31.12.06

Bouquet de plaisirs

Le cœur ouvert au vent dont les fraîches spirales
Emportent mon chagrin dans un lointain désert
Où le temps se déroule en éternel hiver,
Je plonge dans le puits de ma joie estivale.

J’égrène vivement les savoureux pétales
Des roses que je lance au hasard dans les airs
Pour former un tableau dans le bleu outremer
Du ciel où le parfum de ma gaieté s’exhale.

Je compose un bouquet de plaisirs inédits,
Embrasés par les feux du soleil de midi,
Pour guider mon chemin vers le rebord du monde.

J’offre mon âme libre à l’ouragan soudain
Qui creuse un gouffre où meurt ma tristesse profonde,
Pendant que je façonne un exaltant jardin.

Combat champêtre

Sous le ciel inversé, la rose solitaire
Exhorte le chardon au manteau épineux
À venir habiter son jardin lumineux,
Peuplé d’un bataillon de plantes potagères.

Le nouvel arrivant s’oppose à la vipère
Dont le corps se déroule en mouvements haineux
Afin d’emprisonner sous ses crocs venimeux
L’invité qui réplique en piquante colère.

Le combat se termine en spectacle violent
Où frémit le serpent dont les anneaux sanglants
Enserrent fermement la plante agonisante.

Sous l’œil indifférent du soleil matinal,
Le jardin revêtu de sa robe innocente
Oublie la cruauté du défunt animal.

Châtiment final

Au centre d’un désert à l’ennui hivernal,
Dans sa peau de chagrin crasseuse de misère,
Aux portes de l’effroi, un dieu se désespère
Devant l’éternité au rythme sépulcral.

Sur la terre guidée par les forces du mal,
L’homme muni d’un cœur à la froideur polaire
Déchaîne un tourbillon de terreur sanguinaire
Dont les brûlots mortels empestent le métal.

Quand un engin sanglant s’empare de son frère,
L’humain fustige ceux dont les sacrés mystères
Promettent pour demain un bonheur idéal.

Il voue le Créateur aux flammes solitaires
Avant de condamner au châtiment final
Les bouffons arborant l’habit de général.

Figures géométriques

Géométrie, déploie tes joyeuses figures.
Cercle, roi de l’ennui, au terme indéfini,
Tes points, jumeaux serrés, définissent le nid
Où ton centre s’inscrit, loin de ta quadrature.

Triangle, étire-toi, allonge ta stature.
Du haut de ton sommet qui donne le tournis,
Étends tes traits pentus vers tes angles unis
Par ta base où s’élève ardemment ta structure.

Rectangle, deux à deux s’alignent tes côtés
Comme ceux d’un carré que des calculs ratés
Forceraient à former une étendue rebelle.

Droite, tranche gaiement l’espace traversé
En deux mondes disjoints dont ta ligne cruelle
Contraindra l’harmonie à s’écrire au passé.

24.12.06

Fleurs aux frêles beautés

Fleurs aux frêles beautés, exhalez vos senteurs
Pour charmer les amants qui tendrement composent
Un concerto d’espoir accordé à la rose
Dont le velours soyeux explose en gaies couleurs.

Reines de nos bouquets aux pouvoirs enchanteurs
Dont la vie se consume entre des murs moroses,
Embrassez aujourd’hui les plus nobles des causes
En offrant aux enfants votre écrin de douceur.

Chassez l’indifférence enveloppant les choses
D’un voile silencieux où l’ennui se dépose,
En semant vos parfums dans les nuits des rêveurs.

Combattez l’âpreté des rayons querelleurs
D’un soleil venimeux, levé dès l’aube rose
Pour vous assassiner sous sa lourde chaleur.

Reine de mes pensées

Reine de mes pensées, princesse de mon âme,
Tu dilues mon chagrin dans l’eau de ton regard
Dont l’exquise douceur arrache les poignards
De mon passé brûlant à la saveur de drame.

Ta main, oiseau de joie, danse comme une flamme
Sur mon corps assoupi, noyé dans le brouillard
De ma vie monotone, érigée en rempart
Contre les illusions où la douleur se trame.

De ta peau veloutée, plus tendre qu’une fleur,
S’exhale un doux parfum qui enivre mon cœur
Dont le rythme s’anime en ardente musique.

Ton sourire assuré au charme délicieux
Apaise les élans de ma peur erratique,
Vaincue par l’harmonie de nos désirs radieux.

Festin coloré

Tendres morceaux d’agneau, mijotez en silence
Pendant que j’assassine un innocent tourteau
Qui, plongé dans l’eau chaude, agonise aussitôt,
Si bien que je souris avec bonne conscience.

Les primeurs colorés, achetés en urgence,
Se jettent vivement sous le fil du couteau
Qui découpe illico les gracieux végétaux
En minces filaments d’exquise consistance.

Je m’active à créer un défilé de plats
Que conclut brillamment la mousse au chocolat,
Dont le parfum subtil exalte ma fringale.

Cependant que j’attends mes premiers invités,
Je compose un cocktail aux notes tropicales
Afin de leur offrir un avant-goût d’été.

Symphonie de couleurs

Le silence de sable au centre de l’infini s’égoutte dans une éternité de funambule. La symphonie de l’oubli décline ses couleurs en une logorrhée grotesque. La terre lèche les derniers vestiges de l’humanité, plaies qui se dissolvent dans le lit de l’aube abolie.
Des humains disparus, seule témoigne une croix érigée en doigt de regret, accrochant des perles de lune.
Architecte du destin, le hasard facétieux bâtit un univers paisible et harmonieux, pas à pas, formé de touches d’abandon aux teintes délicates. Au sein de cet équilibre minéral, des labyrinthes cubiques gorgés de lumière accrochent les étoiles et reflètent le ciel surpris, inversé en éclats de promesses. La nuit s’échappe en perles distraites devant l’espace doré, complice du possible au bord d’une douce amnésie.

17.12.06

Couleurs du bonheur

J’accorderai ton âme aux couleurs du bonheur,
Assemblées par ma main en taches éclatantes
Formant un arc-en-ciel à l’alchimie vibrante,
Qui versera sa joie dans le fond de ton cœur.

Je mêlerai le vert des marines fraîcheurs
Au rouge incandescent des laves jaillissantes
Qui masqueront le noir des cryptes effrayantes
Où le temps ravageur se livre à des horreurs.

J’ajouterai le bleu de l’insondable espace,
Impassible témoin des mortelles grimaces,
Au blanc immaculé des serments éternels.

J’achèverai mon œuvre en posant une touche
Du jaune de la lune illuminant le ciel
Sous le regard jaloux de planètes farouches.

Couleurs musicales

J’écris des mélodies aux couleurs de la gamme
Sur mon clavier subtil à la voix de cristal,
Qui cisèle des sons dont le flot triomphal
Exhale des accords brûlants comme des flammes.

Le Do jaune de l’or annonce le programme,
Suivi du Ré orange exaltant le moral.
Le Mi rouge accordé à la fureur des lames
S’unit au Fa violet du satin sépulcral.

Puis le Sol indigo d’une étendue marine
Se mélange au La bleu du ciel qui s’illumine
Sous les feux d’un soleil au parfum de printemps.

Le Si vert des forêts à la beauté placide
Forme la conclusion du cantique éclatant
Que je joue pour tromper le silence livide.

Couleurs furieuses

Un tourbillon cinglant de profondes couleurs
S’étire violemment dans les plis de mon âme
Condamnée à subir un arc-en-ciel de flammes
Dont les langues rougies me calcinent le cœur.

Mes teintes préférées exaltent ma fureur.
Le bleu métal s’accorde à la froideur des lames
Qui sculptent dans mon corps des blessures infâmes
Vomissant des torrents de sanglantes douleurs.

Le jaune du citron déverse son acide
Dans mon esprit noirci dont la joie se dévide
Sur le rouet cruel de l’avenir glacé.

Le vert de moisissure étale sa poussière
Sur l’écheveau obscur de mes espoirs blessés
Qui meurent doucement au creux de mes paupières.

Visions colorées

Sur la planète bleue,
De petits hommes verts
Tirent à boulets rouges
Sur les humains qui bougent
Pour éteindre l’enfer
Qui leur brûle les yeux.

Au cœur de mes nuits blanches
Tapissées d’idées noires,
Dans mes draps bleu pervenche,
Je rêve d’un désert
Pour composer des vers
Au pays de l’espoir.

Lassée de mes peurs bleues,
Je pars de but en blanc.
Je cours me mettre au vert,
Couler des jours heureux,
Loin de mon triste écran
Que je jette à la mer.

Près de mon cordon bleu,
Je vois la vie en rose
Même si je ris jaune
Devant les autochtones
Qui préfèrent la prose
À mes sonnets radieux.

31.10.06

Avenir flamboyant

Blottie dans mes secrets, j’écoute le silence
Résonner sur les murs pelés par le soleil.
Une voix inconnue murmure des conseils
Doux comme un souvenir surgi de mon enfance.

Au bord d’un monde obscur, prudemment je m’avance.
Ma conscience glacée assiste à mon éveil.
Dans le soir revêtu de son voile vermeil,
Je découvre un sentier tapissé d’espérance.

La prison de cristal qui me glaçait d’ennui
Se brise sur le fil du rasoir de la nuit.
Un tourbillon de fleurs ensevelit mes doutes.

La flamme de mon rêve embrase l’avenir,
Des lambeaux de chagrin sanglotent sur la route,
Mon corps blessé renaît, frémissant de désir.

Sonnet conforme

Pour écrire un sonnet, j’aligne deux quatrains
Suivis de deux tercets et je soigne les rimes.
Trahir la prosodie serait un odieux crime,
Mes vers sont calibrés en beaux alexandrins.

La première est bouclée, j’ai cette strophe en main.
Je domine le thème, aisément je m’exprime
En des termes concrets et j’évite la frime.
Images raffinées, passez votre chemin.

Je construis le poème au rythme de ma plume.
Dès qu’elle est échauffée, elle a pris la coutume
D’accélérer l’allure et termine avant moi.

Je munis chaque vers d’un parfait hémistiche
Indiquant mon respect des règles d’autrefois
Et je ponctue sa fin par une rime riche.

Un cube sur un canapé

Je me rappelle très bien ce canapé. Il était absolument parfait pour moi. Mais d’abord, il faudrait que je me présente. Je suis un cube, LE CUBE, celui qui a donné naissance au fameux Rubik’s Cube, vous savez, ce jeu idiot. Cela ne me plaît pas du tout d’ailleurs, car depuis qu’il existe, on m’ignore, moi, pauvre cube bleu anonyme. Mais je m’égare, pardonnez-moi.
Donc, je venais de sortir d’une fabrique de cubes en plastique, des jouets pour enfants, mis au rebut pour cause de défaut de fabrication. Mes faces ne s’assemblaient pas exactement, d’où l’idée du Rubik’s Cube, c’est un peu confus, j’espère que vous suivez, et je m’interrogeais tristement sur mon sort de cube soi-disant raté et jeté dans une décharge. Une vraie puanteur, enfin passons.
Un gamin m’a ramassé, puis rapporté chez lui et jeté sur ce joli canapé rouge tout anguleux, celui que vous voyez sur la photo. Un canapé fait pour moi, bien adapté à mes formes, confortable quoi. C’est le père de l’enfant qui a pris la photo, mais son fils n’a pas accepté de poser avec moi. Depuis, je suis fâché et j’ai changé de famille.

24.10.06

Casino fatal

Sur la ville assoupie s’élève une tempête
Dont le souffle brûlant au parfum d’encensoir
Jette les promeneurs flânant sur les trottoirs
Dans un gouffre sanglant au bord de la planète.

Au casino du temps, Dieu joue à la roulette
Le destin des humains avec un diable noir.
Jésus-Christ le supplie d’accomplir son devoir,
De protéger la terre et d’oublier ces fêtes.

Nos violences passées, nos guerres d’aujourd’hui
S’inscrivent dans le ciel, chapitre des ennuis.
Ce soir, le Créateur met le monde en faillite.

Nos méfaits indécents pèsent sur le plateau
Si lourd qu’à l’horizon notre avenir s’effrite.
Les puissances du mal domineront bientôt.

Il rêvait

Il rêvait d’éléphants minuscules et de fourmis géantes,
De diplomates honnêtes, de riches ouvriers,
De parler japonais, de maisons en papier,
De médecins offrant des bonbons à la menthe.

Il rêvait de luxe économique, de calme gymnastique,
De lions tendres et galants, de soldats non violents,
D’étoiles paresseuses, d’un vaste océan blanc,
De déesses antiques et de gentils moustiques.

Il rêvait d’un ami bienveillant, de brioches dorées,
De frontières abolies, de vive fantaisie et de désobéir.
Il rêvait de chaleur éternelle, de délicieux plaisirs,
D’amour rayonnant, de fleurs, de parfums, de joies partagées

Ses rêves sont vivants dans le creux de ses mains.
Il les montre aujourd’hui dans les tableaux qu’il peint.

Il invente le monde.

Points enfermés

Pauvres points bleus enfermés dans ce treillis rouge. « Comment sortir d’une telle prison ? » se demandent les points. Quelle sera la fin de nos pauvres points ? Savez-vous qu’ils ont commencé une grève de la fin ?
En réalité, ces points sont les exclus de la littérature d’avant-garde, celle qui prône une ponctuation minimale. On n’en a plus besoin, alors on les enferme pour éviter que des auteurs démodés ne les utilisent. Méfiez-vous, écrivains modernes, les points se vengeront, ils sortiront du cadre, envahiront vos textes et finalement ils vous voleront vos conclusions.

Le bois

Il y a le bois d’érable, les bouleaux, les chênes,
Il y a les pins, les saules pleureurs, les tilleuls,
Il y les marronniers, les pommiers, les cerisiers.

Il y a les bourgeons tendres et fragiles au printemps,
Les feuillages soyeux en été,
Les feuilles crissant sous les pieds en automne,
Les branches dénudées en hiver.

Il y a les bois qui crient quand on les scie,
La bonne odeur des bûches qui brûlent,
Le goût des pommes de terre cuites sous la braise
Lors d’un repas partagé en famille dans les bois.

17.10.06

Pensées d’une rose

Reine de vos jardins, de teinte rouge ou blanche,
Au gré des émotions, je change de couleur.
Des perles de rosée exaltent ma splendeur.
Ma robe de velours embellit vos dimanches.

Rose dans un bouquet, mes effluves s’épanchent
En essence de joie qui éloigne les pleurs.
Mes pétales soyeux, mon habit de douceur,
Raccommodent les cœurs, l’amour prend sa revanche.

Vous me donnez la mort pour un tendre motif.
Qu’importe si demain j’offre à un vent furtif
Les restes de mon corps dépouillé de sa sève.

Victime sacrifiée, troublée par votre émoi,
J’assiste à vos ébats dès que le jour s’achève.
Pourvu que dans le ciel Dieu prenne soin de moi.

Images d’Afrique

L’Afrique
Mot magique
Mes yeux piquent
Plainte pudique
Musique

L’Afrique
C’est une oreille sur la carte du monde
Des pays où je n’irai jamais
Des musiques de fête
Des instruments aux noms évocateurs
Kora, balafon, djembé

L’Afrique
C’est des sourires ouverts
Des dents plus blanches que l’innocence
La brousse calcinée
Une chaleur plus lourde que la pierre
Les tempêtes d’une nature exaltée
Des paysages au bord de l’indicible
La vie qui se suffit
Dans la joie du partage
Sans justification bruyante

L’Afrique
C’est tout près trop loin
Ta blouse de médecin
Le respect que tu inspires
Là-bas comme ici
Ton absence qui brise nos possibles

L’Afrique
C’est l’univers inversé
Une lampe qui danse
Sur des mots silencieux
Des lettres parenthèses
Ma blessure exil civilisé
Mon rêve déchiré.

Découverte impromptue

Cette matinée commençait bien mal et Stéphanie sentait une calme méchanceté monter en elle. Elle avait envie de se venger, mûe par une sauvagerie impensable, alors qu’elle était habituellement si douce et affectueuse. Sa clairvoyance binoclarde aurait pourtant dû la mettre en garde, mais elle n’avait pas prêté l’oreille à sa voix intérieure.
En un mot, Véronique, cette hypocondriaque mégalomane, allait lui payer ce terrible affront. Elle revoyait encore la scène de la veille, la découverte des deux amantes, Sophie son amie et Véronique, bien au chaud dans l’alcôve démoniaque. Stéphanie était partie dans une précipitation désopilante pour un regard extérieur, mais pour elle et son ignorance révulsée, c’était une chute vertigineuse, la fin de sa folâtre tendresse pour Sophie.
Donc, ce matin, quand le téléphone sonna, c’est avec une délicatesse de formica que Sophie décrocha le combiné. Au bout du fil, la courageuse Sophie tenta de recoller les morceaux, usant de sa gouaille de velours. Elle tira une à une toutes les cartouches de son arsenal de cajoleries, mais en vain. Cette fois, elle était allée trop loin. Stéphanie ne lui pardonnerait à aucun prix.
La conversation dura à peine cinq minutes. A l’issue de celle-ci, l’histoire était définitivement scellée. Tandis que Stéphanie commençait à entasser les vêtements, livres et objets divers de son amie dans deux valises qu’elle mettrait ensuite sur le palier sans le moindre mot d’explication, Sophie réfléchissait déjà à la possibilité de poser ces mêmes valises chez Véronique.
Malgré les ruptures brutales, la vie continue et tant mieux si le terme d’une histoire n’implique pas la fin des amours.

Chapardage malheureux

Le sombre révélateur tyrannique m’a mise dans un bel embarras. J’espérais m’éclipser discrètement en même temps que les autres invités, sans déclencher le moindre esclandre, mais il n’a pu retenir sa verve insolente.
Quand il a claironné « Pourquoi ne prends-tu pas aussi les cuillères à dessert ? Elles sont plus jolies que les fourchettes ! », j’ai senti mon ignorance se révulser, mon sang bouillonner et il m’est apparu clairement que les portes de la fastueuse demeure des Laville me seraient fermées à jamais. Ma célèbre magnificence sauvage était bien mal en point. Le maître de maison, bien connu pour sa pruderie byzantine ne laisserait pas passer cette opportunité inespérée de me radier de sa liste de convives.
Une calme méchanceté s’empara de moi, dont la douceur chatoyante était pourtant réputée, un désir incoercible de revanche me submergea et des images d’une sauvagerie impensable m’apparurent. Notre fameux radoteur pinailleur n’avait pas fini de regretter ses paroles. En l’espace d’une soirée, ce salmigondis dévergondé avait bien assombri mon brillant avenir, mais je n’avais pas dit mon dernier mot.

30.9.06

Délicieux présages

Sur l’hostile tombeau de tes froids souvenirs,
Je viendrai façonner un jardin de lumière
Afin que le parfum de la rose trémière
Dépose dans ton âme un faisceau de plaisirs.

Pour chasser le démon qui drape l’avenir
D’un étouffant linceul saupoudré de poussière,
Je construirai demain un pays sans frontières,
Aux chemins constellés de lumineux saphirs.

Dans ton cœur débordant de funestes souffrances,
Je creuserai un puits pour noyer le silence
Qui sème un noir poison dans ton sang innocent.

J’inventerai pour toi un mystérieux langage
Aux accents de tendresse, exempt de mots blessants,
Vigilant messager de délicieux présages.

Il y a des choses qui égayent le coeur

Il y a des choses qui égayent le cœur, des choses toutes simples, comme l’arôme du café, et l’odeur moelleuse de la brioche, le matin, après une nuit peuplée de rêves somptueux, la brioche pétrie avec amour par le père protecteur, affectueux et bienveillant, dans le respect d’une tradition séculaire, la confiture qu’on étale généreusement sur cette brioche, et qui s’effiloche dans les interstices dorés, pour terminer sa course sur le col de la chemise encore amidonné, tout frais, témoin discret de la tendresse maternelle, tendresse sérieuse, jamais frivole, mère nourricière, trop rarement complice, mais toujours attentive.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme le sourire chaleureux, échangé dans le train, avec un anonyme si vite oublié, comme l’espoir d’une belle journée encore vierge, toute à construire.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme la satisfaction du devoir accompli, dans le partage et la joie, sans effort, dans l’harmonie.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme le retour au foyer, pour le repas du soir, pour ce moment privilégié, où le temps est suspendu, quand on se laisse aller à toutes ces confessions.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme le pot-au-feu, partagé parmi les siens, dans la douce chaleur de la famille protectrice.
Il y a des choses qui égayent le cœur, comme l’appel de la nuit, prévisible et impérieux, et tous ces rêves, solitaires et somptueux, encore à inventer.

Il y a des choses rares

Il y a des choses rares, des choses précieuses ou mauvaises, qui resteront longtemps dans la mémoire.
Des choses rares, comme un goût nouveau, promesse d’un autre monde, d’une autre vie, d’autres bonheurs.
Des choses rares, comme les premières fois, qu’elles soient échecs ou réussites.
Des choses rares, comme la magie d’un instant parfait, quand le temps s’arrête, immobile, et que l’équilibre se fait.
Des choses rares, oui, mais rares comment ? Rares pour qui ?
Pour le solitaire, le moindre élan vers le monde fait partie des choses rares.
Et puis, il y a les choses rares dont on voudrait qu’elles n’aient jamais existé, comme la fin d’une histoire, la mort de ceux qu’on aime, ou le malheur qui s’accumule.
Il y a des choses rares et surprenantes, inhabituelles et merveilleuses, comme la beauté parfaite d’un paysage de montagne, dans le soleil hivernal.
Il y a des choses rares, comme le souvenir du bonheur, quand tout était plus simple, dicté par l’émotion, sous l’éclat de la sensualité, irradiant de toutes parts.
Il y a des choses rares, comme la confiance perdue en un ami qui a trahi.
Il y a des choses rares comme l’oubli, comme le pardon généreux d’une faute épouvantable, maintes fois répétée.
Il y a aussi des choses rares, comme l’espoir qui renaît, tel une promesse d’absolu.

Ma collection de « Il y a des choses »

Il y a des choses qui tachent la langue, qui font mal à l’estomac, des choses qui collent aux doigts.
Il y a des choses qui aiguisent l’imagination,
des choses qui éveillent le respect,
des choses qui font hurler de joie.
Il y a des choses qui forcent l’admiration, donnent du goût à la vie, ou l’envie de partir.
Il y a des choses qui se collectionnent, comme les éclats de rire.
Il y a des choses qui font pleurer,
des choses qui font grandir.
Il y a des choses que j’aimerais vous dire, mais il est déjà bien tard.

23.9.06

Royaume virtuel

En ce calme matin, devant l’ordinateur,
Sur le fil qui m’entraîne à l’autre bout du monde,
Dans la main d’Internet, mon esprit vagabonde
Afin d’anéantir mes stériles douleurs.

Pendant que je regarde un essaim de couleurs
Composer un tableau en moins d’une seconde,
Je me laisse charmer par l’araignée féconde
Qui tisse son filet dans le fond de mon cœur.

La Voie Lactée s’effondre en débris délétères,
Savamment retranscris en images binaires
Par l’électrique fée tapie dans mon écran.

De mes doigts magiciens, je tire les ficelles
De mon douillet royaume, à l’abri du cadran
Que l’avenir manie de sa griffe cruelle.

Voyages salutaires

Au gré des horizons choisis par le hasard,
De village en désert, d’îlot en capitale,
Depuis le vent glacé jusqu’au chant des cigales,
Je parcours l’univers aux mystères épars.

Lorsque l’hiver dépose un voile de brouillard
Sur ma ville plongée dans un ennui étale,
Lassée de la fadeur de ma vie sans escale,
Je ravive ma joie dans un lointain départ.

Le cinglant défilé des trahisons atroces
S’efface prestement quand je roule ma bosse
Loin du factice écrin du confort ennuyeux.

Sur les chemins secrets de la terre splendide,
Je cueille des bouquets de présages soyeux
Qui versent dans mon âme un flot de joie limpide.

Apaisement funèbre

Lorsque je reviendrai dans le douillet village
De mes années d’enfance, orné de bois ombreux,
Parsemé de jardins aux parfums généreux,
J’oublierai les attraits des lointains paysages.

Lorsque, le cœur lassé de mes fumeux voyages,
J’irai cueillir des fleurs sur les chemins pierreux,
Comme aux jours printaniers de mes espoirs nombreux,
Apaisée, je boirai à la source des sages.

Dans cet écrin de joie gracieusement figé,
Délivrée du carcan des rêves mensongers,
J’ouvrirai mon esprit au souffle du silence.

Calmement retirée au centre de mon corps,
Dans mon hiver serein, dépourvu de souffrance,
J’attendrai la venue du règne de la mort.

Étang hanté

Sur l’étang hanté,
Le têtard entêté
Tète sa tante alitée.

Un nuage lacté
Flétrit la pureté
De la tasse de thé.

La clarté de l’été
Transforme la cité
En ardente beauté.

La comète bleutée
S’éteint à côté
De la terre dévastée.

La liberté, dégoûtée
Par la cruauté butée,
S’effrite dans l’éternité.

16.9.06

Photo jaunie

Extirpée d’un tiroir par la main du hasard,
Une photo jaunie, venue de ma jeunesse,
Déverse dans mon âme un parfum de tristesse,
Comme un obscur remords évadé d’un placard.

Sur le portrait, un homme au ténébreux regard,
Figé dans un rictus dont la froideur me blesse,
Affiche un noir chagrin si âpre qu’il m’oppresse
Avant d’exacerber mes brumeux cauchemars.

Les spectres du passé ancrés dans ma mémoire
Inscrivent leurs regrets sur le sanglant grimoire
Des mortels prisonniers des griffes du destin.

Pour échapper aux pleurs des défunts solitaires,
Écrasés sous le poids des souvenirs éteints,
Je brûle mes clichés dans un feu tutélaire.

Sémillants cocktails

Armée de mes flacons aux vigoureux nectars,
Depuis le vin nouveau jusqu’au whisky hors d’âge,
Je vogue sur les flots des liquides mirages
Qui noient les spectres noirs de mes froids cauchemars.

Guidée par les humeurs du facétieux hasard,
J’invente sans répit de mystérieux breuvages
Dont les couleurs mêlées composent des images
Que l’ivresse transforme en nappes de brouillard.

Les sémillants cocktails qui brillent dans mon verre
Éteignent les sanglots de mon cœur solitaire
Avant de me plonger dans des rêves soyeux.

L’arc-en-ciel velouté de mon jardin limpide
Compose des bouquets dont le parfum radieux
Efface les relents de mon chagrin morbide.

Téléphone aphone

Au centre de la nuit, le tic tac monotone
De la vielle pendule envahit mon esprit,
Si bien que ma gaieté s’effiloche en débris
De spectres calcinés dont les sanglots résonnent.

Insensible à ma peur, le maudit téléphone,
Sobrement enfermé dans son froid coffre gris,
Arbore obstinément son ténébreux mépris
Dont le voile muet, lentement, m’emprisonne.

Afin de me plonger dans un ennui létal,
Le cruel appareil creuse un gouffre infernal
D’atroce solitude, où se noie la parole.

Entraînée par le poids de mon amer chagrin,
Condamnée à l’oubli, mon âme dégringole
Dans le néant glacé au silence d’airain.

Ligne solitaire

Sourd au charivari de propos insipides,
Tristement affalé sur le bord du comptoir,
Le jeune vagabond noie ses papillons noirs
Dans un poisseux torrent de mensonges liquides.

L’écheveau silencieux de ses peurs se dévide
Dans le flot ténébreux de l’ivresse du soir,
Qui l’emmène voguer, sur le fil du rasoir,
Jusqu’au douillet pays des rêves intrépides.

Quand la main du chagrin lacère son poitrail,
Guidé par le hasard, il délaisse les rails
De l’ennui pour tracer sa ligne solitaire.

Il assemble ses joies en fascinant bouquet
Dont l’enivrant parfum chasse l’odeur amère
Des nuits de beuveries dans d’infâmes troquets.

17.7.06

Frissons matinaux

Pendant que tu m’oublies dans tes rêves candides
Au pays silencieux de tes espoirs nombreux,
Je hante ton sommeil d’un tourbillon fiévreux
De secrètes pensées pétries de joie limpide.

Dans le jardin obscur où tes nuits se dévident,
J’arrache les chardons de tes doutes affreux
Avant de déverser un torrent vigoureux
De désirs qui noieront ta tristesse perfide.

Dans ta chambre envahie de tes dessins d’enfant,
Je sème allégrement un bouquet triomphant
D’ardentes voluptés imprégnées de tendresse.

Doucement éveillée par les lumières d’or
D’un soleil matinal débordant de promesses,
Tu souris aux frissons qui germent sur ton corps.

Fleur de macadam

Lascivement drapée d’un poisseux maquillage
Qui cache le dégoût niché dans son regard,
Elle aguiche les gars au coin du boulevard,
Sous les yeux des condés planqués dans les parages.

Experte patentée dans l’art du racolage,
Insensible aux jurons des gosses goguenards,
Elle s’offre aux clients qu’un relent de cafard
Jette subitement loin de leur femme sage.

Lorsque son souteneur lui vole son argent,
Elle espère en secret le secours des agents,
Enchaînée au poison qui réchauffe ses veines.

Dans les ombres ténues du brouillard matinal,
Elle entrevoit l’espoir d’une évasion prochaine
Loin de la cruauté de ce monde infernal.

Jeu d’échecs

Pour jouer aux échecs, prenez un partenaire
Bête à manger du foin. Donnez à l’indolent
Un verre de vin rouge et choisissez les blancs.
Avec ces ingrédients, vous gagnerez la guerre.

Éloignez votre roi des griffes lapidaires
De la reine ennemie puis attaquez les flancs
Des noirs paralysés par vos coups excellents.
Décimez sans pitié les rangs de l’adversaire.

Afin de dominer fermement l’échiquier,
Piquez au camp rival les pions, les cavaliers,
Les fous, les tours, la reine, et sonnez la victoire.

Concluez en matant le roi inoffensif
Dont la chute cinglante étendra votre gloire
Aux dépens du crétin à l’œil admiratif.

Tic tac

Tic tac, murmure discret.
L’horloge me regarde tristement comme pour me reprocher de tuer le temps. Ses notes cristallines se brisent sur le ressac de ma fuite en avant.

Tic tac, musique monotone.
Je compose un poème mais cette musique indécente s’immisce entre mes vers et moi, miroir de ma futilité, masque horrible figé en un rictus moqueur, torture assassine distillant le poison du doute dans mes veines brûlantes.

Tic tac, vacarme assourdissant.
J’écris « tic tac » et je tourne la page. Dans une danse frénétique, symbole dérisoire d’une pureté éphémère, les jambes de la pendule s’agitent au son d’un hymne infernal.

Tic tac, obsession fatale.
Les aiguilles du temps brûlent ma raison lors d’un concert ultime d’accords torturés aux frontières de l’absurde. Le temps n’existe pas, il se balance en équilibre fragile entre passé et futur. Une goutte de temps s’écoule à un rythme imprévisible et s’étire, élastique, entre néant et éternité.

Tic tac, soumission dérisoire.
L’horloge égorge les mots un à un, ne me laisse que « tic tac ». Avec ces deux syllabes, vocabulaire final, je compose mon dernier poème, oraison incongrue, « tic tac ».

14.7.06

Jeu de dames

Sur la toile du Net se promènent des dames
Dont l’esprit acéré, rusé comme un fennec,
Me balade en bateau pour me mettre en échec
Sur l’immense échiquier de nos vains mélodrames.

Pauvre pion ballotté par les bobards infâmes
De poupées trafiquées dont les prises de bec
Dévoilent prestement les sentiments plus secs
Qu’un désert africain, je m’écorche à leurs lames.

Au royaume maudit des plaisirs marginaux,
Des fées sophistiquées, vêtues de dominos,
Jouent mon cœur exalté à la roulette russe.

Les reines enragées qui me donnent le mat
Déploient sournoisement un écheveau d’astuces
Afin de s’abriter des ravages d’un pat.

Réconfort champêtre

L’innocence volée dans le fond d’une grange,
Enfance calcinée, comment croire en demain,
Imaginer des fleurs sur un radieux chemin,
La chaleur d’un regard, le chant d’une mésange ?

Mes tristes souvenirs aujourd’hui me dérangent,
Le corps de mon bourreau, sa peau de parchemin,
L’éclat de ses yeux noirs, la force de ses mains.
Je voudrais m’envoler, emportée par un ange.

La nature m’apaise et m’offre son abri.
Quand le jour s’est enfui, la lune me sourit.
Un parfum délicat m’enivre et me console.

Dans ce précieux écrin, je vais au gré du vent.
Si je suis égarée, au lieu d’une boussole,
Je consulte le ciel et le soleil levant.

Vénus désabusée

Vénus, dans son berceau, sourit à sa marraine,
La bonne fée venue apporter la beauté
Au bébé rubicond, occupé à téter
Sous le regard brûlant de son grand-père obscène.

La fière adolescente, au teint de porcelaine,
Déclenche un tourbillon de désirs tourmentés
Dans le cœur des garçons dont la timidité
Transforme la candeur en fébrilité vaine.

La magnifique adulte, au buste généreux,
Sourde à la jalousie de son amant fiévreux,
Assouvit goulûment ses impulsions frivoles.

La vieille solitaire au visage flétri,
Que la férocité de son déclin désole,
Fracasse son miroir en conciliants débris.

Vénus bienfaitrice

Afin de s’éloigner des sordides querelles
Que déclenchent les dieux pour tromper leur ennui,
Vénus, sans dire un mot, s’envole cette nuit
Vers la Terre insensible aux haines éternelles.

La déesse, étonnée par la laideur cruelle
Des silencieux mortels, les plonge dans un puits
De subtile tendresse, où macèrent des fruits
Dont le parfum leur donne une grâce nouvelle.

Vexés par leur beauté, les puissances des cieux
Exhortent les humains au visage radieux
À enfermer leur reine au fond d’une cellule.

Les hommes révoltés prennent soudain les armes
Pour défendre leur fée, sous les yeux incrédules
Des maîtres du destin, envoûtés par leur charme.

13.7.06

Vénus

Une étrange beauté émergeant du néant,
Ornée de perles d’eau empruntées aux nuages,
Secoue sa chevelure où s’amorce un orage
Qui plonge l’univers dans un trouble géant.

Quand la Terre bascule au fond d’un puits béant,
Un éclair insolent révèle le visage
De Vénus apparue pour laver les outrages
Des sinistres humains aux désirs malséants.

Elle exhorte d’un signe un indolent soleil
À briller ardemment pour hâter le réveil
Des mortels alanguis sur la rive des rêves.

Sous les rayons vermeils des astres embrasés,
La déesse sourit aux hommes qui se lèvent,
Avant de s’envoler dans un ciel apaisé.

Vénus lascive

Dès qu’elle ouvre les yeux, le blanchâtre matin
Exhorte le soleil aux lumières timides
À embraser son corps dont les courbes splendides
Arborent fièrement leur robe de satin.

Dans les joyeux éclats de son rire argentin,
Vénus nue, insensible au temps qui se dévide,
Secoue lascivement, sous mon regard avide,
Les boucles veloutées de ses cheveux châtains.

Quand sa pose alanguie, en silence, m’invite
À couvrir de baisers son ventre qui palpite,
Je sème sur sa peau de rayonnants frissons.

La vague de désirs qui fond sur ma déesse
Avive sa beauté d’une telle façon
Que j’invente un faisceau d’insolentes caresses.

Vénus des abribus

Vénus des abribus au vieux blue-jean cradingue,
Tu balades ton clebs en tordant tes talons,
Sous les yeux enflammés de jeunes apollons
Qui rêvent d’arracher tes impayables fringues.

Princesse du goudron, tu planques ton burlingue
Dans l’étroite prison d’un futal en nylon
Pour capter le regard de fringants étalons
Dont le torse musclé te donne une envie dingue.

Reine de la banlieue aux tifs poisseux de gel,
Tu défends ta tribu à grands coups de scalpel,
Grisée par ta fureur de zonarde amazone.

Déesse des cités, tu hantes les parkings
Avec de fiers voyous aux pognes polissonnes,
Adroits à titiller tes excitants piercings.

Vénus champêtre

Vêtue d’un pull moelleux, Vénus, à la campagne,
S’active sans répit, dès que le coq lointain
Déchire de son chant le silencieux matin
Pour prier le fermier de nourrir ses compagnes.

Dans l’écrin parfumé de sa vie de cocagne,
La princesse des champs, à la peau de satin,
Offre aux ailes du vent ses longs cheveux châtains,
Si bien qu’un doux frisson de liberté la gagne.

Les oiseaux des forêts célèbrent sa beauté
En gazouillant des airs aux accents de l’été,
Tandis que le jasmin jaillit sur son passage.

La déesse des prés, dont les fermes rondeurs
Enflamment les désirs des hommes du village,
Réserve sa tendresse à la fée de son cœur.

7.7.06

J’ai grandi en ville

J’ai grandi à l’étroit dans la fureur des villes
Où le béton compose un tableau de rancœurs
En graffitis sanglants aux messages vengeurs,
La poésie urbaine éclate en mots hostiles.

J’ai appris à marcher près des automobiles,
Ornements citadins qui remplacent les fleurs.
Les bourdonnants rubans de taches de couleur
Défilaient sous mes yeux, sournois comme un reptile.

J’ai connu la violence et les tristes leçons
Que donnent dans la rue les bandes de garçons,
De menace en affront, j’ai forgé mon armure.

Mon esprit solitaire oubliait les parpaings,
Ma vie imaginaire embaumait la nature,
Je rêvais de jardins, de torrents, de sapins.

J’ai grandi à la campagne

J’ai grandi parmi la verdure
Entre des jardins et des prés,
Une rivière et des fourrés,
Bercée par la douce nature.

J’ai connu l’aurore câline,
Le parfum des bottes de foin
Et la bonne gelée de coings
Qui venait fleurir mes tartines.

J’ai appris à soigner les plantes,
Les vignes de notre terroir.
L’odeur de l’herbe dans le soir
Lançait ses notes flamboyantes.

J’ai vécu près des mirabelles
Dans un village haut en couleur
Entre la tendresse des fleurs
Et la chanson des hirondelles.

Je dis l’enfance

Je dis l’enfance solitaire
Vécue dans mes rêves secrets
Mes premiers émois littéraires
L’odeur du chocolat au lait.

Je dis la table du dimanche
La pintade au four et le riz
Mon aversion pour l’aube blanche
De ma communion à Paris.

Je dis les chères cigarettes
Fumées dans un sombre recoin
Les premiers verres dans les fêtes
Les moqueries de mes copains.

Je dis l’attente des vacances
La joie de quitter la cité
D’oublier les odeurs d’essence
Au cœur de la Franche-Comté.

J’ai grandi

J’ai grandi tiraillée
Entre fureur et confitures
Enroulée dans mes rêves secrets.

J’ai grandi en vitesse
Pressée de déchirer mon innocence
Au lieu de pleurer je serrais les mâchoires.

J’ai grandi à voix basse
Pour ne pas figer mon sang
J’apprenais les mots de lumière.

J’ai grandi en improvisant
À côté des adultes écartelés
Entre mensonge et cours de la bourse.

J’ai grandi en apprenant à sourire
Pour étouffer mes souffrances
Dans le désert de la décence.

J’ai grandi sous un ciel inquiétant
J’élaguais ma froide candeur
Sacrifiée à mes châteaux en Espagne.

J’ai grandi maladroitement
De flânerie en course folle
J’ai épuisé mon enfance.

27.6.06

Ange de vie

Je suis le frais bouquet de lys et de jasmin,
Où loge un rossignol qui t’invite à la danse
Sur la place enflammée de tes secrets d’enfance,
Des diamants de bonheur semés sur ton chemin.

Je suis l’hymne aux accents de radieux lendemains,
Attentif à noyer le feu de tes souffrances
Sous les perles de joie de sa tendresse immense,
Un sésame d’espoir dans le creux de ta main.

Je suis le lac bleuté du regard intrépide
Qui dirige tes pas loin des forces du vide,
Vers le jardin soyeux d’un paisible avenir.

Je suis l’ange de vie, qui brûle ta tristesse
Dans le creuset ardent des insolents désirs
Nichés sous le marais de tes sourdes faiblesses.

Si vieux

Je suis si vieux, l’ami, que j’ai connu la Terre
À l’époque bénie où les maîtres des cieux
Protégeaient l’univers de l’orgueil pernicieux
Des humains acharnés à semer la misère.

Je suis si vieux, sais-tu, que j’ai vu le calvaire
De peuples décimés par des combats odieux,
Menés par des armées dont les soldats vicieux
Torturaient sans raison les prisonniers de guerre.

Je suis si vieux, crois-moi, que j’ai parlé aux dieux
Décidés à punir les mortels prétentieux
En noyant l’univers sous une pluie polaire.

Je suis calme aujourd’hui face au funeste épieu
Que l’ange du néant plonge dans mes viscères
Pour chasser le mépris de ma conscience amère.

Sulfureux vampire

Au tréfonds de la nuit, le sulfureux vampire
Joue les chances de l’homme aux cartes du hasard
En tuant les flâneurs dont le vermeil nectar
Allume des lueurs sur son masque de cire.

Sur les pas des piétons dont le sang frais l’attire,
Il distribue la mort au gré des boulevards
En volant des baisers au tranchant de poignard,
Avant de s’éloigner dans un éclat de rire.

Le monstre, sourd aux cris des humains dont le sang
Le mène sur un flot de plaisir indécent,
Transforme la cité en brûlant cimetière.

Aux portes du matin, un soleil infernal
Darde sur le charnier ses limpides lumières
Pour tenir en éveil les puissances du mal.

Ulysse désabusé

Du Bellay s’est planté sur mon fameux voyage.
J’ai voulu me casser vers d’autres horizons,
Loin de ce vieux palais où ma jolie poison
Me prenait le citron pour des enfantillages.

Circé, la magicienne à la beauté sauvage,
M’a ouvert le chemin de sa chaude toison.
Dans ses bras, j’ai perdu du temps et la raison
Pendant que mes marins voulaient plier bagage.

Après un an d’amour et de frissons au pieu,
Ponctués par deux gnards, j’ai dû vider les lieux
En noyant mon chagrin au fond de la bibine.

Au retour, j’ai subi le copieux baratin
De Pénélope en peine et de tout le gratin
Du royaume affligé de mes folies coquines.

26.6.06

Retour d’Ulysse

Tandis qu’Ulysse, armé de son fougueux courage,
Affronte des légions de pirates affreux,
Qui mènent au trépas ses amis valeureux,
Pénélope s’ennuie en tissant son ouvrage.

La reine, refusant d’admettre son veuvage,
Repousse fermement ses courtisans nombreux,
Certaine que l’étang de leurs yeux langoureux
Dissimule en son sein une ambition sauvage.

La belle déconstruit son travail chaque nuit
Afin de réserver ses faveurs à celui
Dont l’ardent souvenir hante sa solitude.

Ses rivaux terrassés, le vaillant souverain
Retrouve son palais, loin des vicissitudes
De son exil pétri d’affrontements marins.

Pénélope

Pendant que son mari affronte des sirènes
Au cours d’un long voyage aux atroces périls,
Pénélope s’acharne à arracher les fils
De son stupide ouvrage en maudissant Hélène.

D’assidus prétendants venus d’îles lointaines
Débitent pour lui plaire un incessant babil,
Inapte à effacer le héros en exil
Des rêves amoureux de la fidèle reine.

Au lieu de succomber à ces flatteurs sournois,
Elle offre son royaume au vainqueur du tournoi,
Ulysse, son époux, archer inégalable.

À la mort du vieux roi, abattu par erreur
De sa main ingénue, son fils inconsolable
Prend la veuve éplorée comme dame de cœur.

Ulysse en boule

Ma biche, j’ai ramé pour rentrer à la niche.
J’ai la gueule de bois et l’estomac en vrac.
Alors attends, poupée, pour déballer ton sac.
Va chercher à bouffer dans l’antre des boniches.

Dégage de mes pieds ton ignoble caniche,
Cet infâme bâtard, dégoulinant de trac,
Qui bouffe de la carne aux remugles de yak
Avant de dégueuler sur mes pompes fétiches.

Je vais stopper fissa le sinistre micmac
Des princes trafiqués aux allures de mac,
Qui veulent te niquer pour piquer notre artiche.

Trouve mon arc planqué dans le vieux bric-à-brac
De ce maudit palais pour que je troue les miches
Des courtisans sournois qui se croient si fortiches.

Pénélope en colère

Prends ton temps, duconno, pour rentrer à la niche.
Frime sur l’océan en jouant les cadors
Pendant que je m’emmerde à balader Médor.
Ulysse, franchement, tu me brises les miches.

Retourne chez Circé, mon ami, je m’en fiche.
Va te faire berner chez la poule aux œufs d’or,
Entourée d’une armée d’odieux princes consorts,
Des cons hypnotisés par la fée de la triche.

Comme je t’ai taxé la clé du coffre-fort,
Je t’invite à calter au pays de la mort,
Où t’attendent déjà de superbes pouliches.

Je préfère oublier tes lubies de vieux porc
Dans le plumard brûlant de l’apollon fortiche
Qui fond comme un glaçon devant mes yeux de biche.

20.6.06

Plaisirs limpides

Dans mes nuits d’insomnie, barbelées de silence,
Quand un spectre d’effroi, au poignard acéré,
Découpe notre histoire en débris éplorés,
J’enterre ma douleur sous mes désirs immenses.

Mon esprit, déchiré par ta cruelle absence,
Invente un tourbillon de rêves colorés
Où tu danses, déesse au visage adoré,
Un ballet endiablé, rayonnant d’espérance.

J’aborderai l’abîme où tu détruis ton corps,
Afin de t’arracher aux griffes de la mort,
Dissimulée au fond de ton poison perfide.

Dès demain, je noierai ton nébuleux chagrin
Dans le flot bouillonnant de nos plaisirs limpides,
Germés dans le berceau de notre amour d’airain.

Prince du macadam

Prince du macadam, à la brusque tendresse
Cachée sous ton blouson d’intrépide motard,
Tu rêves de taxer une grosse Jaguar
Pour conduire au plumard de lascives déesses.

Voyou dégingandé au jean souillé de graisse,
En voyant les poupées que lèvent des tocards
Pendant que tu t’ennuies, seul avec ton pétard,
Tu te laisses gagner par un flot de tristesse.

Justicier des cités, tu dérouilles les gars
Qui donnent tes copains à d’affreux poulagas
Pour éviter l’horreur d’un séjour en cabane.

Tyran de la banlieue au regard de bandit,
Quand un clodo bourré prend un coup de tatane,
Tu l’emmènes pioncer dans ton crasseux taudis.

J’écrirai ton empire

Comme une pluie d’été qui calmement dépose
Un voile de fraîcheur aux portes du matin,
Je viendrai effleurer tes doux cheveux châtains
D’un geste plus léger qu’un pétale de rose.

Je sculpterai ton rire.

Guidée par les échos de ta voix argentine
Répandue en milliers de refrains mélodieux,
J’embrasserai tes pleurs sur le bord de tes yeux
Afin de soulager ta mémoire chagrine.

Je noierai tes vampires.

Entraînée dans les plis du désert solitaire
De ton âme meurtrie par tes espoirs déçus,
Je draperai tes peurs dans le soyeux tissu
De ma tendresse ardente aux griffes volontaires.

J’écrirai ton empire.

Voyage céleste

J'ai voulu aller sur la lune.
La belle étoile était trop loin
Et mes petits pas minuscules.
Je me suis perdue en chemin.

J'ai rencontré une mésange,
Me suis accrochée à son cou.
Là-haut, j'ai caressé un ange,
Il m'a remerciée d'un bisou.

Je suis partie sans ma valise,
Je pensais revenir ce soir.
Une jolie fée m'a conquise,
Je me passerai de peignoir.

18.6.06

Étreintes mortes

Quand je m’envolerai loin du subtil poison
Que le fleuve des ans verse dans les mémoires
Pour éteindre le feu des serments illusoires,
À l’heure où le soupçon assombrit l’horizon ;

Quand je m’évaderai de l’amère prison
De l’ennui qui répand un flot de larmes noires
Sur le cœur des amants pour noyer leur histoire
Dans un boueux torrent de vaines trahisons ;

Quand je délacerai les invisibles chaînes
Du quotidien pétri de silencieuses peines
Qui étouffent les sens dans un puits de glaçons ;

Tu graveras mes vers au milieu de ta porte
Afin de réveiller les insolents frissons
Enterrés dans le lit de nos étreintes mortes.

Portes de l’enfer

Quand le poids des années courbera ta carcasse
Sous l’amer bruissement d’odieux papillons noirs,
Semant dans ta conscience un parfum d’ostensoir,
Sinistre messager de la vie qui s’efface ;

Quand la monotonie couvrira ton audace
D’un océan boueux qui noiera ton espoir,
Avant de te jeter, à l’approche du soir,
Dans les griffes glacées de l’amnésie vorace ;

Quand, prête à trépasser sans l’ombre d’un remords,
Rompue, tu attendras le signal de la mort,
Confidente espérée des sanglots de ton âme ;

Tu lanceras mes vers dans le ciel outremer
Où le maître du mal, enveloppé de flammes,
T’ouvrira aussitôt les portes de l’enfer.

Volutes

Je vis assis chez moi, dans un sombre quartier,
La peau grise et marbrée d’innombrables brûlures.
Les cendres de ma vie finissent dans l’évier.
J’ai toujours un mégot près de la commissure.

Comme l’envol joyeux de jeunes éperviers,
La fumée que j’inhale apaise mes blessures.
L’instant suivant, roi mat sur un triste échiquier,
Je rêve de m’enfuir par un trou de serrure.

Quand le bout de mes doigts prend la couleur du foin,
Que mon corps épuisé menace de syncope,
J’en allume encore une et la fume avec soin.

Tant pis si mes poumons font peur au stéthoscope,
Sur un nuage bleu, je partirai très loin.
Pourvu que l’au-delà autorise les clopes !

Bal des vampires

Fantômes sulfureux armés de lourdes chaînes
Dont le cliquètement forme un chant sépulcral
Clamant la cruauté des puissances du mal,
Courez au rendez-vous de la mort souveraine.

Loups-garous affamés aux canines obscènes,
Partageant les lambeaux d’un chétif animal,
Vampires élancés en costume de bal,
Dansez dans le royaume où l’enfer vous emmène.

Dans son palais illustre au parfum d’au-delà,
Prosternez vous devant le Comte Dracula,
Sous le brûlant regard de riches candélabres.

Dès la fête achevée, aux lueurs du matin,
Remisez au tombeau vos visages macabres,
Tordus par la fureur de vos odieux instincts.

11.6.06

Ville endormie

Sur la ville endormie veille une douce aurore
Qui élargit son aile et repousse la nuit.
Derrière les yeux clos se repose l’ennui.
Voyageurs impatients, les rêves s’évaporent.

Devant les rideaux noirs, le jour hésite encore
À briser le sommeil en agitant ses bruits.
Quand sonnent les réveils, le silence s’enfuit,
Dans la cité s’active une foule sonore.

Les heures du matin s’égrènent lentement,
Gorgées du souvenir des caresses d’amants.
La journée se consume en douloureuse absence.

Le soir étend sa joie dans la coupe du ciel,
Il met son voile sombre et invite à la danse
Les tendres amoureux au sourire de miel.

Le géant de pierre

Il dort paisiblement, une oreille sur le sol, le visage tiédi par le soleil, les yeux ouverts.
C’est un géant de pierre venu d’une époque lointaine, du temps des pharaons. Il connaît la sagesse et la folie des hommes et ne s’émeut pas de nos petites joies ni de nos vains combats.
Il est là jour et nuit, offert à tous les vents, dans son silence de pierre. Il sert de trophée à des touristes bruyants qui posent près de lui le temps d’une photo, sans réelle attention. Il n’est pas offusqué, il sait qu’il survivra bien après leur départ vers le pays des morts.
Dans ses rêves de pierre, il retrouve la reine qu’il a laissée jadis au pays des pyramides, car c’est un dieu sensible.
Il ne se départit pas d’une calme décence malgré les ballons, les brûlures de cigarettes, les graffitis et le vacarme ambiant. Il est accompagné de canettes vides, de mégots douteux et de papiers graisseux. Il demeure impassible, car c’est un dieu sensé.
Témoin privilégié d’un monde décadent, mélange de violence et d’une foi sincère, placé entre une église et la foule des Halles, il ne dit pas un mot, garde les lèvres closes et retient chaque image dans son âme de pierre.
Dans des milliers d’années, nous aurons disparu, mais le géant de pierre témoignera pour nous.

Une partie de la saveur du fruit

Vous serez une partie de la saveur du fruit, ce fruit gorgé de surprenante tendresse, l’humanité. Vous serez doux comme le miel des premières fleurs, comme le printemps après un hiver rigoureux, comme un sol tapissé de feuilles en automne.
Vous serez la caresse d’un ange sur un visage assombri, la légèreté du papillon sur des épaules courbées.
Vous serez la note inattendue qui enchante l’oreille, le mot tendre qui emmène au pays des rêves, l’éclat cristallin du rire revenu après les épreuves.
Vous serez la promesse d’un monde de couleurs, vous serez la joie, mais vous serez un éclat minuscule d’un kaléidoscope étincelant de sensations multiples imbriquées dans une constellation infinie de merveilles et vous serez humbles.

Au bras du jour souriant - Texte sans lettre e

Il alluma un cigarillo mais, lui trouvant un goût anormal, il n’y prit aucun plaisir. Il sursautait, tombait sans raison, soliloquant à l’infini.
Soudain, mû par la main d’un clown taquin, il voulut courir jusqu’au bout du couloir. Pour fuir un futur glacial, il marchait pas à pas, sans bruit, au hasard du plaisir d’un talon au contact du tapis. Hagard, il partait dans un tourbillon troublant, sans un mot. Il doutait du propos incongru d’un ami parti dans un pays lointain, du sort banal d’un inconnu, mort aux traits obscurs, du miroir froid, sourd, brutal.
Il voulait dormir, sortir du noir vivant. Il prit un rasoir, posa son doigt tranchant mais amical sur son cou, au fil du sort glacial, au bord d’un absolu narquois.
Un coq chanta. Oubliant la mort, au bras du jour souriant, il s’assoupit.

10.6.06

Espoirs abolis

Le souffle du passé s’empare de ton âme
En gouttes de regret qui t’éloignent de moi.
Te voici dans le fleuve aux portes de l’effroi
Dans la main du futur auréolé de flammes.

Mon cœur digne et blessé m’entraîne vers la lame
Qui me libérera des griffes de ta voix.
Comme un ancien soleil s’éteignant dans le froid,
Je fuis dans le néant les aveux que tu trames.

Écoute tes désirs, oublie tes préjugés,
Tant va la cruche à l’eau qu’elle apprend à nager,
De blessure en échec, façonne ton histoire.

Dans la lente agonie de mes espoirs flétris,
J’insuffle ma tendresse au fond de ta mémoire
Loin du désert glacé de mes sanglants débris.

Bizarreries

Boire le biberon du bébé barbotant dans l’eau du bain,
C’est bas.

Briser le bilboquet du bambin braillard,
C’est banal.

Bercer un bison blessé en bois bleu,
C’est bizarre.

Debout, au combat ! Sinon, bang ! La baffe,
C’est bête.

Bruiter la bobine d’une BO de brigands butés,
C’est bidon.

Braquer des billets de banque avec un briquet,
C’est bouffon.

Brûler des bulles de bière brune à Bordeaux,
C’est braque.

Bomber un baba au brie au bord d’un bac,
C’est barbant.

Balancer entre barbaque, black-bass et barbeau,
C’est Byzance.

Bramer le blues du bar Bloody Mary,
C’est le bourdon du bourbon.

À bas demain matin

Les barges bâtissent des banlieues bariolées
Le Basque barjo batifole
Le baobab bascule dans le bateau
Le barbu barbote des bananes
La baleine baguenaude dans la baignoire
Le baryton baragouine au baptême
Le badge balance les bavards
La barboteuse bave sur le bar
Le badaud bâille au balcon
Le barde barbe les barbares
Le balèze bâillonne le bagagiste
La baraka se barre aux Bahamas.

Mes balivernes bassinent les barbons
Ma ballade balbutie son baratin
À bas demain matin.

Repas de crocodile

Le crocodile s’écroule affamé
Son cousin l’alligator escroc l’adore
Et l’invite à casser la croûte.

Ils croquent un crotale cru
Des crocus à la croque-au-sel
Des croûtons garnis de croupions
Un croque-mort joueur de croquet
La croupe d’un cheval crotté
Un crooner croustillant
Un crossman accroupi
Des croisiéristes fourrés aux croissants
Deux croyants croates
La croix et la crosse d’un évêque.

Au jugement dernier les larmes de crocodile
Sauveront les gloutons des crocs de l’enfer.

3.6.06

L’homme descend du songe

Sur un nuage blanc, l’homme descend du songe,
Drapé dans un lambeau de rêve incandescent,
Qui déchire la nuit d’un éclair rouge sang
Afin de proclamer le règne du mensonge.

Au fil des trahisons, le nez humain s’allonge
Jusqu’à se transformer en poignard frémissant,
Si bien que s’embrasser devient un jeu blessant
Où les amants douillets jettent vite l’éponge.

Pour sceller le trépas des ébats dangereux,
De vieux politiciens au cerveau poussiéreux
Instaurent la télé et ses navrants programmes.

Les humains, écœurés par la stupidité
De l’écran qui répand ses litanies infâmes,
Regrettent leurs baisers au goût de vérité.

Complainte du bœuf

Je suis le très herbeux, le castré du Poitou.
Avant de trépasser, je me remplis la panse
Pour donner aux gourmands des quatre coins de France
L’envie de me plonger dans un brûlant faitout.

Aussi inoffensif qu’un élégant matou,
Je prie qu’un éleveur me donne un pré immense
Au lieu de m’envoyer finir mon existence
Dans une assiette ornée de moelleux mange-tout.

Je rumine ma peine au fond de mon étable
En rêvant qu’un fermier, devenu charitable,
Me délivre soudain de mon cruel destin.

En prévision du jour où une main cupide
Me tranchera en steaks, je mange du crottin
Pour gâcher vos repas de mon odeur putride.

Débordements

Il lance un coup de poing et des mots inconnus,
Puis se met à casser la table et à genoux
Et prend son parapluie, ses jambes à son cou,
Le regard lourd de pleurs et de sous-entendus.

Le trottoir noir de monde et de poisseux cafard
S’accorde à son humeur au bord de l’imparfait.
Attiré par l’espoir et le café au lait,
Il pousse un cri de joie et la porte du bar.

Il tire un tabouret, des plans sur la comète,
Pose ses vêtements, des questions indiscrètes
Au patron qui attend sa femme et de fermer.

Ivre de désespoir et de vin bon marché,
Il oublie de régler l’addition et sa montre
Et sourit au futur, aux filles de rencontre.

Bagage improvisé

Dans mon bagage improvisé,
Je mets un éclat d’arc-en-ciel,
Le vol joyeux des hirondelles,
Le doux parfum des alizés.

Ma valise tient dans la main,
Je viens te chercher ce matin
Avec un bouquet de bonheur
Poussé dans le fond de mon cœur.

Au pays où plus rien ne presse,
Nous vivrons d’amour et de rire
Au rythme de notre plaisir,
À l’unisson de nos caresses.

2.6.06

Pluie harmonieuse

En carillon de joie, des gouttes cristallines
Déversent sur le sol un voile de fraîcheur,
Des diamants frémissants qui caressent les fleurs
Avant de s’écouler en aimables ravines.

Un tiède concerto se joue dans la bassine
Qui lape avidement les bulles de douceur
Offertes par le ciel pour laver notre cœur
Et chasser de nos yeux des images chagrines.

Un parfum vaporeux embaume le terroir,
La vigne se rengorge, arbore ses grains noirs,
La campagne promet des moissons abondantes.

Le murmure soyeux de la pluie s’affaiblit,
La terre s’assoupit, rassasiée et contente,
Le village s’endort, le labeur accompli.

Chat citadin

La vie d’un chat en ville est une vraie torture.
Au lieu de gambader dans la verte nature,
De rêver au jardin, d’effrayer les souris,
Je passe mes journées enfermé à Paris.
Ma maîtresse prépare une bonne cuisine,
Je choisis le menu, du bœuf ou des sardines.
Comme elle est solitaire, elle exige en retour
Ma tendresse éternelle et des preuves d’amour.
Je ne supporte pas les gens de sa famille,
Quand ils viennent dîner, je fuis comme une anguille.

Crocodile malheureux

Je nageais dans mon coin, mangeais des pèlerins,
J’avais une compagne et très peu de chagrin.
Je régnais sur le Nil, j’effrayais les touristes,
J’en croquais quelques-uns, les méchants et les tristes.
J’invitais mon cousin, féroce caïman.
Au fil de la journée, nous dévorions gaiement
Des poissons, des oiseaux, de tendres antilopes.
Vous les avez tués, exportés en Europe.
Devenus cuir luxueux, ils feront de beaux sacs.
Je reste seul ici avec mon cœur en vrac.

Crocodile

Et Dieu chassa Adam à coups de crocodile
Et ce fut le premier sac à main sur la terre

Et Ève suppliait Adam de lui offrir
Un sac à main en peau
Pas un sac en plastique
Dieu pour punir la coquette
A missionné les anges
Mais Ève s’obstinait à faire des emplettes
Adam tenait serrés les cordons de la bourse
Et ce fut le début
Des larmes de crocodile.

1.6.06

Vassal de l’enfer

Le fantôme tapi à l’angle du couloir
Combat avec mon chat contre mes plantes vertes
Qui meurent étranglées par ses chaînes expertes
Dont le froid cliquetis résonne dans le soir.

Adroitement caché au fond de mon miroir,
Mon hôte venimeux, acharné à ma perte,
Transforme mon sourire en expression inerte
Sur un visage austère au tranchant de rasoir.

Le torrent bouillonnant de menaces disertes
Du vassal de l’enfer s’écoule en flots alertes
Qui plongent ma gaieté dans un abîme noir.

Le spectre malveillant lèche mes plaies ouvertes
Avant de me passer au sanglant laminoir
De l’ennui éternel, où s’éteint mon espoir.

Métamorphose stellaire

À l'instant redouté de sa métamorphose,
Une étoile inconnue au halo de satin
Déverse un flot brûlant de poussière d'étain
Qui façonne une housse enveloppant les choses.

Exaltée par l'éclat de l'astre qui explose,
Je quitte les replis de mon rêve indistinct
Pour sombrer sur la rive où le fantôme hautain
De mes espoirs déçus m'offre de fausses roses.

Le rire sépulcral des maîtres du destin
Résonne dans mon âme à l'heure où le matin
Illumine la voie de l'avenir morose.

Quand un rayon ardent enflamme le lointain,
J'étouffe un cri d'effroi dont les échos composent
Un voile nébuleux où dansent mes névroses.

Cris torrentiels

Ouvre ton cœur fourbu à la saine colère,
Gorgée d’un bataillon de jurons virulents,
Qui couvrira l’ennui de ton présent dolent
D’un bouillonnant torrent de haine tutélaire.

Dans le silence amer de ta vie solitaire,
Creuse un immense puits de mépris insolent,
Où tu engloutiras les mensonges cinglants
Dont les poignards obscurs, sans répit, te lacèrent.

Laisse-toi envahir par les âpres frissons
De la rage polaire afin que ses glaçons
Cristallisent tes pleurs en implacables lames.

Calcine le bouquet de sourires de miel,
Dont le perfide espoir empoisonne ton âme,
Dans le furieux creuset de tes cris torrentiels.

Avenir inventé

Un voile de regret obscurcit son regard,
Il garde au fond du cœur, tranchant comme une lame,
Un sentiment brûlant qui tourmente son âme,
Désir inassouvi entaché de départs.

Il promène sa peine en marchant au hasard
Dans les jardins déserts et les rues de Paname.
Le sifflement d’un train, le rire d’une femme,
Déchirent son espoir comme un secret poignard.

Dans ses sombres pensées, cet homme solitaire
S’enterre lentement, figé sur son mystère,
Au lieu d’abandonner ses tremblants souvenirs.

Il vit à la lueur d’une illusion étrange,
S’ennuie dans le présent, s’invente un avenir,
Efface du passé les mots qui le dérangent.