27.6.06

Ange de vie

Je suis le frais bouquet de lys et de jasmin,
Où loge un rossignol qui t’invite à la danse
Sur la place enflammée de tes secrets d’enfance,
Des diamants de bonheur semés sur ton chemin.

Je suis l’hymne aux accents de radieux lendemains,
Attentif à noyer le feu de tes souffrances
Sous les perles de joie de sa tendresse immense,
Un sésame d’espoir dans le creux de ta main.

Je suis le lac bleuté du regard intrépide
Qui dirige tes pas loin des forces du vide,
Vers le jardin soyeux d’un paisible avenir.

Je suis l’ange de vie, qui brûle ta tristesse
Dans le creuset ardent des insolents désirs
Nichés sous le marais de tes sourdes faiblesses.

Si vieux

Je suis si vieux, l’ami, que j’ai connu la Terre
À l’époque bénie où les maîtres des cieux
Protégeaient l’univers de l’orgueil pernicieux
Des humains acharnés à semer la misère.

Je suis si vieux, sais-tu, que j’ai vu le calvaire
De peuples décimés par des combats odieux,
Menés par des armées dont les soldats vicieux
Torturaient sans raison les prisonniers de guerre.

Je suis si vieux, crois-moi, que j’ai parlé aux dieux
Décidés à punir les mortels prétentieux
En noyant l’univers sous une pluie polaire.

Je suis calme aujourd’hui face au funeste épieu
Que l’ange du néant plonge dans mes viscères
Pour chasser le mépris de ma conscience amère.

Sulfureux vampire

Au tréfonds de la nuit, le sulfureux vampire
Joue les chances de l’homme aux cartes du hasard
En tuant les flâneurs dont le vermeil nectar
Allume des lueurs sur son masque de cire.

Sur les pas des piétons dont le sang frais l’attire,
Il distribue la mort au gré des boulevards
En volant des baisers au tranchant de poignard,
Avant de s’éloigner dans un éclat de rire.

Le monstre, sourd aux cris des humains dont le sang
Le mène sur un flot de plaisir indécent,
Transforme la cité en brûlant cimetière.

Aux portes du matin, un soleil infernal
Darde sur le charnier ses limpides lumières
Pour tenir en éveil les puissances du mal.

Ulysse désabusé

Du Bellay s’est planté sur mon fameux voyage.
J’ai voulu me casser vers d’autres horizons,
Loin de ce vieux palais où ma jolie poison
Me prenait le citron pour des enfantillages.

Circé, la magicienne à la beauté sauvage,
M’a ouvert le chemin de sa chaude toison.
Dans ses bras, j’ai perdu du temps et la raison
Pendant que mes marins voulaient plier bagage.

Après un an d’amour et de frissons au pieu,
Ponctués par deux gnards, j’ai dû vider les lieux
En noyant mon chagrin au fond de la bibine.

Au retour, j’ai subi le copieux baratin
De Pénélope en peine et de tout le gratin
Du royaume affligé de mes folies coquines.

26.6.06

Retour d’Ulysse

Tandis qu’Ulysse, armé de son fougueux courage,
Affronte des légions de pirates affreux,
Qui mènent au trépas ses amis valeureux,
Pénélope s’ennuie en tissant son ouvrage.

La reine, refusant d’admettre son veuvage,
Repousse fermement ses courtisans nombreux,
Certaine que l’étang de leurs yeux langoureux
Dissimule en son sein une ambition sauvage.

La belle déconstruit son travail chaque nuit
Afin de réserver ses faveurs à celui
Dont l’ardent souvenir hante sa solitude.

Ses rivaux terrassés, le vaillant souverain
Retrouve son palais, loin des vicissitudes
De son exil pétri d’affrontements marins.

Pénélope

Pendant que son mari affronte des sirènes
Au cours d’un long voyage aux atroces périls,
Pénélope s’acharne à arracher les fils
De son stupide ouvrage en maudissant Hélène.

D’assidus prétendants venus d’îles lointaines
Débitent pour lui plaire un incessant babil,
Inapte à effacer le héros en exil
Des rêves amoureux de la fidèle reine.

Au lieu de succomber à ces flatteurs sournois,
Elle offre son royaume au vainqueur du tournoi,
Ulysse, son époux, archer inégalable.

À la mort du vieux roi, abattu par erreur
De sa main ingénue, son fils inconsolable
Prend la veuve éplorée comme dame de cœur.

Ulysse en boule

Ma biche, j’ai ramé pour rentrer à la niche.
J’ai la gueule de bois et l’estomac en vrac.
Alors attends, poupée, pour déballer ton sac.
Va chercher à bouffer dans l’antre des boniches.

Dégage de mes pieds ton ignoble caniche,
Cet infâme bâtard, dégoulinant de trac,
Qui bouffe de la carne aux remugles de yak
Avant de dégueuler sur mes pompes fétiches.

Je vais stopper fissa le sinistre micmac
Des princes trafiqués aux allures de mac,
Qui veulent te niquer pour piquer notre artiche.

Trouve mon arc planqué dans le vieux bric-à-brac
De ce maudit palais pour que je troue les miches
Des courtisans sournois qui se croient si fortiches.

Pénélope en colère

Prends ton temps, duconno, pour rentrer à la niche.
Frime sur l’océan en jouant les cadors
Pendant que je m’emmerde à balader Médor.
Ulysse, franchement, tu me brises les miches.

Retourne chez Circé, mon ami, je m’en fiche.
Va te faire berner chez la poule aux œufs d’or,
Entourée d’une armée d’odieux princes consorts,
Des cons hypnotisés par la fée de la triche.

Comme je t’ai taxé la clé du coffre-fort,
Je t’invite à calter au pays de la mort,
Où t’attendent déjà de superbes pouliches.

Je préfère oublier tes lubies de vieux porc
Dans le plumard brûlant de l’apollon fortiche
Qui fond comme un glaçon devant mes yeux de biche.

20.6.06

Plaisirs limpides

Dans mes nuits d’insomnie, barbelées de silence,
Quand un spectre d’effroi, au poignard acéré,
Découpe notre histoire en débris éplorés,
J’enterre ma douleur sous mes désirs immenses.

Mon esprit, déchiré par ta cruelle absence,
Invente un tourbillon de rêves colorés
Où tu danses, déesse au visage adoré,
Un ballet endiablé, rayonnant d’espérance.

J’aborderai l’abîme où tu détruis ton corps,
Afin de t’arracher aux griffes de la mort,
Dissimulée au fond de ton poison perfide.

Dès demain, je noierai ton nébuleux chagrin
Dans le flot bouillonnant de nos plaisirs limpides,
Germés dans le berceau de notre amour d’airain.

Prince du macadam

Prince du macadam, à la brusque tendresse
Cachée sous ton blouson d’intrépide motard,
Tu rêves de taxer une grosse Jaguar
Pour conduire au plumard de lascives déesses.

Voyou dégingandé au jean souillé de graisse,
En voyant les poupées que lèvent des tocards
Pendant que tu t’ennuies, seul avec ton pétard,
Tu te laisses gagner par un flot de tristesse.

Justicier des cités, tu dérouilles les gars
Qui donnent tes copains à d’affreux poulagas
Pour éviter l’horreur d’un séjour en cabane.

Tyran de la banlieue au regard de bandit,
Quand un clodo bourré prend un coup de tatane,
Tu l’emmènes pioncer dans ton crasseux taudis.

J’écrirai ton empire

Comme une pluie d’été qui calmement dépose
Un voile de fraîcheur aux portes du matin,
Je viendrai effleurer tes doux cheveux châtains
D’un geste plus léger qu’un pétale de rose.

Je sculpterai ton rire.

Guidée par les échos de ta voix argentine
Répandue en milliers de refrains mélodieux,
J’embrasserai tes pleurs sur le bord de tes yeux
Afin de soulager ta mémoire chagrine.

Je noierai tes vampires.

Entraînée dans les plis du désert solitaire
De ton âme meurtrie par tes espoirs déçus,
Je draperai tes peurs dans le soyeux tissu
De ma tendresse ardente aux griffes volontaires.

J’écrirai ton empire.

Voyage céleste

J'ai voulu aller sur la lune.
La belle étoile était trop loin
Et mes petits pas minuscules.
Je me suis perdue en chemin.

J'ai rencontré une mésange,
Me suis accrochée à son cou.
Là-haut, j'ai caressé un ange,
Il m'a remerciée d'un bisou.

Je suis partie sans ma valise,
Je pensais revenir ce soir.
Une jolie fée m'a conquise,
Je me passerai de peignoir.

18.6.06

Étreintes mortes

Quand je m’envolerai loin du subtil poison
Que le fleuve des ans verse dans les mémoires
Pour éteindre le feu des serments illusoires,
À l’heure où le soupçon assombrit l’horizon ;

Quand je m’évaderai de l’amère prison
De l’ennui qui répand un flot de larmes noires
Sur le cœur des amants pour noyer leur histoire
Dans un boueux torrent de vaines trahisons ;

Quand je délacerai les invisibles chaînes
Du quotidien pétri de silencieuses peines
Qui étouffent les sens dans un puits de glaçons ;

Tu graveras mes vers au milieu de ta porte
Afin de réveiller les insolents frissons
Enterrés dans le lit de nos étreintes mortes.

Portes de l’enfer

Quand le poids des années courbera ta carcasse
Sous l’amer bruissement d’odieux papillons noirs,
Semant dans ta conscience un parfum d’ostensoir,
Sinistre messager de la vie qui s’efface ;

Quand la monotonie couvrira ton audace
D’un océan boueux qui noiera ton espoir,
Avant de te jeter, à l’approche du soir,
Dans les griffes glacées de l’amnésie vorace ;

Quand, prête à trépasser sans l’ombre d’un remords,
Rompue, tu attendras le signal de la mort,
Confidente espérée des sanglots de ton âme ;

Tu lanceras mes vers dans le ciel outremer
Où le maître du mal, enveloppé de flammes,
T’ouvrira aussitôt les portes de l’enfer.

Volutes

Je vis assis chez moi, dans un sombre quartier,
La peau grise et marbrée d’innombrables brûlures.
Les cendres de ma vie finissent dans l’évier.
J’ai toujours un mégot près de la commissure.

Comme l’envol joyeux de jeunes éperviers,
La fumée que j’inhale apaise mes blessures.
L’instant suivant, roi mat sur un triste échiquier,
Je rêve de m’enfuir par un trou de serrure.

Quand le bout de mes doigts prend la couleur du foin,
Que mon corps épuisé menace de syncope,
J’en allume encore une et la fume avec soin.

Tant pis si mes poumons font peur au stéthoscope,
Sur un nuage bleu, je partirai très loin.
Pourvu que l’au-delà autorise les clopes !

Bal des vampires

Fantômes sulfureux armés de lourdes chaînes
Dont le cliquètement forme un chant sépulcral
Clamant la cruauté des puissances du mal,
Courez au rendez-vous de la mort souveraine.

Loups-garous affamés aux canines obscènes,
Partageant les lambeaux d’un chétif animal,
Vampires élancés en costume de bal,
Dansez dans le royaume où l’enfer vous emmène.

Dans son palais illustre au parfum d’au-delà,
Prosternez vous devant le Comte Dracula,
Sous le brûlant regard de riches candélabres.

Dès la fête achevée, aux lueurs du matin,
Remisez au tombeau vos visages macabres,
Tordus par la fureur de vos odieux instincts.

11.6.06

Ville endormie

Sur la ville endormie veille une douce aurore
Qui élargit son aile et repousse la nuit.
Derrière les yeux clos se repose l’ennui.
Voyageurs impatients, les rêves s’évaporent.

Devant les rideaux noirs, le jour hésite encore
À briser le sommeil en agitant ses bruits.
Quand sonnent les réveils, le silence s’enfuit,
Dans la cité s’active une foule sonore.

Les heures du matin s’égrènent lentement,
Gorgées du souvenir des caresses d’amants.
La journée se consume en douloureuse absence.

Le soir étend sa joie dans la coupe du ciel,
Il met son voile sombre et invite à la danse
Les tendres amoureux au sourire de miel.

Le géant de pierre

Il dort paisiblement, une oreille sur le sol, le visage tiédi par le soleil, les yeux ouverts.
C’est un géant de pierre venu d’une époque lointaine, du temps des pharaons. Il connaît la sagesse et la folie des hommes et ne s’émeut pas de nos petites joies ni de nos vains combats.
Il est là jour et nuit, offert à tous les vents, dans son silence de pierre. Il sert de trophée à des touristes bruyants qui posent près de lui le temps d’une photo, sans réelle attention. Il n’est pas offusqué, il sait qu’il survivra bien après leur départ vers le pays des morts.
Dans ses rêves de pierre, il retrouve la reine qu’il a laissée jadis au pays des pyramides, car c’est un dieu sensible.
Il ne se départit pas d’une calme décence malgré les ballons, les brûlures de cigarettes, les graffitis et le vacarme ambiant. Il est accompagné de canettes vides, de mégots douteux et de papiers graisseux. Il demeure impassible, car c’est un dieu sensé.
Témoin privilégié d’un monde décadent, mélange de violence et d’une foi sincère, placé entre une église et la foule des Halles, il ne dit pas un mot, garde les lèvres closes et retient chaque image dans son âme de pierre.
Dans des milliers d’années, nous aurons disparu, mais le géant de pierre témoignera pour nous.

Une partie de la saveur du fruit

Vous serez une partie de la saveur du fruit, ce fruit gorgé de surprenante tendresse, l’humanité. Vous serez doux comme le miel des premières fleurs, comme le printemps après un hiver rigoureux, comme un sol tapissé de feuilles en automne.
Vous serez la caresse d’un ange sur un visage assombri, la légèreté du papillon sur des épaules courbées.
Vous serez la note inattendue qui enchante l’oreille, le mot tendre qui emmène au pays des rêves, l’éclat cristallin du rire revenu après les épreuves.
Vous serez la promesse d’un monde de couleurs, vous serez la joie, mais vous serez un éclat minuscule d’un kaléidoscope étincelant de sensations multiples imbriquées dans une constellation infinie de merveilles et vous serez humbles.

Au bras du jour souriant - Texte sans lettre e

Il alluma un cigarillo mais, lui trouvant un goût anormal, il n’y prit aucun plaisir. Il sursautait, tombait sans raison, soliloquant à l’infini.
Soudain, mû par la main d’un clown taquin, il voulut courir jusqu’au bout du couloir. Pour fuir un futur glacial, il marchait pas à pas, sans bruit, au hasard du plaisir d’un talon au contact du tapis. Hagard, il partait dans un tourbillon troublant, sans un mot. Il doutait du propos incongru d’un ami parti dans un pays lointain, du sort banal d’un inconnu, mort aux traits obscurs, du miroir froid, sourd, brutal.
Il voulait dormir, sortir du noir vivant. Il prit un rasoir, posa son doigt tranchant mais amical sur son cou, au fil du sort glacial, au bord d’un absolu narquois.
Un coq chanta. Oubliant la mort, au bras du jour souriant, il s’assoupit.

10.6.06

Espoirs abolis

Le souffle du passé s’empare de ton âme
En gouttes de regret qui t’éloignent de moi.
Te voici dans le fleuve aux portes de l’effroi
Dans la main du futur auréolé de flammes.

Mon cœur digne et blessé m’entraîne vers la lame
Qui me libérera des griffes de ta voix.
Comme un ancien soleil s’éteignant dans le froid,
Je fuis dans le néant les aveux que tu trames.

Écoute tes désirs, oublie tes préjugés,
Tant va la cruche à l’eau qu’elle apprend à nager,
De blessure en échec, façonne ton histoire.

Dans la lente agonie de mes espoirs flétris,
J’insuffle ma tendresse au fond de ta mémoire
Loin du désert glacé de mes sanglants débris.

Bizarreries

Boire le biberon du bébé barbotant dans l’eau du bain,
C’est bas.

Briser le bilboquet du bambin braillard,
C’est banal.

Bercer un bison blessé en bois bleu,
C’est bizarre.

Debout, au combat ! Sinon, bang ! La baffe,
C’est bête.

Bruiter la bobine d’une BO de brigands butés,
C’est bidon.

Braquer des billets de banque avec un briquet,
C’est bouffon.

Brûler des bulles de bière brune à Bordeaux,
C’est braque.

Bomber un baba au brie au bord d’un bac,
C’est barbant.

Balancer entre barbaque, black-bass et barbeau,
C’est Byzance.

Bramer le blues du bar Bloody Mary,
C’est le bourdon du bourbon.

À bas demain matin

Les barges bâtissent des banlieues bariolées
Le Basque barjo batifole
Le baobab bascule dans le bateau
Le barbu barbote des bananes
La baleine baguenaude dans la baignoire
Le baryton baragouine au baptême
Le badge balance les bavards
La barboteuse bave sur le bar
Le badaud bâille au balcon
Le barde barbe les barbares
Le balèze bâillonne le bagagiste
La baraka se barre aux Bahamas.

Mes balivernes bassinent les barbons
Ma ballade balbutie son baratin
À bas demain matin.

Repas de crocodile

Le crocodile s’écroule affamé
Son cousin l’alligator escroc l’adore
Et l’invite à casser la croûte.

Ils croquent un crotale cru
Des crocus à la croque-au-sel
Des croûtons garnis de croupions
Un croque-mort joueur de croquet
La croupe d’un cheval crotté
Un crooner croustillant
Un crossman accroupi
Des croisiéristes fourrés aux croissants
Deux croyants croates
La croix et la crosse d’un évêque.

Au jugement dernier les larmes de crocodile
Sauveront les gloutons des crocs de l’enfer.

3.6.06

L’homme descend du songe

Sur un nuage blanc, l’homme descend du songe,
Drapé dans un lambeau de rêve incandescent,
Qui déchire la nuit d’un éclair rouge sang
Afin de proclamer le règne du mensonge.

Au fil des trahisons, le nez humain s’allonge
Jusqu’à se transformer en poignard frémissant,
Si bien que s’embrasser devient un jeu blessant
Où les amants douillets jettent vite l’éponge.

Pour sceller le trépas des ébats dangereux,
De vieux politiciens au cerveau poussiéreux
Instaurent la télé et ses navrants programmes.

Les humains, écœurés par la stupidité
De l’écran qui répand ses litanies infâmes,
Regrettent leurs baisers au goût de vérité.

Complainte du bœuf

Je suis le très herbeux, le castré du Poitou.
Avant de trépasser, je me remplis la panse
Pour donner aux gourmands des quatre coins de France
L’envie de me plonger dans un brûlant faitout.

Aussi inoffensif qu’un élégant matou,
Je prie qu’un éleveur me donne un pré immense
Au lieu de m’envoyer finir mon existence
Dans une assiette ornée de moelleux mange-tout.

Je rumine ma peine au fond de mon étable
En rêvant qu’un fermier, devenu charitable,
Me délivre soudain de mon cruel destin.

En prévision du jour où une main cupide
Me tranchera en steaks, je mange du crottin
Pour gâcher vos repas de mon odeur putride.

Débordements

Il lance un coup de poing et des mots inconnus,
Puis se met à casser la table et à genoux
Et prend son parapluie, ses jambes à son cou,
Le regard lourd de pleurs et de sous-entendus.

Le trottoir noir de monde et de poisseux cafard
S’accorde à son humeur au bord de l’imparfait.
Attiré par l’espoir et le café au lait,
Il pousse un cri de joie et la porte du bar.

Il tire un tabouret, des plans sur la comète,
Pose ses vêtements, des questions indiscrètes
Au patron qui attend sa femme et de fermer.

Ivre de désespoir et de vin bon marché,
Il oublie de régler l’addition et sa montre
Et sourit au futur, aux filles de rencontre.

Bagage improvisé

Dans mon bagage improvisé,
Je mets un éclat d’arc-en-ciel,
Le vol joyeux des hirondelles,
Le doux parfum des alizés.

Ma valise tient dans la main,
Je viens te chercher ce matin
Avec un bouquet de bonheur
Poussé dans le fond de mon cœur.

Au pays où plus rien ne presse,
Nous vivrons d’amour et de rire
Au rythme de notre plaisir,
À l’unisson de nos caresses.

2.6.06

Pluie harmonieuse

En carillon de joie, des gouttes cristallines
Déversent sur le sol un voile de fraîcheur,
Des diamants frémissants qui caressent les fleurs
Avant de s’écouler en aimables ravines.

Un tiède concerto se joue dans la bassine
Qui lape avidement les bulles de douceur
Offertes par le ciel pour laver notre cœur
Et chasser de nos yeux des images chagrines.

Un parfum vaporeux embaume le terroir,
La vigne se rengorge, arbore ses grains noirs,
La campagne promet des moissons abondantes.

Le murmure soyeux de la pluie s’affaiblit,
La terre s’assoupit, rassasiée et contente,
Le village s’endort, le labeur accompli.

Chat citadin

La vie d’un chat en ville est une vraie torture.
Au lieu de gambader dans la verte nature,
De rêver au jardin, d’effrayer les souris,
Je passe mes journées enfermé à Paris.
Ma maîtresse prépare une bonne cuisine,
Je choisis le menu, du bœuf ou des sardines.
Comme elle est solitaire, elle exige en retour
Ma tendresse éternelle et des preuves d’amour.
Je ne supporte pas les gens de sa famille,
Quand ils viennent dîner, je fuis comme une anguille.

Crocodile malheureux

Je nageais dans mon coin, mangeais des pèlerins,
J’avais une compagne et très peu de chagrin.
Je régnais sur le Nil, j’effrayais les touristes,
J’en croquais quelques-uns, les méchants et les tristes.
J’invitais mon cousin, féroce caïman.
Au fil de la journée, nous dévorions gaiement
Des poissons, des oiseaux, de tendres antilopes.
Vous les avez tués, exportés en Europe.
Devenus cuir luxueux, ils feront de beaux sacs.
Je reste seul ici avec mon cœur en vrac.

Crocodile

Et Dieu chassa Adam à coups de crocodile
Et ce fut le premier sac à main sur la terre

Et Ève suppliait Adam de lui offrir
Un sac à main en peau
Pas un sac en plastique
Dieu pour punir la coquette
A missionné les anges
Mais Ève s’obstinait à faire des emplettes
Adam tenait serrés les cordons de la bourse
Et ce fut le début
Des larmes de crocodile.

1.6.06

Vassal de l’enfer

Le fantôme tapi à l’angle du couloir
Combat avec mon chat contre mes plantes vertes
Qui meurent étranglées par ses chaînes expertes
Dont le froid cliquetis résonne dans le soir.

Adroitement caché au fond de mon miroir,
Mon hôte venimeux, acharné à ma perte,
Transforme mon sourire en expression inerte
Sur un visage austère au tranchant de rasoir.

Le torrent bouillonnant de menaces disertes
Du vassal de l’enfer s’écoule en flots alertes
Qui plongent ma gaieté dans un abîme noir.

Le spectre malveillant lèche mes plaies ouvertes
Avant de me passer au sanglant laminoir
De l’ennui éternel, où s’éteint mon espoir.

Métamorphose stellaire

À l'instant redouté de sa métamorphose,
Une étoile inconnue au halo de satin
Déverse un flot brûlant de poussière d'étain
Qui façonne une housse enveloppant les choses.

Exaltée par l'éclat de l'astre qui explose,
Je quitte les replis de mon rêve indistinct
Pour sombrer sur la rive où le fantôme hautain
De mes espoirs déçus m'offre de fausses roses.

Le rire sépulcral des maîtres du destin
Résonne dans mon âme à l'heure où le matin
Illumine la voie de l'avenir morose.

Quand un rayon ardent enflamme le lointain,
J'étouffe un cri d'effroi dont les échos composent
Un voile nébuleux où dansent mes névroses.

Cris torrentiels

Ouvre ton cœur fourbu à la saine colère,
Gorgée d’un bataillon de jurons virulents,
Qui couvrira l’ennui de ton présent dolent
D’un bouillonnant torrent de haine tutélaire.

Dans le silence amer de ta vie solitaire,
Creuse un immense puits de mépris insolent,
Où tu engloutiras les mensonges cinglants
Dont les poignards obscurs, sans répit, te lacèrent.

Laisse-toi envahir par les âpres frissons
De la rage polaire afin que ses glaçons
Cristallisent tes pleurs en implacables lames.

Calcine le bouquet de sourires de miel,
Dont le perfide espoir empoisonne ton âme,
Dans le furieux creuset de tes cris torrentiels.

Avenir inventé

Un voile de regret obscurcit son regard,
Il garde au fond du cœur, tranchant comme une lame,
Un sentiment brûlant qui tourmente son âme,
Désir inassouvi entaché de départs.

Il promène sa peine en marchant au hasard
Dans les jardins déserts et les rues de Paname.
Le sifflement d’un train, le rire d’une femme,
Déchirent son espoir comme un secret poignard.

Dans ses sombres pensées, cet homme solitaire
S’enterre lentement, figé sur son mystère,
Au lieu d’abandonner ses tremblants souvenirs.

Il vit à la lueur d’une illusion étrange,
S’ennuie dans le présent, s’invente un avenir,
Efface du passé les mots qui le dérangent.