30.9.07

Jardin de l’enfance

Je garde au fond du cœur mon jardin de l’enfance,
Où germe un chapelet de refrains enchanteurs
Qui ponctuent le ballet des crayons de couleur,
Habiles pourfendeurs des devoirs de vacances.

Dans mon âme palpite un village de France,
Où le gai rossignol célèbre la douceur
Du soleil bienveillant dont les tièdes lueurs
Mènent sur la fontaine une enivrante danse.

Le crissement aigu de la plume d’acier,
Que dirige ma main sur le laiteux cahier,
Résonne tendrement au creux de ma mémoire.

La craie sur le tableau trace un savant lacis
De présages radieux, inscrits sur le grimoire
De mes jeunes années, exemptes de soucis.

Bibliothèque

Dans leur habit de cuir, constellés de poussière,
Emmurés dans l’oubli, les romans d’autrefois
S’ennuient sinistrement sur les rayons étroits
De la bibliothèque inondée de lumière.

Près de l’ordinateur à l’apparence altière,
Sur lequel des gamins collent leur gai minois,
Des illustrés jaunis, entassés de guingois,
S’étiolent en blâmant la télé meurtrière.

Gavés de café noir, des étudiants studieux
Travaillent longuement en s’abîmant les yeux
Sur des pages remplies de lettres minuscules.

Loin du charivari des citadins pressés,
Les livres assoupis sous l’œil de la pendule
Recèlent en leur sein les trésors du passé.

Plaisirs ardents

Le cœur battant, j’aborde à ton rivage amer,
Insensible au fracas des vagues bouillonnantes
Qui jettent des coraux aux épines cuisantes
Sur mon bateau que frappe un chapelet d’éclairs.

Armée de la tendresse exhalée dans mes vers,
Je terrasse un sabbat de sorcières démentes,
Occupées à briser tes envies flamboyantes
Par leurs incantations au parfum de l’enfer.

Dès que je m’accroupis près de ton corps livide,
Étendu sur un lit de goémons putrides,
Un bouquet de désirs enflamme ton regard.

Le soleil insolent qui embrase la plage
Dessine le chemin de notre urgent départ
Vers nos plaisirs ardents, loin de l’île sauvage.

Plaisirs insolents

Vide de toi,
Tellement d’absence
S’écoule
Sur le sable de l’ennui.

Gouffre de feu,
Creuse mon désir
Dans le silence de la solitude.

Incertitude larvée
Au creux de mon ventre,
Je palpite, je me livre
À des caresses inventées.

Attente gourmande,
Mon rêve embrase
Mon sang électrique,
À l’aube de ma délivrance.

Tension torride,
L’envie palpable
Brûle ma chair impatiente.

Mon corps, offert
À ta bouche avide,
S’épanouit en gerbe
De plaisirs insolents.

23.9.07

Honte amère

Je suis l’ange qui rit jusqu'à la déraison
Des futiles douleurs des ignobles mortels,
Acharnés à créer des jouets si cruels
Qu'ils parviendront bientôt à brûler l’horizon.

Je suis la solitude érigée en prison
Où l’humain égoïste, au cœur pétri de gel,
Moisit sous le regard du soleil éternel,
Implacable meneur du ballet des saisons.

Je suis le soir ultime, aux portes du néant,
Impassible témoin des massacres géants
Qui hâtent le trépas de la Terre putride.

Je suis la honte amère, imprégnée de tristesse,
Face au noir écheveau d’horreurs, qui se dévide
Jusqu’au caveau glacé que creusent vos faiblesses.

Un sonnet

Vers tirés au cordeau, hémistiches conformes,
Serrés, bien alignés, ils font une chanson.
Syllabes enchaînées, alexandrins en forme,
De ce premier quatrain, j’écris les compagnons.

Les vers contemporains ont bousculé les normes
Mais, comme quatre murs forment une maison,
Le vers est l’armature et, pour qu’on ne s’endorme,
La rime à chaque bout nous guide tout le long.

Maintenant ce tercet me résiste et m’obsède.
Dieux du Parnasse, amis, venez donc à mon aide,
Soufflez-moi trente mots pour finir ma mission.

Enfin je touche au but mais que la pente est raide !
En comptant le suivant et les vers qui précèdent,
Je pousse un cri de joie : « Sonnet, admiration ! »

Cendres d’abandon

Derrière moi s’étend le tombeau de mes peurs.
À l’horizon s’étire un faisceau fossoyeur
De rêves enflammés, condamnés par avance.
Dans ma nuit solitaire, imprégnée de silence,
Je calcine en solo mon bouquet de jasmin,
Messager prometteur de soyeux lendemains.
Je déchire aujourd’hui mes serments de tendresse.
Je jette mes sonnets dont la fièvre t’oppresse
Dans l’infâme brasier dont les cruels brandons
Consument mon espoir en cendres d’abandon.

Silence en habit noir

Rebelle aux projets d’avenir,
Je rêvais de prendre ta main
Pour t’emmener sur mon chemin
Orné de diamants de plaisir.

Sourde aux élans de ma tendresse,
Tu déverses sur mon sourire
Ton doute amer qui me déchire
En regrets lourds de tes faiblesses.

Insensible au faisceau d’espoir
Que je dépose sur ton seuil,
Tu m’enfermes dans le cercueil
De ton silence en habit noir.

16.9.07

Portes de la mort

Mon amie envolée, seule, je déambule
À pas désenchantés, sur le fil du rasoir,
À l’orée d’un futur étroit comme un couloir,
Où se trame en secret mon odieux crépuscule.

Dans la ville agitée où des regards me brûlent,
Je marche en automate, au hasard des trottoirs,
Insensible au ballet que les ombres du soir
Dansent pour égarer mes pas de somnambule.

Afin de me soustraire aux effroyables bruits
Qui hantent ma mémoire aux abords de la nuit,
Je plonge dans les flots d’une insondable ivresse.

De mon cœur monte un chant dont les sombres accords
Raniment une armée de spectres, qui s’empresse
D’emmener ma carcasse aux portes de la mort.

Natures mortes

Seul avec mon chagrin que les natures mortes,
Accrochées par ta main sur les murs en lambris,
Exaltent, je revois nos souvenirs fleuris,
Tandis que, loin de moi, ton avenir t’emporte.

Insensible aux oiseaux dont la chanson m’exhorte
À sourire au soleil qui darde sur Paris
D’incendiaires rayons, le visage amaigri,
Je pleure ton départ, l’œil rivé sur la porte.

Du matin jusqu’au soir, je me traîne en haillons
Dans notre chambre ornée de croquis au crayon,
Dont la vue me ramène aux années de nos rires.

La pénombre glacée qui tombe sur le soir
Efface tes dessins afin de m’interdire
D’y recueillir les feux du diamant de l’espoir.

Direction liberté

Je te reconnais bien, vieille poison jalouse,
Quand tu verses ton fiel sur la fée du trottoir,
Que j’emmène au mépris de son julot rasoir,
Un sinistre connard obsédé par le flouze.

Éclate-toi, catin, dans d’immondes partouzes,
À cinq dans un plumard pas plus grand qu’un mouchoir,
Avec des malabars harponnés au comptoir
D’une boîte pourave infestée de tantouzes.

Pendant que tu moisis dans ton odieux gourbi,
La câline poupée qui calte avec bibi
Me file des tuyaux pour plumer des andouilles.

J’ai foutu dans ta piaule un bordel effrayant
Avant de dénicher le blé de tes magouilles
Planqué dans le placard, sous ton futal brillant.

Des choses qui donnent confiance

Il y a des choses qui donnent confiance :

- Une mention à un examen qu’on croyait avoir raté par manque de préparation.
- Le sourire aimable de l’examinateur le jour du passage du permis de conduire, alors qu’on a déjà échoué trois fois. On pense que cette fois sera peut-être la bonne, qu’on sera attentif à chaque stop, à chaque feu rouge, et qu’aucun passant malveillant ne viendra se jeter sous nos roues.
- Le maître nageur qui arpente scrupuleusement les contours de la piscine. On se dit qu’on peut paresser tranquillement, les enfants sont en sécurité sous son regard vigilant.
- L’émotion humide dans les yeux d’un ami auquel on vient de lire timidement notre dernier texte en guettant ses réactions, tellement peu sûr de soi qu’on est surpris de l’avoir touché.
- La première soirée passée avec des amis après des mois d’isolement. On n’a eu à subir aucun regard de curiosité insistante, tout s’est déroulé agréablement, on attend impatiemment de renouveler cette expérience.
- La vue des chalets en bas de la piste après une longue descente à skis dont on craignait de ne jamais revenir vivant. On pense déjà aux plaisirs réconfortants qui nous attendent : enlever les lourdes chaussures et les vêtements humides, enfiler des habits douillets et confortables, prendre un goûter revigorant, un chocolat fumant très sucré et de grandes tartines de pain frais beurré.
- Le chirurgien qui se dirige vers nous d’un pas affairé mais guilleret au sortir de l’opération d’un parent. Son regard clair se pose sur nous, il va nous expliquer le déroulement de l’intervention, le pire est évité, le cauchemar est effacé.