31.3.05

Loubards romantiques

Tandis que le soleil se couche à l’horizon,
La bande de loubards s’arrache à tire-d’aile
De la zone infestée de puantes poubelles
Pour aller visiter de bourgeoises maisons.

Exaltés par l’abus d’illicites poisons,
Qui pare leur regard d’une expression cruelle,
Ils jouent les baroudeurs devant les demoiselles
Pressées de se lover au creux de leur blouson.

Quand un poulet curieux vient leur chercher querelle,
Le voyou en faction lui brûle la cervelle,
Avant de l’enterrer sous un coin de gazon.

Les crapules comblées chantent des ritournelles
À d’accortes poupées qui rient au diapason,
Pendant que le whisky se déverse à foison.

Caveau du regret

Le temps craquelle
La guitare muette
Habillée de poussière

Sur le cheval à bascule
Un chapeau de feutre
Accroche un rai de lune

Une lettre d’adieu
Jaunit devant le vase
De roses desséchées

La pendule bancale
Au battement sourd
Mâche les heures d’ennui

La porte épaisse
Enferme les souvenirs pastel
Dans le caveau du regret

30.3.05

Anges de la désespérance

Arrière, anges damnés de la désespérance !
Envoyés ténébreux des puissances du mal,
Qui dansez dans mon âme un sabbat infernal,
Laissez-moi m’endormir dans un douillet silence.

Funestes souvenirs qui tramez ma démence,
Fondez sous la tiédeur du soleil matinal,
Pour que, débarrassée de mon chagrin létal,
Je sourie à la joie du printemps qui s’avance.

Fantômes déchaînant un ouragan spiral
Sur le dédale obscur de mon effroi mental,
Courez vous déliter dans l’univers immense.

Monstres noirs, extincteurs de mon souffle vital,
Expirez de concert sous la lumière intense
De la voûte où s’inscrit ma proche délivrance.

Ciel livide

Du ciel livide
Tombe une pluie glacée
Sur les âmes fourbues

Au firmament palpitent
Des nuages crayeux
Aux formes sibyllines

Le vent déchire
Les rêves anciens
En poussière de regrets

L’horizon se dilue
Sous le flot indompté
Des larmes anonymes

Aux lueurs de l’aurore
L’orgueil se délite
En souvenirs blessés

29.3.05

Voyage pénible

Dans le wagon bondé d’étrangers volubiles
Dont les rires bruyants lui flanquent le cafard,
Le loustic désœuvré se biture au pinard
En matant la fenêtre où les arbres défilent.

Une vieille friquée dont les bijoux rutilent
Lui jette en loucedé de venimeux regards,
Jusqu’à ce qu’excédé, il pointe son poignard
Sur sa tronche agitée de tremblements fébriles.

La musique techno d’un groupe de loubards
Qui trompent leur ennui en tétant des pétards
Déclenche dans son être une montée de bile.

Lorsqu’une contrôleuse à l’expression hostile
Brise ses rêveries de son laïus braillard,
Le gazier lui balance un pain dans les nibards.

Train du hasard

Le train du hasard
Emporte les anonymes
Vers un avenir intangible

Les arbres défilent
Devant les fenêtres sales
En un ballet d’adieu

Des rires d’enfants
Habillent la nuit
D’une joie fragile

À la croisée des destins
Une sirène déchire le silence
En fragments d’incertitude

Les lueurs de l’aube dessinent
Un réseau d’ombres tristes
Sur les visages las

28.3.05

Musiciens du soleil

Musiciens du soleil, venez exécuter
Vos chansons endiablées dans les rues de la ville,
Pour que votre gaieté chasse l’hiver hostile
Qui s’acharne à hanter les esprits attristés.

Baladins étrangers, semez dans la cité
Des bouquets flamboyants de poèmes habiles
À conjurer l’ennui dont les rets se profilent
Sous l’horizon vêtu d’une âpre obscurité.

Poètes, déclamez de vos voix volubiles
Des vers prompts à fleurir de joie les domiciles
Qu’assombrit un lacis de rêves avortés.

Magiciens, constellez de radieux volatiles
Le firmament désert, afin de déliter
Les échos ténébreux de l’inhumanité.

Fragments citadins

L’absence alourdit la chambre
Un train file
Vers un ailleurs inconcevable

La rue s’endort
Un réverbère souligne
Les ombres du soir

Les volets palpitent
Aux fenêtres assombries
La nuit s’installe

À l’angle du trottoir
La vie bascule
Vers l’ivresse citadine

Un pas s’éloigne
Dans le vent oublieux
Des rêves déçus

27.3.05

Fragments hospitaliers

Dans la calme froideur de l’austère hôpital,
L’infirmière de nuit avance une main fine
Vers la joue d’un vieillard que l’abus de morphine
Enferme dans les rets d’un silence augural.

Sitôt qu’elle aperçoit une aiguille en métal
Devant son bras exsangue, une frêle gamine
Pousse un cri de frayeur en pinçant les narines,
Avant de s’abîmer dans un repos final.

L’interne silencieux ausculte la poitrine
D’un clochard pestilent, victime d’une angine,
Au terme d’un hiver de dénuement total.

Le médecin éteint dans un flot d’insuline
Le chagrin lancinant qui vrille son moral,
Afin de parvenir au sommeil idéal.

Croisée des incertitudes

Devant la table du dîner
L’horloge découpe le temps
En tranches fades

La lampe étire
Les ombres silencieuses
De l’habitude

Le portrait du grand-père
Jaunit sur le buffet
En signe de reproche

Une cloche lointaine
Mêlée à des rires enfantins
Allume un espoir

Au bord du ciel
Les étoiles palpitent
À la croisée des incertitudes

26.3.05

Exquise paresse

Que m’importe l’éclat des palais où s’empressent
Des flots de courtisans aux bras chargés de fleurs
Qu’ils posent sur l’autel des futiles splendeurs,
Avant de regagner leur monde de tristesse !

Que m’importe les traits d’ironie, que m’adressent
Les anciens compagnons de mes tendres bonheurs,
Empêtrés dans les rets d’une course aux honneurs
Barbelée d’un fatras de cupides bassesses !

Que m’importe les cris des oiseaux de malheur,
Prophètes belliqueux du néant fossoyeur,
Avide d’engloutir les frivoles richesses !

Sourde à la frénésie des hommes querelleurs,
Je m’abandonne aux joies d’une exquise paresse
Que mon amie ponctue de soyeuses caresses.

Murs de poussière

Au terme du voyage
Murs de poussière
À fleur d’absence

Le vent efface
Le chemin du retour
Sous le sable de l’amnésie

Une grappe d’oiseaux
Vole vers un pays
Haut en couleur

Sous l’horizon glacé
Le soleil se flétrit
Les ombres du soir palpitent

Dans la froideur de la nuit
Une voix blanche
Entame une prière

25.3.05

Fieffé cossard

Lourdé de son turbin par un sombre taulier
Pour un larcin doublé d’une histoire de fesses,
Le mécano, ravi, chourave avec adresse
Un pacson de billets à l’innocent caissier.

Douillettement vautré entre ses deux greffiers
Qui lui lèchent les mains en mendiant des caresses,
Le tire-au-flanc dilue ses pensées vengeresses
Dans un pinard costaud, fauché chez l’épicier.

Il jette le réveil dont le tic tac l’oppresse,
Afin de profiter des joies de la paresse,
Qu’illuminent les rais du soleil printanier.

Quand sa souris se pointe, il enferme en vitesse
Son magot dans le fond du placard sous l’évier,
Avant de lui taper le montant du loyer.

Voltes mentales

Enfant j’explorais le monde à genoux
Cahiers noircis de mots appris en cachette
Construire un palais de vers
Sur les meurtrissures du passé
Je grince sur mes fondations
Mauvais karma
Avancer vers quel vide
Débusquer la rose sous le fumier
Le verbe délivre la raison
Marcher dans l’indifférence
De la nuit silencieuse
Sourire d’une chanson
À dormir debout
S’envoler au vent
D’une joie inconnue

22.3.05

Folle smala

Dans la chambre étriquée, commence un pugilat
Entre un loustic grossier et sa moitié coquette,
Sous l’œil indifférent d’une chatte replète,
Lascivement vautrée sur l’affreux matelas.

Assis sur le tapis, un gnard rit aux éclats
En matant un navet lourd de blagues surfaites,
Pendant que son frangin engloutit en cachette
Un paquet de biscuits nappés de chocolat.

Le grand-père, beurré, crache sur la moquette,
Avant de dégoiser des jurons à tue-tête,
Tandis que sa bergère invoque l’au-delà.

La gamine effectue une sortie discrète,
Afin de s’envoler au bras d’un échalas
Qu’effraient les beuglements de la folle smala.

Cabaret de l’amertume

Au cabaret de l’amertume,
J’entends les sirènes du port
Se mêler aux soyeux accords
D’une musique à plein volume.

Dans le soir qu’assombrit la brume
De ce paysage du Nord,
Une poupée aux cheveux d’or
Accoste un marin en costume.

Tandis que la lune s’endort,
J’écoute un trombone ténor
Jouer la chanson du bitume.

Un goéland prend son essor
Vers le firmament où ses plumes
Chatoient dans le jour qui s’allume.

21.3.05

Prière au printemps

Soleil, viens effacer par ta chaude caresse
La neige maculée qui voile le décor,
Avant de déchirer sous tes lumières d’or
Le brouillard hivernal, imprégné de tristesse.

Rossignols, célébrez en chantant la noblesse
De l’aurore pétrie de champêtres trésors,
Pour que le firmament, charmé par vos accords,
Éloigne prestement les nuées qui m’oppressent.

Remplace, exquis zéphyr, le vent glacé du nord,
Dont le souffle puissant me lacère le corps,
Afin de m’apaiser au creux de ta tendresse.

Printemps, apporte-moi le soyeux réconfort
De ta gaieté fleurie de la douce promesse
D’oublier dans tes bras la froideur qui me blesse.

Envolée sauvage

Pendant que tu parcours de soyeux paysages
Qu’illumine un soleil habillé de bonheur,
Je regarde pâlir les dernières lueurs
D’une lune voilée de charbonneux nuages.

Pendant que tu souris aux oiseaux de passage,
Qui dansent sous tes yeux un ballet enchanteur,
Je combats tristement les fantômes moqueurs,
Acharnés à chasser de mon cœur ton image.

Pendant que tu renais sur des chemins en fleurs,
J’affronte l’insomnie sur mon lit de douleur,
Jusqu’à l’aube chargée de sibyllins présages.

Portée par mon désir, je quitte la froideur
De la ville où le fiel de l’ennui se propage,
Pour courir partager ton envolée sauvage.

Cendres du silence

Le téléphone insolent
Vrille la solitude
Répit éphémère

La voix ensoleillée brode
Une connivence mensongère
Sur le drap de l’insomnie

Gommer les contradictions
Cueillir l’espoir furtif
Qui lamine l’ennui

Étouffer les doutes
S’ancrer dans la joie
Du rendez-vous promis

À l’aube grise
Pleurer dans les cendres
Du silence froid

20.3.05

Partie d’échecs

Tandis que ses sujets défendent sa couleur
Sur l’immense échiquier où des pièges se trament,
La reine, que l’enjeu de la bataille enflamme,
S’élance à pas géants vers un fou querelleur.

L’impudent terrassé en deux coups ravageurs,
La guerrière déjoue le stratagème infâme
D’un cavalier sournois qui, sous ses yeux, entame
Un galop effréné aux virages trompeurs.

Les pions noirs, pressentant l’imminence d’un drame,
Se ruent en rangs serrés vers le roi que sa dame
Exhorte à repousser l’assaut de l’oppresseur.

Quand l’albe souverain superbement proclame
Le mat de son rival pétrifié de frayeur,
Les survivants s’enfuient vers l’étui protecteur.

Hiver moribond

Dans l’écrin cotonneux de l’hiver qui se meurt,
Je regarde pâlir les fantômes qui dansent
Un ballet ténébreux, barbelé des démences
De mes nuits d’insomnie au tréfonds de la peur.

Tandis qu’à l’horizon paraissent les lueurs
D’un soleil insensible aux amères souffrances
De mon âme emmurée dans un épais silence,
Je souris aux désirs qui raniment mon cœur.

Grisée par le parfum du printemps qui s’avance,
J’arrache les chardons de la désespérance
Ornée d’un chapelet d’effrayantes douleurs.

Quand un essaim bruyant d’enfants radieux s’élance
Dans la cité qu’égaient leurs visages rieurs,
Je me laisse emporter par leur chant de bonheur.

19.3.05

Sommet de volupté

Exaltée par la joie de mon cœur intrépide,
Je cueille sur ta peau un bouquet de baisers,
Dont la douceur t’inspire un faisceau embrasé
De frissons délicieux aux présages limpides.

Grisée par le brasier de ton regard avide,
Je plonge dans les plis de ton jardin rosé,
Où ma bouche avisée s’active à déposer
Des diamants précurseurs de délices liquides.

Sur un flot de bonheur aux tourbillons lascifs,
Je t’emmène en traçant un sillage furtif
Au creux de ta vallée inondée de tendresse.

Dès que nous atteignons le faîte incandescent
De notre volupté, nos corps brûlants se pressent
En une étreinte ornée de plaisirs indécents.

Éveil voluptueux

Pendant que tu parcours des rivages affreux
Dans ton sommeil pétri de cauchemars morbides,
Je compose pour toi des poèmes limpides
Que je lance en chantant vers le ciel ténébreux.

Dans ta nuit agitée de fantômes cireux
Dont les chaînes rouillées grincent un air acide,
Je viens te délivrer des puissances du vide,
Afin que tu souries au matin savoureux.

Assise à ton chevet, je joue à la guitare
Ton morceau préféré dont le rythme bizarre
Déchire le linceul de tes cuisants regrets.

Quand le soleil répand ses premières lumières,
J’étouffe les échos de ton chagrin secret
En cueillant des baisers au coin de tes paupières.

18.3.05

Branleur incurable

Accoudé au comptoir d’un rade de Paname,
Le loustic, libéré ce matin du placard,
Reluque sombrement les offres d’un canard,
Car l’idée de bosser lui flanque un trac infâme.

Poussé par son daron, un vieil hippopotame,
Il se tape un pacson de sinistres rencards,
Depuis un gros tyran imbibé de pinard
Jusqu’à une bourgeoise aux yeux luisants de came.

Trimer comme un forçat au milieu de ringards
Drivés par un vicieux file un affreux cafard
Au gazier qui, roublard, chamboule ce programme.

Dans un bistrot cradingue, il achète un pétard,
Un bijou venimeux, prêt à cracher des flammes
Pour qu’il trouve du blé sans en foutre une rame.

Misère meurtrière

Au chevet de ma femme morte
Par la faute d’un usurier
Bardé d’injonctions de payer,
J’épanche ma rage à voix forte.

Devant son corps froid, je m’exhorte
À venger nos rêves broyés
En tordant le cou de l’huissier
Venu fracturer notre porte.

J’étranglerai le financier
Acharné à nous dépouiller,
Afin que le diable l’emporte.

J’assommerai les policiers,
Dont j’entends rugir la cohorte,
Avant de leur trancher l’aorte.

17.3.05

Fille d’une comète

Fille d’une comète et d’une lune noire,
Tu viens illuminer ma glaciale saison
En insufflant ta flamme au creux de ma raison
Pour calciner l’effroi qui vrille ma mémoire.

Tu graves nos désirs dans l’insolent grimoire
De notre union brûlante en drapant l’horizon
De diamants dont le feu se déverse à foison
Sur mon âme emmurée dans une tour d’ivoire.

Princesse de la joie, tu brises ma prison
En offrant le volcan niché sous ta toison
À ma bouche assoiffée qui s’empresse d’y boire.

Reine de mes frissons, ta tendre floraison,
Dont le parfum guérit mes peines dérisoires,
Nous conduit au sommet de notre ardente histoire.

Puits de la rédemption

Lassée des trahisons qu’enrobent
Les filets de l’éducation,
Je renonce aux génuflexions
Pour le rire où je me dérobe.

Fidèle à ma conscience probe,
Je résiste à la tentation
De dissimuler mes passions
Sous la sagesse d’une robe.

Au rythme de mes réflexions,
Je déchire les traditions
En balayures de microbe.

Dans le puits de la rédemption,
J’éteins les laïus que je gobe,
Pour goûter le bonheur du globe.

16.3.05

Néant terminal

Couchée sur mon lit d’hôpital,
Je gémis quand une infirmière,
Sourde à ma pudeur familière,
Me prie d’accepter son bocal.

Dès qu’une aiguille de métal
Éteint ma douleur singulière,
J’entre dans un sommeil de pierre,
Où meurent les bourgeons du mal.

Rebelle à la tiède lumière
Qui s’acharne sur mes paupières,
J’erre dans un calme hivernal.

Tandis qu’un médecin stagiaire
M’ausculte d’un air doctoral,
J’aborde au néant terminal.

Noël approche

Noël approche à pas de velours
Sur le chemin de l’innocence,
Où les cailloux du mensonge
Se recouvrent d’un manteau laiteux.

Le temps s’écoule, cotonneux,
En heures de boules pralinées
Jusqu’au réveillon éclatant,
Pochette-surprise éternelle.

L’alcool se déverse en rires brûlants
Qui cisèlent les peines de l’an passé
En diamants flamboyants
Dont la joie dilue la fatigue des convives.

Le repas s’étire en nappes d’abondance,
Que conclut la bûche fondue
Dans l’âtre des lâches voluptés,
Au matin glacé d’un ennui nauséeux.

Sur la table souillée de miettes d’enfance,
Souffle un vent de chagrin,
Qui ravine les masques chiffonnés
Par un chapelet d’espoirs déçus.

Sœur de plume

Ma chère sœur de plume
Au talent insolent,
Ton enthousiasme allume
Un espoir aveuglant.

Sur ton chemin de fleurs,
Ma fidèle princesse,
Je cueille le bonheur
De ta chaude tendresse.

La flamme de tes vers
Illumine mon âme
En effaçant l’hiver
De mes vains mélodrames.

Ta douce fantaisie
Lave les trahisons,
Pour que la poésie
Se déverse à foison.

Parée de ton cœur d’or,
Tu désarmes la mort.

15.3.05

Cruautés champêtres

Dans un jardin soyeux, un lézard se prélasse
Sous les tièdes rayons d’un soleil enchanteur,
Jusqu’à ce que surgisse un félin querelleur
Qui, d’une patte agile, aussitôt le terrasse.

Un escargot, qu’anime une funeste audace,
Rampe péniblement sur un rosier en fleur,
Où s’agite une main armée d’un sécateur
Qui déchire son corps de ses lames voraces.

Quand le ciel se déverse en grondements rageurs,
Un rossignol s’enfuit de son nid en hauteur,
Pour tomber dans le bec d’un farouche rapace.

Pressée de s’éloigner d’un vrombissant tracteur,
Une souris se jette au fond d’une crevasse,
Où les crocs d’un renard lacèrent sa carcasse.

Futur de poussière

Dans un monde où l’avidité
D’individus au cœur de pierre
Étouffe les âmes altières,
Poussent les fleurs de lâcheté.

Sous l’horizon ensanglanté
Par les insolentes lumières
D’un soleil à l’humeur guerrière,
Se désagrège la beauté.

Un magma de haines grossières
Instaure une peur sans frontières,
Nourrie de rêves avortés.

Au seuil d’un futur de poussière,
Les griffes de l’obscurité
Pulvérisent l’humanité.

14.3.05

Nuit ténébreuse

Dans le désert épais d’une nuit ténébreuse
Qu’une lune glacée refuse d’adoucir,
Je compose des vers, avant de m’assoupir
Dans le lit cotonneux de mes peurs monstrueuses.

L’insipide tic tac de la pendule creuse
Un gouffre de tristesse, où mes pâles désirs
S’abîment en silence au seuil d’un avenir
Barbelé de démons aux grimaces haineuses.

Assise à mon bureau, je regarde courir
Ma plume courageuse, empressée de bâtir
Un poème pétri de mes peines nombreuses.

La rose de l’espoir achève de mourir
Sur la page qu’effleure une aurore crayeuse,
Zélée à vivifier mes pensées douloureuses.

Égarements citadins

Pendant que la frêle souris
S’empoisonne dans un burlingue
Infesté d’une armée de dingues,
Son mec se balade à Paris.

Il éconduit les sans-abri
Affublés de clébards cradingues,
Pour aller vider son morlingue
Dans un bar au taulier aigri.

Il s’échine à faire du gringue
À de stupides grandes bringues
Décolletées jusqu’au nombril.

À la chaleur d’une seringue,
Il chasse les fantômes gris
Qui fourmillent dans son esprit.

13.3.05

Héphaïstos vengeur

Pendant qu’Héphaïstos martèle avec ardeur
De larges boucliers dans sa forge étouffante,
Aphrodite succombe aux caresses vibrantes
D’Apollon, le poète au sourire charmeur.

Le maître du soleil éclate de fureur
En découvrant un soir la trahison cinglante
De la belle alanguie sous la bouche brûlante
D’Arès, venu cueillir un consolant bonheur.

Afin de se venger de la fière intrigante,
Son amoureux trompé court séance tenante
Conter à son mari cet affreux déshonneur.

Le boiteux, animé d’une rancœur violente,
Confectionne un filet où, d’un geste rageur,
Il prend les deux amants qu’il montre aux dieux moqueurs.

Cène du Seigneur

Dans un coin d’une fresque immense,
Montrant la Cène du Seigneur
Entouré d’apôtres rieurs,
Se dresse l’ange d’espérance.

Dès qu’un misérable s’avance
Devant les célèbres dîneurs,
Une délicieuse chaleur
Le console de ses souffrances.

Quand un œil pétri de candeur
Fixe la table du Sauveur,
Jaillit une lumière intense.

Aussitôt qu’un profanateur
Brise d’un cri le pieux silence,
Le Christ éteint son existence.

12.3.05

Divagations citadines

Pendant que la souris s’envoie un Picon-bière
En mâchant goulûment un reste de pâté,
Sous le regard jaloux du clébard édenté,
Son mec mate un polar aux ficelles grossières.

Quand un ennui pesant abaisse les paupières
Du loustic affalé dans sa médiocrité,
Sa bergère s’enfuit loin du foyer hanté
Par l’ange du chagrin en habit de poussière.

Dans le muet lacis des rues de la cité,
Elle marche au hasard à pas désenchantés
Jusqu’au seuil d’un café ruisselant de lumière.

Aussitôt qu’un poivrot commence à peloter
Son pétard en lâchant une invite ordurière,
La poupée lui balance un pain dans la théière.

Dérobades

Sous l’œil d’une lune immobile,
S’entame un combat infernal
Entre un individu brutal
Et sa régulière indocile.

Pendant que le loustic s’enfile
Des litres de pinard local
Pour se remonter le moral,
La belle, excédée, se défile.

Dès que le soleil matinal
Danse sur sa montre en métal,
L’homme quitte le domicile.

En route pour le Sénégal
Avec une fille facile,
Le lascar, délivré, jubile.

11.3.05

Poète nocturne

Le cerveau encombré de rimes bourdonnantes
Qui voilent les échos des rires insolents
Nés dans les insomnies où fleurit son talent,
La poète construit des images démentes.

Dans la ville assombrie qu’en solo elle arpente,
Elle cueille des mots dont les accents troublants
Chassent le bataillon de souvenirs brûlants
Qui déchirent son cœur de leurs griffes sanglantes.

Sur la table où somnole un matou nonchalant,
Elle alterne sonnets et strophes de vers blancs,
Afin de conjurer les démons qui la hantent.

Sitôt que la fatigue émousse son élan,
Elle quitte à regret sa plume chatoyante,
Pour s’endormir au seuil d’une aurore étouffante.

Apprenti toxico

En sortant d’une boîte à bac
Drivée par une vieille bique,
Le loustic désœuvré se pique
Au lieu de s’inscrire à la fac.

Au cours d’un stupide fric-frac,
L’apprenti toxico panique
Quand un gardien antipathique
Lui lâche un clebs sur le colback.

Alertés par ses cris tragiques,
Deux condés baraqués rappliquent
Pour mettre un terme à ce micmac.

Au violon, un flic ironique
Cogne le mec qui, mort de trac,
Balance son dealer de crack.

10.3.05

Vase fatal

Au moment redouté du devoir conjugal,
La gazelle, écœurée par son jules vulgaire
En train de bousiller son caleçon panthère,
Lui balance à la tronche un vase de cristal.

Le malotru, sonné, pousse un cri guttural,
Avant de s’effondrer sous l’œil de sa bergère
Qui, loin de regretter son geste de colère,
Éclate brusquement d’un rire colossal.

Tandis que le loustic agonise par terre,
L’implacable souris se tire chez sa mère
Que ravit cet accroc au calme vespéral.

Le daron, que la mort de son gendre indiffère,
Vire les deux furies dont le foin infernal
L’empêche de finir les jeux de son journal.

Tendre éveil

Devant le lit où tu sommeilles,
Je forme des vers en l’honneur
De notre unisson enchanteur,
Pétri d’une joie sans pareille.

Dans l’écrin de l’aube vermeille,
Je compose un sonnet rieur,
Tracé à l’encre de mon cœur
Que ton élégance émerveille.

J’écris un hymne de bonheur,
Soyeux comme un jardin en fleurs,
Bourdonnant de vives abeilles.

J’assemble des mots enjôleurs
Que je murmure à ton oreille,
Pour que ma tendresse t’éveille.

9.3.05

Poète champêtre

Au fil de ses sonnets à l’humour ravageur
Qu’Internet envoyait dans tous les coins de France,
Mon ami écrivain clamait son espérance
D’un futur où les mots adouciraient les cœurs.

Aussitôt que pointaient les premières lueurs
De l’aurore complice, il quittait en silence
Son foyer endormi pour son jardin immense
Où sa plume formait des quatrains enjôleurs.

Sous le chant des oiseaux perchés en abondance
Dans les chênes plantés devant sa résidence,
Il ciselait des vers imprégnés de bonheur.

Je garde en mon esprit les poèmes majeurs
De l’homme chaleureux dont la tendre éloquence
Apaise ma douleur de sa funeste absence.

Poète du bonheur

Le poète cher à mon cœur
Écrit des phrases singulières,
Inspirées par les fûts de bière
Qu’il ingurgite avec ardeur.

Emporté par sa bonne humeur,
Il traduit des strophes entières
En plaisanteries cavalières,
Tapées sur son ordinateur.

Son ébriété coutumière
Fleurit de rires incendiaires
Ses alexandrins tapageurs.

Ses vers tracés à la lumière
De son optimisme enjôleur
S’allient en un chant de bonheur.

8.3.05

Loup affamé

Quand le soleil éteint ses dernières lueurs,
S’avance prudemment la carcasse amaigrie
Du loup qui, saturé de charogne pourrie,
Brûle de dévorer quelques agneaux trembleurs.

Embusqué à l’orée d’un village en hauteur,
Joliment entouré d’odorantes prairies,
L’animal solitaire, avide de tueries,
Tressaille quand jaillit un corniaud bagarreur.

Sous l’œil indifférent d’une lune assombrie,
Le carnivore, mû par une âpre furie,
Étripe prestement l’intrépide gêneur.

Aussitôt qu’il parvient devant la bergerie
D’où s’échappe un bouquet d’alléchantes odeurs,
Le prédateur entame un festin ravageur.

Cabaret de l’aventure

Au cabaret de l’aventure,
Je bois du vin blanc alsacien
En compagnie d’un musicien
Que dévore une peine obscure.

Une voyageuse torture
L’assistante d’un magicien
Sous le regard d’un dalmatien
Qui mâche un lacet de chaussure.

Un crapuleux cartomancien
S’empare du collier ancien
De la gazelle qu’il rassure.

Pressé de rejoindre les siens,
Un poivrot file à toute allure,
Pour sombrer dans un tas d’ordures.

7.3.05

Apparitions poétiques

Sur la page noircie de symboles curieux
Que je trace au hasard d’une plume fébrile,
Se tisse un écheveau de souvenirs hostiles,
Tapissé de bouquets de rires pernicieux.

Au détour d’un quatrain fleuri de mots radieux,
Jaillit une inconnue dont l’image fragile
Se dilue prestement dans un vers qui profile
Un avenir qu’étouffe un horizon pluvieux.

Dans un tercet formé à l’encre indélébile
De mon âme endurcie par les années qui filent,
Débouche un fleuve orné d’une île en son milieu.

Au terme du sonnet, de fringants volatiles
S’unissent pour chanter un hymne mystérieux,
Avant de s’envoler librement vers les cieux.

École citadine

Sur le tableau noir de l’école,
Gambadent des craies de couleur,
Dont le savant instituteur
Traduit les signes en paroles.

Au parfum amer de la colle,
S’allient les soyeuses senteurs
D’un flamboyant bouquet de fleurs,
Qu’une abeille égarée survole.

Midi revêt de bonne humeur
La classe où les gamins en chœur
Entament une course folle.

Le troupeau des enfants rieurs
Quitte les quotas agricoles
Pour les rues de la métropole.

6.3.05

Crèche bruyante

Le bœuf, exaspéré par le poupon qui braille
Dans l’étable glacée sous l’œil admirateur
Du charpentier pétri d’une immense douceur,
Mugit en mâchonnant des brindilles de paille.

Lassé de supporter la bruyante pagaille
Des bergers réunis devant le mioche en pleurs,
L’âne se divertit de sa mauvaise humeur
En se gavant de glands qui plombent ses entrailles.

La mère fatiguée berce contre son cœur
Le nouveau-né qu’effraie le flot des visiteurs
Exaltés par l’espoir d’une proche ripaille.

Quand un mouton ébauche un bêlement rageur
Afin de conjurer l’ennui qui le tenaille,
Marie prie le Seigneur que les gêneurs s’en aillent.

Néant salvateur

J’efface de mon téléphone
Les coordonnées des raseurs,
Afin qu’un calme bienfaiteur
Succède aux cris qui m’empoisonnent.

Je quitte les nuits où résonne
La voix de mon téléviseur,
Pour écouter battre mon cœur
Bardé de regrets monotones.

Je jette les bouquets de fleurs
De malhonnêtes séducteurs
En lisière de mon automne.

J’offre les portraits en couleurs
De citadines amazones
Au néant où je m’abandonne.

5.3.05

Danseuse rayonnante

Quand le regard glacé du professeur s’arrête
Sur la gosse engoncée dans un tutu affreux,
Inapte à arrondir ses mouvements fiévreux,
Elle court aussitôt pleurer dans les toilettes.

Au centre du gymnase, une jeune coquette
Enchaîne brillamment des entrechats nombreux
Que ponctue un torrent de bravos généreux,
Habile à colorer de rouge ses pommettes.

Sous les yeux attentifs du maître désireux
D’éblouir le public par son art rigoureux,
La danseuse exécute une sortie parfaite.

La beauté se répand en éclats vigoureux
D’une joie où se fond l’admiration secrète
De l’enfant qui lui tend un bouquet de violettes.

Janus aux deux visages

Janus, mû par sa bonté sage,
Accueille Saturne, chassé
Du ciel par son fils empressé
De mettre un terme à ses carnages.

Le dieu, doté de deux visages
Tournés vers futur et passé,
Règne dans le temple dressé
À Rome pour lui rendre hommage.

Il régit le bal cadencé
Des années qu’il fait commencer
Depuis la profondeur des âges.

Il veille d’un œil exercé
Sur les saisons dont le passage
Ressuscite les paysages.

4.3.05

Virée citadine

Pour conjurer l’ennui de ses jeux solitaires
Dans un quartier sinistre où le ciel assombri
Pose son voile lourd sur les immeubles gris,
Le gamin incendie les lettres de son père.

Armé d’une bougie dont la flamme confère
Une allure funèbre à son corps amaigri,
Il explore les rues bondées de sans-abri
Au visage endurci par une âpre misère.

Au coin d’un boulevard infesté de souris
Dont le regard exhale un silencieux mépris,
L’enfant, fourbu, s’endort sous une lune amère.

Au matin, éveillé par le charivari
D’impatients citadins à la mine sévère,
Il reprend sa virée sous les rayons solaires.

Passion flamboyante

Je disperserai dans les cieux
Un bouquet d’étoiles filantes,
Afin que leur danse brillante
Allume un espoir dans tes yeux.

Je chanterai l’hymne radieux
De notre tendresse insolente,
Nourrie de caresses brûlantes,
Mêlées de baisers délicieux.

Je peindrai la toile géante
De nos amours incandescentes,
Fleuries de présages soyeux.

Je cueillerai des joies ardentes
Dans mon jardin de mots soyeux,
Pour sceller notre accord précieux.

3.3.05

Patinage odieux

Les nougats boudinés dans d’horribles patins
Qu’il essaie gauchement de tenir sur la glace,
Le loustic pétochard subitement ramasse
Un gadin qui ravit le public enfantin.

Une vive gazelle au corsage en satin,
Qu’amuse le balourd aux mouvements cocasses,
Le fixe en ricanant, jusqu’à ce qu’il lui fasse
Un bras d’honneur suivi de jurons indistincts.

Un cador de banlieue, que cette lutte agace,
Étend le malotru d’un direct efficace,
Pendant que la poupée glisse vers le lointain.

Vautré sur le carreau, le zigoto fumasse
Jure de zigouiller le sinistre crétin
Qui s’envole en filant le train d’une catin.

Mort d’une bougie

Dans le salon, une chandelle
Éclaire un portrait en couleurs,
Où sourit un garçon charmeur
À la chevelure rebelle.

La tiède lumière révèle
Un bloc orné de mots rageurs,
Dont un radieux bouquet de fleurs
Adoucit les piques cruelles.

La flamme apaise les douleurs
De la lectrice dont les pleurs
Sèchent dans une joie nouvelle.

Pendant que la bougie se meurt,
Le soleil matinal ruisselle
Pour enchanter la demoiselle.

Boules de billard

Drapées de couleurs flamboyantes,
Les boules roulent au hasard
Sur la surface du billard,
Où règne une fièvre démente.

Aussitôt qu’un joueur présente
Sa queue froide comme un poignard,
Elles détournent son regard
En prenant vite la tangente.

Atterrées par les bruits du bar,
Elles filent de toute part
En une harmonie chatoyante.

Quand une bande de fêtards
Entame une partie bruyante,
Elles blanchissent d’épouvante.

2.3.05

Immortel Prométhée

Le sage Prométhée, créateur de la race
Des hommes, les protège avec un tel amour
Que Zeus, exaspéré, lui joue le mauvais tour
De l’offrir en pâture aux serres d’un rapace.

Enchaîné sur un roc où un griffon vorace
Lui lacère le foie dès le lever du jour,
Le malheureux héros implore le secours
D’Héraclès que le sort a lancé sur ses traces.

Le dieu suprême, ému par le brillant discours
De son enfant, l’envoie abattre le vautour,
En scellant son pardon d’une flèche sagace.

Le Titan, délivré, s’envole pour toujours
Dans l’Olympe où, radieux, il s’installe à la place
De Chiron qui, perclus de souffrances, s’efface.

Bagarre matinale

Insensible aux yeux de velours
Des souris qui hantent la gare,
Le voyageur à l’air bizarre
S’achemine vers les faubourgs.

Parvenu sur un carrefour,
L’étranger ténébreux s’égare
Parmi des voyous que séparent
Les premières lueurs du jour.

Sous son œil surpris se déclare
Une épouvantable bagarre
Entre deux ivrognes balourds.

Tandis qu’un policier accourt,
L’homme affiche un sourire hilare
Sur sa bouche ornée d’un cigare.

1.3.05

Amour naufragé

Sous l’horizon bardé des lumières sanglantes
D’une aube indifférente à notre désaccord,
Notre amour moribond palpite dans le port
Du hasard, où mugit une bise violente.

Dans le silence amer qui, ce matin, supplante
L’arc-en-ciel de désirs illuminant nos corps,
Pousse un chardon haineux où nos pâles remords
S’écorchent en versant une bile puante.

Le vaisseau flamboyant de nos joies sombre au bord
D’un avenir obscur, où le précieux trésor
De l’espoir se réduit en cendres tournoyantes.

Une pluie torrentielle efface le décor
De notre union souillée de rancœurs indécentes,
Afin de diluer les chagrins qui nous hantent.

Partie de tarot

Pendant que la dame de cœur
Noue des alliances illicites,
Son roi, chagriné, facilite
La réussite d’un tricheur.

Dans la main d’un mauvais joueur
Que son insignifiance irrite,
Le deux de trèfle sollicite
L’appui du dix de sa couleur.

Le quatre de pique profite
D’une étourderie insolite
Pour assurer un pli vainqueur.

Le valet de carreau invite
Le vingt-et-un, atout crâneur,
À prendre le petit trembleur.