30.9.06

Délicieux présages

Sur l’hostile tombeau de tes froids souvenirs,
Je viendrai façonner un jardin de lumière
Afin que le parfum de la rose trémière
Dépose dans ton âme un faisceau de plaisirs.

Pour chasser le démon qui drape l’avenir
D’un étouffant linceul saupoudré de poussière,
Je construirai demain un pays sans frontières,
Aux chemins constellés de lumineux saphirs.

Dans ton cœur débordant de funestes souffrances,
Je creuserai un puits pour noyer le silence
Qui sème un noir poison dans ton sang innocent.

J’inventerai pour toi un mystérieux langage
Aux accents de tendresse, exempt de mots blessants,
Vigilant messager de délicieux présages.

Il y a des choses qui égayent le coeur

Il y a des choses qui égayent le cœur, des choses toutes simples, comme l’arôme du café, et l’odeur moelleuse de la brioche, le matin, après une nuit peuplée de rêves somptueux, la brioche pétrie avec amour par le père protecteur, affectueux et bienveillant, dans le respect d’une tradition séculaire, la confiture qu’on étale généreusement sur cette brioche, et qui s’effiloche dans les interstices dorés, pour terminer sa course sur le col de la chemise encore amidonné, tout frais, témoin discret de la tendresse maternelle, tendresse sérieuse, jamais frivole, mère nourricière, trop rarement complice, mais toujours attentive.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme le sourire chaleureux, échangé dans le train, avec un anonyme si vite oublié, comme l’espoir d’une belle journée encore vierge, toute à construire.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme la satisfaction du devoir accompli, dans le partage et la joie, sans effort, dans l’harmonie.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme le retour au foyer, pour le repas du soir, pour ce moment privilégié, où le temps est suspendu, quand on se laisse aller à toutes ces confessions.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme le pot-au-feu, partagé parmi les siens, dans la douce chaleur de la famille protectrice.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme l’appel de la nuit, prévisible et impérieux, et tous ces rêves, solitaires et somptueux, encore à inventer.

Il y a des choses rares

Il y a des choses rares, des choses précieuses ou mauvaises, qui resteront longtemps dans la mémoire.
Des choses rares, comme un goût nouveau, promesse d’un autre monde, d’une autre vie, d’autres bonheurs.
Des choses rares, comme les premières fois, qu’elles soient échecs ou réussites.
Des choses rares, comme la magie d’un instant parfait, quand le temps s’arrête, immobile, et que l’équilibre se fait.
Des choses rares, oui, mais rares comment ? Rares pour qui ?
Pour le solitaire, le moindre élan vers le monde fait partie des choses rares.
Et puis, il y a les choses rares dont on voudrait qu’elles n’aient jamais existé, comme la fin d’une histoire, la mort de ceux qu’on aime, ou le malheur qui s’accumule.
Il y a des choses rares et surprenantes, inhabituelles et merveilleuses, comme la beauté parfaite d’un paysage de montagne, dans le soleil hivernal.
Il y a des choses rares, comme le souvenir du bonheur, quand tout était plus simple, dicté par l’émotion, sous l’éclat de la sensualité, irradiant de toutes parts.
Il y a des choses rares, comme la confiance perdue en un ami qui a trahi.
Il y a des choses rares comme l’oubli, comme le pardon généreux d’une faute épouvantable, maintes fois répétée.
Il y a aussi des choses rares, comme l’espoir qui renaît, tel une promesse d’absolu.

Ma collection de « Il y a des choses »

Il y a des choses qui tachent la langue, qui font mal à l’estomac, des choses qui collent aux doigts.
Il y a des choses qui aiguisent l’imagination,
des choses qui éveillent le respect,
des choses qui font hurler de joie.
Il y a des choses qui forcent l’admiration, donnent du goût à la vie, ou l’envie de partir.
Il y a des choses qui se collectionnent, comme les éclats de rire.
Il y a des choses qui font pleurer,
des choses qui font grandir.
Il y a des choses que j’aimerais vous dire, mais il est déjà bien tard.

23.9.06

Royaume virtuel

En ce calme matin, devant l’ordinateur,
Sur le fil qui m’entraîne à l’autre bout du monde,
Dans la main d’Internet, mon esprit vagabonde
Afin d’anéantir mes stériles douleurs.

Pendant que je regarde un essaim de couleurs
Composer un tableau en moins d’une seconde,
Je me laisse charmer par l’araignée féconde
Qui tisse son filet dans le fond de mon cœur.

La Voie Lactée s’effondre en débris délétères,
Savamment retranscris en images binaires
Par l’électrique fée tapie dans mon écran.

De mes doigts magiciens, je tire les ficelles
De mon douillet royaume, à l’abri du cadran
Que l’avenir manie de sa griffe cruelle.

Voyages salutaires

Au gré des horizons choisis par le hasard,
De village en désert, d’îlot en capitale,
Depuis le vent glacé jusqu’au chant des cigales,
Je parcours l’univers aux mystères épars.

Lorsque l’hiver dépose un voile de brouillard
Sur ma ville plongée dans un ennui étale,
Lassée de la fadeur de ma vie sans escale,
Je ravive ma joie dans un lointain départ.

Le cinglant défilé des trahisons atroces
S’efface prestement quand je roule ma bosse
Loin du factice écrin du confort ennuyeux.

Sur les chemins secrets de la terre splendide,
Je cueille des bouquets de présages soyeux
Qui versent dans mon âme un flot de joie limpide.

Apaisement funèbre

Lorsque je reviendrai dans le douillet village
De mes années d’enfance, orné de bois ombreux,
Parsemé de jardins aux parfums généreux,
J’oublierai les attraits des lointains paysages.

Lorsque, le cœur lassé de mes fumeux voyages,
J’irai cueillir des fleurs sur les chemins pierreux,
Comme aux jours printaniers de mes espoirs nombreux,
Apaisée, je boirai à la source des sages.

Dans cet écrin de joie gracieusement figé,
Délivrée du carcan des rêves mensongers,
J’ouvrirai mon esprit au souffle du silence.

Calmement retirée au centre de mon corps,
Dans mon hiver serein, dépourvu de souffrance,
J’attendrai la venue du règne de la mort.

Étang hanté

Sur l’étang hanté,
Le têtard entêté
Tète sa tante alitée.

Un nuage lacté
Flétrit la pureté
De la tasse de thé.

La clarté de l’été
Transforme la cité
En ardente beauté.

La comète bleutée
S’éteint à côté
De la terre dévastée.

La liberté, dégoûtée
Par la cruauté butée,
S’effrite dans l’éternité.

16.9.06

Photo jaunie

Extirpée d’un tiroir par la main du hasard,
Une photo jaunie, venue de ma jeunesse,
Déverse dans mon âme un parfum de tristesse,
Comme un obscur remords évadé d’un placard.

Sur le portrait, un homme au ténébreux regard,
Figé dans un rictus dont la froideur me blesse,
Affiche un noir chagrin si âpre qu’il m’oppresse
Avant d’exacerber mes brumeux cauchemars.

Les spectres du passé ancrés dans ma mémoire
Inscrivent leurs regrets sur le sanglant grimoire
Des mortels prisonniers des griffes du destin.

Pour échapper aux pleurs des défunts solitaires,
Écrasés sous le poids des souvenirs éteints,
Je brûle mes clichés dans un feu tutélaire.

Sémillants cocktails

Armée de mes flacons aux vigoureux nectars,
Depuis le vin nouveau jusqu’au whisky hors d’âge,
Je vogue sur les flots des liquides mirages
Qui noient les spectres noirs de mes froids cauchemars.

Guidée par les humeurs du facétieux hasard,
J’invente sans répit de mystérieux breuvages
Dont les couleurs mêlées composent des images
Que l’ivresse transforme en nappes de brouillard.

Les sémillants cocktails qui brillent dans mon verre
Éteignent les sanglots de mon cœur solitaire
Avant de me plonger dans des rêves soyeux.

L’arc-en-ciel velouté de mon jardin limpide
Compose des bouquets dont le parfum radieux
Efface les relents de mon chagrin morbide.

Téléphone aphone

Au centre de la nuit, le tic tac monotone
De la vielle pendule envahit mon esprit,
Si bien que ma gaieté s’effiloche en débris
De spectres calcinés dont les sanglots résonnent.

Insensible à ma peur, le maudit téléphone,
Sobrement enfermé dans son froid coffre gris,
Arbore obstinément son ténébreux mépris
Dont le voile muet, lentement, m’emprisonne.

Afin de me plonger dans un ennui létal,
Le cruel appareil creuse un gouffre infernal
D’atroce solitude, où se noie la parole.

Entraînée par le poids de mon amer chagrin,
Condamnée à l’oubli, mon âme dégringole
Dans le néant glacé au silence d’airain.

Ligne solitaire

Sourd au charivari de propos insipides,
Tristement affalé sur le bord du comptoir,
Le jeune vagabond noie ses papillons noirs
Dans un poisseux torrent de mensonges liquides.

L’écheveau silencieux de ses peurs se dévide
Dans le flot ténébreux de l’ivresse du soir,
Qui l’emmène voguer, sur le fil du rasoir,
Jusqu’au douillet pays des rêves intrépides.

Quand la main du chagrin lacère son poitrail,
Guidé par le hasard, il délaisse les rails
De l’ennui pour tracer sa ligne solitaire.

Il assemble ses joies en fascinant bouquet
Dont l’enivrant parfum chasse l’odeur amère
Des nuits de beuveries dans d’infâmes troquets.