11.11.02

Colérique

Crier sa rage en vers ce n’est pas si pratique
Pour qui ne connaît pas les lois de la métrique.
Mais néanmoins je veux formuler ma critique
Dans un style éloigné des proses argotiques.

Donc, messieurs qui prenez vos airs académiques,
Essayez pour une fois d’être un peu moins caustiques.
Vous êtes parvenus à me rendre allergique
A tous vos grands discours et remarques cyniques.

Je ne veux pas finir dans une de vos cliniques,
Complètement cassée par vos barbituriques.
Et ma santé n’est pas assez catastrophique,
Pour que je doive subir toutes vos potions chimiques.

Ne me considérez pas comme une alcoolique,
Une fille perdue, dépravée, anorexique.
Cessez de m’asséner vos essais scientifiques,
Jamais vous n’obtiendrez que je sois angélique.

Mettez fin, s’il vous plaît, à vos propos chimériques.
Vous n’avez pas de pudeur ou êtes amnésiques,
Il vous faut user de procédés acrobatiques
Pour cacher votre rôle dans ma chute critique.

Je n’ai nul besoin de vos pleurs sur mon corps étique.
Pour m’aider, affichez des sourires sympathiques,
Et partagez avec moi de beaux moments magiques.
Mon histoire, vous voyez, n’est pas si dramatique.

Fulgurance

Où es-tu ma belle inconnue,
Toi qui as comblé le vide,
Toi qui par ta seule venue,
M’a sortie de ce suicide ?

J’errais comme une détenue,
Dans cette ville morbide,
Quand au détour d’une avenue,
Tu m’es apparue splendide.

Et sans aucune retenue,
Je t’ai suivie telle un bolide,
Bien que je sois une ingénue,
Je ne suis pas trop timide.

Tu m’as souhaité la bienvenue,
Tu me trouvais bien candide.
J’ai mis à jour mon âme nue
D’amoureuse intrépide.

Je ne t’avais pas méconnue,
Tu t’es montrée si rapide.
Cette rencontre saugrenue
Met fin à ma vie aride.

Si notre histoire continue,
J’ai enfin trouvé mon guide.
Je suis désormais soutenue,
La suite sera torride.

10.11.02

Ma collection de perles

En ces jours moroses, où tout me semble bien noir,
Alors que les psys, cruels et insensibles à ma détresse,
M’épuisent à force de silence,
Et m’assomment de leurs explications faciles, générales et rebattues,
Quand je ne leur demande rien,
Je plonge avec délectation dans mes souvenirs d’enfance.
Psys, vous ne m’êtes d’aucune utilité,
Je préfère ma collection de perles,
Dont je vous livre quelques extraits.

L’odeur acide de la belle tranche dorée de pain au levain du goûter,
La noirceur du chocolat à croquer bon marché, mais si convoité,
Les gaufres moelleuses et les beignets croustillants
Que ma mère fabriquait le dimanche après-midi,
Les parties de tarot la nuit, durant ces instants volés au sommeil,
Quand ma grand-mère nous réveillait, terrorisée par l’orage,
Les heures à pêcher au bord de l’eau seule ou avec mon père,
Toutes mes collections variées, j’adorais tous les objets,
Je les classais, puis les rangeais dans des boîtes étiquetées avec soin,
Les histoires que je déroulais inlassablement,
Inventées pour occuper mes journées d’enfant solitaire,
Et dont j’étais toujours l’héroïne victorieuse,
Et ma passion pour la lecture, je dévorais avec volupté
Tous les livres que le hasard me mettait entre les mains.

Quelle belle collection de perles, n’est-ce pas ?
Et quel régal de se rappeler ces délicieux plaisirs du passé !

Oublier

Tu m’as quittée, quelle déveine !
Et moi je pleure comme une madeleine,
Sans honte aucune, j’ai trop de peine.
Tu es partie, c’est bien ma veine,
Toi qui étais ma seule reine.
Comment pourrais-je être sereine ?
Cette fois c’est trop, la coupe est pleine,
Je vais courir à perdre haleine,
Puis je vais boire comme une baleine,
Pas seulement de la verveine.

9.11.02

Qui suis-je ?

Je ne suis qu’un bouffon cynique et dérisoire. Petit être chétif, bien trop maigre, anguleux, engendrant le malaise, incapable de provoquer le moindre élan de tendresse.
Et pourtant, je renoncerais à tout pour un sourire bienveillant, un peu de chaleur et de sensualité partagées.
Pantin désarticulé, tragiquement inadapté, incapable de montrer mon amour autrement que dans une quête absolue de destruction d’autant plus dérisoire que les êtres auxquels ces preuves sont destinées sont partis, m’offrant au moins une bonne raison de continuer ces excès suicidaires.
Intellectuelle malgré moi, esprit bien trop lucide, incapable de débrancher, cherchant en permanence à m’infliger les souffrances les plus tordues, les plus sournoises, imagination débordante, mais si mal employée.
J’aurais voulu être une artiste pour vous offrir de la beauté au lieu de la seule dureté de ma chère pure volonté Je n’ai plus que les mots pour vous toucher, vous qui détournez les yeux devant mon corps squelettique, témoin bien trop évident de mes tortures. Ces mots que j’arrange à ma manière pour vous les offrir comme autant de bijoux, mélange de poésie, d’humour et de cynisme.
Et pourtant, j’ai tant d’amour à partager avec vous, contre un premier sourire.
Dis, tu me donnes une chance ?

Trois heures du mat’ – Même pas sommeil

Trois heures du mat’, heure où crise de foie rime avec crise de foi. Et je n’ai même plus la force de me caresser. A cette heure, je renoncerais volontiers à ma marginalité, à mon décalage bien connu, contre un peu de tendresse et de chaleur humaine.
Trois heures du mat ! Instant fragile de basculement entre une journée pourrie, solitaire et destructrice, et l’espoir de jours meilleurs, emplis de bienveillance et de douceur.
Mais comment arrêter ce processus de destruction, cette fuite en avant vers le néant définitif ? Et comment supporter la fulgurance de cette douleur ?
Espoir de remonter, attirance vers le néant, perpétuelle ambivalence. Vertige tourbillonnant de la destruction finale, tout est flou, rien n’existe, puisque mon détestable esprit contrôle tout, cruel maître absolu et despotique.
Mais que tout cela est dérisoire, l’esprit n’est rien d’autre qu’un assemblage complexe, mélange de chair et de chimie, et cet assemblage est chez moi bien malade et embrouillé, attiré vers une lucide destruction sans espoir de retour.
Et tandis que j’ingurgite force substances diverses pour anéantir ce tourbillon assourdissant qui explose dans ma tête, enfin ne plus penser, mon corps se chiffonne progressivement, mais l’esprit règne encore, lucide et triomphant, narguant mes dérisoires tentatives d’apaisement.
Comme d’hab’, cette épreuve de force se terminera par un salutaire coma éthylique, rémission bien temporaire, la souffrance est trop grande !

Guérison

Quelque part sur la terre, sombre samedi soir.
Que faire ? Où aller ? J’ai perdu tout espoir.
Sans un cri, sans un mot, sans même dire bonsoir,
Tu as pris tes affaires et tu m’as laissée choir.

Mais comment as-tu pu autant me décevoir,
Me mener, de ce pas, tout droit à l’abattoir ?
Trahie, Désespérée, mais comment concevoir
Que tu aies pu partir sans même t’émouvoir ?

Debout dans ce couloir, quand je devrais m’asseoir,
Je reste figée là à regarder pleuvoir.
Je n’ai plus qu’une envie, briser tous les miroirs,
Déchirer les photos et vider les tiroirs.

J’aimerais tellement une fois te revoir !
Mais tu refuserais, tu n’as plus de devoir,
Car c’est définitif, et j’aurais dû savoir
Qu’un jour tu t’en irais, on pouvait le prévoir.

Enfin, c’est décidé, je jette mon mouchoir,
Et je cesse de suite de broyer du noir.
Je vais sortir, rire, chasser mon désespoir,
Retrouver ma gaieté, tel est mon bon vouloir.

8.11.02

Femme fatale

Tu as éteint la flamme,
Tu as volé mon âme,
Et je reste tel un âne,
Comme une rose qui se fane.
Çà, on peut dire que je rame,
En attendant la fin de la panne.
Pour ce que tu m'as fait d'infâme,
Sois damnée, maudite femme !

2.11.02

Cruels portables

Le téléphone portable, quelle belle invention ! Des hordes de héros des temps modernes investissent les rues, l'oreille vissée à leur boîte magique, témoin dérisoire d'une communication viciée, solitaire et technologique, froide et inhumaine. Les plus représentatifs sont également enchaînés à leur ordinateur… portable.
Et je les regarde passer, tristes sires soliloquant platement, sans aucune poésie, insensibles à la vraie vie. Tous ces portables ferment les portes et dressent des murs contre l'émotion.