers un ailleurs incertain

4.4.05

Journaliste obscur

Dans le silence épais de son bureau austère,
Le journaliste obscur se torture l’esprit
Pour pondre des papiers infestés du mépris
Qu’il éprouve à l’égard des lecteurs ordinaires.

De sa plume animée d’une froide colère,
Il cisèle sans fin des articles pétris
De ragots indécents, qui lui valent le prix
De roi des charognards auprès de ses confrères.

Pour tromper son ennui de bourgeois, il écrit
Des chroniques glacées sur des auteurs flétris
Par la férocité du monde littéraire.

Il déverse le fiel de son cœur assombri
Par la monotonie de sa vie solitaire
Sur ses pages fleuries de mensonges vulgaires.

Tristesse ordinaire

Heure incertaine
Le silence alourdit
Le foyer solitaire

Repas micro-ondé
Devant la télé qui vomit
Des malheurs lointains

Sonnerie du téléphone
Une voix inconnue
Déchire la nuit

Draps glacés d’ennui
Le temps s’étire
Jusqu’à l’aube douloureuse

Le café amer
Augure un jour maculé
De tristesse ordinaire

3.4.05

Flageolants vieillards

Dans les allées glacées de la paisible église,
Vagabonde un essaim de flageolants vieillards
Au visage fripé par les regrets épars
Que les chants incessants de la chorale aiguisent.

D’une main décharnée, parée d’une peau grise,
Ils chassent les échos des sombres cauchemars
Qui souillent leur esprit, pour prier à l’instar
Des ouailles que le prêtre enflamme avec maîtrise.

Brisés par le chagrin qui voile leur regard,
Ils implorent le Christ de hâter leur départ
Loin du monde moderne, écœurant de bêtise.

La carcasse écorchée par les coups de poignard
Du temps indifférent à leur peine imprécise,
Ils rêvent que la mort les prenne par surprise.

Destins ordinaires

Au matin gris d’ennui
Commence le ballet glacé
Des gestes mécaniques

Les ombres de la nuit
S’étirent sous les rayons
D’un soleil indolent

L’écho des rêves
Se dilue dans la rumeur
De la foule anonyme

Le métro emporte
Les citadins au regard vide
Vers leurs tâches obscures

Les écrans reflètent
Les visages las
Ridés de solitude

Les lumières du soir
Fleurissent de sourires fugitifs
Le ventre de la ville

Les portes se referment
Sur les corps agités
De désirs inavoués

2.4.05

Écrivain vaniteux

L’écrivain ténébreux, drapé de vanité,
Inonde le réseau de textes insipides,
Composés par la main de l’ennui, qui préside
Ses soirées barbelées de désirs avortés.

De sa plume animée d’une aigre cruauté,
Il trace un écheveau d’anecdotes morbides,
Qu’il lance sur la toile, afin qu’il se dévide
En ruban constellé de mots ensanglantés.

Ses poèmes gorgés de sentiments acides
Forcent l’admiration d’une armée de candides
Massés sur les allées de la célébrité.

Son goût démesuré de l’imposture guide
Son esprit entaché de récits empruntés
Aux portes d’un futur lourd d’inhumanité.

Fragments nocturnes

Le vent frappe les volets
Dans la nuit épaisse
Où le rire s’éteint

Les étoiles indifférentes
Scintillent au firmament
Loin des toits écrasés par l’ennui

Des ombres tortueuses
Dansent un ballet glacé
Sur les murs lézardés

Dans les arbres bruissants
Les oiseaux frigorifiés
Implorent le printemps

Une cloche voisine
Martèle la complainte
Du bonheur disparu

1.4.05

Forêt démoniaque

Dans la forêt glacée à l’approche du soir,
Des diablotins parés de brillantes richesses
Dansent en fredonnant des hymnes à l’adresse
D’un génie au visage en lame de rasoir.

Tandis que des nuées commencent à pleuvoir,
Débouche un cavalier qui s’envole en souplesse
Sur le chemin scabreux menant à sa princesse
Cachée dans la froideur d’un mystérieux manoir.

Dès que la nuit étend son voile de tristesse,
Des vampires armés de mâchoires épaisses
Mordent les innocents tombés en leur pouvoir.

Aux portes du matin, les fantômes s’empressent
De regagner le fond des sarcophages noirs,
Tapissés de chardons cuisant de désespoir.

Dédale virtuel

L’araignée tisse sa toile
Dans les méandres
Des âmes crédules

Des piques camouflées
Dans des discours charmeurs
Déjouent les amitiés

Au détour de messages
Ornés de radieuses promesses
Germent des trahisons

Dans les mailles du réseau
Se trament des rencontres
Au parfum insolite

Dans le dédale virtuel
Des échanges anonymes
Poussent des fleurs d’espoir