10.1.10

Poète éternel

L’enfant gazouille. Papa, maman. Quel bonheur ! Quel génie ! Qu’il est précoce.
Il grandit. Il dit sa souffrance. Ses phrases poissent les adultes, comme une bouillie écœurante. Ton fils est capricieux et fabulateur, qu’il se taise ! Les monstres s’étouffent quand on les ignore, tandis que le verbe leur donne chair. Le temps efface les horreurs cachées.
L’adolescent erre dans ses turbulences. Qu’il aille en pension ! Ses blessures mêlées à celles de ses compagnons forment un marécage où il patauge en silence.
L’adulte, enfermé dans la douleur de ses obsessions, se dessèche. Comment ! Vous n’êtes pas en analyse ? Mais c’est indispensable, voyons, c’est le prix du bonheur ! Après avoir gaspillé sa jeunesse pour apprendre à se taire, il dépense son argent et son temps pour acheter l’écoute d’un professionnel, soixante euros contre trente minutes de hochements de tête compréhensifs. Qu’en retire-t-il ? Une oreille amicale et de la compassion gratuite constituent une thérapie bien plus efficace que toutes les psychanalyses et psy-choses du monde. N’achetez pas de psy-chose pour guérir votre psychose !
Entrez en poésie. Le poète est maître de ses mots, de ses silences, de son destin. Il exprime ses souffrances et ses joies avec ses propres vocables, sans limite. Il n’a rien à prouver, sa vie justifie par avance ses écrits. La poésie désamorce l’horreur, elle autorise l’excès. Elle transcende la société des convenances. Elle ouvre un espace de liberté pour communiquer de cœur à cœur, au-delà des codes. La poésie magnifie l’homme et lui offre un chemin vers l’éternité.