Depuis longtemps, elle entendait mal. Un AVC lui a ôté la parole. Ses derniers mois furent un calvaire revêtu de silence. De temps en temps, elle parvenait à articuler quelques mots, que je ne comprenais pas toujours. À l’approche de la mort, elle s’est tournée vers Dieu. Elle le suppliait, elle priait, quand elle pouvait s’exprimer, au prix d’immenses efforts. Les yeux de ma mère étaient emplis de silence liquide. Ses pas laborieux d’invalide pesaient de silence douloureux. Mes gestes d’affection, mes caresses, étaient empreints de silence impuissant.
Elle est morte en silence. La sirène du SAMU et l’équipe médicale d’urgence ont fait beaucoup de bruit. Ma mère est partie en cendres silencieuses.
Je garde au cœur une brûlure incurable. Le Dieu de ma mère ne me parle pas. Je crois qu’il n’est qu’un mirage. Le silence m’a envahie. Je respire un air lourd de silence. Mes veines charrient un sang poisseux de silence. Mon esprit erre dans un labyrinthe de silence épais. C’est là que j’ai rendez-vous avec ma mère. Elle fixe sur moi ses yeux tristes et silencieux. Désormais, je vis en silence.
Un jour, ma voix s’éteindra complètement et la voie du silence m’emmènera rejoindre ma mère, dans le silence définitif.