31.5.05

Malfaiteur retors

Pendant que son copain fait le planton dehors,
Le cador du fric-frac s’introduit en silence
Dans un appartement dont les pièces immenses
Abritent quantité de bibelots en or.

Il s’esquinte à forcer un épais coffre-fort
Bourré de calepins noircis de confidences
Dont la futilité nourrit sa répugnance
Pour les bourgeois crétins, vautrés dans leur confort.

La crapule, excédée, déchire avec violence
Les témoins d’un bonheur au pays de l’enfance,
Avant de retourner à sa chasse au trésor.

Dès que, sous un plumard, il trouve une abondance
De splendides diamants, le malfaiteur retors
Calte en abandonnant son complice à son sort.

Recette de poème moderne

Pour faire un poème moderne,
Assemblez des mots au hasard,
Saupoudrez-les de cauchemars
Nourris de votre espoir en berne.

De l’angoisse qui vous gouverne,
Empruntez le sanglant poignard,
Pour lacérer de toute part
Vos vers pétris d’images ternes.

Rangez la syntaxe au placard,
Menez votre plume à l’écart
Des règlements qui vous consternent.

Nimbez vos phrases de brouillard,
Afin que votre texte berne
L’acuité du regard externe.

Pianiste sombre

Les yeux assombris de tristesse,
Le pianiste joue des accords
Dont l’écho s’éteint sur le port
Drapé dans une brume épaisse.

Tandis que les marins délaissent
À la nuit noire le décor,
Les yeux assombris de tristesse,
Le pianiste joue des accords.

Pendant que le patron s’empresse
De fermer le bistrot où dort
Un terrier au pelage d’or,
Le musicien file en vitesse,
Les yeux assombris de tristesse.

30.5.05

Visions lugubres

Dès que la nuit étend son aile de noirceur,
Les anges du malheur, assoiffés de violence,
Sèment dans la cité des graines de démence,
Afin de tourmenter les paisibles dormeurs.

Sur la ville déferle un bataillon vengeur
De fantômes armés de flamboyantes lances
Habiles à creuser un gouffre de souffrance
Dans le corps des humains coupables de froideur.

Le rire du démon déchire le silence
En éclats de tonnerre où s’éteint l’espérance
Des esprits lacérés par les crocs de la peur.

À l’aurore, un essaim de squelettes s’avance
Dans les rues assombries où leur âpre clameur
Augure un avenir au tréfonds de l’horreur.

Vaisseau de l’espérance

Sur le vaisseau de l’espérance,
Que borde une voûte outremer,
L’écrivain compose des vers
Gorgés de souvenirs d’enfance.

Il navigue au vent de la chance
Parfumé de rires diserts,
Sur le vaisseau de l’espérance,
Que borde une voûte outremer.

Tandis que l’océan immense
Dissout ses cauchemars amers,
Il vogue vers un univers
Fleuri de joies en abondance,
Sur le vaisseau de l’espérance.

Abécédaire amoureux

Dans mon abécédaire amoureux, résident :
Une amazone aux envies polissonnes
Un baiser fleuri de gestes osés
Une caresse esquissée en vitesse
Un divan aux souvenirs émouvants
Un encens empreint d’espoir indécent
Un frisson à l’abri d’épais buissons
Une guitare hostile à la bagarre
Un hôtel témoin d’un aveu cruel
Une impasse où naît un rire fugace
Un jardin propice aux plaisirs badins
Une kermesse où pleure une princesse
Une lettre ornée de dessins champêtres
Une mansarde où la joie se lézarde
Une noctambule aux seins minuscules
Un orage avant-coureur d’un naufrage
Une porte ouverte aux voluptés mortes
Un quiproquo résolu illico
Un remords éteint dans un alcool fort
Un solitaire à la tristesse amère
Un téléviseur drapé de froideur
Un ukulélé au manche fêlé
Une voiture avide d’aventure
Un wagon-lit abîmé dans l’oubli
Un xérès habile à chasser le stress
Une yole au cœur d’une course folle
Un zéphyr en chemin vers l’avenir.

29.5.05

Rêve lugubre

Au cœur d’une nuit froide où mon rêve agité
Entache mon sommeil de menaces discrètes,
Une exquise sylphide entonne dans ma tête
Un étrange refrain pétri de volupté.

Tandis que l’inconnue s’évertue à chanter
L’imminence d’un monde à l’harmonie parfaite,
Jaillit dans mon esprit un démon qui s’apprête
À briser les bourgeons de ma jeune gaieté.

De sa lame acérée, le diable déchiquette
Le corps de la beauté qui, rebelle, interprète
Son hymne que ponctuent ses bras ensanglantés.

Aux premières lueurs de l’aurore, un squelette,
Drapé dans la blancheur de l’immortalité,
Embrasse mon visage avec avidité.

Soleil endiablé

Au cœur d’une nuit estivale,
La lune invite le soleil
À darder ses rayons vermeils
Sur l’immensité sidérale.

Mû par un orgueil sans pareil,
Il lance ses feux en rafales.
Au cœur d’une nuit estivale,
La lune invite le soleil.

Les étoiles tiennent conseil
Pour punir l’audace infernale
De l’astre brûlant qui détale
Dans le firmament en sommeil,
Au cœur d’une nuit estivale.

Bric-à-brac alphabétique

Dans mon bric-à-brac alphabétique, résident :
Un aérosol vautré sur le sol
Une bonbonne où pousse une anémone
Une carabine à gueule chagrine
Un domino debout sur un piano
Une épuisette allergique aux crevettes
Un fauteuil à la froideur de cercueil
Une guitare échappée d’une gare
Un haut-parleur engoncé de pudeur
Un illustré aux récits chamarrés
Une jardinière arrosée de bière
Un képi sur un divan décrépit
Une lessiveuse emplie d’eau gazeuse
Un marteau fou de saxophone alto
Une nappe abîmée par des agapes
Un ocarina près du nirvana
Une pipe au creux d’un verre tulipe
Une quittance habillée de clémence
Un rabot posé sur un escabeau
Une serpillière ivre de poussière
Un tambourin qui danse avec entrain
Un uniforme au pantalon difforme
Une valise encombrée de cerises
Un walkman oublié par un barman
Un xylophone aux baguettes aphones
Un yo-yo cerclé d’un fil en boyau
Un zodiac aux remugles d’ammoniac.

28.5.05

Tendresse rédemptrice

Afin de délivrer la reine de mon cœur
Des griffes acérées de sa désespérance,
Je sème à son chevet des vers dont l’éloquence
Repousse ses démons vers l’antre de l’horreur.

Dans ses nuits d’insomnie bardées d’une douleur
Habile à l’entraîner au bord de la démence,
Je dispose des fleurs dont les tendres fragrances
Dissipent les échos de ses vaines frayeurs.

Au fond de son esprit entaché des violences
D’un monde où l’égoïsme étouffe l’innocence,
J’éparpille un bouquet de serments enchanteurs.

Sur son corps submergé d’une fatigue immense,
Je cueille un chapelet de baisers précurseurs
D’ardentes voluptés au pays du bonheur.

Soleil exaltant

Le soleil enflamme le cœur
Des adolescents qui babillent
Dans la métropole où fourmillent
Des beautés au rire enchanteur.

Aux compliments des séducteurs,
Succombent prestement les filles.
Le soleil enflamme le cœur
Des adolescents qui babillent.

D’ardents baisers avant-coureurs
De radieux frissons émoustillent
Les amoureux dont les yeux brillent
D’une joie pétrie de ferveur.
Le soleil enflamme le cœur.

Abécédaire féminin

Dans mon abécédaire féminin, se prélassent :
Une Argentine à frimousse mutine
Une Bavaroise habillée d’ardoise
Une Cubaine assise dans un chêne
Une Danoise aux manières grivoises
Une Espagnole allongée dans la colle
Une Française avec son mec balèze
Une Grecque amatrice de pastèque
Une Hondurienne aux mains de magicienne
Une Islandaise à poil sur un trapèze
Une Jamaïcaine en pull de laine
Une Kazakhe avide de barbaque
Une Laotienne avec ses deux chiennes
Une Maltaise en haut d’une falaise
Une Norvégienne aux pensées païennes
Une Ougandaise avec une prothèse
Une Papoue qui nage dans la boue
Une Qatarienne en tunique ancienne
Une Rwandaise étendue sur des braises
Une Suisse avec un chat sur les cuisses
Une Taïwanaise en maillot fraise
Une Uruguayenne à moitié lesbienne
Une Vietnamienne allergique aux hyènes
Une Wallonne avec un saxophone
Une Xavante à figure luisante
Une Yougoslave ivre dans la cave
Une Zaïroise en robe turquoise.

27.5.05

Glandeur châtié

Au terme d’une année de virées fantastiques
Dans des bistrots bondés de zonards excités,
L’étudiant paresseux tremble de se planter
Aux examens finaux de son DEUG de physique.

Plutôt que de subir les remarques caustiques
De son père, lassé de le voir tout rater,
Le cossard astucieux décide d’acheter
Le soutien d’un fortiche en sujets scientifiques.

Contre un pacson de fric, le génie réputé
S’engage à enseigner au nullard patenté
Le moyen d’éviter un échec dramatique.

Le crédule glandeur s’esquinte à carotter
Le blé de son daron pour le crack qui, cynique,
Le laisse se vautrer au moment fatidique.

Cabaret de l’éphémère

Au cabaret de l’éphémère,
Dressé en bordure du port,
La joie fleurit sous les accords
De la pianiste aux mains légères.

L’ennui se dilue dans les verres
D’un whisky apte au réconfort,
Au cabaret de l’éphémère,
Dressé en bordure du port.

Avant que le soleil n’éclaire
L’amère laideur du décor,
La chanteuse, de sa voix d’or,
Enflamme les cœurs solitaires,
Au cabaret de l’éphémère.

Vieux piano

Jonché de papiers poussiéreux,
Le piano s’abandonne
À l’ennui d’un matin aphone
Aux présages affreux.

Délaissé par le musicien
Pour un orgue électrique,
Il rêve d’envolées magiques
Sur son clavier ancien.

Assise sur son tabouret,
La souveraine chatte
Lui lance des regards d’agate,
Qui ponctuent ses regrets.

Dès que l’enfant de la maison
Fredonne une romance,
L’instrument, vibrant d’espérance,
Résonne au diapason.

26.5.05

Adoption canine

L’estomac révulsé par l’aigre puanteur
Du refuge sinistre où les bêtes s’entassent
Dans des cages souillées d’une indicible crasse,
L’homme observe un cocker qui hurle de frayeur.

Dans un box pestilent, un labrador trembleur,
Que renifle ardemment une chienne de chasse,
Se met à aboyer quand le visiteur passe,
Afin d’influencer son choix en sa faveur.

Deux vigoureux corniauds à la gueule vorace,
Occupés à ronger de putrides carcasses,
Lancent vers l’inconnu des grognements rageurs.

Le quidam, animé d’une impulsion sagace,
Adopte un dalmatien qui gémit de bonheur
En quittant sa prison pour un radieux ailleurs.

Dans la vasque de la fontaine

Dans la vasque de la fontaine,
Qu’égaie le soleil printanier,
Palpite un visage princier,
Témoin d’une passion lointaine.

Une fille aux cheveux d’ébène
Lance de sibyllins papiers
Dans la vasque de la fontaine,
Qu’égaie le soleil printanier.

D’une voix fébrile, elle égrène
Les notes d’un chant singulier,
Avant de jeter son collier,
Lourd de souvenirs qui l’enchaînent,
Dans la vasque de la fontaine.

Zoo alphabétique

Dans le zoo alphabétique, résident :
Un alligator monté sur ressort
Deux belettes à casquette
Trois chevaux sans cerveau
Quatre dindons sur des chardons
Cinq éléphants et leurs enfants
Six fox-terriers en gros souliers
Sept gorilles qui s’étrillent
Huit hippopotames sur un jeu de dames
Neuf inséparables cachés sous la table
Dix jaguars à l’écart
Onze koalas sous la pergola
Douze limaces qui se prélassent
Treize moineaux en kimono
Quatorze narvals qui s’ennuient au bal
Quinze okapis sur un tapis
Seize panthères à robe claire
Dix-sept quiscales dans une malle
Dix-huit renards mangeant du lard
Dix-neuf sauterelles armées de truelles
Vingt torpilles en guenilles
Vingt et un unaus fous de dominos
Vingt-deux vives qui salivent
Vingt-trois wapitis avec leurs petits
Vingt-quatre xiphophores délavés par le chlore
Vingt-cinq yaks près du lac
Vingt-six zibelines qui font la cuisine.

25.5.05

Gribouilleur étrillé

Pour publier son livre, un essai prétentieux,
Infesté de poncifs aux relents misogynes,
Le gribouilleur bourré d’ambition s’acoquine
Avec un éditeur aux compliments spécieux.

Sur le plateau bondé d’écrivains prodigieux
Qui frappent son bouquin de piques assassines,
Il sent poindre en son cœur une fureur sanguine
Qu’il revêt prudemment d’un sourire gracieux.

Quand un prolixe auteur de fables libertines
L’invite à enterrer la plume qu’il taquine,
Le nul retient les pleurs qui lui viennent aux yeux.

Au fil de l’émission, le conflit s’envenime,
Si bien que le raté quitte en tremblant les lieux
Sous les regards narquois des maîtres orgueilleux.

Princesses de pacotille

Mue par une charnelle ardeur,
Je cours sur les traces des filles
Qui filent telles des anguilles,
Avec un sourire moqueur.

Pour apprivoiser le bonheur,
J’offre aux fées dont les yeux pétillent
De charmants bouquets de jonquilles,
Ornés de billets enjôleurs.

Comme un chien dans un jeu de quilles,
J’essuie leurs sarcasmes qui vrillent
Mon âme avide de douceur.

Les princesses de pacotille
Drapent leurs traits d’une froideur
Habile à me briser le cœur.

Sur la place de la fontaine

Sur la place de la fontaine,
Danse un saltimbanque radieux
Qui lance les bras vers les cieux
Avec une joie souveraine.

La foule des fins de semaine
Applaudit ce ballet curieux.
Sur la place de la fontaine,
Danse un saltimbanque radieux.

À ses côtés, une sirène
Fredonne un refrain mystérieux
Dont l’écho se perd au milieu
Des citadins qui se promènent
Sur la place de la fontaine.

24.5.05

Adoption fâcheuse

Au bout de trois années d’incessantes querelles,
Le gazier, épuisé, accepte d’adopter
Un gamin de la DDASS, afin de contenter
Sa souris que l’envie de materner harcèle.

Aussitôt débarqué, le garnement rebelle
Sème dans la baraque un boxon éhonté,
Si bien que le loustic décide de calter
Avant de lui coller une volée mortelle.

Le type, furibond, erre dans la cité,
Jusqu’à ce que l’aborde une étrange beauté
Qui l’emmène illico goûter des joies nouvelles.

Pendant que sa moitié s’esquinte à calotter
Le gosse dont les cris lui vrillent la cervelle,
Le zigoto s’éclate avec une donzelle.

Vanité punie

Afin de punir la princesse
De sa mesquine vanité,
Le miroir cache sa beauté
Sous un masque empreint de mollesse.

Il montre une figure épaisse
Où culmine un nez épaté,
Afin de punir la princesse
De sa mesquine vanité.

Sur sa surface vengeresse,
Il forme un visage empâté
Où roulent des yeux dégoûtés
Par la peau grise qui s’affaisse,
Afin de punir la princesse.

Hostilités animales

Devant la cage des hamsters,
Le chat guette en silence,
Jusqu’à ce que l’un deux s’avance
Près des barreaux de fer.

Lorsque le félin le punit
D’un coup de patte agile,
Le rongeur ensanglanté file
Se terrer dans son nid.

Attiré par les couinements
De la bête mourante,
Le chien à la gueule béante
S’approche prestement.

Le matou rusé déguerpit,
Si bien que le molosse
Ponctue sa colère féroce
D’aboiements de dépit.

23.5.05

Jardin poétique

Qu’importe la laideur de la cité où danse
L’envoyé du néant, dont le poignard rageur
Ponctue mon insomnie d’un faisceau de douleurs
Habile à m’entraîner au bord de la démence !

Qu’importe les chardons de ma désespérance,
Qu’aiguisent les regards imprégnés de froideur,
Qui forment le décor de mes virées au cœur
De la ville souillée d’incessantes violences !

Dans mon jardin de vers, je fleuris le silence
De sonnets flamboyants dont les tendres fragrances
Repoussent le démon vers son puits de noirceur.

Je cueille des bouquets de phrases, que je lance
Vers le ciel ténébreux, afin que leur splendeur
Conduise mon esprit sur la voie du bonheur.

Starlette

Armée d’une ambition candide,
L’actrice monte l’escalier,
Pendant que les festivaliers
Contemplent son buste splendide.

Sur son visage translucide,
Danse le soleil printanier.
Armée d’une ambition candide,
L’actrice monte l’escalier.

Les acclamations dilapident
L’écho d’un doute singulier,
De sorte que, vers les lauriers,
Elle s’avance à pas rapides,
Armée d’une ambition candide.

Boîte d’ennui

Au seuil de la boîte,
L’ennui se dilapide
En volutes amères.

Le vigile repousse
Des quidams débraillés
Vers la froideur de la nuit.

Le vestiaire regorge
De vêtements multicolores
Aux effluves écœurants.

L’escalier accueille
Des couples insolites,
Unis dans une tendresse fugitive.

Le bar fourmille
D’anonymes sombres,
Ivres de solitude.

La piste trépide
Des danses moites
De fêtards déchaînés.

La sono martèle
Les crânes douloureux
De notes âpres.

L’aube engloutit
Les citadins épuisés
Dans la grisaille du boulevard.

22.5.05

Conflit mental

Dans une nuit glaciale, au parfum de naufrage,
L’homme désespéré décide de quitter
La vie où il s’écorche à l’inhumanité
D’un monde dont l’ennui délite son courage.

Tandis qu’un flot amer de poison se propage
Dans son cœur entaché de rêves avortés,
Il sent poindre en son âme une pâle clarté
Qui l’invite à voguer vers un radieux rivage.

Devant ses yeux brûlants, commence à s’agiter
L’envoyé du néant, empressé d’effriter
Son désir vacillant de sa griffe sauvage.

Au creux de son esprit, l’ange de la gaieté
Entonne une chanson dont les ardents présages
Repoussent le démon vers son noir sarcophage.

Monté sur un fringant cheval

Monté sur un fringant cheval,
L’homme galope à perdre haleine
Sous le feuillage épais des chênes,
Que berce un zéphyr matinal.

Mû par un désir colossal,
Il vole au palais de la reine.
Monté sur un fringant cheval,
L’homme galope à perdre haleine.

Quand point le soleil estival,
Il aborde au royal domaine
Où son apparition déchaîne
La colère d’un général
Monté sur un fringant cheval.

Fragments de solitude

Ville de démences anonymes
La nuit clôt les volets
Sur les lâchetés muettes

L’obscurité creuse
La tristesse solitaire
Le silence pèse

Dans l’indifférence du lit
Le corps souffre
D’une hémorragie de regrets

Le cœur s’écorche
Au tic tac de l’horloge
Drapée dans sa froideur

Sous la poussière de l’abandon
Le téléphone se tait
L’ennui grignote

L’insomnie accuse
La grisaille de l’aube
Un sang lourd martèle les tempes
L’âme s’abîme dans le dégoût

21.5.05

Casseur châtié

Dans le superbe appart qu’il vient de visiter,
La crapule, d’un coup de matraque, fracasse
La tête d’un corniaud dont l’aboiement l’agace,
Avant de se tirer à pas précipités.

Sitôt qu’elle aperçoit son pull ensanglanté,
Sa bergère futée, fatiguée de ses casses,
Cuisine le voyou, jusqu’à ce qu’il lui fasse
Des aveux ponctués de regards dépités.

La souris, que l’emploi de violence dépasse,
Marque son désaccord par un masque de glace,
Si bien que le loubard s’en veut d’avoir moufté.

Le loustic, écœuré, file de guerre lasse
Au plumard, pour sombrer dans un rêve agité,
Tandis que sa nana s’apprête à le quitter.

Quand point le soleil printanier

Quand point le soleil printanier,
L’aster déploie sa robe blanche
Dont la légèreté déclenche
L’admiration du cerisier.

Dès que paraît le jardinier,
Les pinsons chantent sur les branches.
Quand point le soleil printanier,
L’aster déploie sa robe blanche.

La brise au bras hospitalier
Berce la gracile pervenche
Qui, délicatement, épanche
Son parfum pour la remercier,
Quand point le soleil printanier.

Fragments fermiers

Au matin, une lutte oppose
Le coq et le fringant soleil,
Pressés de tirer du sommeil
Les bêtes aux paupières closes.

Avec adresse, la fermière
Cueille les œufs éparpillés
Dans les recoins du poulailler
Que guette le chat de gouttière.

La vache normande rumine
Son ennui près de l’abreuvoir,
Sans pressentir qu’à l’abattoir
L’attend une main assassine.

Le frêle agneau tète sa mère
Dans la bergerie où le chien
Jappe en implacable gardien
Du troupeau de vies éphémères.

20.5.05

Prière noire

Silence, enroule-moi dans ton linceul ombreux,
Constellé de démons pressés de me soustraire
À la monotonie de ma vie solitaire
Dans un monde insensible à mes pleurs douloureux.

Nuit, éteins les chagrins qui m’oppressent au creux
De ton abîme empreint d’un parfum funéraire,
Apte à déchiqueter mes souvenirs austères
En lambeaux désarmés de regrets ténébreux.

Sommeil, noie les regards dont la froideur m’atterre
Dans ton calme océan de rêves éphémères,
Tapissés de désirs aux présages heureux.

Ciel, calcine mes peurs sous les rayons lunaires,
Avant de déchirer mon avenir affreux
Aux arêtes aiguës de tes diamants nombreux.

Volez, oiseaux, à tire-d’aile

Volez, oiseaux, à tire-d’aile,
Vers le firmament estival
Où le soleil ouvre le bal
D’un matin à la joie nouvelle.

Chantez, gracieuses hirondelles,
Un hymne au bonheur pastoral.
Volez, oiseaux, à tire-d’aile,
Vers le firmament estival.

Sifflez, pinsons, des ritournelles
Égayées d’un parfum floral,
Afin que votre chœur royal
Instaure une paix naturelle.
Volez, oiseaux, à tire-d’aile.

Prince des lettres

Armé de son stylo blessant,
Le prince des lettres s’affaire
À ciseler des vers polaires,
Bardés d’un mépris fracassant.

Il oppose aux laïus spécieux
De bouffons prétendus poètes
D’acides quatrains qu’il complète
D’articles à l’humour radieux.

Il raille la médiocrité
Des usurpateurs qui déclament
Des monceaux de textes infâmes
Qu’il leur conseille de jeter.

Il fustige dans ses pamphlets
Les écrivaillons du dimanche,
En clamant qu’une page blanche
Surclasse leurs pâles couplets.

19.5.05

Mort d’un basset

À la mort de son chien, un pestilent caniche,
Le glandeur citadin, harcelé par son gnard,
Adopte le basset d’une pute qui part
À l’abri des raclées de son merlan fortiche.

Quand le cabot commence à lui mordre les miches,
Le gazier lui balance une volée de chtars,
Avant de le jeter au coin du boulevard
Sous l’œil réprobateur d’une jeune godiche.

Une caisse pourrie renverse le clébard
Qui gémit sur le sol, jusqu’à ce qu’un loubard,
Ému par sa douleur, l’emmène dans sa niche.

Dès qu’il voit l’animal vomir sur son plumard,
Le voyou le conduit sur un terrain en friche,
Où, furax, il l’abat d’un coup de pied-de-biche.

Pour faire un pamphlet efficace

Pour faire un pamphlet efficace,
Laissez s’enflammer votre cœur.
Choisissez des mots ravageurs,
Pétris d’une féroce audace.

Armé d’une ironie tenace,
Terrassez vos contradicteurs.
Pour faire un pamphlet efficace,
Laissez s’enflammer votre cœur.

Au lieu des critiques cocasses
De timides écrivailleurs,
Composez un texte rageur,
Barbelé de piques sagaces,
Pour faire un pamphlet efficace.

Parfums de souvenirs

Mon âme fourmille de fleurs
Aux fragrances de mes voyages
Sur les chemins des joies sauvages,
Pétries de rires enchanteurs.

Mon cœur palpite au souvenir
D’une fille aux cheveux d’ébène,
Habile à éteindre mes peines
Dans l’océan de nos plaisirs.

Ma mémoire vibre à la voix
D’une gosse qui caracole
Dès que la cloche de l’école
Enflamme son gracieux minois.

Mon esprit garde le tableau
D’une forêt de conifères,
Témoins de caresses solaires,
Dont l’écho s’envole à vau-l’eau.

18.5.05

Perquisition funèbre

Pendant que sa frangine agonit l’infirmière,
Incapable d’offrir une once de douceur
À leur père mourant qui gît dans sa sueur,
Le gazier se soucie des questions financières.

Sitôt que le vieillard abaisse les paupières
Pour plonger dans le puits d’un sommeil bienfaiteur,
Le loustic, insensible aux larmes de sa sœur,
Court fouiller la baraque envahie de poussière.

Tandis qu’à l’hôpital s’éteint son géniteur,
L’inflexible radin sonde les bacs à fleurs
Sous le regard inquiet du chaton de gouttière.

Devant l’armoire emplie des photos d’un bonheur
Effondré sous le poids des années routinières,
Il se fige, saisi d’une peur singulière.

Dans le grenier de ma démence

Dans le grenier de ma démence,
S’entassent des albums d’horreurs
Dont l’écœurante puanteur
Souille mes souvenirs d’enfance.

Les photographies de vacances
Se dépouillent de leurs couleurs.
Dans le grenier de ma démence,
S’entassent des albums d’horreurs.

Une tenace pestilence
S’exhale d’un bouquet de fleurs,
Vestige d’un ardent bonheur,
Rongé par les crocs de l’absence,
Dans le grenier de ma démence.

Jardin de ma mémoire

Dans le jardin de ma mémoire,
Palpitent mes amours d’antan,
Dont la lame avisée du temps
Retranche les épines noires.

Sur le radeau de mes nuits blanches,
Une princesse aux yeux rieurs
Fredonne un refrain enjôleur
Qu’illumine sa gaieté franche.

Au creux de mon âme fiévreuse,
Un couple de radieux serins
Gazouille des accords empreints
De promesses voluptueuses.

Dans les replis de ma cervelle,
Croissent les roses du plaisir,
Au parfum d’un tendre avenir
Fleuri d’accortes demoiselles.

17.5.05

Parfums rédempteurs

Je garde en ma mémoire un bouquet de senteurs,
Savamment composé depuis ma tendre enfance
Dans mon village orné de tilleuls qui s’élancent
Vers un ciel égayé d’un soleil enchanteur.

J’oppose à la cité habillée de froideur
Les effluves soyeux d’une forêt immense,
Constellée de sapins, témoins des confidences
De mon âme imprégnée d’un champêtre bonheur.

J’efface les relents de ma désespérance,
Germée dans le marais des urbaines violences,
Sous le parfum puissant de mes lilas en fleur.

J’éteins l’odeur soufrée des fantômes, qui dansent,
Dans mes nuits d’insomnie, le ballet de la peur,
Sous l’arôme épicé d’un vin consolateur.

En cachette du capitaine

En cachette du capitaine,
L’adjudant se pinte au pinard,
Pour effacer ses cauchemars
Infestés de démons obscènes.

Le sergent trompe sa migraine
Dans l’âpre fumée d’un pétard.
En cachette du capitaine,
L’adjudant se pinte au pinard.

Le caporal-chef rassérène
Les soldats qu’effraie leur départ
Vers un probable traquenard,
Avant de se trancher les veines,
En cachette du capitaine.

Palais de la gourmandise

Au palais de la gourmandise,
Les gâteaux déploient leurs senteurs
En un doux ballet précurseur
D’un goûter aux saveurs exquises.

Une timide adolescente,
Vêtue d’une robe lilas,
Déguste un cake au chocolat,
Suivi d’une glace à la menthe.

Un soldat, flanqué d’une fille
Aux yeux flamboyants de gaieté,
Trempe dans sa tasse de thé
Une tartelette aux myrtilles.

Une étrangère à la peau mate
Dévore une portion de flan,
Sous l’œil d’un vieillard corpulent,
Attablé devant une eau plate.

À l’heure de la fermeture,
Une dame au visage rond
Court féliciter le patron
Pour sa crème au coulis de mûres.

16.5.05

Suicide rédempteur

Épuisé d’affronter les puissances du vide,
Dont les crocs acérés déchirent son esprit
En lambeaux ténébreux de souvenirs flétris,
L’homme s’abîme au fond d’un désespoir morbide.

La cervelle embrumée par un poison perfide,
Inapte à effacer l’ennui qui le meurtrit,
Il gît dans la douleur de son corps amaigri,
Constellé d’un lacis d’ecchymoses livides.

Une voix survenue de son cœur assombri
L’invite à s’envoler vers le paisible abri
Du néant tapissé d’un silence limpide.

L’ange de la démence, à son chevet, sourit,
Avant de lui offrir, d’une main translucide,
Le poignard artisan de son proche suicide.

Devant le cercueil de son père

Devant le cercueil de son père,
Le quidam cache sa gaieté
Sous des pleurs aptes à feinter
Sa sœur au visage sévère.

Pendant que le curé s’affaire
À prêcher des banalités,
Devant le cercueil de son père,
Le quidam cache sa gaieté.

En se figurant le notaire
Qui s’apprête à lui filouter
Son héritage mérité,
Il verse des larmes amères
Devant le cercueil de son père.

Parfums de joie

Dans le jardin de ma mémoire,
Une enfant cultive des fleurs
Dont les enivrantes senteurs
Dilapident mes idées noires.

Le parfum du tilleul se mêle
À la fragrance du jasmin
Que je cueille au bord des chemins
Où m’entraînent les tourterelles.

L’arôme des roses soyeuses,
Qu’égaie un soleil aux rais d’or,
Repousse l’ange de la mort
Vers sa demeure ténébreuse.

L’odeur puissante des violettes,
Que berce un zéphyr printanier,
Conduit mes pas sur le sentier
D’un futur à la joie parfaite.

15.5.05

Exploration funèbre

Dès que le vieux grigou dévisse son billard,
Ses cupides enfants accourent ventre à terre,
Pour piller sa baraque avant que le notaire
Ne vienne régenter l’attribution des parts.

Au mépris du défunt, ils fouillent les placards
Emplis de bibelots sans valeur monétaire,
Cependant que la veuve, assistée de son frère,
Explore le grenier infesté de cafards.

Le fils aîné découvre au fond d’un secrétaire
Un coffret débordant de bijoux séculaires,
Qu’il file subito planquer sous un plumard.

La famille, épuisée, finit son inventaire
En sondant vainement les recoins du hangar,
Sous les yeux amusés du prince des roublards.

Flic inflexible

Armé de son carnet à souches,
Le flic arpente la cité
En alignant les effrontés
Qui lui lancent des escarmouches.

Quand un rebelle ouvre la bouche,
Il se délecte à le gratter.
Armé de son carnet à souches,
Le flic arpente la cité.

Sitôt qu’un gazier à l’air louche
Le toise avec hostilité,
Le poulaga, pour le mater,
Lui colle une prune farouche,
Armé de son carnet à souches.

Nuit macabre

Au cœur d’une nuit estivale,
Le ciel verse une pluie d’éclairs
Au brûlant parfum de l’enfer
Sur les rues de la capitale.

Les promeneurs, qu’effraie l’orage,
Se réfugient dans les bistrots
Dont le vent gifle les carreaux,
Si bien que la peur se propage.

La foudre tombe sur un chêne
Qui s’écrase sur un passant
Dont la bouche souillée de sang
Se tord en un rictus obscène.

Dès que le tonnerre s’arrête
De brutaliser la cité,
Débouche de l’obscurité
Une armée d’hostiles squelettes.

14.5.05

Constitution pour l’Europe

Le citoyen, lassé des bobards que propagent
Les médias tendancieux au sujet du Traité,
S’arme de son courage, afin d’en décrypter
Le texte rédigé dans un obscur langage.

Il tourne lentement les sibyllines pages
Dont les nombreux renvois l’empêchent de capter
Le sens de l’imprimé, si bien que, dépité,
Il demande à sa femme un savant éclairage.

Après une soirée de débats exaltés,
Les époux, épuisés, décident de jeter
Le document qui nuit à la paix du ménage.

Au matin du scrutin, ensemble, ils vont voter
Pour la Constitution dont les décrets présagent
La grandeur d’une Europe aux multiples visages.

Jardin de vers

Loin des cruautés citadines,
Je vis dans mon jardin de vers,
Que borde une voûte outremer,
Où mon ouvrage se dessine.

Armée de ma plume mutine,
J’invente un radieux univers.
Loin des cruautés citadines,
Je vis dans mon jardin de vers.

En solitaire, je chemine
Sur la voie du verbe disert,
Pour concevoir en un éclair
Des poèmes que je peaufine,
Loin des cruautés citadines.

Destins de canards

Une famille de canards
Nage sur la rivière,
Sous les yeux d’un chat de gouttière,
Qui guette les lézards.

Quand un orage tapageur
Déchire le silence,
Le groupe, épouvanté, s’élance
Vers un îlot en fleurs.

Le coup de feu retentissant
D’un chasseur solitaire
Brise la tête de la mère
Qui s’éteint dans son sang.

Mû par un féroce appétit,
Le félin abandonne
Son embuscade monotone
Pour manger les petits.

13.5.05

Dîner familial

Tandis que le loustic lave dans le pinard
La fadeur du repas soi-disant diététique,
Le gamin, avisé, en loucedé s’applique
À filer des morceaux de bidoche au clébard.

La maîtresse des lieux se farcit les bobards
De la fille cadette, une blonde acnéique,
Que l’aînée agonit de venimeuses piques
Dont l’âpreté réjouit son copain rondouillard.

L’aïeule, qu’assombrit sa bronchite chronique,
Rembarre vertement le cousin squelettique
Qui pollue l’atmosphère en fumant un pétard.

Lorsque le vieux entonne une chanson lubrique,
Sa bergère lui lance un regard égrillard,
Avant de l’entraîner dare-dare au plumard.

Avenir échoué

En lisière des certitudes,
L’insomnie creuse un chemin
Vers un monde inventé.

Les ombres de la nuit
Dévorent les remparts
De la ville froide.

Les souvenirs s’abîment
Dans l’esprit assailli
De visions flamboyantes.

Sous les griffes de la déraison,
Le silence se déchire
En rires effrénés.

Le cœur nu s’abandonne
À l’aile soyeuse
Du vent de l’errance.

Aux portes de la folie,
L’horizon béant
Engloutit l’âme nomade.
L’avenir se délite
En espoirs échoués.

Rituel de solitude

Derrière les murs gris d’indifférence
Quotidien pesant
Le temps fige la solitude
Vie vide de sens

Dialogues numériques
Vanité virtuelle
La tristesse du soir
Envahit la toile

Devant le téléviseur ensanglanté
Repas incolore
Le ronronnement du lave-vaisselle
Berce l’insomnie

Le corps se racornit
Dans la froideur du drap
L’aube silencieuse pointe
La lassitude ordinaire

12.5.05

Curé jardinier

Au lieu de diriger les croyants pleurnicheurs,
Avides de laver leur paresse ordinaire
Dans une profusion de vibrants « Notre Père »,
Le curé se délasse en cultivant des fleurs.

Dans son jardin douillet, il oublie la froideur
De son église où règne un Christ à l’air sévère,
Si bien qu’il agonit le timide vicaire
Quand il vient menacer son champêtre bonheur.

À l’ostensoir brillant de ferveur, il préfère
Son massif émaillé de tendres primevères
Dont le soleil radieux avive les couleurs.

Loin des bigots férus des dogmes du Seigneur,
Le prêtre s’abandonne à la joie solitaire
D’admirer les splendeurs de son lopin de terre.

J’ai noyé ma plume insolente

J’ai noyé ma plume insolente
Dans l’océan de mes chagrins.
J’ai brûlé mon recueil empreint
D’un désespoir qui m’épouvante.

Délivrée de mes vers, je chante
À voix forte un radieux refrain.
J’ai noyé ma plume insolente
Dans l’océan de mes chagrins.

Armée d’une joie flamboyante,
Je m’achemine avec entrain
Au seuil d’un avenir serein,
Fleuri de filles bienveillantes.
J’ai noyé ma plume insolente.

Vertige mental

Dans la nuit citadine,
Le rêve lance un pont
Entre les âmes nomades.

À l’angle des certitudes,
La vie chemine
Sur la voie du délire.

L’obscurité bascule
Dans l’arc-en-ciel limpide
D’une voûte inventée.

Les murs de l’habitude
S’effritent sous le vent
D’une joie insensée.

Le matin se dissout
Dans l’océan mental
De l’avenir irrésolu.

La raison s’évapore
Dans le gouffre spiral
Des mirages multicolores.

11.5.05

Rêve sensuel

Dès que la nuit étend son voile silencieux,
Constellé d’un bouquet d’étoiles protectrices,
Mon esprit se retire au jardin des délices,
Où m’accueille une fée au sourire gracieux.

D’un regard imprégné d’un désir impérieux,
Elle apaise ma crainte, afin que je me glisse
Contre son corps qu’éclaire une lune complice
De notre enlacement riche en baisers soyeux.

D’une main délicate, elle m’offre un calice
Empli d’un élixir dont les chaudes épices
Donnent à notre étreinte un parfum audacieux.

Sitôt que le soleil, sur mon visage, esquisse
Une caresse tiède aux présages radieux,
Je reviens de mon rêve en me frottant les yeux.

Rituel d’ennui

Le repas rassemble
Les solitudes muettes
De la famille engluée d’habitudes.

La femme distribue
Des portions d’amertume
Aux enfants maigres.

L’homme rembruni
Trompe la fadeur du dîner
Dans l’âcreté d’une cigarette.

En bout de table,
La vieille se racornit
Sous l’indifférence des regards.

Le garçon dispute
Une voiture en plastique
Au chien pelé.

L’œil rivé au téléphone,
La fille mesure
La lenteur du soir.

Le téléviseur accuse
D’un brouhaha pesant
Les visages fatigués.

Le rituel d’ennui
S’engloutit dans la noirceur
De la nuit impassible.

Funambule écorché

Funambule écorché,
J’arpente en solitaire
La corde du hasard.

Voyageur sans bagage,
Je déconstruis ma vie
En étreintes furtives.

Mon corps déraciné
Se cogne à la froideur
De la nuit insondable.

Mon âme dénudée
Se déchire aux chardons
De l’indifférence ordinaire.

Amnésique du verbe,
Je m’évade dans les vagues
D’une ivresse vertigineuse.

Délivré de mes envies,
Je m’envole au vent
Du néant vorace.

10.5.05

Cossard incorrigible

Le cossard, excédé de subir les colères
De sa femme assoiffée de luxe tapageur,
Se résout à quitter son havre de douceur
Pour aller affronter la jungle des salaires.

Il s’exhorte au courage en s’envoyant des verres
Dans un bistrot bondé d’incurables glandeurs
Qu’il invite à trinquer amplement en l’honneur
De sa transformation en bosseur exemplaire.

Sous le regard narquois d’un copain magouilleur,
Il jure de troquer ses allocs de chômeur
Contre une paie décente au goût de sa bergère.

Après une journée de déceptions amères
Dans les bureaux cossus de vicieux recruteurs,
Le paresseux retourne à son lit protecteur.

Forêt amère

La scie découpe
La mémoire de la forêt
En tronçons parfumés.

Craquements de branches.
Dans l’arbre en sursis,
Le rossignol se tait.

Le brasier enflamme
Les saveurs de l’enfance.
L’écureuil s’échappe.

La résine englue
Les mains écorchées
Aux rêves déçus.

L’écho d’un rire
Meurt avec le chêne.
L’esprit s’élague.

Le soir efface
Les troncs raidis
Dans le linceul de feuilles.
Le regard s’éteint.

Port des voluptés

L’ennui navigue
Sur la mer du silence.
Le temps s’égoutte.

Les nuages du regret
Plombent l’horizon.
La mémoire pèse.

Le sang, assombri
De désirs contenus,
Charrie la souffrance.

Le vent nomade
Inscrit l’espoir
Dans le cœur écorché.

L’amnésie engloutit
Une blessure ancienne.
L’avenir s’éclaire.

La joie scintille
Dans le sillage d’un rêve.
L’esprit allégé aborde
Le port des voluptés.

9.5.05

Photos d’antan

Rangées dans un album habillé de poussière,
Les photos, altérées par le temps fossoyeur,
Présentent des aïeuls rayonnants d’un bonheur
Disparu à jamais au fond d’un cimetière.

Une jeune mariée en robe printanière,
Flanquée d’un militaire au sourire charmeur,
Côtoie un communiant drapé dans la candeur
D’une cérémonie à la joie singulière.

Un frêle adolescent perché sur un tracteur
Voisine avec un homme en maillot de danseur,
Figé dans la splendeur d’une gloire princière.

Une chétive enfant, qui serre sur son cœur
Une poupée vêtue de curieuse manière,
M’invite à partager sa gaieté coutumière.

Voluptés futures

Dans le désert de l’ennui,
L’âme nomade
Creuse le chemin des rêves.

Le feu de l’espoir
Calcine les lambeaux
Des regrets inavoués.

L’écho d’un mensonge
S’éteint dans l’océan
Des désirs subtils.

Au croisement des possibles,
La lumière de l’insomnie
Débusque un sourire.

Sous l’horizon vertigineux,
L’amertume s’envole
Au vent de l’amnésie.

Un soleil immaculé
Embrase l’immensité
Des voluptés futures.

8.5.05

Ramdam au bar

Dans un bistrot pourave au fond de nulle part,
Une pute dilue le dégoût qui l’oppresse
Dans un flot de bourbon qu’elle avale en vitesse
Sous les yeux d’un vaurien accoudé au billard.

Au comptoir, un glandeur imbibé de pinard
Agonit de jurons un couple de gonzesses,
Dont l’aînée interrompt un geste de tendresse
Pour lui larder la tronche en deux coups de poignard.

Pendant que le barman court chercher des compresses,
Les nanas, culottées, pillent le tiroir-caisse
Sous le regard pantois d’un silencieux zonard.

Quand le blessé, sorti des brumes de l’ivresse,
Se dresse en brandissant un venimeux pétard,
Les souris, avisées, quittent fissa le bar.

Bouquet de parfums

Dans le jardin de mon esprit,
Des filles graciles mélangent
Leurs corps en un bouquet étrange
Dont la fragrance me guérit.

Un remugle de chien mouillé
Succombe à la senteur soyeuse
D’une princesse malicieuse,
Habile à me désennuyer.

Une odeur de cigare froid
S’efface sous la douce haleine
D’une mystérieuse sirène,
Guide de mes brûlants émois.

L’épouvantable puanteur
D’une enfilade de poubelles
Meurt dans le parfum de cannelle
D’une dame chère à mon cœur.

Un effluve de rat crevé
S’éteint sous l’odeur envoûtante
D’une fée dont la main ardente
Conduit mes vertiges rêvés.

Ombres de l’insomnie

Entre chien et loup,
Le cœur amer
S’écorche aux volets clos.

Sous le drap glacé,
Le corps se raidit
Dans la douleur de l’absence.

Les ombres de l’insomnie
Flottent dans le miroir
De la nuit impassible.

Dans l’esprit indécis,
Des mots insolites
Tracent un chemin de peine.

L’empreinte d’un sourire
Glisse dans l’amnésie
De l’aurore blême.

Le temps se dilapide
En sable d’ennui
Sur l’âme suffoquée.

7.5.05

Réveil cruel

Implacable gardien des nuits où je m’enferre
Dans d’atroces visions qui me vrillent le cœur,
Tu découpes le temps en tranches de frayeur
Infestées de démons aux griffes délétères.

Au lieu d’encourager d’une chanson légère
Le lever d’un soleil aux timides lueurs,
Tu rugis longuement ton appel dont l’aigreur
Augure des journées de chagrin solitaire.

Ton tic tac inflexible accuse la froideur
De ma vie échouée au pays du malheur,
Dont l’ange de la mort résiste à me soustraire.

Réveil aux cruautés maquillées de blancheur,
Tu souilles mon esprit d’une rengaine amère
Dont la monotonie suffoque l’atmosphère.

Mousse inspiratrice

Au hasard de la page,
Naissent des mots sauvages,
Prompte invite au voyage.

La main s’envole au gré
De la joie inspirée
Par une bière ambrée.

L’écho d’une bohème
Inscrit dans le poème
Une douceur suprême.

Quand les idées s’émoussent,
La saveur de la mousse
Accourt à la rescousse.

Devant le verre vide,
Les tercets dilapident
Un souvenir morbide.

Un résidu d’écume
Chante son amertume
Dans le jour qui s’allume.

Pays de la peur

Au pays de la peur,
Le vent glacé du remords
Fouette mon âme.

Le claquement des volets
Déchire ma mémoire
En chagrins obscurs.

À l’horizon noir d’ennui,
Un soleil froid
Accuse la chambre désertée.

Sur les remparts de ma solitude,
Les photos jaunies
Pactisent avec la poussière.

Le tocsin de l’effroi
Martèle mon insomnie
De notes funèbres.

L’ange du désespoir
M’étouffe dans le linceul
De l’angoisse terminale.

6.5.05

Cauchemar infernal

Dès que l’obscurité déroule ses remparts
Bardés d’une froideur aux présages hostiles,
J’engloutis en solo ma carcasse immobile
Dans un sommeil hanté de fantômes blafards.

Au pays ténébreux de mes regrets épars,
Mon âme se débat dans une mer d’argile,
Que surplombe un soleil dont la pâleur profile
Un matin infesté de grinçants corbillards.

Un démon affublé d’une griffe fébrile
Déchiquette mon cœur qu’il offre aux volatiles
Dont les cris terrifiants ponctuent mon cauchemar.

Sur mon corps douloureux ondulent des reptiles
Que des anges du mal venus de toute part
Exhortent à percer mon cerveau de leurs dards.

Bar de l’errance

Au bar de l’errance,
Des marins avinés
Croisent leurs souvenirs.

Des filles arrimées
Au comptoir de l’amertume
Monnaient leur tendresse.

Le patron taciturne
Trompe son ennui sédentaire
Dans un whisky doré.

Un vieillard buriné
Ressasse ses voyages
Au pays des chimères.

Un capitaine échoué
Dans une tristesse au long cours
Esquive les questions.

Les cœurs s’écorchent
Aux sirènes rauques
Des navires en partance.

5.5.05

Prière nocturne

Dans la nuit infestée de fantômes hostiles
Dont les griffes aiguës me lacèrent le cœur,
J’implore le soleil d’émettre les lueurs
D’une aurore imprégnée de promesses fertiles.

L’œil rivé au plafond où les ombres profilent
Une longue insomnie au pays de la peur,
J’exhorte le réveil à sonner en l’honneur
D’un matin constellé de rires volubiles.

Sur le lit de silence, où germent mes douleurs,
Je prie l’aile du vent de répandre des fleurs
Afin de célébrer la nature subtile.

Lourde de souvenirs habillés de froideur,
J’invite l’horizon aux nuages labiles
À s’ouvrir au concert de radieux volatiles.

Navire du hasard

Sur le navire du hasard,
Je vogue en solitaire,
Tandis que ma tristesse amère
S’éteint dans le brouillard.

Je m’échappe sur l’océan
De ma jeune espérance,
Orné de promesses qui dansent
Devant mes yeux béants.

Bercée par un vent délicieux
Aux fragrances marines,
J’abandonne ma vie chagrine
Pour un futur radieux.

Perchée au bord de l’horizon,
Une étoile m’invite
À cueillir la joie qui palpite
Au creux de ma raison.

Sitôt que j’aperçois le port
De la tendresse ardente,
Je noie les chagrins qui me hantent
Dans les flots ourlés d’or.

Envol salutaire

Le temps se dilapide
En heures insipides
Dans la maison où meurt
L’écho de nos bonheurs.

Sous ton regard sévère,
Notre passion solaire
S’éteint dans le bourbier
De l’ennui coutumier.

Lassée de tes orages
Aux funestes présages,
Je m’envole ce soir
Au pays de l’espoir.

Pendant que tu t’enfermes
Dans une haine où germent
Les chardons du remords,
Je change de décor.

Tandis que tu ressasses
De grossières menaces,
Je m’en vais découvrir
Un radieux avenir.

4.5.05

Drague à la piscine

Lassée de se farcir les cris de sa gamine,
Que le clébard ponctue de stridents jappements,
La gazelle en congé quitte l’appartement,
Pour aller glandouiller au bord de la piscine.

Allongée au milieu de souris citadines
Qui cachent leur ennui sous un minois charmant,
Elle mate alentour en priant ardemment
Qu’un gazier lui propose une étreinte coquine.

Dans l’eau javellisée, elle nage un moment,
Avant de simuler un étourdissement
Destiné à capter l’attention masculine.

Un lascar la rejoint avec empressement,
Si bien que, subito, sa gonzesse chagrine
Prend en vociférant le chemin des cabines.

Ville de poussière

Dans la ville de poussière,
La vie s’évade
En vagues de solitude.

Devant les portes closes,
Les arbres décharnés
Pactisent avec les poubelles.

Au royaume de l’angle,
Les boîtes de béton
Alignent leurs fenêtres obscures.

Le temps se dilapide
En un magma grisâtre
Où se fondent les saisons.

Sur la froideur des murs,
Les graffitis transpirent
Un espoir palpable.

Le ciel indécis
Lance une passerelle
Vers un ailleurs admissible.

Abandon amer

Lettre cachetée.
Enveloppe livide.
La peur vrille le cœur.

Silence hostile
Dans l’appartement figé
Sur l’absence.

Lenteur du soir
Barbelé d’abandon.
Le temps pèse de chagrin.

Dans la mémoire,
Des images équivoques
Pointent la trahison.

La nuit enserre
Les pensées rancunières
D’un voile glacé.

Au matin grisâtre,
Les chardons du dégoût
Écorchent la tendresse.
Demain palpite
Sous le sable des regrets.

3.5.05

Piscine agitée

Assis près du plongeoir, un malotru taquine
Une fille engoncée dans un maillot à fleurs,
Jusqu’à ce que débarque un robuste crâneur
Qui toise le tandem en bombant la poitrine.

Le sourire insolent du butor envenime
La fièvre du costaud qui, d’un geste vengeur,
L’envoie valser fissa sur le maître nageur
Occupé à draguer une accorte rouquine.

Pendant que les souris se débinent en chœur,
Les trois lascars, dotés d’un instinct querelleur,
Se balancent des gnons au bord de la piscine.

Leur colère apaisée, les gaziers en sueur
Pactisent en vidant quantité de chopines
Dans le bar à tapins de la ville voisine.

Silence amnésique

Le ciel se fige
Sur la ville d’ombres
Barbelée d’abandon.

L’espoir s’écorche
Aux angles des immeubles
Gris d’indifférence.

Le soleil s’étouffe
Dans la carapace nuageuse
Du soir monotone.

La herse des réverbères
Accuse la fatigue
Des citadins livides.

Boulevard de l’insomnie,
Des regards furtifs
Croisent leur solitude.

Les foyers obscurs
Immergent les dormeurs
Dans un silence amnésique.

2.5.05

Armée cruelle

Pendant que l’adjudant assène à la bleusaille
Un laïus assommant sur l’art de guerroyer,
Le fougueux lieutenant trompe sur l’oreiller
Le ténébreux chagrin dont les crocs le tenaillent.

Le général d’armée exhibe ses médailles
Au colonel qui noie ses regrets coutumiers
Dans un whisky médiocre, habile à se frayer
Un chemin de douleur au creux de ses entrailles.

L’inflexible sergent hurle à s’égosiller
Contre un groupe bruyant de soldats débraillés,
Qu’il envoie trépasser sur le champ de bataille.

Une frêle recrue au visage émacié
Annonce, d’une voix que l’émotion éraille,
Son avenir brisé par une courte paille.

Tristesse citadine

Dehors, le ciel s’essouffle
Sur la ville figée
Dans sa froideur ordinaire.

Sous l’horizon rétréci,
Les rires anonymes
S’éteignent dans la rumeur.

Le soleil s’épuise
À déboucher les ombres
Lourdes de solitude.

Le trottoir résonne
Des pas précipités
D’hommes soucieux.

Dans les foyers obscurs,
Le silence accueille
Les citadins fourbus.

Les murs transpirent
La tristesse poisseuse
Des vies dilapidées.

1.5.05

Chambard au bar

Dans un rade cradingue, infesté de zonards,
Un cador du surin importune une rousse
Qui balance fissa son jus de pamplemousse
Sur sa tronche fripée par dix ans de placard.

Sitôt que le voyou dégaine son poignard
Afin de corriger la gazelle qui glousse,
Le taulier, effrayé, appelle à la rescousse
Un molosse trapu, couché sous le billard.

À la vue du clébard, le vaurien, vert de frousse,
Se débine illico en renversant la mousse
D’un costaud qui, furax, lui rentre dans le lard.

Tandis que la souris se carapate en douce,
Un barjo entreprend de calmer les lascars
Qui se réconcilient pour le rouer de chtars.

Insomnie amère

L’armoire rancunière
Cèle les vestiges
De joies dilapidées.

Le miroir glacial
Compte les blessures
Du visage livide.

L’insomnie se cale
Dans le creux du matelas
Cuisant de solitude.

Le battement du réveil
Défie le téléphone muet
Aux armes de l’ennui.

La chambre étouffe
D’une obscurité moite,
Lourde de regrets.

Le corps écorché
De dégoût silencieux
S’engloutit dans l’aube.