Bonjour, je me prénomme Blanche. D’ailleurs, tout est blanc chez nous. Il faut dire que je suis le fruit d’un mariage blanc à l’origine, mais mes parents se sont heureusement ravisés lors d’un voyage dans le massif du Mont-Blanc. J’habite une maison toute blanche à Villeblanche. Tant mieux ! les autres couleurs me font mal aux yeux.
Plus tard, je serai infirmière. Je porterai une blouse blanche, je travaillerai dans un hôpital aux murs blancs, je soignerai des malades au teint blanchâtre, allongés dans des draps blancs. Le noir est la teinte de la mort.
Je me nourris exclusivement d’aliments blancs. Le matin, je prends du pain blanc avec un bol de thé blanc et du jambon blanc. Au déjeuner, je déguste des blancs d’œuf, du boudin blanc, des haricots blancs et du fromage blanc, le tout arrosé de vin blanc. Le dimanche à midi, après un Martini blanc en apéritif, je savoure un tartare de thon blanc en entrée, une blanquette accompagnée de riz blanc en plat principal, puis un blanc-manger en dessert. Le soir, je dîne légèrement, du blanc de poulet, des carottes à la sauce blanche et deux carrés de chocolat blanc.
Une coupe de blanc de blanc égaie mes nuits blanches. Ma mère me donne carte blanche pour sortir. Elle ne se fait pas de cheveux blancs. Elle sait que je ne touche pas à la blanche et qu’en voiture, je ne franchis jamais la ligne blanche.
Toutes les deux, on se parle franchement, en se regardant dans le blanc des yeux. Hier, quand je lui ai fait remarquer qu’elle était blanche comme un linge, elle ma avoué qu’elle avait mangé son pain blanc depuis longtemps. Mon père est un escroc, il a saigné ma mère à blanc avant de s’acoquiner avec un blanc-bec pour une affaire de blanchiment d’argent.
C’est pourquoi elle broie du noir et je me fais un sang d’encre.