31.1.05

Splendide Aphrodite

Lassée de supporter les ennuyeux dragueurs
Dont le flot incessant dans son palais s’empresse,
Aphrodite, un matin, se retire en vitesse
Chez un prince troyen, Anchise le charmeur.

Pendant qu’Énée s’enfuit loin du lit de douleur
De la ville vaincue, la fougueuse déesse
S’applique à consoler les peines qui l’oppressent
Dans les bras de mortels épris de sa splendeur.

Armée d’un écheveau de ruses vengeresses,
Elle veille à punir les hommes qui transgressent
Les règles de son culte en leur brisant le cœur.

Quand la lance acérée de Diomède la blesse,
La divine beauté court exhiber ailleurs
Son visage pétri d’une fourbe douceur.

Amour défunt

Devant ton portrait jaunissant,
Orné d’un sibyllin sourire,
J’assemble les vers que m’inspire
Ta mort qui me glace le sang.

Aussitôt que la nuit descend
Sur la chambre où j’essaie d’écrire
Les mots nourris de mes délires,
Pointe ton souvenir blessant.

Tandis que ma page transpire
Le désespoir qui me déchire,
J’entrevois ton corps pourrissant.

Au matin, ma raison chavire
Dans le sarcophage indécent
De notre amour incandescent.

30.1.05

Prison de vers

Seule avec ma folie dans ma prison de vers,
Je déchire mon cœur en souvenirs morbides,
Pendant que le tic tac de l’horloge lapide
Mon âme qu’assombrit un désespoir amer.

Emportée par l’élan de mon stylo expert
À sculpter les regrets de mes nuits insipides
En aigres oraisons au parfum de suicide,
Je conduis mon esprit aux confins de l’hiver.

Le faisceau embrasé de mes poèmes guide
Ma conscience effritée par la griffe du vide
Vers une mort bardée de fantômes pervers.

L’écheveau ténébreux de mes peurs se dévide
En bouquet insolent d’alexandrins diserts
Qui creusent un tombeau où ma raison se perd.

Malhonnête noctambule

Pendant que sa fée s’inocule
Un flot de poison ravageur,
Inapte à noyer sa terreur,
Le crack surveille la pendule.

Dès que tombe le crépuscule,
Le cador s’envole en douceur
Vers la ville dont les splendeurs
Piquent ses instincts de crapule.

Tandis que sévit le casseur,
La sombre reine de son cœur
Vide une boîte de pilules.

À l’heure où sa princesse meurt,
Un policier jette en cellule
Le malhonnête noctambule.

29.1.05

Duo de poissons

Patiemment embusqué devant l’étroit bocal
Où barbote un duo de poissons qui regrettent
L’océan agité de furieuses tempêtes,
Le félin imagine un festin idéal.

Dans leur prison aqueuse aux parois de cristal,
Souillée par les nuées de granulés, que jette
D’une main généreuse une exquise fillette,
Les bêtes effrayées rêvent d’un flot lustral.

Quand le matou répond à l’appel des croquettes,
Le tandem imprudent plonge sur la moquette
Pour mourir aussitôt dans un accord total.

Attiré par le bruit, le chat gourmand complète
Son dîner par un mets dont le fumet royal
Augure une soirée de bonheur intégral.

Partie de pêche agitée

Tandis qu’un innocent pêcheur
Lance un tombereau de boulettes
Dans l’onde où grouillent des ablettes,
Surgit un bateau à moteur.

Le sportif lève un poing rageur
Vers le touriste en chemisette,
Qui hurle en retour à tue-tête
Des jurons brûlants de fureur.

Tiré de sa sieste parfaite,
Le garde-pêche, outré, s’apprête
À verbaliser les gêneurs.

Excédés par ce trouble-fête,
Les rivaux allient leur vigueur
Pour le rouer de coups vengeurs.

28.1.05

Manifestation agitée

Dans un déchaînement de slogans tapageurs,
La manifestation déferle sur la ville,
Pendant que les passants dardent un œil hostile
Vers les flics occupés à mater les meneurs.

En tête du cortège, un groupe de casseurs
Lance vers la mairie de brûlants projectiles,
Avant de se ruer sur les automobiles
Pour les démanteler à coups de pied rageurs.

Des riverains curieux quittent leur domicile
Afin de se mêler à la foule immobile
Qui ponctue ce chahut de cris réprobateurs.

Leur forfait accompli, les voyous se défilent,
Tandis que, jusqu’au soir, monte l’âpre clameur
De ceux qu’unit l’espoir d’un avenir meilleur.

Bulletin olympien

Pendant qu’Artémis se balade
Dans un vallon inhabité,
Son frère, épris de volupté,
Pleure sur ses amours maussades.

Parée de vermeilles grenades
En signe de fécondité,
Aphrodite essaie de dompter
Sa passion pour les incartades.

Héra, drapée de pureté,
Punit les infidélités
De Zeus en tuant ses passades.

Rebelle à ces frivolités,
Hermès le voyageur s’évade
Dans la fièvre des jeux du stade.

27.1.05

Au revoir

Puisque sur notre amour s’acharnent à pleuvoir
Les nuages glacés de tes rancœurs tenaces,
Je m’envole, poupée, avant que tu ne fasses
Pourrir dans mon esprit les germes de l’espoir.

Pendant que ton visage en lame de rasoir
Affiche à mon égard une affreuse grimace,
Je quitte le navire où nos rires s’effacent
Au rythme échevelé de tes coups de boutoir.

Lassée de supporter tes constantes menaces
Qui mènent notre union dans une sombre impasse,
Je m’enfuis pour errer au hasard des trottoirs.

Dans la ville fleurie de couples qui s’embrassent
Sous le regard jaloux des promeneurs du soir,
Je sens poindre en mon cœur l’envie de te revoir.

Départ matinal

Pendant que tu brailles, je pars
En compagnie d’une gazelle
Qui noiera tes piques cruelles
Dans l’océan de son regard.

Je calte avant que tes têtards
Ne pensent à chercher querelle
À la poupée qui me révèle
Un monde exempt de tes bobards.

Tandis que l’horloge martèle
L’aube de son tic tac fidèle,
J’emporte mes désirs épars.

Grisée d’espérance nouvelle,
Je vole au gré des boulevards
Où s’éteignent mes cauchemars.

26.1.05

Pêcheur radieux

Sitôt qu’à son chevet se posent les lueurs
Du soleil qui pactise avec l’aurore grise,
L’homme, levé d’un bond, en silence organise
Sa joyeuse échappée au pays des pêcheurs.

Assis sur un pliant de toutes les couleurs,
Le sportif solitaire, en manches de chemise,
Surveille son bouchon flottant sur l’eau qu’irisent
Les ablettes nageant à faible profondeur.

Dans le matin brumeux qu’égaient les vocalises
Des oiseaux du pays, il lance avec maîtrise
Sa ligne dont le bout s’orne d’un ver trembleur.

Lorsque tombe le soir, il emporte ses prises
Dans son foyer douillet où le regard flatteur
De sa femme nourrit son insolent bonheur.

Mort d’une factrice

Sitôt qu’apparaît la factrice
Munie d’un message chagrin,
Je quitte mes alexandrins
Pour procéder à son supplice.

Je plonge une épingle à nourrice
Dans son regard vicieux empreint
D’un contentement souverain
Que j’éradique avec délice.

Armée d’une force d’airain,
J’éteins son sourire contraint
D’une gifle sur sa joue lisse.

Au lieu d’appeler la police,
Je m’enfonce dans le pétrin
En sculptant son corps au burin.

25.1.05

Curé désabusé

Sitôt qu’il vit le Christ dans son adolescence
De campagnard rebelle aux frivoles plaisirs,
Il quitta sa famille afin de devenir
Le modeste curé d’un village de France.

Exalté par sa foi, il prenait la défense
De ceux que le malheur s’acharnait à meurtrir,
Tandis qu’il s’employait à peindre un avenir
Où la fraternité éteindrait la souffrance.

Quand le poids des années se mit à l’affaiblir,
Le prêtre courageux s’obstina à servir
Le Seigneur dont l’amour guidait son existence.

L’évêque, ce matin, l’a sommé de partir,
Si bien que, démuni dans la nuit qui s’avance,
Il prie Dieu d’ordonner sa proche délivrance.

Mort d’un lion

Pendant que la lionne câline
Ses petits d’un air attendri,
Le lion que la faim assombrit
Rugit dans le jour qui décline.

Sitôt qu’affleure à ses narines
L’odeur d’un cadavre pourri,
Le carnivore mal nourri
S’élance en tremblant des babines.

Quand un camion de safari
Écrase son corps amaigri,
Il se répand en chair sanguine.

Les rayons d’un soleil pétri
D’insolente gaieté calcinent
L’animal grouillant de vermine.

24.1.05

Ripailles olympiennes

Au jardin de l’Olympe, Apollon, que tenaille
Le désir de calter chez une fille en fleur,
Se jette violemment sur l’insolent dragueur
Qui tente d’enlacer sa sœur dans les broussailles.

Lassée de se cogner les récits de batailles
D’Arès dont la biture exacerbe l’ardeur,
Athéna, d’une voix tremblante de fureur,
Intime le silence au fouteur de pagaille.

Aphrodite, insensible aux éclats tapageurs
Du panthéon, sourit au poète charmeur
Qui chante sa beauté en lui tenant la taille.

Afin de tirer Zeus de la sinistre humeur
Où le plongent les cris des dieux qui se chamaillent,
Héra sonne le glas de ces longues ripailles.

Mort d’un percepteur

J’étriperai le percepteur
Dont les venimeuses relances
Nourries de son intransigeance
Me donnent de vives aigreurs.

J’assassinerai ce voleur
Qui jette sur ma résidence
Des regards dont la malveillance
Augure de cuisants malheurs.

Quand ce forban de la finance
Viendra éplucher mes dépenses,
Je l’étendrai d’un poing vengeur.

Avant que ce démon ne pense
À me piquer mes droits d’auteur,
Je lui dépècerai le cœur.

23.1.05

Chatte câline

Dans mon appartement, se promène une chatte
Dont le ronronnement apaise mes frayeurs,
Tandis que je succombe aux diamants enjôleurs
Qu’elle allume pour moi dans son regard d’agate.

Dès que tombe le soir, la féline acrobate
Danse au creux de mon âme un ballet précurseur
De complices plaisirs jusqu’aux grises lueurs
De l’aube où je m’endors, la tête entre ses pattes.

Elle effrite au matin les fantômes rageurs
Qui hantent mon sommeil, sitôt qu’avec douceur,
Elle lèche ma main afin que je la flatte.

Avant d’abandonner le lit de nos bonheurs
Pour aller déguster sa platée délicate,
L’animal me taquine en griffant mes savates.

Agapes félines

Sur la table de la cuisine
Constellée de mets succulents,
Un couple de chats turbulents
Se régale d’une terrine.

De minuscules mandarines
Dressées sur un plat de fer-blanc
Dégagent un parfum troublant
Que les deux félins abominent.

Quand s’avance à pas chancelants
Le maître des lieux corpulent,
Les bêtes fuient chez la voisine.

Dès qu’apparaît un chien tremblant,
Les fauves rusés l’assassinent
En le noyant dans la piscine.

Attractions fébriles

Au pays des rêves fragiles,
Nés de ténébreuses passions,
Je rencontre une collection
De fées aux désirs versatiles.

Pendant que la nuit se défile
En heures peuplées d’obsessions,
Je me répands en discussions
Nourries de délires futiles.

Mue par mon imagination,
Je succombe à des attractions
Bardées de mensonges fébriles.

Exaltée par les confessions
D’âpres poupées, je me faufile
Sous leurs larmes de crocodile.

22.1.05

Athéna en colère

Au banquet de l’Olympe, Athéna, qu’horripilent
Les rires torrentiels de convives charmeurs
Dont les dieux avinés convoitent les faveurs,
Oppose aux séducteurs une froideur hostile.

Sitôt qu’un bataillon de raseurs volubiles,
Adroitement parés de regards enjôleurs,
Vient poser à ses pieds un tombereau de fleurs,
La guerrière, agacée, dans la nuit se défile.

Au lieu de s’adoucir sous les tièdes lueurs
D’une lune insensible à sa mauvaise humeur,
La déesse agonit le panthéon futile.

Sa rage la conduit vers un terrestre ailleurs
Où l’animosité des citoyens profile
Un avenir pétri de batailles fertiles.

Mort d’un éditeur

J’assassinerai l’éditeur
Qui, caché dans sa tour de verre,
Oppose un mépris délétère
À mes poèmes enchanteurs.

Je crèverai les yeux moqueurs
De ce malotru qu’indiffèrent
Les vers que ma plume légère
Cisèle à l’encre de mon cœur.

Je grifferai sa face austère,
Avant de le jeter à terre
En me gaussant de sa terreur.

Je trancherai la jugulaire
De mon injuste détracteur,
Afin d’éteindre ma fureur.

21.1.05

Apollon le solaire

Au banquet de son père, Apollon le solaire,
Rebelle aux simagrées de divines beautés,
Danse avec sa jumelle, avant de la quitter
Pour aller conquérir les femmes de la Terre.

À peine débarqué sur la planète en guerre,
Il déclame un bouquet de quatrains exaltés,
Afin d’éradiquer l’immonde cruauté
Des soldats que ravit sa poésie légère.

Il parcourt au hasard villages et cités,
Où d’exquises poupées aux désirs indomptés
Le mènent à l’éden des bonheurs éphémères.

Pressée de mettre un terme à ses frivolités,
Artémis expédie les béguins de son frère
En enfer, au moyen de ses flèches amères.

Jardin merveilleux

En lisière de mon enfance,
Se dresse un jardin merveilleux
Où les pinsons venus des cieux
Gazouillent un chant d’espérance.

Sur le chemin des confidences,
Qu’illumine un soleil joyeux,
Trottinent des couples de vieux
Pétris d’une tendresse immense.

Le lac accueille en son milieu
Un groupe de canards radieux
Qui rivalisent d’élégance.

Caressés par un vent soyeux,
Les épicéas se balancent
Dans l’obscurité qui s’avance.

20.1.05

Lettre d’amour annuelle

Sur ma page s’épanche un silencieux torrent
De rêves déchirés dont les échos s’élancent
Dans la nuit assombrie par la tristesse immense
Où me plonge aujourd’hui ton cœur indifférent.

La pendule ponctue de son tic tac navrant
Les heures qu’épaissit le poids de ton absence,
Tandis que mon regard se brouille sur la danse
De mes phrases pétries de regrets dévorants.

Ma plume se déverse en vagues de souffrance
Sur le papier laiteux, jusqu’à ce que s’avance
L’aube prompte à noyer mes doutes récurrents.

Sous les tièdes lueurs du matin qui commence,
Je me laisse envahir par l’espoir enivrant
Qui m’incite à t’écrire une lettre par an.

Paisible marais

En lisière de la forêt,
Où le chant des merles révèle
La splendeur de l’aube nouvelle,
S’étend le paisible marais.

Quand le soleil darde ses rais
Sur l’onde où dorment les civelles,
Une myriade d’étincelles
Éveille les chardonnerets.

Le vent porte les coccinelles
Jusqu’à la berge où s’amoncelle
Un tapis de roseaux discrets.

La lune, amicale, cisèle
Un berceau d’odorants secrets,
Que délite le matin frais.

19.1.05

Prison démente

Tandis que le démon édifie ma prison
Bardée de cauchemars qui déchirent mon âme
En lambeaux de tristesse enveloppés de flammes,
Mon corps se ratatine en sa morte saison.

Dans ma nuit solitaire où le brûlant poison
Du désespoir éteint le sourire des femmes,
Je me laisse envahir par la frayeur que trame
L’ange de la démence au creux de ma raison.

À mon chevet se dresse un spectre qui déclame
Un cantique glacé dont les notes infâmes
Résonnent dans mon cœur qui cogne au diapason.

Un monstre ricanant agite l’oriflamme
De l’enfer barbelé de douleurs à foison,
Pendant que le soleil explose à l’horizon.

Fric-frac manqué

Au matin d’un scabreux fric-frac
Dans une banque britannique,
La poupée du loustic lui pique
Le flingue planqué dans son sac.

Devant le guichetier, le crack,
Privé de son pétard, panique,
Si bien qu’une douleur colique
Lui met les intestins en vrac.

Avant que les flics ne rappliquent,
Il file au jardin botanique
Pour déféquer au bord du lac.

Quand une souris sympathique
Vient le tirer de ce micmac,
Il s’engage à buter son mac.

Jardinier pensif

Le jardinier courbé sur le carré de poireaux
(Alimentation contrôlée) sous le rideau de douche
Déchiré. Plus rien ne dure, les aléas de la modernité.
Les carottes cuisent sur le fourneau ventru.

Il râle, se relève dès que siffle un train.
Elle ne vient jamais quand il en a besoin.
Le chat s’étire, indifférent. L’eau coule
Sur la mémoire mais la douleur persiste.

Le café bouilli l’écœure, le pain crisse sous la dent.
Il achètera du thé sur la place des sirènes.
Le téléphone portable stridule dans la chambre.

La guerre succède au yaourt sans matière grasse
(Changer les piles de la balance) sous la pendule narquoise.
Le pas de la concierge éteint le chant du rossignol.

18.1.05

Chronique céleste

Le Christ, exaspéré, cherche en râlant les clés
Que Saint Pierre, étourdi, a une fois encore
Perdues quand, attiré par les feux de l’aurore,
Il est parti flâner dans l’espace inviolé.

Devant le paradis, un ange échevelé
Tente de maîtriser les âmes que dévore
L’envie de s’approcher du Seigneur qu’ils adorent,
Tandis qu’un diablotin les incite à hurler.

À la tombée du soir, de brûlants météores
Déchirent prestement la voûte où s’élabore
L’ardente rébellion des défunts refoulés.

Le démon, agacé par les éclats sonores
Des trépassés perchés dans le ciel étoilé,
Carbonise en enfer leurs corps entremêlés.

Aux matines du samedi

Aux matines du samedi,
Jésus en croix supplie son Père
D’égayer le sermon austère
Du prêtre au ventre rebondi.

Quand l’enfant de chœur s’enhardit
À déchirer d’une voix claire
Le psaume où le curé s’enferre,
Le Christ, amusé, l’applaudit.

Dès qu’un violent coup de tonnerre
Jette les fidèles à terre,
Le Messie file au paradis.

Tandis que les rayons solaires
Supplantent l’orage maudit,
Le carillon sonne midi.

17.1.05

Ultime voyage

Loin des hypocrisies qui fleurissent la table
De mes soirées d’ennui chez des amis retors,
Je mène mon esquif vers l’île de la mort
Pour y verser le fiel de mon âme implacable.

Je désapprends la peur au moment délectable
Du voyage insolent qui me conduit au port
Du néant, où, bientôt, je conterai mon sort
À l’encre de mon sang répandu sur le sable.

Sous un soleil inapte à réchauffer mon corps,
Ma plume débridée sculptera sans effort
Le cantique final de ma vie détestable.

Quand mes poèmes noirs couvriront le décor
D’un linceul ténébreux de mépris insondable,
Le diable m’offrira ses flammes formidables.

Ange maléfique

Au conseil des saints éternels,
Règne une effroyable panique
Depuis qu’un ange maléfique
Exhorte au vice les mortels.

Rebelle à l’amour paternel
Que prodigue le Dieu unique,
Le coquin change les cantiques
En hymnes au plaisir charnel.

Pendant que le Christ en tunique
Prêche la parole biblique,
Le malin brûle les missels.

Il pourchasse les catholiques
Qu’il assassine sur l’autel
Du scepticisme universel.

16.1.05

Errements nocturnes

Dans les bas-fonds hideux de la cité bruyante,
Infestée de vauriens qui manient le poignard,
Je rôde en solitaire au gré des boulevards
Où l’obscurité sème une faune insolente.

Sur les trottoirs souillés de poubelles puantes
Que fouille incessamment une armée de cafards,
Je trace mon chemin jusqu’au comptoir d’un bar,
Où je noie mon ennui dans des liqueurs puissantes.

Sitôt qu’à l’horizon pointe un soleil blafard,
Je quitte le troquet pour errer au hasard,
Tandis que monte en moi une frayeur démente.

Je m’endors à midi parmi les cauchemars
Qu’ourdit dans mon esprit le démon dont j’arpente
L’abîme barbelé de menaces brûlantes.

Abeille fugitive

Agacée de servir la reine
Vautrée dans son appartement,
Une abeille fuit prestement
Dans l’immensité de la plaine.

Cachée dans les feuilles d’un chêne,
Que le soleil au firmament
Illumine de ses diamants,
La vagabonde oublie ses peines.

Quand un faisceau d’éclairs déments
S’abat sur le décor charmant,
Elle entrevoit sa mort prochaine.

Au matin, le souffle clément
D’un odorant zéphyr l’entraîne
Vers un tapis de marjolaines.

15.1.05

Cirque tragique

Dans la foule agitée de la fin de semaine,
Dont les rires stridents me lacèrent le cœur,
Je me laisse envahir par une aigre fureur
Qui m’exhorte à punir ces inconnus obscènes.

Excédée par les cris des badauds qui m’entraînent
Jusqu’au chapiteau noir de gosses chahuteurs,
Je prie pour que les lions étripent le dompteur,
Avant de dévorer de graciles sirènes.

Insensible aux exploits d’un couple de jongleurs,
J’exulte quand le corps d’un fougueux voltigeur
S’écrase lourdement au milieu de l’arène.

Dès qu’une lame aiguë transperce un spectateur,
J’applaudis le lanceur, tandis qu’un capitaine
De police surgit pour lui passer les chaînes.

Tendre invitation

Je t’écris à l’encre secrète
De mon esprit désemparé
Les mots des rêves déchirés
Par nos quotidiennes tempêtes.

Je t’offre mon chant de poète
Composé de vers éplorés,
Noirs de mes désirs effondrés
Sur un lit de douleur muette.

Je t’envoie un pli saupoudré
Des souvenirs inaltérés
De nos frissons que je regrette.

Je viens tendrement te livrer
Une invitation à la fête
De nos retrouvailles parfaites.

14.1.05

Noires démences

Dans la nuit barbelée de mes noires démences
Que nourrit une armée de fantômes pervers,
Je dessine en secret un chemin vers l’enfer
Tapissé des chardons de la désespérance.

Au rythme échevelé de mes incohérences,
Je déchire mon âme en souvenirs amers
Dont les crocs acérés se plantent dans ma chair
Qui s’effrite en lambeaux de cruelle souffrance.

Pétrifiée de douleur au milieu du désert,
Je me laisse ronger par le brûlant cancer
De l’angoisse germée dans le lit du silence.

À l’aurore sanglante, épuisée, je me perds
Dans le marais poisseux de mes peines immenses,
Où des monstres narquois m’invitent à la danse.

Cauchemar d’abeille

Égarée sur un nénuphar
Dont la blanche fleur solitaire
Exhale des senteurs amères,
Une abeille accoste un lézard.

Sitôt qu’il aperçoit le dard
De l’ouvrière qu’exaspère
Un vibrant essaim d’éphémères,
Le reptile fuit au hasard.

Les effluves d’une fougère
Découragent l’hyménoptère
Que nargue un espiègle têtard.

À la vue d’une primevère
Imprégnée d’enivrant nectar,
L’insecte oublie son cauchemar.

13.1.05

Démence ordinaire

Une armée d’infirmiers au regard assombri
S’agite dans la chambre où mon insomnie creuse
Un caveau ténébreux que ma plume fiévreuse
Orne de vers empreints de remugles pourris.

Dans le désert glacé de l’amour désappris,
J’égrène mon angoisse en heures douloureuses,
Scandées par le tic tac que la pendule affreuse
Martèle obstinément au creux de mon esprit.

Ma conscience, gavée de substances poudreuses,
Vogue sur l’océan de l’amnésie scabreuse,
Dans la nuit gangrenée par mes rêves flétris.

Aux portes barbelées de l’aurore cireuse,
Je m’éveille en lâchant un juron de mépris,
Tandis qu’à mon chevet, un médecin sourit.

Insectes nocturnes

Sur la couverture, un cafard,
Vers la dormeuse, s’achemine,
Pendant qu’une fourmi trottine
Dans les plis d’un gilet jacquard.

Sur l’étagère du placard,
Grouille une muette vermine
Que le chat joueur dissémine
Subitement de toute part.

Une boule de naphtaline
Éloigne une puce mutine
D’un empilement de foulards.

Les lueurs de l’aube sanguine
Chassent les insectes épars
Dans le lacis des cauchemars.

Ultime mascarade

Spirale de la souffrance
Je plonge délivrée
Le crabe me nargue
Je m’entends respirer
Vie déchirée
Mort ratée
Demain inadmissible

Je me mure
Dans mon silence intérieur
Je me rétracte
Dans mon angoisse
Je pactise
Avec le suicide
À l’aube poisseuse
Mon sang s’évade
Ultime mascarade

12.1.05

Envies secrètes

Plutôt que de planquer derrière tes lunettes
De frimeuse à deux ronds ton perfide regard
Enflammé par l’excès d’un ignoble pinard,
Tu devrais dessiller illico tes mirettes.

Lassée de supporter que tu te paies ma tête
En passant tes journées à écumer les bars,
Tandis que je m’appuie un taulier vicelard,
Aujourd’hui, sans moufter, je me tire à perpète.

En piquant le pognon caché sous le plumard,
J’attise la fureur de ton puant clébard
Que j’abats subito d’une adroite manchette.

Pendant que tu t’endors devant le film, je pars
Au pays flamboyant de mes envies secrètes,
Constellé de poupées à la grâce parfaite.

Mouton en vadrouille

Un mouton, las de supporter
Les cris des poulets que zigouille
Le fermier au regard d’arsouille,
Décide un matin de calter.

Dans un lac, il voit barboter
Une famille de grenouilles
Dont la plus grosse le dépouille
De son soyeux manteau lacté.

Fuyant les visqueuses fripouilles,
L’animal poursuit sa vadrouille
Jusqu’aux faubourgs d’une cité.

Bastonné par une patrouille
De poulagas assermentés,
Il pleure son enclos crotté.

11.1.05

Mort d’une poule

Agacée par la fille à la face sanguine,
Qui vient chaque matin voler au poulailler
Les œufs frais qu’elle entasse au creux de son panier,
Une poule s’enfuit vers la ville voisine.

Son amie, dévorée de chagrin, s’achemine
Jusqu’au jardin fruitier du couple de fermiers,
Où son bec enragé picore les fraisiers
Sous le nez d’un berger retroussant les babines.

Aussitôt que le chien se met à aboyer,
La pondeuse effrayée file se réfugier
Dans un buisson fleuri de blanches aubépines.

Attiré par le bruit, surgit sur l’escalier
L’agriculteur furieux qui descend la coquine
D’une amère volée de plombs de carabine.

Abeilles voluptueuses

Un bourdonnant essaim d’abeilles
Vagabonde parmi les fleurs
D’une vallée dont les couleurs
Forment un bouquet de merveilles.

Les bêtes sur une corbeille
De fruits aux exquises senteurs
Dansent un ballet enchanteur
À la volupté sans pareille.

Elles frétillent de bonheur
En butinant un vin rieur
Dans une odorante bouteille.

Dès que pointe un soleil charmeur,
Elles quittent le jus de treille
Pour une gelée de groseille.

10.1.05

Baisers en cendres

Épuisée de passer des journées à attendre
Que ton visage affiche une once de désir,
Je regarde aujourd’hui notre passion mourir
Dans l’âtre où nos baisers s’évanouissent en cendres.

Tandis que les échos de nos promesses tendres
S’éteignent à l’orée d’un brumeux avenir,
Un désespoir glacé commence à envahir
Mon âme exaspérée par tes furieux esclandres.

Le bouquet enivrant de nos radieux plaisirs
Se fane dans la nuit empressée d’engloutir
Nos rêves insolents au creux de ses méandres.

Aux lueurs d’un matin inapte à adoucir
Ton rictus dédaigneux, je finis par comprendre
Que, dans tes rets fielleux, je ne dois plus me prendre.

Danse exquise

Pendant que son époux s’épuise
À mener des combats lointains
Au nom de dogmes incertains,
La reine s’ennuie à l’église.

Quand une insolente marquise
Perturbe la messe en latin
D’un éclat de rire argentin,
L’altesse l’applaudit, conquise.

Les deux femmes aux yeux mutins,
Portées par leurs fiévreux instincts,
S’enfuient loin des brebis soumises.

Dans la lumière du matin,
Le couple audacieux improvise
Les gestes d’une danse exquise.

9.1.05

Joie souveraine

Pendant que son époux, au nom de sottes haines,
Mène d’affreux combats au bout de l’horizon,
La reine se flétrit au rythme des saisons,
Dans l’immense palais assombri par sa peine.

Elle rencontre en ville un fiévreux capitaine,
Au regard embrumé de cognac à foison
Inapte à égayer sa vie de garnison,
Où se trame l’horreur des batailles prochaines.

Les deux êtres, rongés par le cuisant poison
Du désespoir, s’allient pour rire au diapason
Des baladins qui jouent auprès de la fontaine.

Porté par ses désirs empreints de déraison,
Le soldat, délivré de son chagrin, entraîne
Son amante au pays de la joie souveraine.

Fourmis gourmandes

Une colonne de fourmis
S’agite devant l’œil sévère
D’une fébrile ménagère
Qui prépare des sashimis.

Des rondelles de salami,
Dressées sur un plateau de verre,
Régalent les hyménoptères
Qu’intrigue un matou endormi.

Avant de filer ventre à terre,
Les bestioles se désaltèrent
Dans un rafraîchissant demi.

Le maître des lieux vitupère
Quand les insectes ennemis
Viennent dévorer le salmis.

8.1.05

Plume radieuse

D’image larmoyante en rime monotone,
La plume que manie l’écrivain ténébreux
Décide de quitter ses poèmes scabreux
Dont les quatrains souillés de chagrin l’empoisonnent.

Loin de l’auteur plongé dans un brumeux automne,
La belle aventurière écrit sa joie au creux
D’un cahier cristallin où ses vers vigoureux
Invitent à danser voyelles et consonnes.

Au pays insolent des textes chaleureux,
La rebelle compose un bouquet généreux
De mots dont la musique en son âme résonne.

À l’encre colorée des voyages nombreux
Qui nourrissent son art, la fringante amazone
Cisèle des chansons où le bonheur rayonne.

Fragments champêtres

Dans un champ de pommes de terre,
Grouillant de corbeaux agités,
Un papillon aux tons bleutés
Volette autour d’une vipère.

Grisé de lumière solaire,
Un pinson chante sa gaieté,
Jusqu’à ce que l’obscurité
Éteigne sa voix solitaire.

Dans le silence velouté
D’une champêtre nuit d’été,
Veillent des chênes centenaires.

Des nuages ensanglantés
Déversent une pluie amère
Aux portes d’un jour ordinaire.

7.1.05

Lézard vagabond

Au milieu d’un jardin infesté de vipères
Dont l’animosité le remplit de terreur,
Un lézard rabougri s’avance à pas trembleurs
Sous le dais odorant des plantes potagères.

Quand le ciel se répand en éclats de tonnerre,
Le reptile s’enfuit sous un saule pleureur,
Tandis qu’en son esprit monte un désir rageur
D’aller vagabonder loin des pommes de terre.

Rebelle à la beauté de la campagne en fleurs,
Dont les lourdes senteurs lui soulèvent le cœur,
Il entreprend un tour du monde en solitaire.

Écrasé sous les roues d’un vrombissant tracteur,
L’animal moribond espère que ses frères
Sauront se contenter d’une vie sédentaire.

Mort d’un facteur

J’assassinerai le facteur
Dont les furieux coups de sonnette
Me provoquent des maux de tête,
Qu’attisent son rire moqueur.

Quand cet épouvantail porteur
D’une abominable casquette
Viendra jouer les trouble-fête,
Je l’étendrai d’un poing rageur.

Lorsque cet âne à bicyclette
Mettra un pied sur ma moquette,
Je lui arracherai le cœur.

Je me gaverai de liqueur
Pour célébrer la mort parfaite
De cet effroyable raseur.

6.1.05

Lézard craintif

Sous un ciel étouffant de tristesse, un lézard,
Qu’effraient les feulements d’un matou de gouttière,
S’enfuit agilement vers un muret de pierre,
Où se pose aussitôt un hostile busard.

Le reptile affolé déguerpit au hasard
Dans un pré fourmillant de bestioles guerrières,
Jusqu’à ce qu’il parvienne au bord d’une rivière,
Où sa déroute intrigue un couple de renards.

L’infortuné gémit sur ses peurs coutumières,
Quand surgit un duo de poules de bruyère,
Qui ponctuent son récit de gloussements braillards.

Cependant que débute une lutte incendiaire
Entre les animaux jaillis de toute part,
Le saurien s’évanouit parmi les nénuphars.

Réveillon bourgeois

Entre la dinde et le dessert,
La télé montre les images
D’un épouvantable carnage
Ourdi par la main de l’enfer.

Les amoncellements de chair,
Qui polluent l’orée des villages,
Drapent le plateau de fromages
D’un linceul au parfum amer.

La chaleur du cognac hors d’âge
Conduit le fil du bavardage
Loin du chaos de l’univers.

Au seuil d’un matin sans nuages,
Jésus dort sous le sapin vert,
Au milieu des paquets ouverts.

5.1.05

Statue chagrine

Drapée dans la froideur de mon masque pierreux,
Je dresse mon ennui aux portes de la ville,
Où, du matin au soir, des voitures défilent
En souillant mon repos de leur klaxon affreux.

Quand s’assoit sur mon socle un couple d’amoureux
Dont la passion s’épanche en caresses fébriles,
J’implore le secours d’une tempête habile
À noyer leurs regards de sanglots douloureux.

J’oppose mon mépris aux pigeons volubiles
Dont les fientes polluent mon visage immobile,
Fermé sur l’écheveau de mes regrets ombreux.

J’offre ma compagnie au silencieux vigile
Dont les rondes égaient le jardin ténébreux
Où mon buste s’effrite en débris poussiéreux.

Infatigable pantin

Dans la froidure d’un matin
Lourd d’une indicible tristesse,
Veille au chevet d’une princesse
Un infatigable pantin.

Quand chante un coq dans le lointain,
Le clown en chiffon se redresse
Pour improviser en vitesse
Une danse de diablotin.

Il pose un bouquet de caresses
Sur la poitrine de l’altesse
Plongée dans un rêve indistinct.

Afin d’éveiller sa maîtresse,
Il sème des baisers mutins
Sur sa blanche peau de satin.

Fragments amers

Au matin râpeux d’ennui
Corps lourd
Hostile.

La cafetière défie le silence.

Bulles de savon
Aplaties sous le poids de l’absence.

Heures d’habitude
Ascenseur calculé.

Gestes vides
Enfermés dans l’indifférence
Du métro.

Cliquetis du clavier
Fugace mascarade d’adhésion.

Claquement du pavé
Sonate de la solitude.

Le soir enveloppe les blessures
Dans l’amnésie du drap.

Le cœur martèlera sa plainte obstinée
Demain.

4.1.05

Affreux crocodile

À la mort de son père, un affreux crocodile,
Au lieu de soutenir sa famille en sanglots,
Se prépare en secret à partir en solo
Loin du Nil où le chant du pluvian l’horripile.

Aux portes du matin, l’aventureux reptile
Abandonne les siens, endormis sur les flots,
Pour suivre le courant qui l’emporte à vau-l’eau
Jusqu’aux faubourgs brumeux d’une cité hostile.

Tandis que le soleil éteint ses rais pâlots,
L’animal affamé pourchasse un matelot
Qu’il engloutit d’un coup de sa mâchoire habile.

Quand siffle à son oreille un fielleux javelot,
La bête exaspérée quitte aussitôt la ville,
En croquant au passage un insolent vigile.

Résolution poétique

Loin des rets de l’hypocrisie,
Je prends comme résolution
De conserver mon addiction
À de verbales ambroisies.

Au pays de la poésie
Fleuri de radieuses passions,
Je forcerai l’admiration
En cueillant des phrases choisies.

Je sculpterai mes émotions
En sonnets dont la perfection
Ravira les âmes transies.

Sourde aux cupides ambitions
Aux remugles de bourgeoisie,
J’exalterai ma fantaisie.

3.1.05

Papillons funestes

Loin des festivités qui mènent à janvier,
Ma plume se déverse en quatrains solitaires,
Émaillés des échos de passions éphémères,
Lorsqu’un éclair foudroie mon décor familier.

Des bouquets de pétards s’acharnent à vriller
Mon cerveau envahi de spectres délétères,
Cependant que des mots d’une langue étrangère
Dansent sur mon écran un ballet colorié.

Le tic tac lancinant du réveil s’accélère,
Tandis que le miroir éclate en bris de verre,
Aussitôt assemblés en flamboyant collier.

De la voûte glacée tombe une pluie amère
De papillons géants, empressés d’enrayer
La marche des années de leurs ailes d’acier.

Scorpion maussade

Lassé de piquer les touristes
Qui pullulent dans la région,
Un impitoyable scorpion
Choisit de traquer les artistes.

Quand une célèbre pianiste
Le regarde avec répulsion,
Il découpe sa partition
En milliers de mesures tristes.

L’animal, tombé d’un camion
Au cours d’une brève excursion,
Se dessèche au bord de la piste.

Aussitôt qu’un superbe lion
S’approche d’un air fataliste,
Il se suicide à l’improviste.

2.1.05

Grenouille en vadrouille

À l’aurore brumeuse, une jeune grenouille,
Lassée de son étang dont les flots assombris
Forment une prison qui lui ronge l’esprit,
Gémit sur les douleurs de son corps qui se rouille.

Les oiseaux enchanteurs du pays, qui gazouillent
Un concerto radieux dont les accords fleuris
Célèbrent un ailleurs où le soleil sourit,
L’empêchent de tomber tristement en quenouille.

Écœurée par l’odeur des nénuphars pourris
Qu’arrosent à foison de lourds nuages gris,
La belle se décide à partir en vadrouille.

Au fond d’un restaurant qui pue le poisson frit,
L’animal s’évanouit en voyant les dépouilles
Des ses sœurs entourées d’une platée de nouilles.

Mouches hostiles

Aiguillonnée par la chaleur,
Une armée de bruyantes mouches
Se rue sur une maison louche,
Grouillante de filles en fleurs.

Dans le palais de l’impudeur,
Les volatiles effarouchent
Des solitudes qui s’abouchent
En une illusion de bonheur.

Cependant qu’un poulet débouche
En dardant son carnet à souches,
Monte une sinistre clameur.

Dans une cabine de douche,
Les insectes mangent le cœur
D’une fée blanche de terreur.

1.1.05

Passion radieuse

Dans le jardin radieux de ton regard où dansent
Des diamants assemblés en gerbe de bonheur,
Je cueille des bouquets de baisers enchanteurs,
Dont j’orne le berceau de notre connivence.

Sur ton corps enflammé par le jour qui s’avance,
Je joue le concerto de nos plaisirs majeurs,
Dont les accords soyeux se déploient en l’honneur
De ta beauté parée d’une tendresse immense.

Sous les rais d’un soleil en habit de douceur,
Je parsème ta peau de frissons précurseurs
D’un enivrant voyage au pays de nos transes.

Sur le flot cristallin de ton rire enjôleur,
Je conduis nos désirs au port de l’espérance,
Pour que notre passion fleurisse en joies intenses.

Roses du futur

Qu’importe tes vaines grimaces
Ornées de rires insolents
Qui plongent notre amour brûlant
Dans une ténébreuse impasse !

Qu’importe si tes cris effacent
Notre unisson étincelant,
Dans un déferlement violent
De condamnations qui me glacent !

Dès que tes sermons virulents
Font place au silence indolent,
Nos corps amnésiques s’enlacent.

Sur nos peines saignées à blanc,
Éclosent les roses vivaces
D’un futur exempt de menaces.