1.1.10

Pays de la chance – Conte

Au pays Fantaisie, un charmant petit pays, au sud de l’Europe, la vie s’étire tristement depuis qu’une maladie étrange frappe les plantes et les fleurs. Dans les jardins, arbres, légumes, rosiers, meurent à petit feu. Les parcs publics se transforment en aires de béton. En tous lieux, la végétation disparaît. Les jardiniers s’affolent, les cultivateurs se désespèrent, les habitants se désolent, les animaux maigrissent et les enfants s’ennuient, sans espaces verts où s’ébattre. Fantaisie fait grise mine. En deux mois, le pays se transforme en zone aride, quasi-désertique.
Les agronomes, les biologistes, les chimistes, tous les chercheurs et les savants de Fantaisie unissent leurs efforts pour tenter de juguler le fléau. En vain ! Ils n’y comprennent rien. Comment trouver un remède à une maladie dont ils ignorent la cause ?
Le roi de Fantaisie, Joyeux Premier, un souverain généreux, énergique et optimiste, aimé de ses sujets, prend le taureau par les cornes. Il importe des pays voisins des cargaisons entières de végétaux à planter, des arbres de toutes sortes, des légumes, des fleurs. Tous les habitants de Fantaisie participent au repiquage et au reboisement. Trois mois après les premiers troubles, Fantaisie resplendit à nouveau de toute sa végétation. Hélas ! En moins d’une semaine, toute la verdure disparaît à nouveau. Quelle catastrophe !
Pour parer au plus pressé, le roi Joyeux Premier prend des mesures sparadrap. Il importe quantité de marchandises destinées à nourrir la population et les animaux. Parallèlement, il promet une prime royale à celui qui trouvera une solution à cette catastrophe.
La vie reprend donc doucement son cours à Fantaisie... jusqu’à ce que l’intelligence animale s’en mêle. Les abeilles de Fantaisie, lassées de butiner les plantes en pot importées, parcourent le pays en tous sens, puis finissent par découvrir de pleins champs de trèfles à quatre feuilles. Enfin de vraies plantes ! se disent-elles, en butinant jusqu’à complète satiété. De même, les vaches, dégoûtées du foin importé, sillonnent le pays jusqu’à ce qu’elles trouvent les champs de trèfles à quatre feuilles, où elles broutent allègrement, en compagnie des abeilles ingénieuses. Comment expliquer que le seul végétal épargné par la maladie pernicieuse soit le trèfle à quatre feuilles ? C’est sans doute un coup de pouce du destin, comme le montrera la suite des événements.
Les abeilles rassasiées fabriquent du miel, les vaches repues produisent du lait. Les habitants de Fantaisie se précipitent sur le miel et le lait provenant de Fantaisie, enchantés de pouvoir à nouveau consommer des produits locaux, meilleurs et plus naturels que les marchandises importées.
Et curieusement, la chance se met à tourner à Fantaisie. Le travail se fait plus facilement, des couples se forment ou se réconcilient, des malades guérissent inexplicablement, des enfants fugueurs retournent chez leurs parents, les dons des riches aux pauvres deviennent plus abondants. En résumé, la vie s’adoucit à Fantaisie. D’une manière mystérieuse, petit à petit, la végétation se remet à pousser normalement, de sorte que les abeilles et les vaches abandonnent leur régime mono-aliment au profit de leur alimentation diversifiée d’antan.
Aujourd’hui, Fantaisie est de nouveau un pays verdoyant, peuplé d’hommes et d’animaux paisibles, comme avant …enfin presque. À présent règne sur Fantaisie un parfum de bonheur, un parfum de trèfle à quatre feuilles.