31.12.04

Fumeux château

Lassée de supporter le vilain zigoto
Dont les cris incessants plombent son atmosphère,
La poupée, animée d’une froide colère,
Lui refait le portrait en dix coups de couteau.

La gazelle affolée se débine presto
En bousculant un flic à la tronche sévère,
Pendant que le loustic, écroulé face à terre,
Exhorte le secours de ses instincts vitaux.

La souris, délivrée de l’arsouille vulgaire,
S’efforce de noyer ses remords dans les verres
Qu’elle écluse sous l’œil de ténébreux costauds.

Au hasard des bas-fonds de villes étrangères,
Elle éteint son passé dans de ruineux cristaux,
Létales fondations de son fumeux château.

Tendresse défunte

Devant les paquets éventrés,
Emplis de nos incohérences,
J’écoute fondre le silence
En reproches exaspérés.

La nuit s’acharne à déchirer
En regrets notre connivence
Qu’un soleil lourd d’indifférence
Viendra bientôt incinérer.

Au creux de notre intolérance,
Fleurissent les chardons immenses
De nos avenirs séparés.

L’aube condamne par avance
Notre tendresse à s’enterrer
Dans nos souvenirs délabrés.

30.12.04

Rossignol enchanteur

Le vieux dépenaillé, voûté par la tristesse,
Assiste en tremblotant au ballet des canards
Sur le lac constellé d’immenses nénuphars
Qu’un aimable zéphyr berce de ses caresses.

Dans le silence amer des regrets qui l’oppressent,
S’éteignent les échos de ses rêves épars,
Tandis qu’il dépérit derrière le rempart
De son regard glacé, dépourvu de tendresse.

Dès que des garnements se ruent de toute part
En brisant son repos de leurs rires braillards,
Il les repousse à coups de canne vengeresse.

Aussitôt que surgit un rossignol bavard,
Le vieillard, que ravit sa voix enchanteresse,
Sent fleurir en son cœur un bouquet de promesses.

Balance hostile

Le froid cadran de la balance
Dresse son piège silencieux,
Prompt à mener les cœurs radieux
En lisière de la démence.

Drapé dans une intransigeance
Nourrie de ses chiffres vicieux,
L’instrument convie les curieux
À goûter sa franchise immense.

Il sanctionne les orgueilleux
En dardant les témoins odieux
De leur sournoise décadence.

Il ternit les esprits joyeux
Par sa quotidienne insolence,
Chantre de privations intenses.

29.12.04

Pâté de volaille

Dans l’herbe rabougrie de son enclos crotté,
Un canard que les cris des volailles chagrine,
Se jette sur une oie dont les plumes d’hermine
Volent en une gerbe aux tons ensanglantés.

Dès que la basse-cour se vêt d’obscurité,
Débouche bruyamment de la forêt voisine
Une meute de loups à la gueule assassine,
Attirée par l’odeur du corps déchiqueté.

Un paysan rougeaud jaillit de la cuisine
En tirant au hasard des coups de carabine,
Si bien que les intrus s’enfuient, épouvantés.

Tandis que le soleil au zénith s’achemine,
Le couple de fermiers s’apprête à déguster
Les restes du carnage assemblés en pâté.

Chorale funeste

Exaspérée par les canards
Du ténor à la voix nasale,
La soprano se fait la malle
Loin de cet atroce chambard.

Dans un déferlement criard
D’accords dissonants qui régalent
Les fidèles de la chorale,
S’ourdit un sanglant cauchemar.

Avant que l’aurore d’opale
N’efface la nuit intégrale,
L’orgueil étouffe le braillard.

Tandis que l’horizon blafard
Endosse une robe estivale,
Résonne le chant des cigales.

28.12.04

Destins de basse-cour

Parmi la basse-cour, s’avance le renard,
Prédateur animé d’une morbide audace,
Habile à égorger de sa gueule vorace
Les poulets imprudents qui flânent au hasard.

Sous les yeux effarés d’un magnifique jars,
Le venimeux intrus assassine une oie grasse,
Avant d’abandonner sa sanglante carcasse
Aux mouches attirées par ses boyaux épars.

Quand surgit une armée de corbeaux qui croassent
Leur funeste appétit de résidus de chasse,
Les rescapés tremblants s’enfuient de toute part.

Loin de cette tuerie, dans l’herbe, se prélasse
Un joyeux escadron de canetons braillards
Qui finiront bientôt en magret de canard.

Chardons ténébreux

Dans la ville endormie se trame
Un écheveau ensanglanté
De ténébreuses voluptés
Promptes à envoûter les âmes.

Au tréfonds de la nuit, des femmes
Dansent un ballet exalté,
Empreint de la perversité
Du démon en habit de flammes.

Armés de regards veloutés,
Des travestis aux bras bleutés
Mangent le pain amer des dames.

Aux confins de l’obscurité
Tapissée de désirs infâmes,
Poussent les chardons d’affreux drames.

27.12.04

Vieil aveugle

Vêtu d’un pyjama qui fleure la charogne,
Le fossile, plongé dans l’épaisse noirceur
De la nuit barbelée de fantômes rageurs,
Sent sourdre en son esprit une indicible rogne.

À jamais insensible au ballet des cigognes
Promptes à célébrer de lointaines splendeurs,
L’aveugle rabougri, étouffé de rancœur,
Rumine dans son lit de débris sans vergogne.

Le solitaire ombreux se cloître dans l’aigreur
De sa chambre étriquée, dépourvue de couleurs,
Au lieu de s’en remettre à sa cagne qui grogne.

Empêtré dans les rets de ses noires douleurs,
Le vieillard dépérit, tandis que son cœur cogne
La complainte glacée des vies qui se renfrognent.

Dimanche sanglant

Dans la tristesse d’un dimanche
Bardé de sombres promeneurs
J’égorge des filles en fleurs,
Charmantes dans leur robe blanche.

Au cœur de la ville, j’épanche
L’aigre torrent de ma fureur
En plongeant mon couteau rageur
Dans des entrailles de pervenches.

Lassée des ordres du Seigneur,
J’étripe des enfants de chœur
En une hérétique revanche.

J’étrangle de jeunes rôdeurs
Dont les gémissements déclenchent
Dans mon cœur une gaieté franche.

26.12.04

Bille de flipper

Sur le plateau brillant, la bille de flipper,
Embarquée malgré elle au fil d’un bref voyage
Conduit par un voyou au regard de sauvage,
Se heurte aux champignons dans un boucan d’enfer.

Tandis que ses consœurs, reines du tapis vert,
Évoluent joliment sans faire de tapage,
La boule se démène entre les deux étages
Du monstre flamboyant au squelette de fer.

La belle aventurière emprunte avec courage
Des couloirs étriqués dont elle se dégage
Sitôt qu’elle aperçoit leurs entonnoirs pervers.

Les cibles colorées tombent sur son passage,
Dans un déferlement de fulgurants éclairs,
Jusqu’à sa chute au fond d’un abîme désert.

Réveillon sanglant

Devant ma boîte de sardines
Qu’accompagne un fade bouillon,
Je passe un odieux réveillon
Qui nourrit ma fièvre assassine.

Dès qu’un nain à la grise mine,
Affublé de puants haillons,
Pénètre dans mon pavillon,
Je l’accueille à la chevrotine.

Quand un cador du goupillon
Vient m’inonder de postillons,
Je le découpe à l’égoïne.

J’étouffe avec ses papillons
La pervenche dont j’abomine
La cruauté de guillotine.

25.12.04

Îlot des voluptés

Notre unisson fleurit sur l’îlot enchanté,
Peuplé d’arbres géants dont les branches balancent
Leur feuillage d’argent vers l’horizon où dansent
De fringants cormorans qui clament ta beauté.

Quand les vents alizés viennent interpréter
Un vibrant concerto débordant d’espérance
Sur la plage égayée par notre connivence,
Notre amour s’épanouit en gestes veloutés.

Sous un soleil gorgé d’une tendresse immense,
Le paisible océan clapote sa romance,
Afin d’accompagner notre complicité.

Tandis qu’au firmament, les étoiles s’élancent
En un faisceau ardent pétri de pureté,
Notre plaisir rayonne en frissons exaltés.

Aveugle amer

J’abhorre la froide splendeur
De la ténébreuse nature
Où mes yeux aveugles endurent
Le concerto de la noirceur.

Je hais les jardins dont les fleurs
Lancent des fragrances obscures
Que revêtent les créatures
Avant de me briser le cœur.

Je déteste les villes dures,
Bardées d’insolentes voitures
Qui me plongent dans la terreur.

J’exècre la littérature
Qui procure à ses amateurs
Des joies attisant ma rancœur.

24.12.04

Amères discordances

Devant la cheminée, s’alignent nos souliers
Griffés par les chardons de la désespérance,
Germés dans le marais d’une année de silence,
Qu’achève ce dîner lourd de regards d’acier.

Notre ardente harmonie finit de s’asphyxier
Dans la nuit envahie de fantômes qui dansent
Sur le foyer où meurt l’écho des confidences
De notre amour au temps des frissons printaniers.

Dans l’aurore glacée, s’évanouissent nos chances
D’effacer nos chagrins dont l’écheveau immense
Se dévide aujourd’hui en souvenirs souillés.

Au matin précurseur d’amères discordances,
L’étau de nos rancœurs s’évertue à broyer
Les ténébreux désirs de nos corps mortifiés.

Navire échoué

Caché au tréfonds du silence
Où règne un éternel hiver
Que baigne une impassible mer,
Rouille un navire aux plaies immenses.

Quand des aventuriers s’élancent
À l’assaut de son corps désert,
Il oppose un masque de fer
À leur cupide turbulence.

Vestige de grandeur offert
Aux morsures du temps pervers,
Il suinte la désespérance.

Il conserve en ses flancs amers
Des pierreries dont l’opulence
Exacerbe sa déchéance.

23.12.04

Messie vengeur

Tandis que les croyants se serrent dans l’église
Que décembre revêt d’une austère froideur,
Pétrifié sur sa croix, le Fils du Créateur
Écoute le curé ânonner des sottises.

Lassé par les bigots à la conscience grise,
Dont les voix éraillées exaltent ses douleurs,
Le Christ ensanglanté supplie l’enfant de chœur
D’imposer le silence, avant qu’il n’agonise.

Le garnement, rebelle aux ordres du Seigneur,
Entraîne l’assemblée dans un hymne rageur,
Affreusement truffé de notes imprécises.

Le Messie ulcéré condamne le farceur
À rejoindre bientôt les rangs de la prêtrise,
Zélée à museler les âmes insoumises.

Grisaille aigre

Sitôt que le réveil entonne
Le concerto de la fadeur,
Je me lève dans la froideur
De l’aurore, où mon corps frissonne.

À la table où le téléphone
Affiche un silence boudeur,
Je drape ma mauvaise humeur
Des rayons d’un soleil atone.

Le clavier de l’ordinateur,
Que martèlent mes doigts trembleurs,
Émet sa plainte monotone.

Devant la télé en couleur,
En solitaire, je marmonne
Contre l’ennui qui m’emprisonne.

Silence versatile

Désir à fleur d’œil
Dans le silence complice.

Rires mêlés
En sonate limpide
À l’orée des caresses.

Froissement furtif
Des peaux électriques
Dans la pudeur des draps.

Le matin avorte l’étreinte.
Déception coutumière.

Exil glacé
Dans le silence opaque.

22.12.04

Messie en herbe

Rebelle à la gaieté des croyants exaltés
Par les hymnes qu’entonne un groupe de profanes
Érigés pour Noël en brillants mélomanes,
Jésus, dans son berceau, s’agite, épouvanté.

Tandis que l’assemblée s’évertue à chanter
Au gré des injonctions de son chef en soutane,
Le bambin, étendu entre le bœuf et l’âne,
Hurle pour que Marie vienne le dorloter.

Pendant qu’un chapelet d’adolescents ricane
Derrière un banc fleuri de pieuses paysannes,
Dieu insuffle sa force au gosse emmailloté.

La messe terminée, les hommes se pavanent
Sur l’autel insolent de leur inanité
Que le Christ essaiera bientôt de racheter.

Bonheur ibérique

Pendant que ma dame de pique,
Armée de sa mauvaise humeur,
Déchire notre ardent bonheur,
Je fuis vers un pays magique.

Loin de sa colère chronique,
Nourrie de futiles rancœurs,
Je me love dans la chaleur
De la péninsule ibérique.

J’étouffe mes vaines douleurs
Dans les flamencos enchanteurs
Que dansent des fées magnifiques.

Tandis qu’un soleil rédempteur
Brûle notre union chimérique,
S’ouvre un horizon fantastique.

Rouille ordinaire

Rêve tremblant
Que déchire le réveil.

Le silence gris
Du matin mort-né
Habille les incertitudes.

Corps étouffé
De gestes automatiques.

Badge comptable
Du temps fade.

Sourire factice
Noyé dans l’amertume
Du café froid.

La pendule égrène les heures vides.

Indifférence mutuelle
Des chemins qui se séparent.

La clé grinçante
Ouvre la porte de l’ennui.

Crépitement des micro-ondes
Sur la solitude du soir.

La nuit berce la peur
Jusqu’au sang.

21.12.04

Espagne radieuse

Je m’envole aujourd’hui loin du ciel assombri
De la France glacée dont l’austère campagne
Se mesure en ennui aux hostiles montagnes
Où le silence épais étouffe les esprits.

Je quitte ma cité bardée d’immeubles gris
Dont la laideur exhale un remugle de bagne,
Afin de m’exiler au pays de cocagne,
Où la joie irradie les villages fleuris.

Dans le berceau douillet de la radieuse Espagne
Où le soleil rieur, dès l’aube, m’accompagne,
S’apaisent les douleurs de mon cœur en débris.

La limpide splendeur de ses décors me gagne,
Tandis que la gaieté de son peuple nourrit
Mon désir qui renaît sous mes rêves flétris.

Tombeau de gel

Sitôt que le père Noël
Descendra de son blanc nuage,
J’abandonnerai mon ouvrage
Lourd d’un chagrin sempiternel.

Lorsque son traîneau immortel
Abordera à mon village,
Je fuirai ma vie de naufrages
Pour son univers irréel.

Quand ce prodigieux personnage
Entrera dans mon cœur sauvage,
S’éteindront mes doutes cruels.

Je le suivrai dans son voyage
Jusqu’au néant dont le scalpel
Creusera mon tombeau de gel.

Néant impassible

Les mots glissent sur la feuille,
Comme un vent d’automne
Emportant les écoliers
Sur le chemin des rédactions.

Les phrases meurent
Dans le silence
Hivernal
De l’ennui.

Le poète se fane
En vers vides.
Le temps s’écoule
Le long du canal
Du chagrin.
La nuit emporte
Les larmes
Dans le puits
Du néant impassible.

20.12.04

Passion rédemptrice

Que m’importe aujourd’hui les chardons ténébreux,
Germés dans les secrets de ma première enfance,
Avant de s’épanouir en bouquet de démences
Ornant les insomnies de mon esprit ombreux !

Que m’importe à présent les nuages nombreux,
Empressés de masquer le soleil qui s’élance
Dans un matin souillé par la désespérance
De mon âme encombrée de fantômes affreux !

Au lieu de m’abîmer dans un puits de souffrance,
Je souris à la fée qui conduit notre danse
Au rythme échevelé de nos cœurs amoureux.

Son regard resplendit de désirs qui compensent
Mes obsessions nourries de mélanges poudreux,
Tandis que je renais dans ses bras chaleureux.

Essor funèbre

Tandis que l’ange de la mort
Assouvit sa haine fiévreuse
En éteignant des vies heureuses,
Je le prie d’emporter mon corps.

Cependant que la ville dort
Au cœur d’une nuit ennuyeuse,
J’écoute l’horloge qui creuse
Les traits de mes démons retors.

Mue par ma plume vigoureuse,
J’écris l’oraison orgueilleuse
D’une poète aux sonnets d’or.

Aux portes de l’aube cireuse,
Dans un inexorable essor,
Je me délivre de mon sort.

Vie substantielle

Pour faire une vie acceptable,
Étendez un lit de paresse,
Parsemez de rires fugaces,
Arrosez de désirs secrets,
Laissez reposer l’appareil.

Faites cuire à feu modéré,
Découpez en rondelles fines,
Disposez sur un plat d’argent,
Saupoudrez d’épices variées,
Nappez de voluptés futiles.

Savourez d’une bouche experte.
Demain, la viande sera froide.

19.12.04

Belle ténébreuse

Quand la ville s’éteint dans le berceau du soir,
La belle ténébreuse, en solitaire, arpente
Les quartiers silencieux où sa grâce insolente
Exalte la fureur des reines du trottoir.

Sur la place déserte où s’acharne à pleuvoir
Une averse glacée dont les gouttes luisantes
Forment en son esprit une antienne démente,
La fille sent monter l’odeur du désespoir.

Dès qu’un puant ivrogne aux prunelles brillantes
Effleure son poignet d’une main suppliante,
Elle abat le gêneur en deux coups de rasoir.

Sitôt que le soleil darde une gerbe ardente
De rayons pourfendeurs de ses délires noirs,
La rebelle s’endort sur le bord d’un comptoir.

Vers souverains

Quand l’ennui se déverse en heures de silence,
Quand le doute construit un lacis de démence,
Quand la nuit se dissout en perles de chagrin,
Je compose en solo des poèmes empreints
De ma désespérance.

Quand le matin dilue mes fiers alexandrins,
Quand mes amis conspuent ma conscience d’airain,
Quand le soleil cruel brûle mes confidences,
J’étouffe les échos de mes noires souffrances
Dans mes vers souverains.

Pipe d’un poète

Collée aux lèvres d’un poète,
J’enfume ses sonnets radieux
De mes effluves délicieux,
Chantres d’une ivresse discrète.

Sitôt que le sommeil le guette,
J’exhale un nuage gracieux
Qui drape le matin crayeux
D’orbes en costume de fête.

J’étouffe ses doutes odieux
En improvisant sous ses yeux
Un ballet d’images muettes.

Je déploie des rubans soyeux
Sur sa page pour qu’il revête
De douceur ses rimes parfaites.

18.12.04

Passion naufragée

Embarquée malgré moi pour un dernier voyage
Au pays ténébreux des rêves déchirés,
Je regarde aujourd’hui notre bateau sombrer
Dans l’océan bourbeux de tes accès de rage.

Accrochée au récif de nos libertinages,
Où mon désir s’écorche à tes yeux acérés,
Je dilue mon chagrin dans un flot mordoré
De whisky rescapé de nos fêtes sauvages.

L’ouragan de tes cris s’acharne à lacérer
Le souvenir radieux de nos corps empourprés,
Tandis que ton regard me glace le visage.

Sitôt que ma raison commence à chavirer,
Je quitte notre îlot ruiné par tes orages,
En m’agrippant au cou d’un oiseau de passage.

Château de l’espérance

À l’opposé des défaillances,
Zélées à obscurcir les yeux,
Se dessine un château précieux,
Bâti en pierre d’espérance.

Sur les vestiges du silence,
Poussent les germes merveilleux
D’un monde où les esprits pluvieux
S’ouvrent aux joies de l’innocence.

Sous un déferlement radieux
De pressentiments délicieux,
S’éteignent les vaines souffrances.

Aux portes du bonheur soyeux,
Meurt la fleur de l’indifférence,
Sitôt que le soleil s’élance.

17.12.04

Noël mortel

Cependant que la neige étend son aile immense
Sur la ville enflammée par les joies de Noël,
La poupée s’inocule un élixir mortel,
Inapte à effacer ses sanglantes démences.

Tandis que les bourgeois se remplissent la panse
Afin de conjurer leur ennui éternel,
La fille s’évanouit dans un monde irréel,
Barbelé des chardons de sa désespérance.

Rebelle aux litanies qu’entonne le cheptel
Des bigots asservis à leur triste missel,
Elle aborde en solo au pays du silence.

Sur le lit étriqué d’une chambre d’hôtel,
Où la cloue son dégoût des fêtes qui commencent,
Elle éteint le futur de sa sombre existence.

Dernier soleil

Sitôt qu’atterrit sur la piste
Un homme en son simple appareil,
Éteint dans un dernier soleil,
L’angoisse saisit les artistes.

Cependant que le trapéziste,
Mû par un effroi sans pareil,
S’évanouit dans le sang vermeil,
Se lève un médecin légiste.

Au lieu d’écouter ses conseils,
Le clown, dans un demi-sommeil,
Se répand en grimaces tristes.

Quand le mort remue les orteils,
Un timide séminariste
Chante une prière optimiste.

16.12.04

Poulet aigre

La cervelle embrouillée par la bière trappiste
Qui ponctue ses virées dans la fange des bars,
Le condé se réjouit de flanquer au placard
Les loustics turbulents qui jouent les terroristes.

Lassé de cuisiner un gosse qui persiste
À taire ses méfaits de prince du poignard,
Le poulet se console en serrant des zonards
Occupés à latter un frêle guitariste.

Son service achevé, muni de son pétard,
Il traîne sa rancœur au gré des boulevards,
En rêvant qu’un voyou l’attaque à l’improviste.

Collé à sa poupée, il mate un vieux polar
Dont le scénar plus froid qu’un médecin légiste
Exalte son orgueil de flicard moraliste.

Guitare muette

Afin de clore la bagarre,
J’oppose un silence boudeur
À ton effroyable fureur
Émaillée de jurons barbares.

Étendue contre ta guitare
Drapée d’une muette aigreur,
J’écoute jouer dans mon cœur
L’air des amants qui se séparent.

Tu engloutis notre bonheur
Au fond de ton regard vengeur
Dont la froideur me désempare.

Pendant que se fanent les fleurs
De notre communion bizarre,
Tu t’achemines vers la gare.

15.12.04

Paysage flamboyant

La planète endormie dans un lit de douleur,
Où le temps se dévide en années de tristesse,
Se revêt brusquement d’un voile de tendresse
Constellé de motifs aux radieuses couleurs.

Sur ce manteau tournoient des oiseaux voyageurs
Qui pépient de concert un air dont l’allégresse
Imprègne les esprits pour que l’espoir renaisse
Sous le dédale ombreux de leurs vaines frayeurs.

Sitôt que le soleil de l’aurore s’empresse
De darder sur le monde un faisceau de promesses,
L’humanité sourit à ses tièdes lueurs.

Tandis qu’à l’horizon, soudainement, se dresse
Un brûlant arc-en-ciel aux reflets enchanteurs,
Une joie insolente illumine les cœurs.

Jouet cassé

Exaspérée par la gazelle
Qui souille nos tendres plaisirs
En s’acharnant à me trahir,
J’ourdis une peine cruelle.

Pendant que ma fée infidèle
Assouvit ses honteux désirs,
Je décide de la punir
En lui arrachant la cervelle.

Dans mes nuits froides à mourir,
Je rêve de l’ensevelir
Sous un lit de neige éternelle.

Lassée de l’entendre mentir,
J’attache sa carcasse frêle
Sur un roc où je l’écartèle.

14.12.04

Plage de l’espoir

Sous le ciel tapissé d’immobiles nuages,
D’où le soleil s’enfuit pour la rive du soir,
Je sens sourdre en mon âme une bouffée d’espoir
En me remémorant nos marches sur la plage.

Sitôt que la chanson d’un oiseau de passage
Effrite les derniers de mes papillons noirs,
Je souris à la mer qui m’invite à m’asseoir
Afin que ses embruns caressent mon visage.

Insensible au crachin qui commence à pleuvoir,
Je scrute l’horizon où je crois percevoir
Un voilier malmené par un violent tangage.

Quand un faisceau d’éclairs au brillant d’ostensoir
Calcine brusquement ce sinistre présage,
Je me laisse envahir par une joie sauvage.

Cirque funeste

En lisière du boulevard
Où les immeubles séculaires
Étendent leur grisaille austère,
Le cirque trame un cauchemar.

Devant son complice blafard,
Le magicien se désespère,
Cloîtré dans la boîte de verre,
Où l’étrangle un nœud de foulard.

Rebelle à son dresseur sévère,
Une vigoureuse panthère
Dévore un jeune léopard.

Sitôt que le jongleur s’enferre
En trébuchant sur un poignard,
La foule s’enfuit au hasard.

13.12.04

Noël funeste

Cependant que Noël étend ses feux splendides
Sur la ville endormie dans un lit de bonheur,
Je dérive en solo, au gré de mes frayeurs
Qu’exaltent des voyous aux railleries acides.

Dans la nuit silencieuse où le temps se dévide
En perles d’espérance offertes aux flâneurs,
Je dilue mon ennui dans un flot de liqueur,
Accoudée au comptoir d’un cabaret sordide.

Aussitôt que l’alcool essaime dans mon cœur
Un chapelet brûlant de rires enchanteurs,
Je souris au déclin de mes doutes morbides.

Quand l’aurore déploie ses premières lueurs
Aux portes barbelées d’un matin insipide,
Je me laisse égorger par la griffe du vide.

Vide éternel

Lassé des sinistres mortels
Dont les interminables guerres
Entachent ses glorieux mystères,
Dieu punit leur monde cruel.

Tandis que les cœurs criminels,
Sourds à sa céleste colère,
Épanchent leur haine ordinaire,
Il carbonise les missels.

Rebelle aux prières amères
Des bigots qui le désespèrent,
Il dresse un sanguinaire autel.

Sous la volupté éphémère
Des festivités de Noël,
Il trame le vide éternel.

12.12.04

Noël joyeux

Cependant que décembre enveloppe la ville
D’une neige grisâtre, inapte à racheter
Les consciences pétries de noires lâchetés,
La foule se répand en rires volubiles.

Tandis que les bouquets de guirlandes profilent
Des grappes de gamins au regard enchanté,
Le sombre bataillon des clochards édentés
Perpétue son ballet de tremblements fébriles.

Dès qu’un pâle soleil éveille la cité,
Les hommes sacrifient leurs rêves exaltés
Sur l’autel indécent des voluptés futiles.

Insensible au tocsin qui s’active à chanter
La symphonie glacée des années qui défilent,
Noël joyeux fleurit les douillets domiciles.

Prince du réseau

Devant le regard impudique
De sa caméra hors de prix,
Le prince du réseau sourit
Aux fées de ses nuits magnétiques.

Il conduit les dames de pique
Au pays des rêves fleuris,
En déversant dans leur esprit
Un flot d’images fantastiques.

Au creux du silence, il écrit
Des chapelets de vers pétris
De symboles informatiques.

Dès que l’horizon s’assombrit,
Il plonge dans l’antre magique
Des voluptés cybernétiques.

11.12.04

Vieillard chagrin

L’œil collé au carreau de la sombre cuisine
Où personne ne vient partager ses douleurs,
Le vieillard se dessèche au fil de ses rancœurs
Germées dans le marais d’une austère routine.

Loin du charivari de la foule, il rumine
Les souvenirs flétris qui lui rongent le cœur,
Tandis que la pendule accuse la lenteur
Des journées où l’ennui pèse sur sa poitrine.

Au lieu de se répandre en océan de pleurs,
Il enferme en son être une froide terreur
Nourrie des obsessions de son âme chagrine.

Quand le soleil éteint ses dernières lueurs,
Le débris solitaire, en geignant, s’achemine
Vers sa chambre étriquée où la mort se dessine.

Hospice mortel

Lassés de ses constants caprices
Aiguillonnés par le pinard,
Les petits-enfants du vieillard,
L’emmènent pourrir à l’hospice.

Tandis que l’aigre directrice
Conduit le débris pleurnichard
À son lit grouillant de cafards,
Le feu envahit l’édifice.

Quand surgissent de toute part
Des pompiers munis de brancards,
Le fossile file à l’office.

Il s’étouffe dans un placard
Où les remugles de sa pisse
Gâtent le fumet des saucisses.

10.12.04

Chat noir

Dans mon esprit se vautre un superbe chat noir,
Impassible témoin de mes rêves fugaces,
Prompt à me réveiller quand le soleil remplace
La lune qui s’enfuit vers les portes du soir.

Pendant que des nuées s’acharnent à pleuvoir,
L’animal, que le bruit sur la toiture agace,
Miaule effroyablement, afin que je lui fasse
Un abri confortable au creux de mon peignoir.

Dans mon âme envahie de rancunes tenaces,
Le félin, animé d’une indicible audace,
Dévore les chardons de mon vain désespoir.

Sous son regard brûlant de volupté, s’effacent
Les peines de ma vie sur le fil du rasoir,
Tandis que sa tendresse assure son pouvoir.

Princesse estivale

Princesse d’un camping cradingue,
J’exhibe mes jolis nibards
Devant les vacanciers ringards
Dont je chourave le morlingue.

En loucedé, je les embringue
Pour une partie de plumard,
Pendant que leur femme en pétard
Se pinte grave à tout berzingue.

À l’heure où ces tristes conards
Bordent sagement leurs moutards,
Je délire à coups de seringue.

Quand la nuit tombe, ces lascars
Courent se distraire au bastringue
Où mon sourire les rend dingues.

9.12.04

Distorsion sensorielle

J’ai lavé ma mémoire à coups de négations
Germées dans les replis de mon âme rebelle,
Si bien que, délivrée de mes peurs, je cisèle
Les diamants flamboyants de mes jeunes passions.

J’ai brisé le carcan des vaines ambitions
Émaillées de rancœurs aux épines cruelles,
Afin de m’envoler, légère, à tire-d’aile,
Vers l’univers radieux de mes divagations.

Loin des futilités des guerres de chapelle,
J’explore en solitaire un monde parallèle
Où s’épanche ardemment mon imagination.

Tandis qu’en mon esprit défilent pêle-mêle
Des visions dont l’éclat dissout mes obsessions,
Je remercie mes sens férus de distorsion.

Visions funestes

Au moment béni de partir
Loin de tes affreuses grimaces,
Je rêve de clouer ta face
Sur une planche de fakir.

En lisière d’un avenir
Exempt de tes froides menaces,
Je contemple le pic à glace,
Qui flatte mes sanglants désirs.

Mue par une haine tenace,
Je saisis le fusil de chasse,
Déterminée à en finir.

Assise auprès de ta carcasse,
Je m’aperçois avec plaisir
Que la mort te sied à ravir.

8.12.04

Récif immobile

Immobile récif, usé par les tempêtes,
Tu offres ta surface aux vagues que la mer
Lance inlassablement sous le ciel outremer
Où s’étire un soleil en parure de fête.

Tu lacères les flancs des bateaux qui se jettent
Sur ta masse figée en un silence amer,
Avant de sacrifier au maître de l’enfer
Les voyageurs noyés pour de vaines conquêtes.

Quand ta face assombrie par l’horizon désert
Reçoit des cormorans qui chantent de concert,
Une joie insolente illumine ta crête.

Lorsque la voûte lâche une gerbe d’éclairs
Sur les flots agités de grondements diserts,
Tu pries les éléments d’engloutir la planète.

Concerto voluptueux

Dans le berceau du crépuscule,
Deux corps mêlent leur nudité
En un concerto exalté
Où la tristesse capitule.

Sur la peau des amies circulent
Des frissons dont la volupté
Les mène au rivage enchanté
De leur unisson majuscule.

Au gré de leur complicité,
Se construit le nid velouté
De leur tendresse noctambule.

Mues par leurs désirs indomptés,
Les femmes enlacées ondulent
Jusqu’à ce que leur cœur bascule.

7.12.04

Temps implacable

Quand le printemps, gorgé de délicieux présages,
Enflamme les jardins de chapelets de fleurs
Dont le parfum s’épanche en vagues de bonheur,
Le temps poursuit son cours vers de radieux rivages.

Quand le soleil d’été drape le paysage
D’un insolent faisceau de rayons enchanteurs,
Empressés de répandre une exquise chaleur,
Le présent s’épanouit sous un ciel sans nuages.

Quand l’automne, habillé de grisâtres couleurs,
Plonge dans ses brouillards les terrestres splendeurs,
L’horizon obscurci préfigure un naufrage.

Quand la neige hivernale efface les couleurs
Du monde condamné au néant, se propage,
Dans les esprits vaincus, un désespoir sauvage.

Téléthon

Humains à l’âme de mouton,
Conquis par la télé bouffonne,
Décrochons notre téléphone
Pour supporter le Téléthon.

Envahissons les rues, chantons
Avec les stars qui s’époumonent
Dans les six coins de l’Hexagone
En un grotesque marathon.

Grisés par les slogans qu’entonnent
Les artistes qui nous pigeonnent,
Donnons un tas de biffetons.

Casquons ainsi que nous l’ordonne
Une armada de faux jetons
Prêcheurs entre deux gueuletons.

6.12.04

Boule de cristal

Tandis que le voyant examine les lames
Du tarot qui présage un bonheur idéal,
La tristesse envahit la boule de cristal,
Agacée d’augurer d’épouvantables drames.

Au lieu de révéler les malheurs qui se trament
Dans l’avenir de l’homme au regard amical,
Condamné à mourir d’un chagrin abyssal,
Le globe se revêt d’une gerbe de flammes.

Rebelle aux sommations des puissances du mal,
La sphère, transformée en insolent fanal,
Calcine l’écheveau de ses visions infâmes.

Quand meurent les tisons du futur infernal,
L’orbe vide se brise en diamants où des âmes
S’empressent de briller pour envoûter les femmes.

Portail de nuit

En lisière des défaillances
Où la tristesse se construit,
Se dresse le portail de nuit
Ouvert sur un ciel d’espérance.

Dans les méandres du silence
Constellés d’un glacial ennui,
S’étire une lune qui luit
Jusqu’à ce que le jour s’avance.

Dès que le soleil éconduit
Les ombres, le rêve s’enfuit
Vers le jardin des confidences.

Tandis que le matin poursuit
Sa marche dans la ville immense,
Se creuse un puits de délivrance.

5.12.04

Triste funambule

Quand la ville s’endort dans le froid crépuscule
Où germent les chardons de l’inhumanité,
Les anges du néant viennent épouvanter
Les esprits infestés de rêves minuscules.

Sous le regard glacé d’impavides pendules,
Dont les jambes menues s’activent à compter
Les heures qu’alourdit une aigre obscurité,
S’amorce la virée du triste funambule.

Juché sur un ruban de désirs avortés,
Il arpente la nuit à pas désenchantés,
Jusqu’à l’aube muette où son âme bascule.

Tandis que le soleil inonde la cité,
L’acrobate rejoint son berceau noctambule,
Loin de la frénésie des hommes ridicules.

Têtard parricide

Pendant que les pinsons gazouillent
Un chant imprégné de gaieté,
Le têtard, inapte à chanter,
Se répand en bruits de gargouille.

Lassée du bavard qui bredouille
Un galimatias éhonté,
Sa mère rabroue l’empoté
Dont les cris partent en quenouille.

Sitôt que le soleil d’été
Laisse place à l’obscurité,
S’amorce une funeste brouille.

Mû par une âpre cruauté,
Le garnement noie la grenouille
Dont il dévore la dépouille.

4.12.04

Vin de joie

Dans le flacon dressé sur notre indifférence,
Palpite un élixir dont l’exquise chaleur
Efface les échos de nos vaines rancœurs
Germées dans un marais de secrètes souffrances.

Le nectar flamboyant habille le silence
De ses vagues de joie au parfum enchanteur,
Zélées à immerger notre mauvaise humeur
Dans l’océan soyeux de leur tendresse immense.

Le vin joyeux dissout nos soupçons ravageurs
Dans un torrent fougueux qui lave nos erreurs,
Pour nous réconcilier, dès que la nuit s’avance.

Ballottés sur le flot d’un vermillon bonheur,
Qui creuse le berceau de notre connivence,
Nous trinquons au matin débordant d’espérance.

Onanisme consolateur

Pendant que ma fée me délaisse
Pour une émission de télé,
Je tente de me consoler
Par de solitaires caresses.

Au lieu de conclure en vitesse,
J’avance à gestes contrôlés
Jusqu’à l’horizon étoilé,
Fleuri de ma chaude tendresse.

Ma main s’active à ciseler
Un puits d’extase constellé
De frissons au parfum d’ivresse.

Dès qu’achèvent de déferler
Mes vagues de joie, je m’empresse
Auprès de ma froide princesse.

3.12.04

Concert funeste

Tandis que le pianiste égrène des accords
En nappes veloutées de gaieté, où se tisse
Un voile de tendresse aux radieuses délices,
Le public, insensible à son talent, s’endort.

Sur la scène où flamboient les habits perlés d’or
Des musiciens fringants, qui sourient en coulisse
Des vaines envolées de l’aigre cantatrice,
Une colère froide envahit le ténor.

Afin de sanctionner les incessants caprices
De la grosse diva au front rouge écrevisse,
Le chanteur la défie à un duo retors.

Leurs voix entremêlées ébranlent l’édifice,
Si bien que, brusquement, s’affaisse le décor
Sur l’orchestre réduit au silence des morts.

Têtard exilé

Loin de son étang d’origine,
Se désole un frêle têtard
Qui, pourchassé par un lézard,
S’est réfugié dans la piscine.

Dans sa retraite citadine,
Infestée de gosses braillards,
Il regrette ses nénuphars
Constellés de feuilles câlines.

Afin d’échapper au regard
De nageurs en maillot criard,
Il s’enfuit sous une pluie fine.

Dans la froideur du boulevard,
Son aventure se termine
Sous le talon qui le piétine.

2.12.04

Bar du souvenir

Dans la salle enfumée du troquet, où s’entasse
Un chapelet bruyant d’anonymes buveurs,
L’étranger, affublé d’un masque de froideur,
Détourne le regard des couples qui s’embrassent.

Insensible aux poupées qui mirent dans les glaces
Leur délicieux minois prompt à briser les cœurs,
Il noie son désespoir dans un flot de liqueur,
En priant pour qu’un jour, ses souvenirs s’effacent.

Devant son verre vide, en solo, il repasse
Son amante envolée, pendant que sa carcasse
Se replie tristement sur son nid de douleur.

Sitôt que le soleil se pose sur la face
Des clients pétrifiés dans une aigre torpeur,
L’inconnu s’évanouit dans un rêve enchanteur.

Funèbre précipice

Sous la voûte assombrie, je tisse
Une toile de désespoir,
Où palpitent des anges noirs,
Nés de ma fureur destructrice.

Dans l’esprit des dormeurs, je glisse
Des peurs au tranchant de rasoir,
Pour leur imposer de surseoir
À leur amnésie réductrice.

J’essaime au hasard des trottoirs
Ma haine dont le laminoir
Étire la nuit en supplice.

Armé de mes sanglants pouvoirs,
J’immerge ce monde de vices
Dans un funèbre précipice.

1.12.04

Départ soudain

Au terme douloureux de notre lent naufrage
Abreuvé de tonneaux d’un infâme pinard
Inapte à adoucir ton masque furibard,
Je sens sourdre en mon cœur une ivresse sauvage.

Pendant que tu aboies en écumant de rage,
Sous l’œil indifférent de ton puant clébard,
Je m’exhorte à lâcher l’impavide pétard
Que je pointe à présent sur ton hideux visage.

Quand ma main, raisonnée par ma conscience sage,
Troque le pistolet contre un sac de voyage,
J’entends siffler le train de mon prochain départ.

En chemin pour un monde exempt de tes orages,
Je me laisse entraîner par l’ange du hasard,
Qui me pose bientôt à la porte d’un bar.

Vengeance ultime

Afin de punir la princesse
Qui réduit mon cœur en débris,
J’étoufferai son canari
Dont le chant insolent m’agresse.

Je noierai son chat qui ne cesse
De griffer mes murs en lambris,
Tandis qu’une armée de souris
Nargue ce puant tas de graisse.

Je trancherai au bistouri
Le cou de son chien dont les cris
Gâtent nos secrètes caresses.

Je confierai à son mari
Ma clé pour que ce fou s’empresse
De récupérer sa tigresse.

30.11.04

Sanglants délires

Tandis qu’un voile froid de grisaille s’étire
Sur la ville endormie dans son berceau de fer,
Aux portes barbelées d’un effroyable hiver,
Les puissances du mal étendent leur empire.

Un démon flamboyant dont la haine transpire
Lance sur la cité les dragons de l’enfer,
Qui calcinent les rues sous un faisceau d’éclairs,
Avant de s’évanouir dans un éclat de rire.

Sitôt qu’il aperçoit les vestiges amers
De mortels consumés tournoyant dans les airs,
L’ange de l’avenir envoie ses vaillants sbires.

Dans un déferlement de hurlements diserts,
Les forces de l’espoir parviennent à occire
Les monstres enragés, nés de sanglants délires.

Mort d’un bavard

J’assassinerai le bavard
Dont les effroyables sottises
Devant les jurés des assises
M’ont valu quinze ans de placard.

Je lacérerai au poignard
Sa trombine qui me défrise,
Avant que ce con ne s’avise
D’alerter les autres taulards.

Puis je me ferai la valise
Loin des flics à la mine grise,
Armés de venimeux pétards.

Mue par une euphorie exquise,
Je m’élancerai au hasard
Dans un monde exempt de mitards.

29.11.04

Musicien des rues

Au mépris de la neige étouffant la cité
Sous un voile poisseux de chagrin monotone,
Où meurt le souvenir des derniers jours d’automne,
Le musicien des rues continue à chanter.

Sur le trottoir bondé de cadres cravatés,
Il gomme la grisaille au son d’un saxophone
Dont les accords radieux, jusqu’au ciel, tourbillonnent
En concerto d’espoir au parfum de l’été.

Il entonne des airs dont les échos résonnent
Dans le cœur insouciant de jeunes amazones
Au regard prometteur d’ardentes voluptés.

Il égaie les clochards, que l’hiver emprisonne
Dans un ennui glacé, lourd d’inhumanité,
Par la vibrante ardeur de ses chants indomptés.

Poésie solitaire

Puisque l’amitié m’indiffère
Et que la passion tourne en pleurs,
Je voue les élans de mon cœur
À ma poésie solitaire.

Au fond de mon âme polaire,
Germent des quatrains ravageurs
Que je dilue avec bonheur
Dans un vin aux bulles légères.

Rivée à l’écran en couleur
De mon fidèle ordinateur,
Je noie le monde dans mon verre.

J’orne le silence enchanteur
Des poèmes que me suggère
La joie d’une ivresse légère.

28.11.04

Poésie manuscrite

Plutôt que d’épancher les passions de son âme
Sur des cahiers drapés d’une blanche froideur,
Le poète confie à son ordinateur
Les sonnets inspirés par la fée qui l’enflamme.

Pendant qu’il applaudit le merveilleux programme
Qui l’aide à peaufiner ses quatrains enchanteurs,
La machine subit les assauts ravageurs
D’un perfide virus à la violence infâme.

Quand un rondeau dédié à sa dame de cœur
Se transforme à l’écran en écheveau d’erreurs,
L’écrivain subodore un effroyable drame.

Il débranche aussitôt, d’un mouvement rageur,
Le clavier insolent où son malheur se trame,
Pour écrire au stylo l’éloge de sa femme.

Poète musicien

Ce soir, un poète doté
D’une plume aux élans magiques
A délaissé pour la musique
Ses alexandrins exaltés.

Sitôt qu’il s’est précipité
Chez une dame magnifique
Pour lui adresser sa supplique,
Sa voix s’est mise à chevroter.

Lassée du barde pathétique,
Empêtré dans ses vers lyriques,
La fée l’a prié de chanter.

Oubliant la sage métrique,
Il s’est empressé d’inventer
Un refrain apte à l’envoûter.

27.11.04

Évasion matinale

Au lieu de supporter tes vilaines grimaces
De poison décidée à me briser le cœur,
Je m’évade en solo aux premières lueurs
D’un soleil insoucieux de ta rage tenace.

Rebelle à ton regard lourd de sombres menaces,
Je te lance en vitesse un sourire moqueur,
Avant d’aller cueillir un insolent bonheur
Loin de notre logis dont la laideur m’agace.

Pendant que tu dilues nos souvenirs rieurs
Dans un marais poisseux de jurons ravageurs,
Je me laisse emporter par une exquise audace.

À jamais délivrée de ta mauvaise humeur,
J’aborde au doux rivage où mon chagrin s’efface
Sous les baisers soyeux de la fée qui m’enlace.

Concerto du bonheur

Je mélangerai ta noirceur
À ma sombre désespérance,
Pour que l’union de nos souffrances
S’épanche en gerbe de douceur.

Je viendrai semer dans ton cœur
Les souvenirs de mon enfance,
Afin que notre amour s’élance
Loin de tes obscures douleurs.

J’immergerai tes défaillances
Dans un puits de tendresse immense
Gorgé de rires enchanteurs.

J’orchestrerai nos différences
En concerto dont la splendeur
Augurera notre bonheur.

26.11.04

Poésie urbaine

Dans les supermarchés où les caddies s’animent
En un ballet urbain de clients envoûtés
Par les démons sournois de la publicité,
Orfèvres de slogans aux promesses sublimes ;

Dans le métro bondé d’une foule anonyme
Qu’un accordéoniste invite à écouter
Sa chanson qui dévide en accords veloutés
L’écheveau flamboyant de ses désirs intimes ;

Dans le journal du soir où l’inhumanité
S’entremêle aux récits de sauveteurs dotés
D’un courage fiévreux où le respect s’arrime ;

La poésie fleurit les murs de la cité
Bardés de graffitis dont la violence exprime
Le mépris pour un monde où le verbe s’abîme.

Bouquet de douceur

Sur le canevas de tes peurs
Germées dans le lit du silence,
Je viens chanter mon espérance
D’un futur aux accents rieurs.

Rebelle aux démons ravageurs
Qui déchirent ton existence
En sanglants lambeaux de démence,
Je t’offre un bouquet de douceur.

Armée de ma tendresse immense,
Je bâtis notre connivence,
Augure d’un soyeux bonheur.

J’éteins l’écho de tes souffrances
Dans le puits de joie, où mon cœur
Scande notre accord enchanteur.

25.11.04

Fée lumineuse

Quand le réveil relaie de ses notes haineuses
Les spectres grimaçants de mes froids cauchemars,
Dans le matin drapé d’un persistant brouillard
Où se noie un soleil aux lumières peureuses ;

Quand la répétition de tâches ennuyeuses
Dans un bureau glacé, étroit comme un placard,
Étouffé sous un ciel aux nuages blafards,
Étire ma conscience en mare cotonneuse ;

Quand la peur m’accompagne au fil des boulevards
Où des masques hideux luisent de toute part,
À l’heure où je rejoins ma banlieue poussiéreuse ;

Je délivre mon cœur de ses chagrins épars
En puisant dans les yeux de ma fée lumineuse
La force d’oublier ma journée désastreuse.

Amour unique

Pour ravir ma fée, je m’applique
À semer les soyeuses fleurs
De notre unisson enchanteur
En une ardente mosaïque.

Au fil de nos nuits magnétiques,
Je conduis ma dame de cœur
Jusqu’au rivage du bonheur
Fleuri de frissons magnifiques.

Grisée par son regard rieur,
J’entonne les accords majeurs
De nos voluptés électriques.

Dans le berceau de sa splendeur,
Où nos corps enflammés s’imbriquent,
Je scelle notre amour unique.

24.11.04

Quotidien maussade

Sitôt que le réveil déchire le silence
En lambeaux ténébreux de rêves avortés,
J’avale un café noir, avant de me jeter
Dans le ventre puant de la cité immense.

Dans le métro bruyant où s’agite en cadence
Une foule asservie à la banalité
Du temps qui se déroule en gestes répétés,
Je vois poindre la fleur de la désespérance.

Sous le ciel nuageux, je me laisse emporter
Par un flot de piétons au regard tourmenté
D’une sourde aversion pour le jour qui commence.

Dans mon bureau glacé, je prie de se hâter
La pendule indolente, afin qu’elle s’élance
À pas accélérés jusqu’à ma délivrance.

Setter rebelle

Exaspéré par le chasseur
Qui sillonne le marécage
Pour tirer les canards sauvages,
Son setter grogne sa rancœur.

Au lieu de pister les odeurs
Des animaux du paysage,
Le chien bondit vers le village
Où se tient le marché aux fleurs.

À l’abri des affreux carnages
De l’homme que sa fuite enrage,
Il se blottit chez le coiffeur.

L’artisan orne son pelage
De frisures dont les couleurs
Augurent un radieux bonheur.

23.11.04

Poésie divine

Écœuré par l’horreur des batailles stupides,
Menées par les humains à l’esprit orgueilleux,
Jésus, découragé, retourne dans les cieux
Où son chagrin s’épanche en ouragan acide.

Au céleste conseil que le Seigneur préside,
Un séraphin conspue le Messie silencieux,
Jusqu’à ce qu’un archange au timbre délicieux
Envoûte l’insolent par un sonnet splendide.

Le Christ, enthousiasmé par ces vers merveilleux,
Surmonte son dépit pour demander à Dieu
De doter les mortels de plumes intrépides.

Sur la Terre lavée de ses charniers odieux,
Les bardes, exaltés par la foi qui les guide,
Glorifient un futur pétri de joie limpide.

Arbre tordu

Tordu par la brusque tempête
Qui ronge son tronc courageux,
L’arbre attend que le ciel cireux
S’ouvre sur un soleil de fête.

Il dresse son mince squelette
Dans le paysage pierreux
Que d’étroits chemins poussiéreux
Éraflent de rides discrètes.

Il invite les amoureux
Animés d’un désir fiévreux
À se rejoindre sous son faîte.

Il dévoile aux enfants les creux
De son écorce, afin qu’ils mettent
Leurs richesses dans ses cachettes.

22.11.04

Flamboyant éveil

Cependant qu’assommée par le nectar vermeil
Qui dilue ton poison de sournoise vipère,
Tu dors en marmonnant ta rancœur solitaire,
Je sens naître en mon cœur un espoir sans pareil.

Ta carcasse agitée, de la tête aux orteils,
De soubresauts poissards exalte ma colère,
Tandis que l’angélus achève de m’extraire
De notre amour entré dans son dernier sommeil.

Plutôt que de subir la tristesse ordinaire
D’un matin ponctué de tes piques amères,
Je bondis dans la rue à l’appel du soleil.

Dans le regard brûlant d’une belle étrangère,
Je devine une fée dans le simple appareil,
Ravie d’accompagner mon flamboyant éveil.

Poème excellent

Pour faire un poème excellent,
Troque les lois de la grammaire
Contre un tapis de primevères
Éclairé d’un soleil brûlant.

Plonge tes sonnets purulents,
Lourds d’une tristesse sévère,
Dans un flot de joie salutaire
Gorgé de mots étincelants.

Oublie le canevas austère
De la métrique pour extraire
De ton âme un texte insolent.

Dissous tes peines solitaires
Dans un déluge de vers blancs
Prompts à consacrer ton talent.

21.11.04

Habile financier

Dans la banque cossue, l’habile financier
Reçoit aimablement les bourgeois de la ville,
Qui, prenant ses conseils pour des mots d’évangile,
Lui confient leur argent sans même sourciller.

Il accorde un crédit au riche bijoutier
Dont les diamants égaient sa maîtresse futile,
Tandis qu’il éconduit d’un hochement hostile
Le chômeur endetté, interdit de chéquier.

Il oppose à l’espoir des pauvres qui défilent
Dans son bureau glacé un silence d’argile
Barbelé des secrets de ses sombres dossiers.

Il regagne le soir son douillet domicile
Où le whisky royal lui permet de noyer
Le remords menaçant son âme d’usurier.

Mon étudiante

Dans les bras de mon étudiante,
J’écris le concerto majeur
De notre unisson enchanteur,
Pétri d’une joie impatiente.

Mue par une ardeur flamboyante,
Je dessine un chemin rieur,
Constellé d’enivrantes fleurs
Aux tonalités chatoyantes.

Insensible aux jaloux moqueurs,
Je tisse le fil du bonheur
Orné de promesses brillantes.

Aiguillonnée par la splendeur
De ma princesse sémillante,
Je conduis nos nuits rayonnantes.

20.11.04

Amazone sensuelle

Amazone rebelle aux trahisons sordides,
Tu esquisses gaiement un gracieux mouvement,
Tandis que le soleil enflamme les diamants
De ton regard pétri d’espérance limpide.

Tu caches le jardin de tes rêves candides
Sous un sourire empreint de présages charmants,
Zélés à exalter l’appétit de l’amant
Qui conduit le ballet de tes frissons splendides.

Ta bouche ourlée l’invite à cueillir prestement
Des baisers prometteurs d’ardents enlacements
Dans le berceau soyeux de vos nuits intrépides.

Sur ton front éclairé par un désir gourmand,
Se dessine une joie sourde au spectre morbide
De la griffe du temps prompte à creuser tes rides.

Sonnet réussi

Pour faire un sonnet réussi,
Troque les démons qui t’oppressent
Contre une joie enchanteresse,
Zélée à chasser les soucis.

Célèbre un futur éclairci
Par de flamboyantes princesses
Armées de bouquets de caresses
Prompts à charmer les endurcis.

Au lieu d’épancher ta tristesse,
Orne tes vers d’une tendresse
Apte à enflammer ton récit.

Assemble avec délicatesse
Les mots de ton cœur adouci
Par le poème que voici.

19.11.04

Chatte brune

L’agile chatte brune, offerte aux rais cléments
D’une lune attentive à lustrer son pelage,
S’avance vers la main dont la douceur présage
Une nuit constellée d’exquis attouchements.

Dans son regard flamboient de limpides diamants,
Prophètes silencieux de voluptés sauvages,
Tandis que l’animal effleure le visage
Égayé par l’ardeur de son ronronnement.

Dès que le doigt léger part en vagabondage
Sur son corps fuselé, le fauve l’encourage
En ponctuant sa joie de tendres miaulements.

Un bouquet de frissons achève le voyage
De la belle féline au royaume charmant
Du plaisir où, comblée, elle meurt en dormant.

Vers voluptueux

Au pays de la liberté,
Naissent des textes magnifiques
Que d’impitoyables critiques
Souillent de leur stupidité.

Loin des pédants assermentés
Dont le cerveau brumeux s’applique
À conspuer l’art poétique,
Jaillissent des mots exaltés.

Insensible aux sournoises piques
De philistins antipathiques,
S’épanouit le verbe indompté.

Au mépris des censeurs cyniques,
La plume persiste à sculpter
Des vers gorgés de volupté.

18.11.04

Années de poussière

Dans la monotonie des années de poussière
Zélées à enterrer les souvenirs sanglants
Des décennies passées sous d’affreux faux-semblants,
La lâcheté combat les âmes singulières.

Tandis que son remords pourrit au cimetière,
L’homme vain, assoiffé de silence indolent,
Prend le libre-penseur bardé d’espoir brûlant
Dans les filets sournois de ses rancœurs guerrières.

Au lieu d’encourager l’écrivain de talent,
La société dilue ses textes virulents
Dans un marais poisseux de craintes routinières.

Aux portes d’un futur lourd d’ennui accablant,
L’humanité férue d’ignorance grossière
Plonge dans l’amnésie les anges de lumière.

Pimbêche assassinée

J’ai assassiné la pimbêche
Dont les effroyables soupirs
Ponctuaient mes nuits sans dormir
De leurs sonorités revêches.

Au rythme de mes coups de bêche
Dans le caveau de nos plaisirs,
J’ensevelis mon avenir
Sous un amas de terre fraîche.

Quand le ciel commence à blêmir,
J’éteins mon envie de mourir
Au son d’une guitare sèche.

Le soleil s’active à fleurir
Mes vers de ses radieuses flèches,
Plutôt que de vendre la mèche.

17.11.04

Harmonie sensuelle

Quand ton regard brûlant m’invite à déposer
Sur ton corps velouté de lascive princesse
Un faisceau enivrant de fougueuses caresses,
J’oublie les trahisons de mon corps épuisé.

Dans la nuit silencieuse où les feux irisés
D’une lune complice exaltent la noblesse
De ton visage offert à ma chaude tendresse,
Je cueille sur ta bouche un bouquet de baisers.

Ton sourire limpide immerge ma tristesse
Dans un torrent de joie, où fleurit la promesse
D’une harmonie nourrie de désirs attisés.

Dans le berceau soyeux de notre exquise ivresse,
Je t’enlace aujourd’hui, afin de composer
L’amoureux concerto de nos sens embrasés.

Salle des pas perdus

Dans la salle des pas perdus
Ornée d’une horloge sévère
Qui ponctue mon chagrin polaire,
Je songe à nos malentendus.

Les sursauts du pont suspendu
Entonnent l’oraison amère
De notre passion qui s’enferre
Au fond de mon cœur éperdu.

Au bar où j’enchaîne les verres,
J’affronte les rires vulgaires
De venimeux individus.

Quand une exquise passagère
Me lance un regard entendu,
J’oublie mes cauchemars tordus.

16.11.04

Fée guitariste

Pendant que tu souris aux lumières bizarres
D’une lune exaltant la tristesse du soir,
Dans la chambre assombrie par tes papillons noirs,
Je m’apprête en solo à larguer les amarres.

Lassée de tes sermons imprégnés de curare,
Insolents fossoyeurs de mes tendres espoirs,
Je m’éloigne de toi pour ne plus recevoir
Les piques acérées de tes rages barbares.

Rebelle aux souvenirs enfouis dans nos tiroirs,
Je m’échappe ardemment des rets de ton pouvoir,
Aux portes d’un matin, où nos vies se séparent.

Loin de ton amertume inapte à m’émouvoir,
Je m’avance à présent sur le quai de la gare,
Où m’accueille une fée au son de sa guitare.

Nuit démoniaque

Pour les yeux d’une dame brune,
Lassée par le rire indécent
De son mari au corps blessant,
Le soleil enlace la lune.

Mue par une ardeur peu commune,
Germée dans son cœur innocent,
La belle plonge dans le sang
L’époux grossier qui l’importune.

Sous les diamants éblouissants
D’une nuit aux démons puissants,
La veuve rit de sa fortune.

Au lieu d’élire un remplaçant
À la tendresse inopportune,
Elle se noie dans la lagune.

15.11.04

Gare de la joie

Après avoir chassé mes démons rancuniers,
Zélés à ressasser nos sanglantes bagarres,
Je me laisse envoûter par un air de guitare,
Qui réveille en mon cœur des souvenirs princiers.

Portée par la musique aux accords printaniers,
Je quitte le logis dont la froideur m’effare,
Afin de me plonger dans la foule barbare
Dont la rumeur dilue mon chagrin singulier.

Dans le lacis ombreux des rues, où je m’égare
Parmi des inconnus à l’allure bizarre,
J’aperçois brusquement un décor familier.

Exaltée, je t’attends sur le quai de la gare,
Dans la brume glacée d’un matin de janvier,
Que nos baisers futurs promettent d’égayer.

Éveil solitaire

Pendant que tu dors, je m’envole
Dans le calme matin fleuri
De l’espérance où mon esprit
Enterre tes vaines paroles.

Dans la vibrante métropole
Sourde à notre unisson flétri,
Je regarde un nuage gris
Noyer nos querelles frivoles.

Devant ma tasse, je souris,
Avant de réduire en débris
Un pain doré à la mie molle.

Loin de ton visage assombri
Dont la dureté me désole,
Je plonge dans une joie folle.

14.11.04

Hôtel accueillant

Dressé depuis trente ans au coin du boulevard,
J’accueille dans mes flancs d’exquises demoiselles,
Princesses délurées qui jouent de la prunelle
Pour charmer les clients agglutinés au bar.

J’abrite patiemment des groupes de fêtards
Émaillés de poupées à la voix de crécelle,
Zélées à enflammer la mâle clientèle
Par les diamants soyeux de leurs troublants regards.

J’assiste quelquefois aux bruyantes querelles
De couples moribonds dont l’ironie cruelle
Déchire la tendresse en souvenirs épars.

J’héberge un écrivain dont les poches recèlent
Des carnets constellés de sombres cauchemars
Qu’il s’échine à noyer dans un fougueux nectar.

Hôtel interlope

Dressé sur le vieux boulevard
Fleuri d’aguichantes gazelles
Chargées d’une poudre mortelle,
J’abrite des ébats poissards.

Rebelle aux venimeux zonards
Qui jaillissent d’une ruelle
Pour dépouiller ma clientèle,
J’offre la chaleur de mon bar.

J’héberge des amants fidèles
Dont la connivence étincelle
Malgré les pièges du hasard.

Dans mes entrailles, je recèle
Un essaim de bourgeois ringards,
Imbibés de soyeux nectar.

13.11.04

Splendide princesse

Cependant qu’à ses pieds affluent des séducteurs
Zélés à couronner leurs brûlantes promesses
De fabuleux présents, la splendide princesse
Rêve secrètement de l’élue de son cœur.

Insensible au torrent de serments enjôleurs
De nobles prétendants dont le désir l’oppresse,
La belle s’épanouit dans la chaude tendresse
D’une accorte fermière au regard enchanteur.

Aussitôt que le flot des importuns délaisse
Le palais encombré d’insolentes richesses,
La jeune altesse court au nid de son bonheur.

Au matin, apaisée par d’exquises caresses,
Elle quitte à regret son havre de douceur
Pour rejoindre un essaim d’opiniâtres raseurs.

Puits de ma bienveillance

Mes mains découpent le silence
En lambeaux de chagrins passés,
Où fleurit l’espoir insensé
D’un amour exempt de souffrance.

Pour sceller notre connivence,
Je sème dans ton cœur blessé
Mes désirs prompts à effacer
L’aigre écheveau de tes démences.

Ma tendresse vient fracasser
L’écran de tes nuits tapissé
De tes amères défaillances.

Je noie tes cauchemars glacés,
Bardés de muette violence,
Dans le puits de ma bienveillance.

12.11.04

Reine du bitume

Dans le salon drapé d’une laiteuse brume,
Où son esprit s’épanche en vagues de chagrin,
Que ponctuent les échos d’une cloche d’airain,
La princesse combat l’ennui qui la consume.

Le café frais répand sa puissante amertume
Dans le matin grisâtre où l’insolent refrain
D’une vieille chanson distille un tel entrain
Que le regard soucieux de la belle s’allume.

Le soleil malicieux qui caresse ses reins
Calcine l’écheveau de ses doutes empreints
De souvenirs glacés que son espoir inhume.

Éclairée d’un bouquet de rires souverains,
Elle endosse gaiement le flamboyant costume
Qui magnifie son corps de reine du bitume.

Union subtile

Mes mains, ailes de joie dociles,
Cisèlent ce soir sur ton corps
Le concerto de notre accord
Gorgé de promesses fertiles.

Mes doigts magiciens se faufilent
Dans le silence où tu t’endors,
Pour y répandre le trésor
De ma tendresse indélébile.

Je fracture le coffre-fort
De ton cœur aux démons retors,
À coups de rires volubiles.

Je mène nos désirs au port
Des voluptés, où se profile
Le nid de notre union subtile.

11.11.04

Amnésie apaisante

Aux portes du matin, dès que le réveil tinte
Un refrain monotone aux accents de métal,
Je m’avance en solo dans le gouffre hivernal
D’un avenir hideux, exempt de nos étreintes.

Sous le linceul amer de l’espérance éteinte,
Où le spectre glacé du silence abyssal
Transforme ma mémoire en puits d’effroi létal,
Je noie mes souvenirs dans un fleuve d’absinthe.

J’efface de mon cœur ton rire de cristal,
Nos deux corps enlacés sur la piste de bal,
Tes cheveux constellés d’odorantes jacinthes.

Dans mon âme envahie d’un ennui colossal,
Un bataillon grouillant de monstrueux helminthes
Achève de ronger tes brûlantes empreintes.

Chapelier défunt

Dans l’échoppe exiguë de l’ancien chapelier,
Défilaient fièrement de joyeuses nymphettes
Empressées d’acquérir pour les soirées de fête
Des coiffes saugrenues aux coloris variés.

Passant rapidement d’une fille à marier
À un veuf taciturne, amateur de casquettes,
L’artisan inventif posait sur chaque tête
Un exquis couvre-chef impossible à copier.

Au lieu d’encourager la renommée surfaite
Des fausses nouveautés défrayant les gazettes,
Le vieil homme moulait ses rêves singuliers.

Dans la vitrine sombre, une austère affichette
Annonce désormais aux curieux du quartier
Que le roi du chapeau est mort le mois dernier.

Combat fruitier

Dans le saladier en cristal,
Se joue le combat fratricide
Des fruits, où la reinette acide
Ronge le raisin automnal.

Pour chasser le poison létal
Que déversent les pesticides,
La mandarine dilapide
Son parfum dans l’air matinal.

Fière de l’écorce impavide
Qui drape sa chair translucide,
L’orange attend l’assaut final.

Les preux rescapés se dérident
Dès que le couteau en métal
Lacère l’ananas royal.

10.11.04

Religieuse voluptueuse

Dans sa cellule grise où son désir s’aiguise,
La jeune religieuse accueille impatiemment
Le démon transformé en invisible amant
Dont la tendresse éteint ses secrètes hantises.

Loin de la pruderie de ses consœurs soumises
À la sévérité des pieux enseignements,
La rebelle s’adonne à des enlacements
Où son corps oublieux du Seigneur s’électrise.

Dès que la nuit accroche au sein du firmament
Une lune complice, habillée de diamants,
La nonne se réjouit de caresses exquises.

Quand l’angélus annonce un matin assommant,
Elle prend son missel pour courir à l’église
Où le curé chagrin, prestement, la dégrise.

Joies cristallines

Je poserai sur toi bientôt
Un bouquet de baisers propices
À t’entraîner dans un délice
Vainqueur de tes chagrins létaux.

Je t’enserrerai dans l’étau
De ma tendresse zélatrice
À refermer les cicatrices
De tes doutes fondamentaux.

Je tracerai la voie complice
Conduisant au feu d’artifice
De notre amoureux concerto.

Mue par une ardeur protectrice,
Je construirai un chapiteau
Où nos joies poindront en cristaux.

9.11.04

Salade chagrine

Près du baba au rhum, la salade chagrine
Pleure sur la fadeur de l’assaisonnement
Qui dévore son cœur condamné tristement
À nourrir les fêtards imprégnés de bibine.

Au fond du saladier posé dans la cuisine,
Elle observe les plats du déjeuner gourmand,
En rêvant d’échapper à l’affreux châtiment
De mourir délaissée dans les assiettes fines.

Quand le poulet, parti depuis un long moment,
Vient mettre sous son nez ses frêles ossements,
La laitue, effrayée, vite se ratatine.

Sur la table jonchée d’un bel assortiment
De fromages goûteux, où le munster domine,
La belle disparaît en bouchées assassines.

Sein magnifique

Offert à la main du plaisir
En une promesse impudique,
Le sein se dresse, magnifique,
Gorgé des frissons à venir.

Illuminé par le désir
Qui bande sa pointe élastique,
Le magicien de la plastique
Convie la bouche à le cueillir.

Dès que la lumière électrique
Ravive sa chair, il s’applique
Joyeusement à s’affermir.

Mû par un élan érotique,
Il frémit afin d’éblouir
L’œil qui vient de le découvrir.

8.11.04

Âme dévote

De l’église au fourneau, la vie de la bigote
S’étire lentement sous les yeux protecteurs
De Jésus agacé par l’austère froideur
De sa pieuse demeure où le curé chevrote.

Les oreilles vrillées par maintes fausses notes
Fièrement entonnées par les enfants de chœur,
Les croyants du dimanche observent sans pudeur
La femme rabougrie dont la bouche tremblote.

Tandis que l’assemblée s’éloigne à pas flâneurs
Dans les rues égayées par un soleil charmeur,
La vieille, prosternée devant l’autel, sanglote.

Elle demande à Dieu d’étouffer les douleurs
Dont le torrent fougueux, sans répit, la ballotte,
En décidant l’envol de son âme dévote.

Chemin de notre ivresse

Dans ton cœur lourd d’une tristesse
Nourrie de cuisants cauchemars,
Je viens déposer le nectar
De ma silencieuse tendresse.

Rebelle au passé qui te blesse
De ses hypocrites poignards,
J’effrite ardemment le rempart
De ta douloureuse sagesse.

Ensorcelée par ton regard,
Je conduis nos joies au hasard
De mes flamboyantes caresses.

À l’abri des serments bavards,
Je te mène, exquise princesse,
Sur le chemin de notre ivresse.

7.11.04

Princesse splendide

Sur la peau dénudée de son corps virginal,
Danse gracieusement un soleil intrépide,
Empressé d’égayer ses rêveries candides
D’exquises sensations au parfum estival.

Des ombres effilées jouent un ballet royal
Sur son ventre agité d’ondulations rapides,
Orchestrées par la main du désir, qui la guide
Vers le rivage ardent d’un bonheur matinal.

L’écheveau sibyllin de ses joies se dévide
En concerto d’espoir, dont l’ardeur dilapide
Les échos ténébreux du calme pastoral.

Sitôt que la princesse au visage splendide
Me prend dans les filets de sa voix de cristal,
Je la rejoins au creux de notre accord total.

Joie poétique

Rebelle aux lecteurs du dimanche,
Avides de textes curieux,
Je compose des vers joyeux
Où mon espérance s’épanche.

Lassée par les effets de manches
D’écrivains à l’esprit spécieux,
Je bâtis un monde radieux
Où le verbe prend sa revanche.

Grisée par l’accord harmonieux
Des mots qui dansent sous mes yeux,
Je plonge dans une joie franche.

Loin des critiques orgueilleux,
Ma soif poétique s’étanche
Dans le berceau de mes nuits blanches.

6.11.04

Office insolite

Cependant que novembre étend ses ailes grises
Sur les faubourgs déserts de la vieille cité,
Le curé se démène afin de contenter
Les bigotes aigries qui hantent son église.

Devant Jésus lassé de ses brebis soumises,
Son serviteur fervent s’égosille à chanter
Des psaumes imprégnés d’une austère piété
Zélée à racheter ses piètres vocalises.

Pour chasser les soupçons que s’obstine à jeter
Le démon malicieux dans son cœur exalté,
Le prêtre tourmenté, sombrement, s’alcoolise.

Rebelle aux hurlements du Christ épouvanté,
L’abbé ivre déclame un torrent de sottises,
Avant de s’abîmer dans une brume exquise.

Enfer solitaire

Je cache en mon cœur un enfer
Plus grand que l’effrayante haine
De la foule où je me promène
Pour noyer mes chagrins amers.

Rebelle aux mensonges diserts
De l’amitié, je me démène
Parmi les cauchemars obscènes
Qui saccagent mon univers.

Dans ma conscience se déchaîne
L’ange de la mort aux mains pleines
De tisons qui rongent ma chair.

Au seuil de ma chute certaine,
Je gémis dans le lit en fer
De mon appartement désert.

5.11.04

Taureau condamné

La foule enthousiasmée trépigne dans l’arène
Où m’attend fièrement le fougueux torero,
Un enfant du pays érigé en héros
Par la ville assoiffée de boucheries obscènes.

Tandis que s’amplifie la rumeur inhumaine
Des connaisseurs qu’égaie l’ardeur de mon bourreau,
Je sens faillir mon cœur de battant sous les crocs
De l’effroi augurant ma défaite prochaine.

Expert incontesté en meurtres de taureaux,
L’arlequin belliqueux bombe les pectoraux,
Pendant qu’à mon entrée, les bravos se déchaînent.

Avant de succomber, couché sur le carreau,
J’espère transpercer l’odieux énergumène
Qui me lance à présent un regard noir de haine.

Obscurité merveilleuse

Dans la ville endormie, je creuse
Un jardin de vers enchanteurs,
Prompts à illuminer mon cœur
De leur tendresse chaleureuse.

Au sein de la nuit ténébreuse,
J’éteins mes doutes ravageurs
Dans une précieuse liqueur
Gorgée de promesses joyeuses.

J’étouffe les accords mineurs
Du concerto de la froideur
Dans une guitare enjôleuse.

J’enterre les spectres rageurs
De ma mémoire scrupuleuse
Dans l’obscurité merveilleuse.

4.11.04

Outre-tombe

Vivants, allez gémir ailleurs
Au lieu d’ânonner vos prières
Qui salissent le cimetière,
Règne du néant rédempteur.

Écartez vos affreuses fleurs
De mon royaume de poussière
Pour que ma demeure dernière
Conserve sa calme splendeur.

Essuyez vos larmes grossières
Qui souillent le berceau de pierre,
Où je m’effrite sans douleur.

Tenez loin de mon âme fière
Votre chagrin dont l’impudeur
Ébranle ma sombre froideur.

Nuits poétiques

Dans le profond creuset de mes nuits sans dormir,
Jaillissent des bouquets de radieuses images
Que mon stylo assemble en poèmes sauvages
Dont les fiévreux quatrains exaltent mes désirs.

Aussitôt que le ciel commence à s’obscurcir,
J’invite mon esprit à partir en voyage
Au pays flamboyant du bonheur sans nuages,
Où les mots baladins chantent pour m’accueillir.

À l’abri du sommeil lourd de silence sage,
Mon âme débridée aborde au doux rivage
Du verbe pourvoyeur de chatoyants plaisirs.

Je cisèle en solo les diamants du langage
Pour composer des vers empressés d’embellir
L’horizon délavé du matin à venir.

3.11.04

Évasion ultime

Loin de la ville où gronde une foule en armures,
Pressée de lacérer son visage fardé,
La princesse s’enfuit sous un ciel lézardé
De prodigieux éclairs jaillis à vive allure.

Tandis que la noirceur de la nuit se fracture
En lambeaux d’épouvante, où le diable excédé
Grave la partition du chant des suicidés,
La rebelle, vaincue, creuse sa sépulture.

Précédant le démon qui joue sa mort aux dés,
Elle éteint son futur sur le caveau bordé
D’immenses chardons noirs d’où la haine suppure.

Dés qu’une pluie glacée commence à inonder
Le marbre immaculé, la frêle créature
Plonge dans le néant exempt d’âmes impures.

Pays de la mièvrerie

Au pays de la mièvrerie
Fusent des rires de bonheur
Pétris d’une immonde candeur
Habillée de cajoleries.

Au creux des consciences nourries
De mensonges avant-coureurs
D’une inexpugnable fadeur,
Se trame la sensiblerie.

Cachée dans les bouquets de fleurs,
La bêtise enivre les cœurs
Que trompe sa coquetterie.

Dans le berceau de la lourdeur
Tapissé de minauderies,
S’échafaude la niaiserie.

2.11.04

Moustique gourmand

Las de piquer la peau cireuse
D’une foule d’humains pressés,
L’animal commence à sucer
Une amanite vénéneuse.

Rongé de brûlures affreuses,
Impossibles à effacer,
Il décide de se glisser
Dans le cerveau d’une dormeuse.

Grisé de rêves opiacés,
Le moustique essaie d’embrasser
Une libellule orgueilleuse.

L’insecte éconduit, agacé,
Éteint ses déceptions nombreuses
Dans une liqueur sirupeuse.

Réconfort stellaire

Lassée de contempler la lune au firmament,
Relayée au matin par les lueurs blafardes
D’un soleil apeuré par nos luttes bavardes,
Je te laisse, poison, aux mains de ton amant.

Venimeuse poupée dont l’odieux ronflement
Déchire mon sommeil de ses griffes poissardes,
Je préfère quitter notre froide mansarde
Avant de démolir ton visage charmant.

Au lieu de te vouer aux crocs de la camarde
Zélée à étouffer tes litanies criardes,
Je m’envole en solo vers un calme clément.

Sous le ciel silencieux, délivrée, je regarde
Une étoile inconnue qui m’offre aimablement
Le puissant réconfort de ses feux de diamant.

1.11.04

Trésors poétiques

Plutôt que d’étouffer les morts
Sous des bouquets de chrysanthèmes,
Cueille l’espoir que le vent sème,
Pour conjurer le mauvais sort.

Chasse les fantômes retors
Qui pervertissent tes poèmes,
En plongeant les mots que tu aimes
Dans une mer de boutons d’or.

Afin d’embraser l’aube blême,
Monte tes désirs en diadème
Pourvoyeur d’ardent réconfort.

Armée de ton stylo, essaime
Une kyrielle de trésors
Prompts à stimuler ton essor.

Plume chaleureuse

Les chants désespérés, jaillissant par centaines
De cerveaux torturés d’écrivains ténébreux,
Zélés à cultiver l’accablement au creux
De leurs phrases glacées, me donnent la migraine.

Lassée de partager les cauchemars obscènes
De poètes déments dont les quatrains ombreux
Résonnent aigrement dans mon esprit fiévreux,
J’immerge leurs recueils dans l’eau de la fontaine.

Ma plume solitaire aux accents chaleureux
Se répand désormais en poèmes nombreux,
Joliment imprégnés d’une joie souveraine.

Portée par le vaisseau de mes vers vigoureux,
J’aborde au doux rivage où d’exquises sirènes
Effacent les échos de mes anciennes peines.

31.10.04

Moustique voyageur

Sitôt que la clarté d’une maison m’attire,
Je vole prestement jusqu’au nid pourvoyeur
De chair tiède où frémit le nectar enchanteur
Dont le parfum ravit ma trompe de vampire.

Dans la ville agitée, je bâtis mon empire
En dévorant le corps d’appétissants flâneurs,
Avant d’aller piquer de stupides dormeurs
Qui se lèvent d’un bond, décidés à m’occire.

Sur le quai du métro, je traque avec ardeur
Une foule serrée de masques en sueur,
Dont mes taquineries effacent le sourire.

Dans les foyers cossus, je pénètre en douceur,
Afin de prélever le sang que je désire
Sur des bourgeois douillets, zélés à me maudire.

Nuit sans escale

Je m’avance dans la spirale
De mon avenir ténébreux,
Que hantent les spectres affreux
De ma solitude abyssale.

Tandis que le chant des cigales
Se change en sabbat douloureux,
Je me laisse entraîner au creux
D’une tristesse terminale.

Étouffée sous un ciel cireux,
Bardé de nuages nombreux,
J’attends que le néant m’avale.

Sitôt qu’un éclair coléreux
Carbonise mon encéphale,
J’aborde à la nuit sans escale.

30.10.04

Insomnie sournoise

Quand l’insomnie sournoise effrite mon esprit
En affreuses visions imprégnées de violence,
Qui me laissent fourbue au bord de la démence,
J’offre à l’aube glacée mon visage flétri.

Dans le silence amer de la rue qu’assombrit
Le ballet des zombis pétris de malveillance,
Se trament les filets de ma tristesse immense,
Sinistrement scellée par les immeubles gris.

Pendant que le démon mène une atroce danse
Dans mon cerveau rongé par les crocs du silence,
Je regarde trembler mon corps endolori.

Dès qu’un soleil joyeux calcine mes souffrances
En attirant ma vue sur le jardin fleuri,
Je vais cueillir dehors l’espoir qui me sourit.

Cheval mort

À l’aube, mon brave animal
S’est affaissé dans les feuillages
Qui revêtent le paysage
D’un soyeux manteau automnal.

Sourd au concerto matinal
Des rossignols du voisinage,
Il est parti dans les nuages,
Berceau de son sommeil final.

Je garde en mon esprit l’image
De nos cavalcades sauvages,
Au gré de son galop royal.

Chaque fois qu’un violent orage
Brise le calme végétal,
J’entends hennir mon fier cheval.

29.10.04

Trêve éthylique

Puisque le travail me désole
Et que la passion m’assombrit,
Je réconforte mon esprit
Dans le feu d’un rhum agricole.

Au son d’une chanson créole,
Je lave mes rêves flétris
Dans un flot d’alcool hors de prix,
Afin que ma douleur s’envole.

Je dilue les fantômes gris
Qui jaillissent de mes écrits
Dans les bars de la métropole.

Au bord de l’ivresse, je ris
Pendant que mon cœur caracole
En une symphonie frivole.

Cigarette oubliée

Solitaire oubliée dans un paquet froissé
Au fond d’un sac à dos depuis belle lurette,
Condamnée à l’ennui, la frêle cigarette
Se lamente âprement sur son corps cabossé.

Survivante flétrie d’un achat détaxé,
Elle attend que le feu d’une aimable allumette
L’embrase pour qu’enfin ses volutes discrètes
Redonnent au tabac son prestige passé.

Insensible au mépris de venimeux ascètes,
Elle aspire ardemment à couvrir la planète
De ses spirales bleues à l’arôme racé.

Voyant qu’aucune main n’explore sa cachette,
L'exilée se dessèche, avant de s’enfoncer
Dans le gouffre brumeux des plaisirs délaissés.

28.10.04

Sonnet revivifié

Lecteur, je t’en supplie, caresse de tes yeux
Ce sonnet composé à l’encre solitaire
D’une poète aigrie dont les vers délétères
S’épanchent sans répit en délires pluvieux.

Entonne ce poème au chagrin insidieux,
Formé de mots tracés d’une plume sévère
Afin de distiller les flots de bile amère
D’une artiste démente au désespoir odieux.

D’une voix colorée par la gaieté, desserre
Le carcan de noirceur, où ce texte s’enferre,
Pour que, revivifié, il enflamme les cieux.

Embellis cette page aux mesures polaires
En choyant dans l’écrin de ton esprit radieux
Ces rimes tourmentées, pour qu’elles sonnent mieux.

Délivrance ultime

J’ai transpercé d’un coup de lance
Le cœur glacé de la poison
Qui m’enfermait dans la prison
De sa méchanceté immense.

Dans la nuit bardée de silence,
Je bois du whisky à foison
En composant une oraison
Pétrie de fausse bienveillance.

Le soleil darde à l’horizon
De gais rayons au diapason
De ma flamboyante espérance.

Je quitte à jamais la maison
De nos quotidiennes souffrances
Pour célébrer ma délivrance.

27.10.04

Volupté du langage

Quand l’ennui inonde ma page
De vers en habit de noirceur,
J’éteins mes quatrains querelleurs
Dans un flot de fougueux breuvage.

Armée de ma plume sauvage,
Riche de splendides couleurs,
J’étouffe mes sonnets boudeurs
Dans de flamboyantes images.

Dès que le parfum du bonheur
Chasse les doutes de mon cœur,
L’espoir embellit mon ouvrage.

J’assemble des mots enchanteurs
Afin d’aborder au rivage
De la volupté du langage.

Dîner maussade

Sous la pâle lueur de la lampe muette,
La famille épuisée se rassemble ce soir
Pour le dîner maussade où le vin de terroir
Apaise les échos des souffrances secrètes.

Le repas ponctué par le bruit des fourchettes
S’étire mollement devant le vieux chat noir
Qui, lassé de mendier, observe sans espoir
Le ballet machinal des mâchoires distraites.

L’homme frêle au visage en lame de rasoir,
Brisé par la fadeur de sa vie de devoir,
Étouffe son ennui dans maintes cigarettes.

Quand la femme, agacée, se lève pour surseoir
Au silence glacé qui lui vrille la tête,
Un rai de lune égaie sa figure défaite.

26.10.04

Avenir radieux

En reposant le téléphone
Pour ne plus t’entendre gémir,
Je déchire mes souvenirs
En lambeaux de regrets aphones.

Dès que la colère bourdonne
Dans mon corps exempt de désirs,
J’offre au brasier de l’avenir
Nos malentendus monotones.

À l’aube commence à fleurir
Un jardin d’insolents plaisirs
Dont les promesses m’aiguillonnent.

Tandis qu’achève de mourir
L’ombre de ta triste personne,
Un soleil audacieux rayonne.

Plume délivrée

À force d’exprimer en phrases monotones
Un déluge incessant de chagrins sibyllins,
Germés dans le cerveau d’un écrivain enclin
À la mélancolie, sa plume déraisonne.

Au hasard d’un quatrain, la rebelle abandonne
L’auteur dont la noirceur annonce le déclin,
Pour écrire en solo un poème câlin
Dont la beauté éteint les peurs qui l’emprisonnent.

Dans le bureau glacé, encombré de vélins,
La belle se répand en sonnets cristallins,
Sous le regard jaloux de ses consœurs bougonnes.

Le poète, irrité par ses déliés malins,
Évince de ses vers la géniale amazone,
Avant de s’abîmer dans un ennui aphone.

25.10.04

Virées nocturnes

Pour égayer ma nuit, souvent, je saigne un mec
Que le hasard vicieux me colle dans les pattes,
Avant de balancer mon poignard écarlate
Près du quidam guignard dont j’ai cloué le bec.

Mon forfait accompli, je m’arrache aussi sec
Avant qu’un poulaga en mission ne m’abatte,
Tandis que le troupeau des bourgeois en cravate
Geint de me voir tenir la flicaille en échec.

Au lieu de regagner mes maussades pénates,
J’asticote crûment les poupées qui me matent,
Si bien qu’elles m’envoient racoler chez les Grecs.

Au matin, épuisée de jouer les pirates,
Je file me pieuter, sourde aux salamalecs
De travelos camés, exhibant leur bifteck.

Sonnets froids

Sonnets en habit de froideur,
Jaillis de consciences démentes,
Vos images grandiloquentes
Distillent l’ennui dans les cœurs.

Chantres brillants de la rigueur,
Au fil de vos phrases rasantes
Germe une tristesse qui hante
Le quotidien de vos lecteurs.

Troquez vos mesures savantes
Contre une poésie qui chante
La libre éclosion du bonheur.

Mélangez vos strophes pédantes
Pour former des textes rieurs,
Prompts à éteindre la douleur.

24.10.04

Sur le carreau

Avant de te laisser morte sur le carreau,
Je me casse, poupée, en gaulant ton artiche,
Sous le regard surpris de ton puant caniche,
Témoin exaspérant de nos verres de trop.

Tandis que tu manies tes lames de tarot
En tétant mollement une affreuse cibiche,
Je fuis la destinée qui me brise les miches,
Afin d’aller pinter au comptoir d’un bistrot.

Là-bas m’attend ce soir la fille aux yeux de biche,
Qui vient de suriner le cador de la triche
Pour piquer des photos planquées dans son bureau.

Venimeuse amazone au cerveau de pois chiche,
Au lieu de sangloter, le moral à zéro,
Arrête de tirer de mauvais numéros.

Puits de nos différences

Dans le puits de nos différences
Naissent nos frissons de bonheur
Prompts à effacer la froideur
De notre ténébreux silence.

Sous les insidieuses souffrances
Que trame notre orgueil rageur,
Germent nos regards cajoleurs,
Imprégnés de notre espérance.

À l’horizon poussent les fleurs
De notre unisson enchanteur
Au parfum de nos confidences.

Dans le dédale de nos cœurs
Pointent nos rires qui s’élancent
Pour sceller notre connivence.

23.10.04

Plume rebelle

Écœurée de l’alexandrin,
La plume à sonnets se rebelle
Pour s’envoler à tire-d’aile
Loin des monotones quatrains.

À l’abri du rythme contraint
Des vers ennuyeux que cisèlent
Inlassablement ses jumelles,
Elle compose avec entrain.

Armée d’une aisance nouvelle,
La belle insoumise entremêle
Quantité de mots souverains.

De sa pointe agile, elle excelle
À changer les mètres chagrins
En prose à la force d’airain.

Chat cajoleur

J’abrite en mon esprit un animal charmant
Dont la grâce embellit mes soirées solitaires,
Lourdes de souvenirs que sa patte légère
Chasse dans les recoins de mon appartement.

Dès que le ciel revêt de nocturnes diamants
Zélés à enflammer son regard de panthère,
Ce chat vient déchirer mes cauchemars polaires
D’une voix qui s’envole en tendres miaulements.

D’une griffe acérée, prestement, il lacère
Les échos sibyllins de ma tristesse amère,
Avant de me combler de soyeux frôlements.

Sur mon cœur apaisé, cajoleur, il se serre
En berçant mon sommeil de son ronronnement,
Pendant qu’un gai soleil s’avance au firmament.

22.10.04

Alexandrin rebelle

Tristement enfermé avec treize autres vers
Dans un sonnet sérieux dont les phrases résonnent
En musique chagrine aux accents monotones,
L’alexandrin soigné s’ennuie, le cœur amer.

Afin de s’évader de la poigne d’enfer
De ce poème fier que son auteur entonne
D’une voix imprégnée de majesté bouffonne,
Le rebelle délie ses douze pieds experts.

Pour punir l’écrivain dont les mots l’emprisonnent,
L’aventurier unit voyelles et consonnes
Dans une sarabande où la raison se perd.

Ses voisins, que la joie de sa danse aiguillonne,
Brisent, à son instar, leur métrique de fer,
Avant d’entrelacer leurs délires diserts.

21.10.04

Chat mort

Dans mon esprit erre un chat mort
Dont les miaulements oblitèrent
La paix de mes nuits solitaires
Afin que je perde le nord.

Au fond de ses yeux perlés d’or
Luisent d’insondables mystères
Que ce félin au pas lunaire
Fabrique pendant que je dors.

D’une griffe avide, il lacère
Mes rêveries pour satisfaire
Sa fureur d’animal retors.

Aussitôt que ma main légère
Se risque à caresser son corps,
Ce monstre capricieux me mord.

Bar de l’ennui

Tandis que le patron lampait un café noir
Pour laver la froideur de la nuit ordinaire,
Une odieuse tablée de touristes vulgaires
Pillait honteusement ses trésors du terroir.

Aussitôt qu’elle entra, le serveur laissa choir
Son plateau sur les pieds d’un vieillard solitaire
Qui lâcha son journal en renversant son verre,
Avant d’aller crier sa colère au comptoir.

Dans le bar enflammé par la belle étrangère,
Les clients familiers, ensemble, se lancèrent
Dans une pantomime inapte à l’émouvoir.

Quand la reine des lieux, une horrible mégère,
Entreprit de jeter la fée sur le trottoir,
Un nuage d’ennui commença à pleuvoir.

20.10.04

Sonnet amoureux

Au lieu de te dire « Je t’aime »,
Je t’envoie ce sonnet rieur,
Écrit à l’encre de mon cœur
Empli d’une allégresse extrême.

Au nom des baisers que tu sèmes
Dans le jardin de mon bonheur,
Je t’offre ces vers enjôleurs,
Illuminés par ma bohème.

Sur ton corps, je cueille les fleurs
De ton insolente splendeur,
Tendre égérie de ce poème.

Les diamants de tes yeux charmeurs
Forment un éclatant diadème,
Prometteur de nos joies suprêmes.

Guérison poétique

Déchirée de chagrin, dans le froid matin blême,
Imprégné de silence au goût de trahison,
Je regarde la pluie obscurcir l’horizon
En effaçant l’écho de nos derniers « Je t’aime ».

Puisque notre tendresse, érigée en emblème
De notre amour, s’avance en sa morte saison,
Je dilue mes regrets dans l’alcool à foison,
Évidemment frappé de ton noir anathème.

Dès que l’obscurité envahit la maison,
J’oppose au désespoir menaçant ma raison
L’exquise volupté qu’exhalent mes poèmes.

Mon stylo solitaire écrit ma guérison
En insolents quatrains nourris de ma bohème,
À jamais imprimée jusqu’au fond de moi-même.

19.10.04

Arlequin androgyne

Superbe arlequin androgyne,
Tu caches tes rêves nombreux
Au fond de ton œil ténébreux
Où dansent des ombres chagrines.

Loin des jaloux qui te piétinent
À coups d’articles sulfureux,
Tu conjures tes peurs au creux
De la force qui t’illumine.

Armé de désirs vigoureux,
Tu balaies l’horizon scabreux
D’un mouvement de ta main fine.

Tu salues d’un sourire heureux
L’éclatant soleil qui dessine
La voie sereine où tu chemines.

Humanité abolie

Le soleil se dilue dans le silence humide
De la Terre endormie sur son lit de douleur,
Pendant que les dragons de l’ouragan vengeur
Plongent l’humanité dans un gouffre homicide.

Les rêveurs évadés dans leurs visions splendides,
Épargnés par la main de l’ennui fossoyeur,
S’éveillent lentement dans un matin d’horreur
Noir de corps lacérés par la griffe du vide.

L’horizon revêtu d’une grise froideur
Se déchire soudain en lambeaux précurseurs
De l’enfer assassin des consciences limpides.

Quand le ciel resplendit de narquoises lueurs,
Le monde constellé de carcasses putrides
Exhibe ses regrets que le démon lapide.

18.10.04

Sonnets nocturnes

Éveillée au cœur de la nuit,
Je cisèle mes idées noires
En écrivant la longue histoire
De mes sentiments éconduits.

Jusqu’à l’aurore, je poursuis
Les spectres de mon écritoire
Écarquillant dans ma mémoire
Des yeux d’où l’espoir s’est enfui.

Mes souvenirs contradictoires
Se mélangent sur le grimoire
De mon quotidien gris d’ennui.

Quand le soleil luit sur l’armoire
Emplie de sonnets déconstruits,
J’achève celui d’aujourd’hui.

Vers vigoureux

Enfermé jour et nuit dans son bureau ombreux,
Envahi de bouquins aux poussiéreuses pages,
L’écrivain silencieux cisèle son ouvrage
Joliment composé de poèmes nombreux.

Plutôt que de construire un foyer chaleureux,
Il écrit sans répit de sa plume sauvage
Des sonnets flamboyants qu’aussitôt il partage
Avec une poignée de poètes fiévreux.

Son stylo enchanteur orchestre son voyage
Au pays littéraire, à l’abri des nuages
Formés dans son esprit par ses doutes scabreux.

Il assemble en solo les diamants du langage,
Afin de calciner ses chagrins ténébreux
Dans le profond creuset de ses vers vigoureux.

17.10.04

Radieuses ruelles

Rendez-nous les pavés des radieuses ruelles
De l’époque bénie où la soupe aux poireaux
Diluait la vinasse avalée au bistrot
Sous l’œil encourageant de lascives gazelles.

Baladins, revenez chanter sous les tonnelles
Tendrement éclairées par les rais vespéraux
Du soleil égayant les nappes à carreaux
Étendues sur l’autel des douceurs éternelles.

Arlequins, endossez vos habits de pierrot
Pour aller fredonner aux gracieux tourtereaux
Les notes enjouées d’anciennes ritournelles.

Musiciens, entonnez d’éclatants boléros,
Afin que leurs accords, sculptés au violoncelle,
Dessinent le chemin de la gaieté nouvelle.

Chat sournois

De son pas élastique,
Mon chat sournois bondit
Dans le jardin maudit
De mes nuits narcotiques.

Son miaulement déchire
Le silence tombal
Où le maître du mal
A construit son empire.

L’immonde créature
Laisse dans mes placards
Des excréments épars
Dont l’odeur me torture.

Je tuerai ce microbe
En plongeant dans son corps
La lame de la mort,
Qui rougira sa robe.

Visage du bonheur

Sur la photo en noir et blanc,
Ton visage de porcelaine
Affiche une joie souveraine,
Imperméable aux faux-semblants.

Retranché dans l’arrière-plan
Orné d’une lune lointaine,
Le jardin planté de vieux chênes
Cèle nos souvenirs brûlants.

Les diamants de tes yeux s’égrènent
En éclats jaillis par centaines
Devant mon visage tremblant.

Ton sourire gracieux m’entraîne
Sur le chemin étincelant
De notre unisson insolent.

16.10.04

Envol radieux

En entrant dans l’appartement,
La femme découvre à la porte
Un tombereau de feuilles mortes,
Épitaphe de son amant.

Sitôt que le prince charmant
Repose en terre, elle s’exhorte
À l’oublier, mais la voix forte
Du trépassé tonne âprement.

Dès qu’elle s’est tranché l’aorte,
L’ange de l’amnésie l’emporte
Au pays des rêves cléments.

Accompagnée par une escorte
D’astres à l’éclat de diamant,
Elle s’envole au firmament.

Infirmière de nuit

Enfermée chaque nuit dans l’immense clinique
Sombrement érigée sur le grand boulevard
Où se joue sans répit le ballet des brancards,
L’infirmière maudit les débris qu’elle pique.

Afin de supporter les mourants méphitiques
Dont les râles affreux hantent ses cauchemars,
Elle avale des flots d’un vigoureux nectar,
Qui drapent sa froideur d’un masque sympathique.

Dans les chambres remplies de languides vieillards
Dont la lente agonie embrume le regard,
Elle habille leurs peurs de mensonges chimiques.

Avant de s’enfoncer dans le matin blafard,
La fille aux yeux rougis d’épuisement s’applique
À l’auto-injection d’un cocktail amnésique.

15.10.04

Visions foraines

Dans la foule agitée de la fête foraine,
Je marche en solitaire, agacée par les pleurs
D’un gamin effrayé par un géant moqueur
Au visage souillé de taches de gangrène.

Rebelle à la gaieté de la fin de semaine,
Je me laisse envahir par la sourde froideur
Du regard venimeux que me lance un tireur
Appliqué à gagner une peluche en laine.

Sur le manège en bois, des enfants batailleurs
Refont le monde au fil de galops enchanteurs,
Sous l’œil noir d’un nabot à l’énorme bedaine.

Devant l’estrade ornée de vivantes horreurs
Aux faces torturées, les rires se déchaînent
Pendant qu’épouvantée, je cours à perdre haleine.

Râle terminal

Couchée sur mon lit d’hôpital,
J’occupe mes nuits solitaires
En écoutant la pluie amère
Scander mon ennui minéral.

Quand le ronflement infernal
De mon voisin octogénaire
Lacère mes rêves polaires,
Je plonge dans l’effroi spiral.

Le souvenir de ma colère
S’éteint dès que mes somnifères
Polissent l’univers brutal.

L’infirmière au regard sévère,
Prophète de l’ange du mal,
Guette mon râle terminal.

14.10.04

Trêve estivale

Trêve estivale

Partie souffler un mois sans toi, je me régale
Au pays du soleil, où la voûte outremer
Me console aujourd’hui de tes sermons amers,
Pendant que je t’écris cette carte postale.

Donneuse patentée de leçons de morale,
Je me la coule douce en bordure de mer,
Loin de notre maison transformée en enfer
Par le fiel indécent de tes cris en rafales.

Je lave la froideur de ton masque de fer
Dans le flot de whisky, que le garçon me sert
Afin d’accompagner le concert des cigales.

Avant de retrouver tes reproches pervers,
Je profite en solo de la grâce estivale
Des fées qui me sourient dès l’aurore d’opale.