Cette matinée commençait bien mal et Stéphanie sentait une calme méchanceté monter en elle. Elle avait envie de se venger, mûe par une sauvagerie impensable, alors qu’elle était habituellement si douce et affectueuse. Sa clairvoyance binoclarde aurait pourtant dû la mettre en garde, mais elle n’avait pas prêté l’oreille à sa voix intérieure.
En un mot, Véronique, cette hypocondriaque mégalomane, allait lui payer ce terrible affront. Elle revoyait encore la scène de la veille, la découverte des deux amantes, Sophie son amie et Véronique, bien au chaud dans l’alcôve démoniaque. Stéphanie était partie dans une précipitation désopilante pour un regard extérieur, mais pour elle et son ignorance révulsée, c’était une chute vertigineuse, la fin de sa folâtre tendresse pour Sophie.
Donc, ce matin, quand le téléphone sonna, c’est avec une délicatesse de formica que Sophie décrocha le combiné. Au bout du fil, la courageuse Sophie tenta de recoller les morceaux, usant de sa gouaille de velours. Elle tira une à une toutes les cartouches de son arsenal de cajoleries, mais en vain. Cette fois, elle était allée trop loin. Stéphanie ne lui pardonnerait à aucun prix.
La conversation dura à peine cinq minutes. A l’issue de celle-ci, l’histoire était définitivement scellée. Tandis que Stéphanie commençait à entasser les vêtements, livres et objets divers de son amie dans deux valises qu’elle mettrait ensuite sur le palier sans le moindre mot d’explication, Sophie réfléchissait déjà à la possibilité de poser ces mêmes valises chez Véronique.
Malgré les ruptures brutales, la vie continue et tant mieux si le terme d’une histoire n’implique pas la fin des amours.
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