31.12.08

Bouquet de tendresse

Je compose un bouquet aux couleurs de tes yeux,
Ces étangs de tendresse au regard d’émeraude,
Dont la calme douceur m’emporte aux antipodes
Du grisâtre horizon de mon esprit pluvieux.

J’adresse une prière à l’attention des cieux
Pour qu’ils dardent sur toi les lueurs les plus chaudes
Du soleil revenu d’un effrayant exode
Au funeste pays des cauchemars odieux.

J’entonne une chanson dont les notes soyeuses
Déroulent un ruban de gaieté chaleureuse
Au centre de ton cœur, maître de mon bonheur.

Je dessine un jardin dont les fleurs chatoyantes
Exhalent des torrents d’enivrantes senteurs
Pour sceller fermement notre radieuse entente.

Puits de joie

Le soleil printanier darde son feu lustral
Sur la place où l’ennui envahit les terrasses,
Sous l’œil indifférent d’un flot d’oiseaux fugaces
Qui s’envolent en chœur vers le ciel matinal.

Dans les rues imprégnées d’un calme minéral,
Où les rideaux tirés suggèrent des menaces,
Un rire torrentiel, subitement, fracasse
Le ténébreux silence au parfum hivernal.

Une fanfare entonne une chanson splendide
Qui répand prestement un espoir intrépide
Dans les cœurs endormis des sombres citadins.

Grisés par leurs désirs, deux amoureux fébriles,
Tendrement enlacés sur un banc d’un jardin,
Creusent un puits de joie au centre de la ville.

Poker truqué

Sombrement affalée dans ta vie mensongère,
Sourde aux supplications de mon âme en tourment,
Tu joues à la roulette avec mes sentiments
Dans l’obscur casino de tes peurs solitaires.

Sur le rivage ombreux de ton poison polaire,
Tu défies l’avenir en sculptant les diamants
De tes rêves trompeurs qui forment le ciment
Du caveau insondable où mon espoir s’enterre.

Tu calcules ta chance aux cartes du hasard
Dont l’ange impitoyable enfonce son poignard
Dans le désert brumeux de ton esprit morbide.

Tu mises ta raison dans un fumeux poker
Où un dealer truqueur te pique ton liquide
Contre un ticket aller pour le rail de l’enfer.

Jeux salutaires

Au lieu de guerroyer avec des dominos
Dans de longues parties imprégnés de silence,
Allons chasser l’ennui en taquinant la chance
Au féroce black jack d’un riche casino.

Pendant que le gamin manie son Meccano,
Je t’emmène au pays des émotions intenses,
Où la main dévouée de la fée providence
Gommera les échecs de nos jeux infernaux.

Renonçons désormais à nos vaines batailles
Dont les cartes souillées exaltent la grisaille
De notre âme où l’espoir se réduit à zéro.

Quittons notre foyer étouffé de poussière
Pour succomber ensemble au charme du tarot,
Prometteur de soirées aux plaisirs incendiaires.

24.12.08

Vénus des boulevards

Vénus des boulevards, déesse citadine,
Tu bosses sans répit pour affiner ton corps
Dans une salle crade où des accros du sport
Stimulent tes efforts de leurs blagues coquines.

Princesse frelatée, poupée de magazine,
Tu poses sur tes cils des particules d’or
Afin d’impressionner un capricieux cador
Qui se poudre le nez de coûteuses farines.

Nullarde patentée dans un bahut pourri,
Tu réponds à tes profs par des mots de mépris,
Qui les foutent fissa dans une rogne folle.

Tu arpentes la vie sur le fil du rasoir
En offrant crânement tes superbes guibolles
Aux regards des zonards qui hantent les trottoirs.

Soudaine gaieté

Ce matin, le soleil darde sur mes douleurs
Un surprenant bouquet de joyeuses lumières,
Accordées aux accents des chansons printanières
D’un bataillon d’oiseaux gazouillant leur bonheur.

L’ange du désespoir, qui verse sur mon cœur
Un déluge glacé de peines familières,
Disparaît brusquement dès que la cafetière
M’appelle en exhalant d’envoûtantes odeurs.

Mon sage ordinateur affiche à mon passage
Un torrent endiablé de mystérieux messages,
Assemblés en faisceau de soudaine gaieté.

Ma plume se répand en poèmes limpides
Dont les fiévreux quatrains, pétris de volupté,
Exaltent mon espoir d’un avenir splendide.

Obsession funèbre

Que m’importe aujourd’hui la chaleur estivale
D’un soleil insolent qui darde sur les fleurs
Un enivrant bouquet de rayons enchanteurs
Afin que, de leur cœur, un doux parfum s’exhale !

Que m’importe à présent la chanson des cigales,
Réunies pour louer l’éternelle splendeur
De la terre parée de soyeuses couleurs
Tendrement éclairées par l’aurore d’opale !

Au lieu de savourer ces champêtres trésors,
Je succombe à l’appel de l’ange de la mort,
Dont la main implacable emprisonne mon âme.

Rebelle à la gaieté de l’univers radieux,
J’offre mon avenir au démon dont les flammes
Dévorent la beauté étendue sous mes yeux.

Prince des banlieues

Le prince des banlieues, une graine d’arsouille,
Arpente la cité avec d’autres zonards,
Pour tuer avec eux le temps et les clébards
Qui traînent à portée des loustics en vadrouille.

Le gang des bas quartiers dépouille les andouilles
Qui zonent dans le coin en matant les nibards
Des pouffiasses plantées au bord des boulevards,
Sous la bénédiction des macs qui les dérouillent.

Pour jouer les cadors sous les yeux de leur chef,
Les voyous venimeux cognent les SDF
Qui cuvent leur pinard dans un jardin tranquille.

Leur panard absolu consiste à emmerder
De superbes poupées devant l’hôtel de ville
Avant de s’arracher quand se pointe un condé.

17.12.08

Téléphone versatile

Sinistrement vêtu de son costume noir,
L’implacable tyran de ma vie monotone
Assombrit mes journées de son mépris aphone,
Océan taciturne où se noie mon espoir.

Insensible au chagrin qui m’oppresse le soir
Quand la griffe acérée de l’effroi me harponne
Dans ma chambre glacée où je n’attends personne,
Le venimeux objet trône dans le couloir.

Muni de son adjoint, le répondeur docile,
Résolument muré dans un silence hostile,
Mon muet téléphone exalte mon ennui.

Lorsque son cri vibrant brusquement me réveille
Pour qu’une voix exquise illumine ma nuit,
Séduite, je le plaque au bord de mon oreille.

Mots baladins

Mots baladins, venez enflammer mon ouvrage.
Composez un sonnet de fiers alexandrins.
Formez des rangs serrés, assemblés en quatrains
Dont l’ardente gaieté chassera les nuages.

Étouffez mon ennui dans la beauté sauvage
De vos sons réunis en chatoyant refrain
Afin d’anéantir le ténébreux chagrin,
Tapi dans la blancheur de ma timide page.

Sous vos lettres pétries d’exquises voluptés,
Enterrez prestement l’amère cruauté
De l’âpre quotidien dépourvu de tendresse.

Enchantez mon esprit de vos vers délicieux
Pour noyer le faisceau de douleurs qui m’oppressent
Dans l’espoir torrentiel d’un avenir radieux.

Fleur d’évasion

Fée électricité
Aile brûlée
Soif attisée
Désir inversé

Lumière incendiaire
Image d’hier
Hiver amer
Le printemps bourgeonne
Fleur de frisson

À tâtons
La vie palpite
Le vent d’avant
Se précipite
Aux portes du désir

Éclat de joie
Rire salace
Place à l’été
Lait de pureté
À l’heure du thé

Hâter la fin
Du doute aride
Sécher la peur
De la mort livide
Parfum de déraison
Désir liquide
Fleur d’évasion

Sève nouvelle

Fleur de soupçon
Pluie de glaçons
Cœur à l’étroit
Griffe d’effroi

La joie s’effrite
Triche du sort
En avant toute !
Le vent devant
Les larmes coulent
Goutte à goutte
Amour en friche
La vie s’écroule
Envies envolées
Vide évident

Ève s’éveille
Sève nouvelle
L’hiver s’achève
Frêle bourgeon
Sourire et frisson
Des corps à l’unisson

31.7.08

Bouquet de haïkus

Oiseau d'acier
Un œuf tombé du ciel
Tue trois cents innocents,
L'oiseau était d'acier.


Amour éternel
Un vieux couple d'amants
Au sourire édenté,
Mais aujourd'hui ils pleurent.


Tonnerre
Un fracas violent,
L’enfant tombé sur le sol
Regarde le ciel.


Orchidée
L'orchidée sourit
Au soleil de printemps,
Enivrant parfum.


Filet du pêcheur
Filet du pêcheur
Dans la clarté de l'aurore
Nargue les poissons.



Soleil matinal
Soleil matinal
Accompagne le pêcheur,
Le silence est d'or.


Solitude à deux
Solitude à deux,
Agitation éphémère,
Nos corps inconnus.


Pêcheur de soleil
Pêcheur de soleil,
De ton filet minuscule
Les rayons s'envolent.


Mouche au soleil
Rayon de soleil,
Tu taquines le poisson,
Réveilles la mouche.


Libellule
Vive libellule,
N'approche pas du filet
Tes pattes minuscules.


Poète maudit
Poète maudit,
Laisse tomber ton stylo,
Ouvre la fenêtre.


Crise de foi
Tant pis pour la ligne,
Contre la crise de foi,
Les chocolats de Pâques.


Réveil félin
Mon chat se réveille.
Il manifeste sa faim.
Qu'il mange des mouches !


Poissons moqueurs
Le soleil brûlant
Affaiblit le vieux pêcheur,
Risée des poissons.


Papillon matinal
Brise du matin
Entraîne le papillon
Vers la fleur lointaine.


La danse de l’orge
Courbés par le vent,
Les épis d'orge enflammés
Dansent sur ma peau.


Barbe d’orge
Barbe d'orge blond
Offerte aux doigts du soleil
Frémit sous le vent.


Nature emprisonnée
Lumière rosée,
Végétation prisonnière
D'étranges barreaux.


Gourmandise d’ablette
Moustique sanglant,
Amuse-gueule d'ablette,
Quitte la rivière.


L’ombre d’un nuage
L'ombre d'un nuage
Dans le soleil de printemps
Sourit au marcheur.


Après trois verres
Après trois verres,
Ma moitié voit double
Et coupe les cheveux en quatre.


Tête au carré
J’ai fait une tête au carré
Au tiers
Qui matait ma moitié.


Rire jaune
Quand tu ris jaune,
Je vois rouge
Avant de broyer du noir.


Boire un demi
Boire un demi,
Voir double,
Manger comme quatre.


À Ikou

À Ikou, on cloue.
À Ikea, on boit.
À Igloo, on se noie.


Duel franco-japonais
Duel franco-japonais :
Pistolet à six coups
Contre sushi pas frais.


Sashimi

Sache ami
Que le sashimi
Sèche vite ici.

30.6.08

Voluptés féminines

Sous la tiède clarté du soleil matinal
Qui danse tendrement sur ses mèches rebelles,
Sylphide offre son corps parfumé de cannelle
Aux mains de son amante au regard de cristal.

Sur sa peau satinée à l’éclat virginal,
La belle Nathalie sème une fleur nouvelle,
Née de sa bouche ardente aux lèvres de dentelle,
Qui récolte les fruits de leur trouble infernal.

Dans un déferlement de frissons incendiaires,
Éclos dans leur berceau d’étreintes singulières,
Leur fièvre se déverse en torrent de plaisirs.

Grisées par la passion de leur union sublime,
Les deux femmes comblées, au lieu de s’endormir,
Façonnent un jardin de voluptés intimes.

Mots brûlants

Mes phrases endiablées, enveloppées de flammes,
Exaltent la fureur de mes papillons noirs,
Afin que, ballottée sur le fil du rasoir,
Je compose des vers pétris de mélodrames.

Dans la nuit barbelée où les ténèbres trament
Un piège silencieux pour noyer mon espoir
Dans un bourbeux marais au parfum d’encensoir,
J’écris des mots brûlants qui calcinent mon âme.

Mes poèmes sanglants ravagent mon esprit,
Si bien que ma mémoire éclate en vains débris
De solitude armée, qui maculent ma page.

Le faisceau cristallin de mes cinglants quatrains
Creuse un gouffre d’effroi dans l’obscur marécage
De mon cœur envahi d’un insidieux chagrin.

Vieillard diabolique

Pour faire un vieillard diabolique,
Faites bouillir du jus de chique.
Jetez-y quelques gousses d’ail,
Le chapeau d’un épouvantail,
La queue d’une vache normande,
De la fleur de sel de Guérande,
De longs piquants de hérisson.
Saupoudrez de vieilles chansons.
Ajoutez de l’alcool de prune,
La photo d’une femme brune,
Les caprices d’un garnement.
Consommez-le modérément.

Fille unique échange

Je suis fille unique, j’échange mes après-midi solitaires entre le frigo et la télé, les parties de cartes où je jonglais avec quatre jeux ;
J’échange mes farces téléphoniques perpétuelles qui n’amusaient que moi, les gâteaux préparés par moi seule et mangés seule – mes parents ne sont même pas gourmands ;
J’échange mes lectures interminables, mes rêveries silencieuses et la vie que je m’inventais ;
J’échange mes tristesses inavouées et mes questions sans réponse sur Dieu, l’avenir ou la science ;
J’échange mon foyer déserté, mes parents toujours au travail, ma famille éloignée, dispersée dans toutes les régions de France, les animaux qu’on n’a jamais eus parce qu’il aurait fallu s’en occuper ;
J’échange mes vaines demandes de tendresse, les rares repas partagés avec mes parents entre le journal télé et le film, en silence, pour ne pas déranger ;
J’échange mon enfance facile et ma violence étouffée contre une vie plus animée, des rires et des pleurs, des enfants qui se chamaillent, des frères et des sœurs pour hier et pour demain ;
J’échange.

23.6.08

Téléphone portable

Tristement enfermé du matin jusqu’au soir
Dans l’affreux sac à main d’une espèce de dingue
Qui me laisse tomber pour un fixe cradingue,
Aux cris assourdissants, vexé, je broie du noir.

Coincé entre un briquet et un crasseux mouchoir,
Dans mon étui glacé où l’ennui me déglingue,
J’attends l’heure bénie de quitter le burlingue
Pendant qu’elle s’active à son turbin rasoir.

En rentrant au bercail, baladé dans Paname,
Au milieu des klaxons, je sonne à fendre l’âme
Pour que la fille, émue, murmure à mon micro.

Dans la nuit silencieuse où les ombres frissonnent,
Posé sur le buffet, je chambre un vieux blaireau,
Un téléphone à fil prochainement aphone.

Daronne en fête

Le lardon innocent offre un collier de nouilles
À sa daronne usée par ses quatre moutards
Dont les cadeaux pourris encombrent les placards,
Si bien qu’elle maudit l’école des fripouilles.

Pendant qu’elle s’active à faire la tambouille
Sous l’œil de son mari cassé par un pétard,
Une envie d’étriper ce venimeux tocard,
Radin comme pas deux, brusquement, la chatouille.

Le clébard, bousculé par l’aîné des têtards,
Riposte en esquintant la paluche du gnard
Qui pousse sur-le-champ un hurlement de trouille.

La mère, exaspérée, se console au pinard
En rêvant de virer les sinistres andouilles
Qui, depuis des années, lui délestent les fouilles.

Mon parrain

Dans mes souvenirs, mon parrain, c’est un parfum étonnant, mélange d’odeurs de tabac et d’herbe coupée, un regard pénétrant et rieur, une émotion prête à s’exprimer mais retenue par habitude et par pudeur.
Mon parrain, cet homme distant et attentif à la fois, m’a toujours fascinée. C’est le compagnon de jeu de mon enfance, le grand frère que je n’ai jamais eu, mon confident, le membre de ma famille le plus proche de moi après mon père et ma mère dont il ne possédait pas l’autorité parentale qui bride les élans.
C’est l’homme qui m’a fait découvrir les plaisirs de la campagne tranquillement, au rythme de la respiration de la nature pendant que mes parents menaient une vie trépidante de parisiens débordés par les tâches quotidiennes.
C’est celui qui m’a conseillée patiemment au cours de longues parties de pêche en barque silencieuses et intimes sur la Saône dorée par le soleil.
C’est aussi celui qui m’a appris à reconnaître les arbres en fonction de leur silhouette, de leur écorce, de leurs feuilles, à distinguer un chêne majestueux d’un bouleau élancé. Nous avons passé de longues heures en harmonie avec la nature, à l’écouter et à la respirer en silence, apaisés par sa beauté simple.
Mon parrain, c’est aussi l’homme des pommes de terre cuites sur la braise et mangées très vite entre deux séances de débroussaillement dans la petite forêt familiale.
C’est le dévoreur de bandes dessinées bon marché, des histoires de cow-boys qui ravissaient la gamine de dix ans que j’étais.
Mon parrain, c’est l’homme qui vivait encore chez sa mère, ma grand-mère, à trente ans, sans responsabilité familiale, ce qui favorisait notre complicité de l’époque.
Mon parrain, c’est malheureusement l’homme qui s’est laissé mourir d’ennui dans le petit château de sa femme, situé sur leur exploitation agricole sans que personne ne comprenne sa souffrance. C’est l’homme que je regrette d’avoir perdu deux fois, par son mariage puis par sa mort il y a quinze ans.

Je me souviens de ces vêtements

Je me souviens de la détestable robe rouge et des chaussures vernies blanches que mes parents me forçaient à porter pour les grandes occasions familiales.
Je me souviens du blouson en cuir à l’odeur animale, tiède, si lourd qu’il me rendait invincible, comme si je portais une armure.
Je me souviens de la magnifique montre bleue reçue à Noël de la part de mon amie à qui j’ai simultanément offert la même par hasard.
Je me souviens des chaussures en cuir vert, énormes et très confortables, qui attiraient tous les regards.
Je me souviens du grand imperméable noir informe acheté aux Puces de Saint-Ouen et qui me donnait une allure sinistre dont je raffolais.
Je me souviens du tailleur gris sage acheté pour passer des entretiens d’embauche et que je n’ai plus jamais porté par la suite.
Je me souviens de la gourmette en argent gravée à mon prénom offerte par mon parrain décédé depuis et que j’ai fièrement arborée jusqu’à ce qu’elle se brise.
Je me souviens des gants en cuir marron de ma mère qu’elle m’a donnés, cadeau luxueux symbolisant mon entrée dans le monde des adultes.
Je me souviens de la collection de vestes farfelues aux couleurs impensables achetées sur des coups de tête et rarement portées.
Je me souviens du pull tricoté par ma mère, noir et gris, si épais qu’il occupe un rayon entier de ma commode et qu’il m’est impossible de mettre un blouson par-dessus.
Je me souviens de ma première paire de lunettes, une monture ronde en plastique, véritable punition pour l’enfant pétulante de six ans que j’étais.

16.6.08

Univers mourant

Qu’importe la douceur de l’automne gracieux
Qui déverse un bouquet de fragrances boisées
Dans l’air tiède envahi de nuées irisées
Dont l’élégant ballet illumine les yeux !

Qu’importe la gaieté de l’océan radieux,
Bercé par le zéphyr dont l’haleine prisée
Caresse tendrement sa surface apaisée
Sous la douce clarté d’un soleil malicieux !

Pendant que le canon efface la lumière
De l’horizon gorgé d’espérance incendiaire,
La nature blessée s’effondre sous les pas.

L’humanité répand un implacable fleuve
De sang sur l’univers dont le prochain trépas
Se prépare aujourd’hui dans un creuset d’épreuves.

Regrets aphones

Tout s’emmêle aujourd’hui au fond de mon esprit,
Nos rires partagés en plein cœur de Paname,
Tes lâches tromperies, prophètes de nos drames,
Nos plaisirs entachés des échos de tes cris.

Les cuisantes douleurs de mon âme en débris
Jettent mes souvenirs dans les sournoises flammes
De ton regard cruel quand ton départ infâme
M’a laissée apeurée au seuil d’un futur gris.

Dans le silence amer de mes nuits solitaires,
J’affronte le faisceau de soupçons délétères,
Dont les griffes glacées lacèrent mon espoir.

Aux portes du matin, épuisée, j’abandonne
Ma mémoire à l’oubli dont le sanglant rasoir
Déchire notre amour en vains regrets aphones.

Elle

Ton regard plaide ta patience.
Ton sourire révèle le croisement de l’espace et du temps.
Je te vois, ostensoir de mon cœur,
Immobile dans le temple désert.

Tu palpites dans les pâles ténèbres du crépuscule,
Plus légère que le jour naissant.
Déguisée en cigale,
Tu pactises avec le soleil.

Tu déchiffres le murmure du torrent.
Le rossignol chante ta gloire.
Des branches les plus basses aux feuilles trouant le ciel,
Les arbres frissonnent sur ton passage.

Tu exaltes l’innocence du matin
Soûlé de lumière incendiaire.
Le soir dépose ses orages à tes pieds.
Tu sculptes le labyrinthe de ma joie.

Réconfort familial

Il y allait tous les jours à l’aube, tous les matins du mois de janvier. Il se levait plus tôt qu’avant, s’habillait précipitamment dans l’obscurité, avec une économie de gestes efficaces, en prenant soin de n’éveiller personne.
Sa mère vivait à l’autre bout du village, dans une petite maison mal chauffée, isolée, seule, trop seule depuis la mort de son mari, l’année précédente.
C’est là que les ennuis ont vraiment commencé. Elle se consumait, fatiguée de sa vie monotone, encombrante et inutile, si bien qu’il a fallu l’hospitaliser pendant près d’un mois.
Revenue au village, elle était transformée, pas vraiment heureuse, mais apaisée.
L’âge ne fait rien, il serait le bâton de vieillesse de celle qui lui avait tout appris, tout donné.
Elle attendait ses visites dans ses longues journées d’ennui en compagnie du silence déchiré par les coups de l’horloge à intervalles réguliers.
Elle venait d’avoir soixante-dix ans. Le jour de son anniversaire, elle avait mis sa robe à carreaux et lui souriait sur le perron, les yeux gonflés de tendresse. Une bouffée d’émotion lui submergeant le cœur, il l’a prise dans ses bras, et c’est à ce moment qu’il a décidé qu’elle vivrait désormais chez lui.