2.1.19

Vagues de cristal

Reine de mes frissons, aux ongles de métal,
La flamme de tes yeux en silence me guide
Vers le berceau soyeux de tes désirs liquides,
Où ma main entreprend un ballet estival.

Mystérieuse princesse au charme sidéral,
Je cueille sur ton ventre une gerbe splendide
De baisers insolents dont la saveur limpide
Nous conduit vers le cœur d’un charnel festival.

Déesse de mes nuits, à la tendresse avide,
Tu mènes savamment notre étreinte intrépide
Jusqu’aux premiers rayons du soleil matinal.

Étoile de mes joies, aux formes de sylphide,
Tu diriges nos corps sur le torrent spiral
Du plaisir qui déferle en vagues de cristal.

Étreinte funèbre

Dans le fond de mon cœur infesté par l’ennui
Se terre un spectre noir à la mine sévère,
Qui creuse la douleur de ma vie solitaire
En hurlant des refrains dont l’écho me poursuit.

Ton visage m’échappe au fil des froides nuits
Où l’effrayant silence invente des mystères
Afin d’anéantir le souvenir polaire
De ta lente agonie, qui me hante aujourd’hui.

Sourdement enfermée dans mon chagrin immense,
Je traverse les jours pétris de ton absence
En rêvant de serrer ton corps entre mes mains.

Aux portes du néant, quand la lune s’envole,
Mon amour me conduit sur le secret chemin
Où nous nous retrouvons pour une étreinte folle.

Destin d’araignée

Araignée du matin,
Un en-cas pour la faim
De la poule au jardin.

Araignée du midi,
L’alerte lézard gris
Accourt. Bon appétit !

Sur l’araignée du soir,
Qui franchit le couloir,
Se jette le chat noir.

Reptile, mammifère,
Chaque animal sur terre
Veut faire bonne chère.
L’araignée doit s’y faire.

Horreur intime

Une araignée agile en robe de velours
Tisse dans mon cerveau une toile perfide,
Où l’ange de l’horreur aux mots de fiel préside
À l’élaboration de mes sombres discours.

Un rapace tournoie la nuit comme le jour
Dans mon cœur tourmenté, que ses griffes putrides
Déchirent en lambeaux, qu’il jette dans le vide,
Où le diable engloutit ce festin de vautour.

Quand vient le soir, un monstre à la mâchoire avide
Dessine sur mon front une invite au suicide
Avec ses mains crochues, brûlantes comme un four.

Un écheveau de vers lourds de sang se dévide
Dans ma gorge, où se noient mes appels au secours,
Tandis qu’à mon chevet, un nain joue du tambour.

Visage oblong

Sur son visage oblong qu'un soleil monotone
Éclaire doucement d'un rayon langoureux,
J'aperçois un rivage au sable chaleureux
Que caresse un zéphyr aux portes de l'automne.

Je devine un pays où des chansons résonnent,
Accordées à la joie des jeunes amoureux
Échangeant à mi-voix des serments liquoreux
Sous des arbres charmants dont les branchent frissonnent.

Plongée dans les reflets du lac de son regard,
Je me mêle au ballet des fleurs de nénuphar
Assemblées en tableau aux couleurs éclatantes.

Guidée par son parfum attisant mon désir,
Je cueille des baisers sur sa lèvre tremblante
Dont le tendre velours embrase l'avenir.

1.5.16

Fleur de désir

Une palpitation.
Poser son regard sur une feuille de hêtre.
Racine d’un souvenir.
Le souffle s’amplifie.
L’ombre s’estompe.
Écho d’un chant de rossignol.
Devant, l’avenir palpite
À portée d’espoir.
Derrière le démon s’accroche.
Un pas devant, un pas derrière.
Indécision épuisante.
Écartèlement entre la vie et la mort.
Dans le brouillard,
Guetter une lueur.
Le bonheur tient à un fil,
Celui de la tendresse.
Un sourire amical suffit
Pour que la joie triomphe
Dans la lumière d’un futur bienveillant.

Éloge de la beauté

À l'orée du grand bois, les bouleaux et les chênes
Étirent leur feuillage en soyeux étendard
Ondulant dans le vent pour charmer le regard
De la fée des forêts, Diane, qui se promène.

Pour louer sa beauté, les gais pinsons égrènent
Un concerto troublant de trilles babillards
Pendant que le soleil éloigne le brouillard
Afin de caresser sa peau de porcelaine.

Fascinée par l'éclat de son rire charmant,
La rivière s'épanche en vagues de diamants
Qui déversent leurs feux dans les yeux de la belle.

Le muguet, le jasmin, exaltant leurs couleurs,
Composent un tableau pour que la demoiselle,
Émue par leur splendeur, succombe à leurs senteurs.

1.10.15

Fragments de joie

Dans les pages d’un livre
Un conte fantastique
Allume un souvenir soyeux
Au parfum d’enfance

Dans une tablette de chocolat
La saveur d’un goûter
Au bord de la rivière
Après une joyeuse partie de pêche

Dans les accords d’une chanson
Le visage souriant
D’un ami disparu
Qui revient semer sa gaieté

Dans une lettre jaunie
Les mots tendres
Rappellent un rendez-vous
Gorgé de volupté

Dans le velours de la nuit
Voix veloutées à la radio
En un canevas de vies
Brillantes d’espérance

Magicien maladroit

Avec sa baguette en carton,
Le magicien se désespère
Quand apparaît une panthère
Vêtue d’un tee-shirt en coton.

Au lieu d’un lapin magnifique,
Paré d’un beau pelage blanc,
Il voit surgir un éperlan
Dans une bassine en plastique.

Alors qu’il invoque son art
Pour que jaillisse une colombe,
Sous son regard ahuri tombe
Une kyrielle de lézards.

Pour compenser sa série noire,
Il veut former un arc-en-ciel,
Mais un ouragan démentiel
Le propulse dans un grimoire.

Mots de soie

Mots de soie
Ma caresse
Ma joie
Ma respiration

Sur la solitude de la nuit
Un pont de tendresse
Vers toi
Là-bas
À perte de vue
À portée de partage

Un éclat d’étoile
Vers le soleil du matin
Un souffle
Vers la nature qui s’éveille
Un sourire
Pour un jour à inventer

29.9.15

Nuit de velours

La nuit déroule son manteau de velours
Sur ses enfants écorchés
Par les lames du jour.
Elle ouvre ses mains patientes
Aux êtres égarés dans le dédale
De l’indifférence quotidienne.
Elle accompagne le poète
Dans son voyage silencieux
Vers un lendemain vierge de blessures.
Dans l’âme du solitaire,
Elle allume ses feux complices,
Ses phares et ses canots.
Aux cœurs blessés,
Elle offre un berceau familier,
Habillé d’étoiles,
À l’abri du naufrage.
De son souffle immaculé,
Venu des hautes mers,
Elle efface les doutes.
Dans l’humilité de la nuit,
Demain se voile d’une douceur
Propice à égayer le chemin
De l’homme qui s’assoupit.

Temps puissant

Le temps enchaîne les saisons,
Régit le noir et la lumière.
Il dépose dans les maisons
De fines couches de poussière.
Il nous fait ouvrir les paupières
Quand il accroche à l’horizon
Le soleil avec sa foison
De rais à la gaieté princière.

Le temps inscrit dans les mémoires
Des souvenirs au goût sucré.
Il élabore notre histoire
Avec des tableaux colorés.
Il file avant de perdurer
En emportant nos idées noires
Vers un mystérieux territoire
Afin de les y enterrer.

Issue fatale

Seul avec ses penséeS,
Il attend sans savoir quoI.
Le temps s’écoule, crueL,
En boucles de tristessE.
Ni sa femme ni son gamiN
Câlin ne le consolent de son écheC.
Est-ce qu’il doit prendre la fuitE ?

Suicide aux barbituriqueS,
Issue de son ennuI ?
La grisaille du cieL
Embrouille sa consciencE.
N’importe quelle fiN !
Crie son cœur seC.
En terminer avec la viE !

Silence lourd

Silence lourd
Si lance lâche
Silence fâche
Six danses si denses
Corps balancent en cadence
Espérance, demain
S’il fait beau, partie de pêche ?
Silence rêche
Cils en sel et rire au miel
Rendez-vous accepté
En vélo vers la vallée
Bile en selle
Silence glacé
Pensées sens dessus dessous
Du désir à la déraison
Non-sens à foison
Espoir déçu
Crâne brisé
Sang poisseux partout
Rêve à vau-l’eau
Mort lovée dans le silence
Cadavre dans le silo
Aveux ravalés
Avenir dévasté,
Lourd de silence

22.9.15

Prière au silence

Silence, viens chasser les rires de bonheur,
Les discours incessants, les sanglots de souffrance,
Le chant des rossignols, les refrains de l’enfance.
De ton aile soyeuse, éloigne la rumeur.

Silence, viens poser ton voile sur mon cœur.
Efface les serments condamnés par avance.
Engloutis les chansons, la musique de danse,
Dans le puits du néant, où tout écho se meurt.

Silence, viens gommer les cris de ma démence.
Immole les soupirs, les tendres confidences,
Sur l’autel de l’oubli, pour endiguer mes pleurs.

Silence, viens m’offrir la tiède délivrance
De tes mains habillées d’un calme protecteur,
Afin que je renaisse au creux de leur douceur.

Silence bienveillant

Silence, ami de la nature,
Dans l’abri que tu formes
Avec ta complice, la nuit,
La campagne se repose,
Pour que chaque matin
Rejaillisse la vie.

Silence, ange de réconfort,
De ta main de velours,
Tu effaces les cris,
Tu chasses les trahisons,
Tu éteins les colères.

Silence, mentor du solitaire,
Orfèvre de l’espoir,
Dans ton voile de blancheur
Se nichent les mots possibles
D’un bonheur prochain.

Deuil sinistre

Ciel voilé,
Bise cinglante.
Il marche,
Le regard vers le sol.
Chaque arbre, chaque pierre,
La nature entière
Lui parle d’elle,
Sa femme, morte
Aux portes
De l’été.
Il se tait.
Les pluies de l’automne
Ont imprégné ses pleurs.
Les neiges de l’hiver
Ont épaissi l’absence.
Le printemps approche
Pour les autres.
Le soleil lui fait mal.
Demain l’horrifie.

La fleuriste

La fleuriste aux cheveux châtains,
Dressée dans son floral empire,
Assemble des gerbes de rire
Qu’elle égrène dès le matin.
 
Elle conseille avec chaleur
Les jeunes amoureux timides.
De ses mains aux gestes rapides,
Elle fait danser les couleurs.
 
Elle compose des bouquets
Où trône l’orchidée royale
Dont les magnifiques pétales
Se drapent d’un velours coquet.
 
Elle marie l’œillet soyeux
Au lys à la robe éclatante
Dans des compositions charmantes
Gorgées de parfums délicieux.

15.9.15

Entre mon sommeil et mes songes

Entre mon sommeil et mes songes
Passe une rivière soyeuse.
Pour composer mes vers, je plonge
Souvent dans ses eaux silencieuses.

Entre les douleurs que j’invente
Et celles que vis vraiment,
Je me perds inlassablement.
Je me sens devenir démente.

Les lecteurs qui se reconnaissent
Dans mes alexandrins m’acclament.
S’ils savaient que je crée mes drames,
Ils me renieraient en vitesse.

Je mêle au creux de mes poèmes
Le réel et mes inventions,
Que j’enrichis de la passion
Germée dans mon cœur de bohème.

Dans le berceau de l’écriture

J’ai quitté ton jardin
Pour goûter d’autres vertiges.
J’ai troqué tes exigences
Contre une foison d’expériences.
J’ai vécu ailleurs, bien ou mal.
Je reviens, mâle, certes.
Suis-je meilleur ?
Tu en jugeras, experte.
Tu es mon phare, tu es mon ancre.
Je suis ta plume, parfois ta flèche.
Nous soignerons nos blessures
Dans le berceau de l’écriture.
Sur les cendres de mon absence,
Bâtissons un bonheur immense.

8.9.15

Cerf-volant de l’espérance

Pour me libérer de ta loi,
J’ai cherché de nouvelles joies.
J’ai voulu oublier ta voix,
Mais mon cœur me parlait de toi.

De ton départ, qu’ai-je compris ?
Quelle est la leçon de la vie ?
Voguons au gré de nos envies.
Qu’importe si les autres fuient.

Homme ou femme, quelle importance ?
Au-delà de ces différences,
Au bord de l’horizon s’avance
Le cerf-volant de l’espérance.

Regarde-le, il te propose
De l’accompagner si tu l’oses.

Concert animé

En jetant au public des regards de dément,
Le guitariste égrène un chapelet de notes,
Tandis que le chanteur sec comme biscotte
Achève le refrain sur un rugissement.

Derrière eux, le pianiste effleure mollement
Les touches du clavier de ses mains qui tremblotent,
Sous l’œil du manager, un géant, qui sirote
Une bière mousseuse avec un air gourmand.

Un videur affublé d’un berger allemand
Bouscule un importun, qui, dans un grognement,
S’enfuit vers le comptoir, pour vomir sur ses bottes.

Déchaîné, le bassiste ôte ses vêtements,
Qu’il lance en grimaçant aux groupies qui gigotent,
Pendant que le batteur, seul dans son coin, sanglote.