7.9.10

Univers cérébral

Autrefois je pensais pendant mon temps libre et mon activité cérébrale était entravée par les contraintes quotidiennes de la vie familiale et professionnelle. Les journées au bureau, l’enchaînement des repas, les discussions avec ma femme, les cris de mes enfants, les appels téléphoniques de nos amis, les factures à régler, les tâches administratives, les courses dans les grands magasins freinaient mon esprit. Les meubles, les objets familiers, les couleurs réduisaient le champ de mes abstractions.
Progressivement j’ai fait le ménage dans ma vie, j’ai élagué le superflu. J’ai quitté mon travail, je me suis séparé de ma femme, j’ai cessé de voir mes enfants et mes amis. J’ai pris un nouvel appartement, petit et neuf. Je l’ai que très peu meublé, j’ai limité mon environnement à l’essentiel. Je suis resté seul avec moi-même et mes pensées, enfin libéré de la pollution extérieure.
Mon esprit s’est affiné, mes pensées se sont aiguisées. Mais j’ai rapidement compris que je devais m’alléger davantage. Aujourd’hui, je suis délivré de tout brouillage. Je vis à l’hôpital psychiatrique dans une chambre blanche aux murs blancs. Mon décor se résume à un lit, une table de chevet et une fenêtre. Un silence absolu m’accompagne. Je ne reçois pour visiteurs que des infirmiers vêtus de blanc, taciturnes et pressés, pourvoyeurs de comprimés blancs, fades et impuissants à museler mon cerveau.
Désormais, dans cet espace aseptisé et exempt de toute aspérité, je jouis d’une liberté de pensée absolue. Mon corps et mon esprit fusionnent enfin au plus profond de moi-même, au centre de l’univers.