29.9.15

Nuit de velours

La nuit déroule son manteau de velours
Sur ses enfants écorchés
Par les lames du jour.
Elle ouvre ses mains patientes
Aux êtres égarés dans le dédale
De l’indifférence quotidienne.
Elle accompagne le poète
Dans son voyage silencieux
Vers un lendemain vierge de blessures.
Dans l’âme du solitaire,
Elle allume ses feux complices,
Ses phares et ses canots.
Aux cœurs blessés,
Elle offre un berceau familier,
Habillé d’étoiles,
À l’abri du naufrage.
De son souffle immaculé,
Venu des hautes mers,
Elle efface les doutes.
Dans l’humilité de la nuit,
Demain se voile d’une douceur
Propice à égayer le chemin
De l’homme qui s’assoupit.

Temps puissant

Le temps enchaîne les saisons,
Régit le noir et la lumière.
Il dépose dans les maisons
De fines couches de poussière.
Il nous fait ouvrir les paupières
Quand il accroche à l’horizon
Le soleil avec sa foison
De rais à la gaieté princière.

Le temps inscrit dans les mémoires
Des souvenirs au goût sucré.
Il élabore notre histoire
Avec des tableaux colorés.
Il file avant de perdurer
En emportant nos idées noires
Vers un mystérieux territoire
Afin de les y enterrer.

Issue fatale

Seul avec ses penséeS,
Il attend sans savoir quoI.
Le temps s’écoule, crueL,
En boucles de tristessE.
Ni sa femme ni son gamiN
Câlin ne le consolent de son écheC.
Est-ce qu’il doit prendre la fuitE ?

Suicide aux barbituriqueS,
Issue de son ennuI ?
La grisaille du cieL
Embrouille sa consciencE.
N’importe quelle fiN !
Crie son cœur seC.
En terminer avec la viE !

Silence lourd

Silence lourd
Si lance lâche
Silence fâche
Six danses si denses
Corps balancent en cadence
Espérance, demain
S’il fait beau, partie de pêche ?
Silence rêche
Cils en sel et rire au miel
Rendez-vous accepté
En vélo vers la vallée
Bile en selle
Silence glacé
Pensées sens dessus dessous
Du désir à la déraison
Non-sens à foison
Espoir déçu
Crâne brisé
Sang poisseux partout
Rêve à vau-l’eau
Mort lovée dans le silence
Cadavre dans le silo
Aveux ravalés
Avenir dévasté,
Lourd de silence

22.9.15

Prière au silence

Silence, viens chasser les rires de bonheur,
Les discours incessants, les sanglots de souffrance,
Le chant des rossignols, les refrains de l’enfance.
De ton aile soyeuse, éloigne la rumeur.

Silence, viens poser ton voile sur mon cœur.
Efface les serments condamnés par avance.
Engloutis les chansons, la musique de danse,
Dans le puits du néant, où tout écho se meurt.

Silence, viens gommer les cris de ma démence.
Immole les soupirs, les tendres confidences,
Sur l’autel de l’oubli, pour endiguer mes pleurs.

Silence, viens m’offrir la tiède délivrance
De tes mains habillées d’un calme protecteur,
Afin que je renaisse au creux de leur douceur.

Silence bienveillant

Silence, ami de la nature,
Dans l’abri que tu formes
Avec ta complice, la nuit,
La campagne se repose,
Pour que chaque matin
Rejaillisse la vie.

Silence, ange de réconfort,
De ta main de velours,
Tu effaces les cris,
Tu chasses les trahisons,
Tu éteins les colères.

Silence, mentor du solitaire,
Orfèvre de l’espoir,
Dans ton voile de blancheur
Se nichent les mots possibles
D’un bonheur prochain.

Deuil sinistre

Ciel voilé,
Bise cinglante.
Il marche,
Le regard vers le sol.
Chaque arbre, chaque pierre,
La nature entière
Lui parle d’elle,
Sa femme, morte
Aux portes
De l’été.
Il se tait.
Les pluies de l’automne
Ont imprégné ses pleurs.
Les neiges de l’hiver
Ont épaissi l’absence.
Le printemps approche
Pour les autres.
Le soleil lui fait mal.
Demain l’horrifie.

La fleuriste

La fleuriste aux cheveux châtains,
Dressée dans son floral empire,
Assemble des gerbes de rire
Qu’elle égrène dès le matin.
 
Elle conseille avec chaleur
Les jeunes amoureux timides.
De ses mains aux gestes rapides,
Elle fait danser les couleurs.
 
Elle compose des bouquets
Où trône l’orchidée royale
Dont les magnifiques pétales
Se drapent d’un velours coquet.
 
Elle marie l’œillet soyeux
Au lys à la robe éclatante
Dans des compositions charmantes
Gorgées de parfums délicieux.

15.9.15

Entre mon sommeil et mes songes

Entre mon sommeil et mes songes
Passe une rivière soyeuse.
Pour composer mes vers, je plonge
Souvent dans ses eaux silencieuses.

Entre les douleurs que j’invente
Et celles que vis vraiment,
Je me perds inlassablement.
Je me sens devenir démente.

Les lecteurs qui se reconnaissent
Dans mes alexandrins m’acclament.
S’ils savaient que je crée mes drames,
Ils me renieraient en vitesse.

Je mêle au creux de mes poèmes
Le réel et mes inventions,
Que j’enrichis de la passion
Germée dans mon cœur de bohème.

Dans le berceau de l’écriture

J’ai quitté ton jardin
Pour goûter d’autres vertiges.
J’ai troqué tes exigences
Contre une foison d’expériences.
J’ai vécu ailleurs, bien ou mal.
Je reviens, mâle, certes.
Suis-je meilleur ?
Tu en jugeras, experte.
Tu es mon phare, tu es mon ancre.
Je suis ta plume, parfois ta flèche.
Nous soignerons nos blessures
Dans le berceau de l’écriture.
Sur les cendres de mon absence,
Bâtissons un bonheur immense.

8.9.15

Cerf-volant de l’espérance

Pour me libérer de ta loi,
J’ai cherché de nouvelles joies.
J’ai voulu oublier ta voix,
Mais mon cœur me parlait de toi.

De ton départ, qu’ai-je compris ?
Quelle est la leçon de la vie ?
Voguons au gré de nos envies.
Qu’importe si les autres fuient.

Homme ou femme, quelle importance ?
Au-delà de ces différences,
Au bord de l’horizon s’avance
Le cerf-volant de l’espérance.

Regarde-le, il te propose
De l’accompagner si tu l’oses.

Concert animé

En jetant au public des regards de dément,
Le guitariste égrène un chapelet de notes,
Tandis que le chanteur sec comme biscotte
Achève le refrain sur un rugissement.

Derrière eux, le pianiste effleure mollement
Les touches du clavier de ses mains qui tremblotent,
Sous l’œil du manager, un géant, qui sirote
Une bière mousseuse avec un air gourmand.

Un videur affublé d’un berger allemand
Bouscule un importun, qui, dans un grognement,
S’enfuit vers le comptoir, pour vomir sur ses bottes.

Déchaîné, le bassiste ôte ses vêtements,
Qu’il lance en grimaçant aux groupies qui gigotent,
Pendant que le batteur, seul dans son coin, sanglote.

1.9.15

Voyage en enfance

Sous les rais d’un soleil habillé d’espérance,
Je reviens au village où vivent mes aïeux,
Avec pour compagnie le souvenir radieux
D’un voyage enchanté au pays de l’enfance.

Tandis qu’en ma mémoire, une sylphide danse
Un étrange ballet pour un public curieux,
Je marche en sifflotant sur le chemin joyeux
De mes jeunes années au parfum d’innocence.

Bercée par la chanson d’un rossignol gracieux,
Je revois en pensée le décor merveilleux
De la terre où l’amour fleurit en abondance.

Quand un éclat de voix me fait ouvrir les yeux,
J’accueille d’un bonjour ma mère, qui s’avance
Pour m’offrir un baiser pétri de bienveillance.

Poète du présent

Un texte est un diamant,
Qu’il faut ciseler avec soin.
La poésie jaillit, belle et pure,
Dans un élan du cœur.
J’écris jour et nuit,
À l’encre de ma vie.
Les doigts sur mon clavier,
Je compose rapidement.
Après le premier jet,
Je peaufine avec passion
Chaque vers, chaque mot.
Avec joie, le lendemain,
Sur le poème, je reviens.
Dès qu’il est achevé,
Je le classe dans un fichier
Et je ne le retouche jamais.
Je noircis de nouvelles pages,
Plutôt que de modifier les anciennes.
Détachée de mon œuvre passée,
Indifférente à la postérité,
Je suis un poète du présent.
Je célèbre le vivant du moment.