28.1.10

Monsieur le Président

-Monsieur le Président, les pauvres n’ont plus de pain.
- Fichtre ! Je m’en passe bien, moi. C’est bon pour leur ligne. Qu’ils consomment les légumes de leurs champs !
- Ils n’ont pas de champs.
- Quand ils en avaient, ils jetaient leurs récoltes sur les routes, j’ai dû leur confisquer. Bien fait ! Qu’ils mangent du chocolat.
- Comment voulez-vous qu’ils aient du chocolat ? Vous allez me dire que cette pénurie est bénéfique à leurs dents ?
- Bonne remarque ! Vous me rappellerez après cette entrevue, je vous trouverai un poste de chef de cabinet. Revenons à notre sujet ou à mes sujets, au choix, suis-je drôle ! C’est qu’ils sont toujours fourrés chez le médecin, le dentiste ou le kinésithérapeute, ces roublards. Après, cela creuse le déficit de la Sécurité Sociale et qui est-ce qui trinque ? C’est bibi ! Mais non, en l’occurrence, j’ai une meilleure solution. Qu’on leur donne les confiseries des colis de Noël des vieux qui sont morts de la grippe A cet hiver.
- Mais Monsieur le Président, ce virus a fait très peu de victimes !
- Attendez les effets secondaires de la vaccination, vous m’en reparlerez ! Mais c’est une autre histoire. Alors, qu’ils fassent comme les riches, qu’ils achètent des denrées alimentaires. Les magasins sont ouverts à tous.
- Ils n’ont pas d’argent.
- Qu’ils travaillent !
- Ils aimeraient bien.
- Diantre ! Je vous parie le disque de ma femme que non.
- C’est gentil, Monsieur le Président, mais vous me l’avez déjà offert, avec une dédicace de votre épouse, en plus.
- Ah bon, mince ! Alors, il faut qu’on soustraie celui que vous possédez des dix-sept exemplaires comptés vendus, elle sera déçue.
- Et pour les pauvres, que fait-on ? Voulez-vous qu’on leur trouve du travail ?
- Quelle drôle d’idée ! Quand ils travaillent, ils se plaignent du recul de l’âge de la retraite, de leur salaire horaire, et de faire plus de trente-cinq heures par semaine. Non, leur donner un emploi serait la pire des choses. Mais dites-moi, vos pauvres-là, ils sont bien de chez nous ? Commencez par expulser ceux que vous pouvez renvoyer chez eux ou ailleurs, c’est bien facile, on a plusieurs charters qui rouillent d’ennui. Ensuite, revenez me voir, on fera le point pour ceux dont vous n’aurez vraiment pas pu vous débarrasser.
- Bien, Monsieur le Président.
- En sortant, prenez un vaccin pour votre père et un disque pour votre fille. Si, si, j’insiste ! Cela me fait plaisir !


Note : Toute ressemblance avec un personnage existant serait le fruit d’une observation minutieuse de l’auteur, qui vous remercie par avance de cet éventuel compliment.