23.2.10

Pourquoi écrire ?

Pour quelle raison noircir des pages ?
Demande-t-on
À l’oiseau pourquoi il vole,
Au vent pourquoi il souffle,
À la neige pourquoi elle tombe ?

L’homme exécute
Quantité d’actes insignifiants
Chaque jour
Sans s’interroger sur leur bien-fondé.
Mais, quand il s’agit d’art,
Plus particulièrement de littérature,
Et encore plus précisément de poésie,
Il faudrait avoir un motif exprès.

Pourquoi vivre ?
Pour quoi se démener ?
Pour embellir le monde,
L’adoucir par des actions concrètes ?
Comment apporter du bonheur aux autres ?
Comment œuvrer pour la paix universelle
Et le respect de la planète
Sans prendre soin de soi-même ?

Une voie ?
Former des textes,
Au stylo, au clavier.
Donner naissance à ses rêves.
Exprimer ses démons pour les terrasser.
Épicer son quotidien
Avec des mots de feu, de jeu, de je.
Commencer par accueillir la gaieté.
Cultiver son propre jardin de joie,
Puis en savourer les fruits.
Alors, réconcilié avec l’existence,
Les partager avec ses proches,
Avec l’humanité.

Qu’importe la postérité ?
Demain l’oubli du récit.
Écrire pour égayer son chemin.
Composer aujourd’hui,
Dans la brièveté de sa vie,
Sur la portée des humains.

Dessiner des mains

Si je savais dessiner,
Je dessinerais des mains,
Des mains d’ouvrier,
Massives et franches,
Rongées par le béton,
Usées par le travail et les intempéries.

Des mains de boulanger,
Consciencieuses et précises,
Nourricières,
Pétries de traditions,
Blanches de farine,
Fleurant la gourmandise.

Des mains de pianiste,
Douces et belles,
Oiseaux poétiques
Ciselant la sonate du temps,
Invitation au voyage.

Des mains d’écrivain,
Avec un durillon sur le majeur,
Tachées d’encre,
Polies par le papier,
Repliées sur la saveur des mots,
Bâtisseuses de rêves.

Des mains d’amant,
Tendres et fébriles,
Orfèvres de caresses,
Aimants de voluptés,
Sculptrices de frissons.

Je regarde mes mains.
Elles sont vives et maigres,
Courageuses et tendres.
Elles me ressemblent.
Comme moi,
Elles ne savent pas dessiner.

Sonnet de l’autre bout du monde

Mon amie, je t’envoie de l’autre bout du monde
Ces mots sur la photo du village fleuri,
Où je tisse aujourd’hui mon bonheur à l’abri
Du foyer, où l’ennui souille chaque seconde.

Je garde en mes pensées tes douces boucles blondes,
Ton visage charmant sitôt que tu souris,
Ma joie d’ôter ta robe à motifs blancs et gris,
Le rouge du plaisir sur tes pommettes rondes.

Mais, griffé par le temps, notre amour se flétrit.
Notre complicité s’étouffe dans nos cris.
Sur nos désirs éteints, notre colère gronde.

Lorsque tu recevras ce sonnet, que j’écris
À l’encre des splendeurs dont l’univers abonde,
J’aurai déjà repris ma course vagabonde.