Quelle époque déraisonnable ! À Lyon, une association se charge d’accompagner les morts délaissés jusqu’à leur dernière demeure, le carré des indigents. Quatre ou cinq bénévoles munis de bonnes intentions et d’un chrysanthème rabougri conduisent au cimetière un quidam arrivé au terme d’une vie probablement triste et solitaire. Reconnaissons le mérite de leur imagination pour la rédaction de l’éloge funèbre, brève et pathétique, d’un parfait inconnu. Le pauvre bougre n’avait pas bénéficié de tels élans humains depuis longtemps. Dommage qu’il ne puisse assister à son enterrement ! Pour une fois qu’on lui prête de l’attention ! Quelle drôle de société, où il faut attendre la mort pour recevoir des témoignages d’amitié.
De son vivant, le pauvre solitaire se heurte à des murs d’indifférence et les maigres moyens d’associations de type S.O.S., avec leur assistance téléphonique dérisoire sont une bien piètre consolation.
Si seulement ces bénévoles rendaient visite aux esseulés plutôt que d’offrir leur compagnie à des morts… qui s’en fichent, désormais, c’est trop tard pour eux !