31.12.04

Fumeux château

Lassée de supporter le vilain zigoto
Dont les cris incessants plombent son atmosphère,
La poupée, animée d’une froide colère,
Lui refait le portrait en dix coups de couteau.

La gazelle affolée se débine presto
En bousculant un flic à la tronche sévère,
Pendant que le loustic, écroulé face à terre,
Exhorte le secours de ses instincts vitaux.

La souris, délivrée de l’arsouille vulgaire,
S’efforce de noyer ses remords dans les verres
Qu’elle écluse sous l’œil de ténébreux costauds.

Au hasard des bas-fonds de villes étrangères,
Elle éteint son passé dans de ruineux cristaux,
Létales fondations de son fumeux château.

Tendresse défunte

Devant les paquets éventrés,
Emplis de nos incohérences,
J’écoute fondre le silence
En reproches exaspérés.

La nuit s’acharne à déchirer
En regrets notre connivence
Qu’un soleil lourd d’indifférence
Viendra bientôt incinérer.

Au creux de notre intolérance,
Fleurissent les chardons immenses
De nos avenirs séparés.

L’aube condamne par avance
Notre tendresse à s’enterrer
Dans nos souvenirs délabrés.

30.12.04

Rossignol enchanteur

Le vieux dépenaillé, voûté par la tristesse,
Assiste en tremblotant au ballet des canards
Sur le lac constellé d’immenses nénuphars
Qu’un aimable zéphyr berce de ses caresses.

Dans le silence amer des regrets qui l’oppressent,
S’éteignent les échos de ses rêves épars,
Tandis qu’il dépérit derrière le rempart
De son regard glacé, dépourvu de tendresse.

Dès que des garnements se ruent de toute part
En brisant son repos de leurs rires braillards,
Il les repousse à coups de canne vengeresse.

Aussitôt que surgit un rossignol bavard,
Le vieillard, que ravit sa voix enchanteresse,
Sent fleurir en son cœur un bouquet de promesses.

Balance hostile

Le froid cadran de la balance
Dresse son piège silencieux,
Prompt à mener les cœurs radieux
En lisière de la démence.

Drapé dans une intransigeance
Nourrie de ses chiffres vicieux,
L’instrument convie les curieux
À goûter sa franchise immense.

Il sanctionne les orgueilleux
En dardant les témoins odieux
De leur sournoise décadence.

Il ternit les esprits joyeux
Par sa quotidienne insolence,
Chantre de privations intenses.

29.12.04

Pâté de volaille

Dans l’herbe rabougrie de son enclos crotté,
Un canard que les cris des volailles chagrine,
Se jette sur une oie dont les plumes d’hermine
Volent en une gerbe aux tons ensanglantés.

Dès que la basse-cour se vêt d’obscurité,
Débouche bruyamment de la forêt voisine
Une meute de loups à la gueule assassine,
Attirée par l’odeur du corps déchiqueté.

Un paysan rougeaud jaillit de la cuisine
En tirant au hasard des coups de carabine,
Si bien que les intrus s’enfuient, épouvantés.

Tandis que le soleil au zénith s’achemine,
Le couple de fermiers s’apprête à déguster
Les restes du carnage assemblés en pâté.

Chorale funeste

Exaspérée par les canards
Du ténor à la voix nasale,
La soprano se fait la malle
Loin de cet atroce chambard.

Dans un déferlement criard
D’accords dissonants qui régalent
Les fidèles de la chorale,
S’ourdit un sanglant cauchemar.

Avant que l’aurore d’opale
N’efface la nuit intégrale,
L’orgueil étouffe le braillard.

Tandis que l’horizon blafard
Endosse une robe estivale,
Résonne le chant des cigales.

28.12.04

Destins de basse-cour

Parmi la basse-cour, s’avance le renard,
Prédateur animé d’une morbide audace,
Habile à égorger de sa gueule vorace
Les poulets imprudents qui flânent au hasard.

Sous les yeux effarés d’un magnifique jars,
Le venimeux intrus assassine une oie grasse,
Avant d’abandonner sa sanglante carcasse
Aux mouches attirées par ses boyaux épars.

Quand surgit une armée de corbeaux qui croassent
Leur funeste appétit de résidus de chasse,
Les rescapés tremblants s’enfuient de toute part.

Loin de cette tuerie, dans l’herbe, se prélasse
Un joyeux escadron de canetons braillards
Qui finiront bientôt en magret de canard.

Chardons ténébreux

Dans la ville endormie se trame
Un écheveau ensanglanté
De ténébreuses voluptés
Promptes à envoûter les âmes.

Au tréfonds de la nuit, des femmes
Dansent un ballet exalté,
Empreint de la perversité
Du démon en habit de flammes.

Armés de regards veloutés,
Des travestis aux bras bleutés
Mangent le pain amer des dames.

Aux confins de l’obscurité
Tapissée de désirs infâmes,
Poussent les chardons d’affreux drames.

27.12.04

Vieil aveugle

Vêtu d’un pyjama qui fleure la charogne,
Le fossile, plongé dans l’épaisse noirceur
De la nuit barbelée de fantômes rageurs,
Sent sourdre en son esprit une indicible rogne.

À jamais insensible au ballet des cigognes
Promptes à célébrer de lointaines splendeurs,
L’aveugle rabougri, étouffé de rancœur,
Rumine dans son lit de débris sans vergogne.

Le solitaire ombreux se cloître dans l’aigreur
De sa chambre étriquée, dépourvue de couleurs,
Au lieu de s’en remettre à sa cagne qui grogne.

Empêtré dans les rets de ses noires douleurs,
Le vieillard dépérit, tandis que son cœur cogne
La complainte glacée des vies qui se renfrognent.

Dimanche sanglant

Dans la tristesse d’un dimanche
Bardé de sombres promeneurs
J’égorge des filles en fleurs,
Charmantes dans leur robe blanche.

Au cœur de la ville, j’épanche
L’aigre torrent de ma fureur
En plongeant mon couteau rageur
Dans des entrailles de pervenches.

Lassée des ordres du Seigneur,
J’étripe des enfants de chœur
En une hérétique revanche.

J’étrangle de jeunes rôdeurs
Dont les gémissements déclenchent
Dans mon cœur une gaieté franche.

26.12.04

Bille de flipper

Sur le plateau brillant, la bille de flipper,
Embarquée malgré elle au fil d’un bref voyage
Conduit par un voyou au regard de sauvage,
Se heurte aux champignons dans un boucan d’enfer.

Tandis que ses consœurs, reines du tapis vert,
Évoluent joliment sans faire de tapage,
La boule se démène entre les deux étages
Du monstre flamboyant au squelette de fer.

La belle aventurière emprunte avec courage
Des couloirs étriqués dont elle se dégage
Sitôt qu’elle aperçoit leurs entonnoirs pervers.

Les cibles colorées tombent sur son passage,
Dans un déferlement de fulgurants éclairs,
Jusqu’à sa chute au fond d’un abîme désert.

Réveillon sanglant

Devant ma boîte de sardines
Qu’accompagne un fade bouillon,
Je passe un odieux réveillon
Qui nourrit ma fièvre assassine.

Dès qu’un nain à la grise mine,
Affublé de puants haillons,
Pénètre dans mon pavillon,
Je l’accueille à la chevrotine.

Quand un cador du goupillon
Vient m’inonder de postillons,
Je le découpe à l’égoïne.

J’étouffe avec ses papillons
La pervenche dont j’abomine
La cruauté de guillotine.

25.12.04

Îlot des voluptés

Notre unisson fleurit sur l’îlot enchanté,
Peuplé d’arbres géants dont les branches balancent
Leur feuillage d’argent vers l’horizon où dansent
De fringants cormorans qui clament ta beauté.

Quand les vents alizés viennent interpréter
Un vibrant concerto débordant d’espérance
Sur la plage égayée par notre connivence,
Notre amour s’épanouit en gestes veloutés.

Sous un soleil gorgé d’une tendresse immense,
Le paisible océan clapote sa romance,
Afin d’accompagner notre complicité.

Tandis qu’au firmament, les étoiles s’élancent
En un faisceau ardent pétri de pureté,
Notre plaisir rayonne en frissons exaltés.

Aveugle amer

J’abhorre la froide splendeur
De la ténébreuse nature
Où mes yeux aveugles endurent
Le concerto de la noirceur.

Je hais les jardins dont les fleurs
Lancent des fragrances obscures
Que revêtent les créatures
Avant de me briser le cœur.

Je déteste les villes dures,
Bardées d’insolentes voitures
Qui me plongent dans la terreur.

J’exècre la littérature
Qui procure à ses amateurs
Des joies attisant ma rancœur.

24.12.04

Amères discordances

Devant la cheminée, s’alignent nos souliers
Griffés par les chardons de la désespérance,
Germés dans le marais d’une année de silence,
Qu’achève ce dîner lourd de regards d’acier.

Notre ardente harmonie finit de s’asphyxier
Dans la nuit envahie de fantômes qui dansent
Sur le foyer où meurt l’écho des confidences
De notre amour au temps des frissons printaniers.

Dans l’aurore glacée, s’évanouissent nos chances
D’effacer nos chagrins dont l’écheveau immense
Se dévide aujourd’hui en souvenirs souillés.

Au matin précurseur d’amères discordances,
L’étau de nos rancœurs s’évertue à broyer
Les ténébreux désirs de nos corps mortifiés.

Navire échoué

Caché au tréfonds du silence
Où règne un éternel hiver
Que baigne une impassible mer,
Rouille un navire aux plaies immenses.

Quand des aventuriers s’élancent
À l’assaut de son corps désert,
Il oppose un masque de fer
À leur cupide turbulence.

Vestige de grandeur offert
Aux morsures du temps pervers,
Il suinte la désespérance.

Il conserve en ses flancs amers
Des pierreries dont l’opulence
Exacerbe sa déchéance.

23.12.04

Messie vengeur

Tandis que les croyants se serrent dans l’église
Que décembre revêt d’une austère froideur,
Pétrifié sur sa croix, le Fils du Créateur
Écoute le curé ânonner des sottises.

Lassé par les bigots à la conscience grise,
Dont les voix éraillées exaltent ses douleurs,
Le Christ ensanglanté supplie l’enfant de chœur
D’imposer le silence, avant qu’il n’agonise.

Le garnement, rebelle aux ordres du Seigneur,
Entraîne l’assemblée dans un hymne rageur,
Affreusement truffé de notes imprécises.

Le Messie ulcéré condamne le farceur
À rejoindre bientôt les rangs de la prêtrise,
Zélée à museler les âmes insoumises.

Grisaille aigre

Sitôt que le réveil entonne
Le concerto de la fadeur,
Je me lève dans la froideur
De l’aurore, où mon corps frissonne.

À la table où le téléphone
Affiche un silence boudeur,
Je drape ma mauvaise humeur
Des rayons d’un soleil atone.

Le clavier de l’ordinateur,
Que martèlent mes doigts trembleurs,
Émet sa plainte monotone.

Devant la télé en couleur,
En solitaire, je marmonne
Contre l’ennui qui m’emprisonne.

Silence versatile

Désir à fleur d’œil
Dans le silence complice.

Rires mêlés
En sonate limpide
À l’orée des caresses.

Froissement furtif
Des peaux électriques
Dans la pudeur des draps.

Le matin avorte l’étreinte.
Déception coutumière.

Exil glacé
Dans le silence opaque.

22.12.04

Messie en herbe

Rebelle à la gaieté des croyants exaltés
Par les hymnes qu’entonne un groupe de profanes
Érigés pour Noël en brillants mélomanes,
Jésus, dans son berceau, s’agite, épouvanté.

Tandis que l’assemblée s’évertue à chanter
Au gré des injonctions de son chef en soutane,
Le bambin, étendu entre le bœuf et l’âne,
Hurle pour que Marie vienne le dorloter.

Pendant qu’un chapelet d’adolescents ricane
Derrière un banc fleuri de pieuses paysannes,
Dieu insuffle sa force au gosse emmailloté.

La messe terminée, les hommes se pavanent
Sur l’autel insolent de leur inanité
Que le Christ essaiera bientôt de racheter.

Bonheur ibérique

Pendant que ma dame de pique,
Armée de sa mauvaise humeur,
Déchire notre ardent bonheur,
Je fuis vers un pays magique.

Loin de sa colère chronique,
Nourrie de futiles rancœurs,
Je me love dans la chaleur
De la péninsule ibérique.

J’étouffe mes vaines douleurs
Dans les flamencos enchanteurs
Que dansent des fées magnifiques.

Tandis qu’un soleil rédempteur
Brûle notre union chimérique,
S’ouvre un horizon fantastique.

Rouille ordinaire

Rêve tremblant
Que déchire le réveil.

Le silence gris
Du matin mort-né
Habille les incertitudes.

Corps étouffé
De gestes automatiques.

Badge comptable
Du temps fade.

Sourire factice
Noyé dans l’amertume
Du café froid.

La pendule égrène les heures vides.

Indifférence mutuelle
Des chemins qui se séparent.

La clé grinçante
Ouvre la porte de l’ennui.

Crépitement des micro-ondes
Sur la solitude du soir.

La nuit berce la peur
Jusqu’au sang.

21.12.04

Espagne radieuse

Je m’envole aujourd’hui loin du ciel assombri
De la France glacée dont l’austère campagne
Se mesure en ennui aux hostiles montagnes
Où le silence épais étouffe les esprits.

Je quitte ma cité bardée d’immeubles gris
Dont la laideur exhale un remugle de bagne,
Afin de m’exiler au pays de cocagne,
Où la joie irradie les villages fleuris.

Dans le berceau douillet de la radieuse Espagne
Où le soleil rieur, dès l’aube, m’accompagne,
S’apaisent les douleurs de mon cœur en débris.

La limpide splendeur de ses décors me gagne,
Tandis que la gaieté de son peuple nourrit
Mon désir qui renaît sous mes rêves flétris.

Tombeau de gel

Sitôt que le père Noël
Descendra de son blanc nuage,
J’abandonnerai mon ouvrage
Lourd d’un chagrin sempiternel.

Lorsque son traîneau immortel
Abordera à mon village,
Je fuirai ma vie de naufrages
Pour son univers irréel.

Quand ce prodigieux personnage
Entrera dans mon cœur sauvage,
S’éteindront mes doutes cruels.

Je le suivrai dans son voyage
Jusqu’au néant dont le scalpel
Creusera mon tombeau de gel.

Néant impassible

Les mots glissent sur la feuille,
Comme un vent d’automne
Emportant les écoliers
Sur le chemin des rédactions.

Les phrases meurent
Dans le silence
Hivernal
De l’ennui.

Le poète se fane
En vers vides.
Le temps s’écoule
Le long du canal
Du chagrin.
La nuit emporte
Les larmes
Dans le puits
Du néant impassible.

20.12.04

Passion rédemptrice

Que m’importe aujourd’hui les chardons ténébreux,
Germés dans les secrets de ma première enfance,
Avant de s’épanouir en bouquet de démences
Ornant les insomnies de mon esprit ombreux !

Que m’importe à présent les nuages nombreux,
Empressés de masquer le soleil qui s’élance
Dans un matin souillé par la désespérance
De mon âme encombrée de fantômes affreux !

Au lieu de m’abîmer dans un puits de souffrance,
Je souris à la fée qui conduit notre danse
Au rythme échevelé de nos cœurs amoureux.

Son regard resplendit de désirs qui compensent
Mes obsessions nourries de mélanges poudreux,
Tandis que je renais dans ses bras chaleureux.

Essor funèbre

Tandis que l’ange de la mort
Assouvit sa haine fiévreuse
En éteignant des vies heureuses,
Je le prie d’emporter mon corps.

Cependant que la ville dort
Au cœur d’une nuit ennuyeuse,
J’écoute l’horloge qui creuse
Les traits de mes démons retors.

Mue par ma plume vigoureuse,
J’écris l’oraison orgueilleuse
D’une poète aux sonnets d’or.

Aux portes de l’aube cireuse,
Dans un inexorable essor,
Je me délivre de mon sort.

Vie substantielle

Pour faire une vie acceptable,
Étendez un lit de paresse,
Parsemez de rires fugaces,
Arrosez de désirs secrets,
Laissez reposer l’appareil.

Faites cuire à feu modéré,
Découpez en rondelles fines,
Disposez sur un plat d’argent,
Saupoudrez d’épices variées,
Nappez de voluptés futiles.

Savourez d’une bouche experte.
Demain, la viande sera froide.

19.12.04

Belle ténébreuse

Quand la ville s’éteint dans le berceau du soir,
La belle ténébreuse, en solitaire, arpente
Les quartiers silencieux où sa grâce insolente
Exalte la fureur des reines du trottoir.

Sur la place déserte où s’acharne à pleuvoir
Une averse glacée dont les gouttes luisantes
Forment en son esprit une antienne démente,
La fille sent monter l’odeur du désespoir.

Dès qu’un puant ivrogne aux prunelles brillantes
Effleure son poignet d’une main suppliante,
Elle abat le gêneur en deux coups de rasoir.

Sitôt que le soleil darde une gerbe ardente
De rayons pourfendeurs de ses délires noirs,
La rebelle s’endort sur le bord d’un comptoir.

Vers souverains

Quand l’ennui se déverse en heures de silence,
Quand le doute construit un lacis de démence,
Quand la nuit se dissout en perles de chagrin,
Je compose en solo des poèmes empreints
De ma désespérance.

Quand le matin dilue mes fiers alexandrins,
Quand mes amis conspuent ma conscience d’airain,
Quand le soleil cruel brûle mes confidences,
J’étouffe les échos de mes noires souffrances
Dans mes vers souverains.

Pipe d’un poète

Collée aux lèvres d’un poète,
J’enfume ses sonnets radieux
De mes effluves délicieux,
Chantres d’une ivresse discrète.

Sitôt que le sommeil le guette,
J’exhale un nuage gracieux
Qui drape le matin crayeux
D’orbes en costume de fête.

J’étouffe ses doutes odieux
En improvisant sous ses yeux
Un ballet d’images muettes.

Je déploie des rubans soyeux
Sur sa page pour qu’il revête
De douceur ses rimes parfaites.

18.12.04

Passion naufragée

Embarquée malgré moi pour un dernier voyage
Au pays ténébreux des rêves déchirés,
Je regarde aujourd’hui notre bateau sombrer
Dans l’océan bourbeux de tes accès de rage.

Accrochée au récif de nos libertinages,
Où mon désir s’écorche à tes yeux acérés,
Je dilue mon chagrin dans un flot mordoré
De whisky rescapé de nos fêtes sauvages.

L’ouragan de tes cris s’acharne à lacérer
Le souvenir radieux de nos corps empourprés,
Tandis que ton regard me glace le visage.

Sitôt que ma raison commence à chavirer,
Je quitte notre îlot ruiné par tes orages,
En m’agrippant au cou d’un oiseau de passage.

Château de l’espérance

À l’opposé des défaillances,
Zélées à obscurcir les yeux,
Se dessine un château précieux,
Bâti en pierre d’espérance.

Sur les vestiges du silence,
Poussent les germes merveilleux
D’un monde où les esprits pluvieux
S’ouvrent aux joies de l’innocence.

Sous un déferlement radieux
De pressentiments délicieux,
S’éteignent les vaines souffrances.

Aux portes du bonheur soyeux,
Meurt la fleur de l’indifférence,
Sitôt que le soleil s’élance.

17.12.04

Noël mortel

Cependant que la neige étend son aile immense
Sur la ville enflammée par les joies de Noël,
La poupée s’inocule un élixir mortel,
Inapte à effacer ses sanglantes démences.

Tandis que les bourgeois se remplissent la panse
Afin de conjurer leur ennui éternel,
La fille s’évanouit dans un monde irréel,
Barbelé des chardons de sa désespérance.

Rebelle aux litanies qu’entonne le cheptel
Des bigots asservis à leur triste missel,
Elle aborde en solo au pays du silence.

Sur le lit étriqué d’une chambre d’hôtel,
Où la cloue son dégoût des fêtes qui commencent,
Elle éteint le futur de sa sombre existence.

Dernier soleil

Sitôt qu’atterrit sur la piste
Un homme en son simple appareil,
Éteint dans un dernier soleil,
L’angoisse saisit les artistes.

Cependant que le trapéziste,
Mû par un effroi sans pareil,
S’évanouit dans le sang vermeil,
Se lève un médecin légiste.

Au lieu d’écouter ses conseils,
Le clown, dans un demi-sommeil,
Se répand en grimaces tristes.

Quand le mort remue les orteils,
Un timide séminariste
Chante une prière optimiste.

16.12.04

Poulet aigre

La cervelle embrouillée par la bière trappiste
Qui ponctue ses virées dans la fange des bars,
Le condé se réjouit de flanquer au placard
Les loustics turbulents qui jouent les terroristes.

Lassé de cuisiner un gosse qui persiste
À taire ses méfaits de prince du poignard,
Le poulet se console en serrant des zonards
Occupés à latter un frêle guitariste.

Son service achevé, muni de son pétard,
Il traîne sa rancœur au gré des boulevards,
En rêvant qu’un voyou l’attaque à l’improviste.

Collé à sa poupée, il mate un vieux polar
Dont le scénar plus froid qu’un médecin légiste
Exalte son orgueil de flicard moraliste.

Guitare muette

Afin de clore la bagarre,
J’oppose un silence boudeur
À ton effroyable fureur
Émaillée de jurons barbares.

Étendue contre ta guitare
Drapée d’une muette aigreur,
J’écoute jouer dans mon cœur
L’air des amants qui se séparent.

Tu engloutis notre bonheur
Au fond de ton regard vengeur
Dont la froideur me désempare.

Pendant que se fanent les fleurs
De notre communion bizarre,
Tu t’achemines vers la gare.

15.12.04

Paysage flamboyant

La planète endormie dans un lit de douleur,
Où le temps se dévide en années de tristesse,
Se revêt brusquement d’un voile de tendresse
Constellé de motifs aux radieuses couleurs.

Sur ce manteau tournoient des oiseaux voyageurs
Qui pépient de concert un air dont l’allégresse
Imprègne les esprits pour que l’espoir renaisse
Sous le dédale ombreux de leurs vaines frayeurs.

Sitôt que le soleil de l’aurore s’empresse
De darder sur le monde un faisceau de promesses,
L’humanité sourit à ses tièdes lueurs.

Tandis qu’à l’horizon, soudainement, se dresse
Un brûlant arc-en-ciel aux reflets enchanteurs,
Une joie insolente illumine les cœurs.

Jouet cassé

Exaspérée par la gazelle
Qui souille nos tendres plaisirs
En s’acharnant à me trahir,
J’ourdis une peine cruelle.

Pendant que ma fée infidèle
Assouvit ses honteux désirs,
Je décide de la punir
En lui arrachant la cervelle.

Dans mes nuits froides à mourir,
Je rêve de l’ensevelir
Sous un lit de neige éternelle.

Lassée de l’entendre mentir,
J’attache sa carcasse frêle
Sur un roc où je l’écartèle.

14.12.04

Plage de l’espoir

Sous le ciel tapissé d’immobiles nuages,
D’où le soleil s’enfuit pour la rive du soir,
Je sens sourdre en mon âme une bouffée d’espoir
En me remémorant nos marches sur la plage.

Sitôt que la chanson d’un oiseau de passage
Effrite les derniers de mes papillons noirs,
Je souris à la mer qui m’invite à m’asseoir
Afin que ses embruns caressent mon visage.

Insensible au crachin qui commence à pleuvoir,
Je scrute l’horizon où je crois percevoir
Un voilier malmené par un violent tangage.

Quand un faisceau d’éclairs au brillant d’ostensoir
Calcine brusquement ce sinistre présage,
Je me laisse envahir par une joie sauvage.

Cirque funeste

En lisière du boulevard
Où les immeubles séculaires
Étendent leur grisaille austère,
Le cirque trame un cauchemar.

Devant son complice blafard,
Le magicien se désespère,
Cloîtré dans la boîte de verre,
Où l’étrangle un nœud de foulard.

Rebelle à son dresseur sévère,
Une vigoureuse panthère
Dévore un jeune léopard.

Sitôt que le jongleur s’enferre
En trébuchant sur un poignard,
La foule s’enfuit au hasard.

13.12.04

Noël funeste

Cependant que Noël étend ses feux splendides
Sur la ville endormie dans un lit de bonheur,
Je dérive en solo, au gré de mes frayeurs
Qu’exaltent des voyous aux railleries acides.

Dans la nuit silencieuse où le temps se dévide
En perles d’espérance offertes aux flâneurs,
Je dilue mon ennui dans un flot de liqueur,
Accoudée au comptoir d’un cabaret sordide.

Aussitôt que l’alcool essaime dans mon cœur
Un chapelet brûlant de rires enchanteurs,
Je souris au déclin de mes doutes morbides.

Quand l’aurore déploie ses premières lueurs
Aux portes barbelées d’un matin insipide,
Je me laisse égorger par la griffe du vide.

Vide éternel

Lassé des sinistres mortels
Dont les interminables guerres
Entachent ses glorieux mystères,
Dieu punit leur monde cruel.

Tandis que les cœurs criminels,
Sourds à sa céleste colère,
Épanchent leur haine ordinaire,
Il carbonise les missels.

Rebelle aux prières amères
Des bigots qui le désespèrent,
Il dresse un sanguinaire autel.

Sous la volupté éphémère
Des festivités de Noël,
Il trame le vide éternel.

12.12.04

Noël joyeux

Cependant que décembre enveloppe la ville
D’une neige grisâtre, inapte à racheter
Les consciences pétries de noires lâchetés,
La foule se répand en rires volubiles.

Tandis que les bouquets de guirlandes profilent
Des grappes de gamins au regard enchanté,
Le sombre bataillon des clochards édentés
Perpétue son ballet de tremblements fébriles.

Dès qu’un pâle soleil éveille la cité,
Les hommes sacrifient leurs rêves exaltés
Sur l’autel indécent des voluptés futiles.

Insensible au tocsin qui s’active à chanter
La symphonie glacée des années qui défilent,
Noël joyeux fleurit les douillets domiciles.

Prince du réseau

Devant le regard impudique
De sa caméra hors de prix,
Le prince du réseau sourit
Aux fées de ses nuits magnétiques.

Il conduit les dames de pique
Au pays des rêves fleuris,
En déversant dans leur esprit
Un flot d’images fantastiques.

Au creux du silence, il écrit
Des chapelets de vers pétris
De symboles informatiques.

Dès que l’horizon s’assombrit,
Il plonge dans l’antre magique
Des voluptés cybernétiques.

11.12.04

Vieillard chagrin

L’œil collé au carreau de la sombre cuisine
Où personne ne vient partager ses douleurs,
Le vieillard se dessèche au fil de ses rancœurs
Germées dans le marais d’une austère routine.

Loin du charivari de la foule, il rumine
Les souvenirs flétris qui lui rongent le cœur,
Tandis que la pendule accuse la lenteur
Des journées où l’ennui pèse sur sa poitrine.

Au lieu de se répandre en océan de pleurs,
Il enferme en son être une froide terreur
Nourrie des obsessions de son âme chagrine.

Quand le soleil éteint ses dernières lueurs,
Le débris solitaire, en geignant, s’achemine
Vers sa chambre étriquée où la mort se dessine.

Hospice mortel

Lassés de ses constants caprices
Aiguillonnés par le pinard,
Les petits-enfants du vieillard,
L’emmènent pourrir à l’hospice.

Tandis que l’aigre directrice
Conduit le débris pleurnichard
À son lit grouillant de cafards,
Le feu envahit l’édifice.

Quand surgissent de toute part
Des pompiers munis de brancards,
Le fossile file à l’office.

Il s’étouffe dans un placard
Où les remugles de sa pisse
Gâtent le fumet des saucisses.

10.12.04

Chat noir

Dans mon esprit se vautre un superbe chat noir,
Impassible témoin de mes rêves fugaces,
Prompt à me réveiller quand le soleil remplace
La lune qui s’enfuit vers les portes du soir.

Pendant que des nuées s’acharnent à pleuvoir,
L’animal, que le bruit sur la toiture agace,
Miaule effroyablement, afin que je lui fasse
Un abri confortable au creux de mon peignoir.

Dans mon âme envahie de rancunes tenaces,
Le félin, animé d’une indicible audace,
Dévore les chardons de mon vain désespoir.

Sous son regard brûlant de volupté, s’effacent
Les peines de ma vie sur le fil du rasoir,
Tandis que sa tendresse assure son pouvoir.

Princesse estivale

Princesse d’un camping cradingue,
J’exhibe mes jolis nibards
Devant les vacanciers ringards
Dont je chourave le morlingue.

En loucedé, je les embringue
Pour une partie de plumard,
Pendant que leur femme en pétard
Se pinte grave à tout berzingue.

À l’heure où ces tristes conards
Bordent sagement leurs moutards,
Je délire à coups de seringue.

Quand la nuit tombe, ces lascars
Courent se distraire au bastringue
Où mon sourire les rend dingues.

9.12.04

Distorsion sensorielle

J’ai lavé ma mémoire à coups de négations
Germées dans les replis de mon âme rebelle,
Si bien que, délivrée de mes peurs, je cisèle
Les diamants flamboyants de mes jeunes passions.

J’ai brisé le carcan des vaines ambitions
Émaillées de rancœurs aux épines cruelles,
Afin de m’envoler, légère, à tire-d’aile,
Vers l’univers radieux de mes divagations.

Loin des futilités des guerres de chapelle,
J’explore en solitaire un monde parallèle
Où s’épanche ardemment mon imagination.

Tandis qu’en mon esprit défilent pêle-mêle
Des visions dont l’éclat dissout mes obsessions,
Je remercie mes sens férus de distorsion.

Visions funestes

Au moment béni de partir
Loin de tes affreuses grimaces,
Je rêve de clouer ta face
Sur une planche de fakir.

En lisière d’un avenir
Exempt de tes froides menaces,
Je contemple le pic à glace,
Qui flatte mes sanglants désirs.

Mue par une haine tenace,
Je saisis le fusil de chasse,
Déterminée à en finir.

Assise auprès de ta carcasse,
Je m’aperçois avec plaisir
Que la mort te sied à ravir.

8.12.04

Récif immobile

Immobile récif, usé par les tempêtes,
Tu offres ta surface aux vagues que la mer
Lance inlassablement sous le ciel outremer
Où s’étire un soleil en parure de fête.

Tu lacères les flancs des bateaux qui se jettent
Sur ta masse figée en un silence amer,
Avant de sacrifier au maître de l’enfer
Les voyageurs noyés pour de vaines conquêtes.

Quand ta face assombrie par l’horizon désert
Reçoit des cormorans qui chantent de concert,
Une joie insolente illumine ta crête.

Lorsque la voûte lâche une gerbe d’éclairs
Sur les flots agités de grondements diserts,
Tu pries les éléments d’engloutir la planète.

Concerto voluptueux

Dans le berceau du crépuscule,
Deux corps mêlent leur nudité
En un concerto exalté
Où la tristesse capitule.

Sur la peau des amies circulent
Des frissons dont la volupté
Les mène au rivage enchanté
De leur unisson majuscule.

Au gré de leur complicité,
Se construit le nid velouté
De leur tendresse noctambule.

Mues par leurs désirs indomptés,
Les femmes enlacées ondulent
Jusqu’à ce que leur cœur bascule.

7.12.04

Temps implacable

Quand le printemps, gorgé de délicieux présages,
Enflamme les jardins de chapelets de fleurs
Dont le parfum s’épanche en vagues de bonheur,
Le temps poursuit son cours vers de radieux rivages.

Quand le soleil d’été drape le paysage
D’un insolent faisceau de rayons enchanteurs,
Empressés de répandre une exquise chaleur,
Le présent s’épanouit sous un ciel sans nuages.

Quand l’automne, habillé de grisâtres couleurs,
Plonge dans ses brouillards les terrestres splendeurs,
L’horizon obscurci préfigure un naufrage.

Quand la neige hivernale efface les couleurs
Du monde condamné au néant, se propage,
Dans les esprits vaincus, un désespoir sauvage.

Téléthon

Humains à l’âme de mouton,
Conquis par la télé bouffonne,
Décrochons notre téléphone
Pour supporter le Téléthon.

Envahissons les rues, chantons
Avec les stars qui s’époumonent
Dans les six coins de l’Hexagone
En un grotesque marathon.

Grisés par les slogans qu’entonnent
Les artistes qui nous pigeonnent,
Donnons un tas de biffetons.

Casquons ainsi que nous l’ordonne
Une armada de faux jetons
Prêcheurs entre deux gueuletons.

6.12.04

Boule de cristal

Tandis que le voyant examine les lames
Du tarot qui présage un bonheur idéal,
La tristesse envahit la boule de cristal,
Agacée d’augurer d’épouvantables drames.

Au lieu de révéler les malheurs qui se trament
Dans l’avenir de l’homme au regard amical,
Condamné à mourir d’un chagrin abyssal,
Le globe se revêt d’une gerbe de flammes.

Rebelle aux sommations des puissances du mal,
La sphère, transformée en insolent fanal,
Calcine l’écheveau de ses visions infâmes.

Quand meurent les tisons du futur infernal,
L’orbe vide se brise en diamants où des âmes
S’empressent de briller pour envoûter les femmes.

Portail de nuit

En lisière des défaillances
Où la tristesse se construit,
Se dresse le portail de nuit
Ouvert sur un ciel d’espérance.

Dans les méandres du silence
Constellés d’un glacial ennui,
S’étire une lune qui luit
Jusqu’à ce que le jour s’avance.

Dès que le soleil éconduit
Les ombres, le rêve s’enfuit
Vers le jardin des confidences.

Tandis que le matin poursuit
Sa marche dans la ville immense,
Se creuse un puits de délivrance.

5.12.04

Triste funambule

Quand la ville s’endort dans le froid crépuscule
Où germent les chardons de l’inhumanité,
Les anges du néant viennent épouvanter
Les esprits infestés de rêves minuscules.

Sous le regard glacé d’impavides pendules,
Dont les jambes menues s’activent à compter
Les heures qu’alourdit une aigre obscurité,
S’amorce la virée du triste funambule.

Juché sur un ruban de désirs avortés,
Il arpente la nuit à pas désenchantés,
Jusqu’à l’aube muette où son âme bascule.

Tandis que le soleil inonde la cité,
L’acrobate rejoint son berceau noctambule,
Loin de la frénésie des hommes ridicules.

Têtard parricide

Pendant que les pinsons gazouillent
Un chant imprégné de gaieté,
Le têtard, inapte à chanter,
Se répand en bruits de gargouille.

Lassée du bavard qui bredouille
Un galimatias éhonté,
Sa mère rabroue l’empoté
Dont les cris partent en quenouille.

Sitôt que le soleil d’été
Laisse place à l’obscurité,
S’amorce une funeste brouille.

Mû par une âpre cruauté,
Le garnement noie la grenouille
Dont il dévore la dépouille.

4.12.04

Vin de joie

Dans le flacon dressé sur notre indifférence,
Palpite un élixir dont l’exquise chaleur
Efface les échos de nos vaines rancœurs
Germées dans un marais de secrètes souffrances.

Le nectar flamboyant habille le silence
De ses vagues de joie au parfum enchanteur,
Zélées à immerger notre mauvaise humeur
Dans l’océan soyeux de leur tendresse immense.

Le vin joyeux dissout nos soupçons ravageurs
Dans un torrent fougueux qui lave nos erreurs,
Pour nous réconcilier, dès que la nuit s’avance.

Ballottés sur le flot d’un vermillon bonheur,
Qui creuse le berceau de notre connivence,
Nous trinquons au matin débordant d’espérance.

Onanisme consolateur

Pendant que ma fée me délaisse
Pour une émission de télé,
Je tente de me consoler
Par de solitaires caresses.

Au lieu de conclure en vitesse,
J’avance à gestes contrôlés
Jusqu’à l’horizon étoilé,
Fleuri de ma chaude tendresse.

Ma main s’active à ciseler
Un puits d’extase constellé
De frissons au parfum d’ivresse.

Dès qu’achèvent de déferler
Mes vagues de joie, je m’empresse
Auprès de ma froide princesse.

3.12.04

Concert funeste

Tandis que le pianiste égrène des accords
En nappes veloutées de gaieté, où se tisse
Un voile de tendresse aux radieuses délices,
Le public, insensible à son talent, s’endort.

Sur la scène où flamboient les habits perlés d’or
Des musiciens fringants, qui sourient en coulisse
Des vaines envolées de l’aigre cantatrice,
Une colère froide envahit le ténor.

Afin de sanctionner les incessants caprices
De la grosse diva au front rouge écrevisse,
Le chanteur la défie à un duo retors.

Leurs voix entremêlées ébranlent l’édifice,
Si bien que, brusquement, s’affaisse le décor
Sur l’orchestre réduit au silence des morts.

Têtard exilé

Loin de son étang d’origine,
Se désole un frêle têtard
Qui, pourchassé par un lézard,
S’est réfugié dans la piscine.

Dans sa retraite citadine,
Infestée de gosses braillards,
Il regrette ses nénuphars
Constellés de feuilles câlines.

Afin d’échapper au regard
De nageurs en maillot criard,
Il s’enfuit sous une pluie fine.

Dans la froideur du boulevard,
Son aventure se termine
Sous le talon qui le piétine.

2.12.04

Bar du souvenir

Dans la salle enfumée du troquet, où s’entasse
Un chapelet bruyant d’anonymes buveurs,
L’étranger, affublé d’un masque de froideur,
Détourne le regard des couples qui s’embrassent.

Insensible aux poupées qui mirent dans les glaces
Leur délicieux minois prompt à briser les cœurs,
Il noie son désespoir dans un flot de liqueur,
En priant pour qu’un jour, ses souvenirs s’effacent.

Devant son verre vide, en solo, il repasse
Son amante envolée, pendant que sa carcasse
Se replie tristement sur son nid de douleur.

Sitôt que le soleil se pose sur la face
Des clients pétrifiés dans une aigre torpeur,
L’inconnu s’évanouit dans un rêve enchanteur.

Funèbre précipice

Sous la voûte assombrie, je tisse
Une toile de désespoir,
Où palpitent des anges noirs,
Nés de ma fureur destructrice.

Dans l’esprit des dormeurs, je glisse
Des peurs au tranchant de rasoir,
Pour leur imposer de surseoir
À leur amnésie réductrice.

J’essaime au hasard des trottoirs
Ma haine dont le laminoir
Étire la nuit en supplice.

Armé de mes sanglants pouvoirs,
J’immerge ce monde de vices
Dans un funèbre précipice.

1.12.04

Départ soudain

Au terme douloureux de notre lent naufrage
Abreuvé de tonneaux d’un infâme pinard
Inapte à adoucir ton masque furibard,
Je sens sourdre en mon cœur une ivresse sauvage.

Pendant que tu aboies en écumant de rage,
Sous l’œil indifférent de ton puant clébard,
Je m’exhorte à lâcher l’impavide pétard
Que je pointe à présent sur ton hideux visage.

Quand ma main, raisonnée par ma conscience sage,
Troque le pistolet contre un sac de voyage,
J’entends siffler le train de mon prochain départ.

En chemin pour un monde exempt de tes orages,
Je me laisse entraîner par l’ange du hasard,
Qui me pose bientôt à la porte d’un bar.

Vengeance ultime

Afin de punir la princesse
Qui réduit mon cœur en débris,
J’étoufferai son canari
Dont le chant insolent m’agresse.

Je noierai son chat qui ne cesse
De griffer mes murs en lambris,
Tandis qu’une armée de souris
Nargue ce puant tas de graisse.

Je trancherai au bistouri
Le cou de son chien dont les cris
Gâtent nos secrètes caresses.

Je confierai à son mari
Ma clé pour que ce fou s’empresse
De récupérer sa tigresse.